TU ES PIERRE ET SUR CETTE PIERRE JE BÂTIRAI MON EGLISE

 

 

 

ECCLESIA IN ASIA

EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE DU PAPE
JEAN-PAUL II

SUR JÉSUS CHRIST, LE SAUVEUR,
ET SA MISSION D'AMOUR ET DE SERVICE EN ASIE :
« ... POUR QU'ILS AIENT LA VIE,
ET QU'ILS L'AIENT EN ABONDANCE » (Jn 10,10)

AUX ÉVÊQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS

INTRODUCTION

·     Les merveilles du plan de Dieu en Asie

1.      L'Église en Asie chante les louanges du « Dieu de notre salut » (Ps 68 [67], 20) parce qu'il a choisi de commencer son plan de salut en terre asiatique, à travers des hommes et des femmes de ce continent. C'est en effet en Asie que Dieu révéla et accomplit son dessein de salut depuis les origines. Il guida les patriarches (cf. Gn 12) et appela Moïse pour conduire son peuple à la liberté (cf. Ex 3, 10). Il parla à son peuple, celui qu'il avait choisi, à travers beaucoup de prophètes, de juges, de rois et de vaillantes femmes de foi. A « la plénitude du temps » (Ga 4, 4), il envoya son Fils unique, Jésus Christ le Sauveur, qui prit chair en tant qu'asiatique. Se réjouissant de la bonté des peuples du continent, de ses cultures et de sa vitalité religieuse, et consciente en même temps du don unique de la foi qu'elle reçut pour le bien de tous, l'Église en Asie ne peut cesser de proclamer : « Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, éternel est son amour » (Ps 118 [117], 1).

Parce que Jésus est né, a vécu, est mort et est ressuscité des morts en Terre Sainte, cette petite portion de l'Asie de l'Ouest est devenue une terre de promesse et d'espérance pour toute l'humanité. Jésus a connu et aimé cette terre. Il a fait siennes l'histoire, les souffrances et les espérances de son peuple. Il a aimé ce peuple et adopté ses traditions et son héritage juifs. Depuis longtemps en effet, Dieu avait choisi ce peuple et s'était révélé à lui pour préparer la venue du Sauveur. Et de cette terre, par la prédication de l'Évangile dans la puissance de l'Esprit Saint, l'Église est allée de l'avant pour, « de toutes les nations, faire des disciples » (cf. Mt 28, 19). Avec l'Église répandue dans le monde entier, l'Église en Asie franchira le seuil du troisième millénaire chrétien en s'émerveillant devant tout ce que Dieu a fait depuis ces commencements jusqu'à maintenant et, forte de savoir que, « tout comme au premier millénaire la Croix fut plantée sur le sol européen, au second millénaire sur le sol américain et africain, on puisse, au troisième millénaire, recueillir une grande moisson de foi sur ce continent si vaste et si vivant » [1].

·     Contexte de l'Assemblée Spéciale

2.      Dans ma lettre apostolique Tertio millennio adveniente, j'ai établi un programme pour que l'Église accueille le troisième millénaire du christianisme, programme centré sur les défis de la nouvelle évangélisation. Une caractéristique importante de ce plan était la tenue de Synodes continentaux, de façon que les Évêques puissent poser la question de l'évangélisation en fonction de la situation particulière et des besoins de chaque continent. Cette série de Synodes, liés par le thème commun de la nouvelle évangélisation, s'est avérée une part importante de la préparation de l'Église pour le grand Jubilé de l'An 2000.

Dans la même lettre, me référant à l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, j'ai noté que dans cette partie du monde « se pose plus intensément la question de la rencontre du christianisme avec les cultures et les religions locales très anciennes. Il y a là un grand défi pour l'évangélisation, car des systèmes religieux comme le bouddhisme et l'hindouisme se présentent comme ayant un caractère clairement sotériologique » [2]. C'est en effet un mystère que le Sauveur du monde, né en Asie, soit jusqu'à maintenant demeuré largement inconnu des peuples de ce continent. Le Synode serait une occasion providentielle pour que l'Église en Asie réfléchisse davantage sur ce mystère et pour qu'elle renouvelle son engagement dans la mission de mieux faire connaître Jésus Christ à tous. Deux mois après la publication de Tertio millennio adveniente, parlant à la sixième Assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie, à Manille, aux Philippines, durant les célébrations des mémorables dixièmes Journées mondiales de la Jeunesse, j'ai rappelé aux Évêques que, « si l'Église en Asie doit accomplir son destin providentiel, alors l'évangélisation, comme une prédication joyeuse, patiente et progressive de la mort salvifique et de la résurrection de Jésus Christ, doit être une priorité absolue » [3].

La réponse positive des Évêques et des Églises particulières à la perspective d'une Assemblée synodale spéciale pour l'Asie s'est manifestée à l'évidence durant toute la phase préparatoire. Les Évêques ont communiqué leurs désirs et leurs opinions à chaque étape avec franchise, faisant preuve d'une connaissance pénétrante du continent. Ils l'ont fait dans la pleine conscience du lien de communion qu'ils partagent avec l'Église universelle. Dans la ligne de l'idée originale de Tertio millennio adveniente et suivant les propositions du conseil pré-synodal qui a examiné les avis des Évêques et des Églises particulières sur le continent asiatique, j'ai choisi comme thème du Synode: Jésus Christ, le Sauveur, et sa mission d'amour et de service en Asie : « ... pour qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10). Par cette formulation particulière du thème, j'ai souhaité que le Synode puisse « éclairer et approfondir la doctrine sur le Christ unique Médiateur entre Dieu et les hommes et unique Rédempteur du monde, en le distinguant bien des fondateurs d'autres grandes religions » [4]. Comme nous approchons du grand Jubilé, l'Église en Asie doit être capable de proclamer avec une vigueur renouvelée: Ecce natus est nobis Salvator mundi, « Aujourd'hui nous est né le Sauveur du monde »,... né en Asie !

·     La célébration de l'Assemblée spéciale

3.      Par la grâce de Dieu, l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques a eu lieu du 18 avril au 14 mai 1998 au Vatican. Elle se situait après les Assemblées spéciales pour l'Afrique (1994) et pour l'Amérique (1997), et elle a été suivie à la fin de l'année par l'Assemblée spéciale pour l'Océanie (1998). Pendant près d'un mois, les Pères synodaux et d'autres participants se réunirent autour du successeur de Pierre et partagèrent le don de la communion hiérarchique, donnant une voix et une figure concrètes à l'Église en Asie. Cela fut assurément un moment particulier de grâce ! [5] Des rencontres des Évêques d'Asie avaient auparavant contribué à préparer le Synode et à rendre possible une atmosphère d'intense communion ecclésiale et fraternelle. D'une importance particulière, à cet effet, furent les Assemblées plénières et les Séminaires qui eurent lieu sur l'initiative de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie et de ses bureaux, qui ont régulièrement rassemblé nombre d'Évêques d'Asie et favorisé entre eux le développement de liens personnels aussi bien que ministériels. J'ai eu le privilège de me rendre à certaines de ces rencontres, présidant parfois des célébrations eucharistiques solennelles d'ouverture ou de clôture. En ces occasions, j'ai pu observer directement, en la personne des Pasteurs, la rencontre dans le dialogue entre les Églises particulières, y compris les Églises orientales. Ces réunions et d'autres assemblées régionales des Évêques d'Asie ont servi providentiellement de préparation lointaine à l'Assemblée synodale.

La célébration concrète du synode lui-même a confirmé l'importance du dialogue comme un mode caractéristique de la vie de l'Église en Asie. Un partage sincère et honnête d'expériences, d'idées et de propositions a montré que c'était là la voie vers une rencontre authentique des esprits, vers une communion des intelligences et des cœurs qui, dans la charité, respecte et transcende les différences. Particulièrement émouvante fut la rencontre des nouvelles Églises avec les Églises anciennes dont les origines remontent aux Apôtres. Nous avons éprouvé la joie incomparable de voir les Évêques des Églises particulières au Myanmar, au Viêt-nam, au Laos, au Cambodge, en Mongolie, en Sibérie et dans les nouvelles Républiques d'Asie centrale, assis à côté de leurs Frères qui avaient longtemps désiré les rencontrer et dialoguer avec eux. Cependant il y avait aussi un sentiment de tristesse devant le fait que les Pasteurs de la Chine continentale ne pouvaient être présents. Leur absence était un constant rappel des sacrifices héroïques et des souffrances que l'Église continue d'endurer dans de nombreuses parties de l'Asie.

La rencontre dans le dialogue entre les Évêques et le successeur de Pierre, à qui est confiée la mission d'affermir ses frères (cf. Lc 22, 32), était vraiment une confirmation dans la foi et dans la mission. Jour après jour, la salle du Synode et les salles de réunion furent remplies de récits de foi profonde, d'amour allant jusqu'au sacrifice de soi, d'espérance inébranlable, d'engagement constant dans l'épreuve, de courage persévérant et de pardon généreux, tout cela manifestant avec éloquence la véracité des paroles de Jésus : « Je suis avec vous pour toujours » (Mt 28, 20). Le Synode fut un moment de grâce parce qu'il fut une rencontre avec le Sauveur qui continue à être présent dans son Église par la puissance de l'Esprit Saint, dont on fait l'expérience dans le dialogue fraternel de la vie, dans la communion et dans la mission.

·     Partager les fruits de l'Assemblée spéciale

4.      Par cette exhortation apostolique post-synodale, je souhaite partager avec l'Église qui est en Asie et à travers le monde les fruits de l'Assemblée spéciale. Ce document cherche à transmettre la richesse de ce grand événement spirituel de communion et de collégialité épiscopale. Le Synode fut une célébration évocatrice des racines asiatiques du christianisme. Les Pères synodaux ont fait mémoire de la première communauté chrétienne, l'Église primitive, le petit troupeau de Jésus sur cet immense continent (cf. Lc 12, 32). Ils ont rappelé ce que l'Église a reçu et entendu depuis le début (cf. Ap 3, 3) et, après en avoir fait mémoire, ils ont célébré l’« immense bonté » de Dieu (Ps 145 [144], 7), qui ne faillit jamais. Le Synode était aussi une occasion de reconnaître les anciennes traditions et civilisations religieuses, les philosophies profondes et la sagesse qui ont fait de l'Asie ce qu'elle est aujourd'hui. Par-dessus tout, il a été rappelé que les peuples de l'Asie eux-mêmes sont la vraie richesse du continent et l'espoir pour l'avenir. Pendant le Synode, ceux d'entre nous qui étaient présents furent témoins d'une rencontre extraordinairement fructueuse entre les anciennes et les nouvelles cultures et civilisations de l'Asie, merveilleuses à voir dans leurs diversités et dans leurs convergences, spécialement quand, au début et à la fin des liturgies eucharistiques, les symboles, les chants, les danses et les couleurs se réunissaient dans un accord harmonieux autour de la Table du Seigneur.

Ce ne fut pas une célébration motivée par la fierté des réalisations humaines, mais une célébration consciente de ce que le Très-Haut a fait pour l'Église en Asie (cf. Lc 1, 49). En rappelant l'humble condition de la communauté catholique et la faiblesse de ses membres, le Synode fut donc aussi un appel à la conversion, de façon que l'Église en Asie puisse devenir toujours plus digne des grâces continuellement offertes par Dieu.

          Outre une mémoire et une célébration, le Synode a été une ardente affirmation de foi en Jésus Christ le Sauveur. Reconnaissants pour le don de la foi, les Pères synodaux n'ont pas trouvé de meilleure manière de la célébrer que de l'affirmer dans son intégralité et de réfléchir sur elle en fonction du contexte dans lequel elle doit être proclamée et professée aujourd'hui en Asie. Ils ont fréquemment souligné que la foi est déjà proclamée avec confiance et courage dans le continent, même au milieu de grandes difficultés. Au nom de millions et de millions d'hommes et de femmes en Asie qui ne mettent leur confiance en personne d'autre que le Seigneur, les Pères synodaux ont proclamé : « Nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6, 69). Face aux multiples questions douloureuses que posent la souffrance, la violence, la discrimination et la pauvreté, auxquelles la majorité des peuples de l'Asie sont affrontés, ils ont prié ainsi : « Je crois ! Viens en aide à mon peu de foi ! » (Mc 9, 24).

En 1995, j'ai invité les Évêques de l'Asie rassemblés à Manille à « ouvrir toutes grandes au Christ les portes de l'Asie » [6]. S'appuyant sur le mystère de communion avec les innombrables et souvent obscurs martyrs de la foi en Asie, et confirmés dans l'espérance par la présence permanente de l'Esprit Saint, les Pères du Synode ont courageusement appelé tous les disciples du Christ en Asie à un nouvel engagement dans la mission. Pendant l'Assemblée synodale, les Évêques et les autres participants ont témoigné du caractère, de l'ardeur spirituelle et du zèle grâce auxquels l'Asie deviendra une terre qui produira une récolte abondante au cours du prochain millénaire.

CHAPITRE I

LE CONTEXTE DE L'ASIE

·     L'Asie, berceau du Christ et de l'Église

5.      L'Incarnation du Fils de Dieu, que l'Église entière commémorera solennellement pendant le grand Jubilé de l'An 2000, a eu lieu dans un contexte historique et géographique défini. Ce contexte a exercé une influence importante sur la vie et la mission du Rédempteur en tant qu'homme. « Dieu a assumé en Jésus de Nazareth les caractéristiques propres de la nature humaine, y compris l'appartenance nécessaire de l'homme à un peuple déterminé et à une terre déterminée. [...] La terre concrète, physique, et ses coordonnées géographiques ne font qu'un avec la vérité de la chair de l'homme assumée par le Verbe » [7]. En conséquence, la connaissance du monde dans lequel le Sauveur « a habité parmi nous » (Jn 1, 14) est une clé importante pour une compréhension plus précise du dessein du Père éternel et de l'immensité de son amour pour chaque créature: « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16).

Pareillement, l'Église vit et remplit sa mission dans des circonstances concrètes de temps et de lieu. Une conscience aiguë des réalités diverses et complexes de l'Asie est essentielle si le peuple de Dieu sur ce continent veut, dans la nouvelle évangélisation, répondre à la volonté de Dieu sur lui. Les Pères du Synode ont insisté sur le fait que la mission d'amour et de service de l'Église en Asie est conditionnée par deux facteurs : d'un côté, sa compréhension d'elle-même en tant que communauté de disciples de Jésus Christ réunis autour de leurs Pasteurs et, d'un autre côté, les réalités sociales, politiques, religieuses, culturelles et économiques de l'Asie [8]. La situation de l'Asie a été examinée en détail pendant le Synode par ceux qui vivent en contact quotidien avec les réalités extrêmement diversifiées de cet immense continent. Ce qui suit constitue, de manière synthétique, le résultat des réflexions des Pères synodaux.

·     Réalités religieuses et culturelles

6.      L'Asie est le continent le plus étendu de la terre et elle est habitée par environ deux tiers de la population mondiale, la Chine et l'Inde comptant près de la moitié de la population totale du globe. La caractéristique la plus frappante du continent est la variété de ses peuples, qui sont « les héritiers de cultures, de religions et de traditions anciennes » [9]. On ne peut qu'être surpris devant l'ampleur imposante de la population de l'Asie et devant la mosaïque complexe de ses nombreuses cultures, langues, croyances et traditions, qui constituent une part substantielle de l'histoire et du patrimoine de la famille humaine.

L'Asie est aussi le berceau des plus grandes religions du monde – judaïsme, christianisme, islam et hindouisme. C'est le berceau de bien d'autres traditions spirituelles comme le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme, le zoroastrisme, le jaïnisme, le sikhisme et le shintoïsme. Des millions de personnes adhèrent également à des religions traditionnelles ou tribales, avec des degrés divers de rites structurés et d'enseignement religieux officiel. L'Église a le respect le plus profond pour ces traditions et elle cherche à engager un dialogue sincère avec leurs adeptes. Les valeurs religieuses qu'elles enseignent attendent leur accomplissement en Jésus Christ.

Les peuples de l'Asie sont fiers de leurs valeurs religieuses et culturelles, telles que l'amour pour le silence et la contemplation, la simplicité, l'harmonie, le détachement, la non-violence, l'esprit d'ardeur au travail, la discipline, la vie frugale, la soif de connaissance et de recherche philosophique [10]. Ils sont attachés aux valeurs de respect de la vie, de compassion pour tous les êtres, de contact avec la nature, de respect filial pour leurs parents, pour les personnes âgées et leurs ancêtres, et ils ont un sens hautement développé de la communauté [11]. D'une façon particulière, ils considèrent la famille comme une source vitale de force, comme une communauté étroitement unie, avec un sens profond de la solidarité [12]. Les peuples de l'Asie sont connus pour leur esprit de tolérance religieuse et de coexistence pacifique. Sans nier l'existence de tensions exacerbées et de conflits violents, on peut encore dire que l'Asie a souvent fait preuve d'une capacité remarquable d'adaptation et d'une ouverture naturelle à l'enrichissement mutuel des peuples, dans une pluralité de religions et de cultures. De plus, malgré l'influence de la modernisation et de la sécularisation, les religions asiatiques donnent des signes d'une grande vitalité et sont capables de renouveau, comme on l'a vu dans des mouvements de réforme à l'intérieur des divers groupes religieux. Beaucoup de personnes, spécialement les jeunes, éprouvent une soif profonde de valeurs spirituelles, comme le montre bien la montée des nouveaux mouvements religieux.

Tout cela indique un sens spirituel inné et une sagesse morale dans l'âme asiatique, et c'est là le centre autour duquel se construit le sentiment croissant d’« être asiatique ». Ce sens d’« être asiatique » se perçoit mieux et s'affirme mieux, non dans la confrontation et dans l'opposition, mais dans un esprit de complémentarité et d'harmonie. Dans ce cadre de complémentarité et d'harmonie, l'Église peut communiquer l'Évangile d'une manière qui est fidèle à la fois à sa propre Tradition et à l'âme asiatique.

·     Réalités économiques et sociales

7.      Sur le plan du développement économique, les situations sur le continent asiatique sont très diverses, défiant toute classification. Certains pays sont hautement développés, d'autres sont en voie de développement grâce à des politiques économiques efficaces, d'autres encore se trouvent toujours dans une misérable pauvreté, et même parmi les nations les plus pauvres de la terre. Dans le processus de développement, le matérialisme et le sécularisme gagnent aussi du terrain, spécialement dans les zones urbaines. Ces idéologies, qui minent les valeurs traditionnelles, sociales et religieuses, menacent les cultures de l'Asie de dommages incalculables.

Les Pères du Synode ont parlé des changements rapides qui adviennent à l'intérieur des sociétés asiatiques ainsi que des aspects positifs et négatifs de ces changements. Parmi eux, il y a le phénomène de l'urbanisation et l'apparition d'immenses concentrations urbaines, souvent avec de larges zones touchées par la crise, où se développent le crime organisé, le terrorisme, la prostitution et l'exploitation des catégories les plus faibles de la société. L'émigration est aussi un phénomène social majeur, exposant des millions de personnes à des situations économiquement, culturellement et moralement difficiles. Les populations émigrent à l'intérieur de l'Asie et hors de l'Asie vers d'autres continents pour beaucoup de raisons, parmi lesquelles la pauvreté, la guerre et les conflits ethniques, la négation de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales. La construction de gigantesques complexes industriels est une autre cause de migration interne et externe, qui s'accompagne d'effets destructeurs pour la vie familiale et pour ses valeurs. On a mentionné aussi l'installation de centrales nucléaires, réalisée avec une attention particulière aux coûts et à l'efficacité, mais avec peu de considération pour la sécurité des personnes et pour l'intégrité de l'environnement.

Le tourisme exige aussi une attention spéciale. Bien qu'il soit une industrie légitime avec ses propres valeurs culturelles et éducatives, il a dans certains cas une influence dévastatrice sur les physionomies morale et physique de nombreux pays asiatiques, se manifestant sous forme d'avilissement chez les jeunes femmes et même chez les enfants, à travers la prostitution [13]. La pastorale des migrants aussi bien que des touristes est difficile et complexe, spécialement en Asie où les structures de base pour l'assurer n'existent pas toujours. La planification pastorale à tous les niveaux doit prendre en compte ces réalités. Dans ce contexte, il ne faudrait pas oublier les migrants des Églises catholiques orientales, qui ont besoin d'une pastorale en accord avec leurs propres traditions ecclésiales [14].

Certains pays asiatiques font face à des difficultés liées à la croissance de leur population, qui n'est « pas simplement un problème démographique et économique mais particulièrement moral » [15]. Il est clair que la question de la population est étroitement liée à celle de la promotion humaine, mais il y a une multiplicité de fausses solutions qui menacent la dignité et l'inviolabilité de la vie; elles représentent un défi particulier pour l'Église en Asie. Il est peut-être opportun ici de rappeler la contribution de l'Église à la défense et à la promotion de la vie, que ce soit dans le domaine de la santé, du développement social ou de l'éducation, au bénéfice des populations, spécialement des pauvres. Il était bon que l'Assemblée spéciale pour l'Asie rende hommage à la regrettée Mère Teresa de Calcutta, « qui était connue partout dans le monde pour son amour et ses soins désintéressés des plus pauvres parmi les pauvres » [16]. Elle demeure un modèle du service de la vie que l'Église offre en Asie, en opposition courageuse aux nombreuses forces maléfiques qui agissent dans la société.

Un certain nombre de Pères synodaux ont souligné les influences extérieures qui pèsent sur les cultures asiatiques. De nouveaux modes de comportement apparaissent par suite d'une exposition excessive aux médias et aux types de littérature, de musique et de films qui prolifèrent sur le continent. Sans nier que les moyens de communication sociale puissent être une grande force pour le bien [17], on ne peut ignorer l'impact négatif qu'ils produisent souvent. Leurs effets bénéfiques peuvent parfois être rendus vains par la façon dont ces moyens sont contrôlés et utilisés par ceux qui ont des intérêts politiques, économiques et idéologiques douteux. Il en résulte que les aspects négatifs des médias et des industries du spectacle menacent les valeurs traditionnelles, en particulier le caractère sacré du mariage et la stabilité de la famille. L'effet des images de violence, d'hédonisme, d'individualisme et de matérialisme sans frein « frappe droit au cœur des cultures asiatiques, au caractère religieux du peuple, des familles et de sociétés tout entières » [18]. C'est une situation qui représente un grand défi pour l'Église et pour la proclamation de son message.

La réalité persistante de la pauvreté et de l'exploitation des personnes suscite la plus grande inquiétude. Il y a en Asie des millions d'individus opprimés qui pendant des siècles ont été maintenus économiquement, culturellement et politiquement en marge de la société [19]. Réfléchissant sur la situation des femmes dans les sociétés de l'Asie, les Pères synodaux ont constaté que, « bien que l'éveil de la prise de conscience par les femmes de leur dignité et de leurs droits soit un des signes les plus significatifs de notre temps, la pauvreté et l'exploitation des femmes demeurent un sérieux problème dans toute l'Asie » [20]. L'analphabétisme chez les femmes est beaucoup plus élevé que chez les hommes; et les enfants de sexe féminin risquent plus d'être victimes d'avortement provoqué ou même tués aussitôt après la naissance. Il y a aussi des millions d'indigènes ou d'autochtones à travers l'Asie qui vivent dans un isolement social, culturel et politique par rapport à la population dominante [21]. Il était rassurant d'entendre les Évêques au Synode mentionner que dans certains cas on prête maintenant une plus grande attention à ces questions au niveau national, régional et international, et que l'Église cherche activement à aborder cette sérieuse situation.

Les Pères du Synode ont fait remarquer que cette réflexion, nécessairement brève, sur les aspects des réalités économiques et sociales de l'Asie ne serait pas complète si l'on ne reconnaissait pas aussi la croissance économique considérable de nombreuses sociétés asiatiques dans les récentes décennies : une nouvelle génération de travailleurs qualifiés, de scientifiques et de techniciens croît jour après jour et leur grand nombre augure bien du développement de l'Asie. Néanmoins, tout n'est pas stable ni solide dans ces progrès : cela est apparu à l'évidence lors des récentes et graves crises financières subies par de nombreux pays de l'Asie. L'avenir de l'Asie réside dans la coopération, en Asie et avec les pays d'autres continents, mais en s'appuyant toujours sur ce que font les peuples de l'Asie eux-mêmes en vue de leur propre développement.

·     Réalités politiques

8.      Il est nécessaire que l'Église ait toujours une connaissance exacte de la situation politique dans les différents pays où elle cherche à remplir sa mission. En Asie, aujourd'hui, le panorama politique est hautement complexe, présentant un ensemble d'idéologies qui va des formes démocratiques de gouvernement aux formes théocratiques. Les dictatures militaires et les idéologies athées sont très présentes. Certains pays reconnaissent une religion officielle d'Etat qui ne permet que peu ou pas de liberté religieuse pour les minorités et pour les adeptes d'autres religions. D'autres Etats, même s'ils ne sont pas explicitement théocratiques, réduisent les minorités à être des citoyens de seconde zone, avec peu de garanties pour leurs droits humains fondamentaux. En certains endroits, les chrétiens n'ont pas le droit de pratiquer librement leur foi ni d'annoncer Jésus Christ à leurs frères [22]. Ils sont persécutés et on leur dénie leur place légitime dans la société. Les Pères synodaux ont fait spécialement mention du peuple de la Chine et ils ont exprimé le fervent espoir que tous leurs frères et sœurs catholiques chinois seront un jour en mesure de pratiquer leur religion en toute liberté et de professer ouvertement leur pleine communion avec le Siège de Pierre [23].

Tout en appréciant les progrès que réalisent de nombreux pays asiatiques sous divers systèmes de gouvernement, les Pères du Synode ont aussi attiré l'attention sur la corruption largement répandue qui existe à différents niveaux des gouvernements et de la société [24]. Trop souvent, les gens semblent impuissants à se défendre eux-mêmes contre les politiciens, les autorités judiciaires, les administrateurs et les bureaucrates corrompus. Cependant, à travers l'Asie, il y a une conscience croissante de la capacité des personnes de changer des structures injustes. On note de nouvelles demandes pour une plus grande justice sociale, pour davantage de participation au gouvernement et dans l'économie, pour l'égalité des chances en éducation et pour le juste partage des ressources de la nation. Les personnes deviennent de plus en plus conscientes de leur dignité humaine et de leurs droits, et davantage déterminées à les sauvegarder. Des groupes minoritaires ethniques, sociaux et culturels, longtemps inactifs, cherchent des façons de devenir des agents de leur progrès social. L'Esprit de Dieu aide et soutient les efforts des peuples pour transformer la société de telle sorte que l'aspiration humaine à une vie plus abondante puisse être satisfaite comme Dieu le veut (cf. Jn 10, 10).

·     L'Église en Asie: passé et présent

9.      L'histoire de l'Église en Asie est aussi vieille que l'Église elle-même, puisque c'est en Asie que Jésus répandit l'Esprit Saint sur ses disciples et les envoya aux confins de la terre pour proclamer la Bonne Nouvelle et rassembler des communautés de croyants. « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21 ; voir aussi Mt 28, 18-20 ; Mc 16, 15-18 ; Lc 24, 47 ; Ac 1, 8). Suivant le commandement du Seigneur, les Apôtres prêchèrent la Parole et fondèrent des Églises. Il peut être utile de rappeler quelques éléments de cette histoire fascinante et complexe.

De Jérusalem, l'Église s'étendit à Antioche, à Rome et au-delà. Elle atteignit l'Éthiopie au Sud, la Scythie au Nord et l'Inde à l'Est, où, selon la tradition, l'Apôtre saint Thomas se rendit en l'an 52 et fonda des Églises dans l'Inde du sud. L'esprit missionnaire de la communauté de l'est de la Syrie au IIIe et au IVe siècles, avec son centre à Edesse, était remarquable. Les communautés ascétiques de Syrie constituèrent une force capitale pour l'évangélisation en Asie à partir du IIIe siècle et au-delà. Elles fournirent l'énergie spirituelle de l'Église, spécialement pendant les temps de persécution. L'Arménie fut la première nation à embrasser dans son ensemble le christianisme à la fin du IIIe siècle; et elle se prépare maintenant à célébrer le 1700e anniversaire de son baptême. Dès la fin du Ve siècle, le message chrétien avait atteint les royaumes arabes, mais, pour de nombreuses raisons, y compris les divisions entre les chrétiens, le message ne réussit pas à s'implanter parmi ces peuples.

Des marchands persans portèrent la Bonne Nouvelle en Chine au Ve siècle. La première Église chrétienne y fut implantée au début du VIIe siècle. Pendant la dynastie T'ang (618-907 apr. J.C.), l'Église fut florissante durant près de deux siècles. Le déclin de cette Église vivante en Chine à la fin du premier millénaire est un des chapitres les plus tristes de l'histoire du peuple de Dieu sur le continent.

Au XIIIe siècle, la Bonne Nouvelle fut annoncée aux Mongols, aux Turcs et une fois de plus aux Chinois. Mais le christianisme a presque disparu de ces régions pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la montée de l'Islam, l'isolement géographique, l'absence d'une adaptation appropriée aux cultures locales et peut-être par-dessus tout un manque de préparation pour rencontrer les grandes religions de l'Asie. La fin du XIVe siècle vit la diminution drastique de l'Église en Asie, sauf pour la communauté isolée du sud de l'Inde. L'Église en Asie devait attendre une nouvelle époque d'effort missionnaire.

Les activités apostoliques de saint François-Xavier, la fondation de la Congrégation de Propaganda Fide par le Pape Grégoire XV et les directives données aux missionnaires de respecter et d'apprécier les cultures locales contribuèrent à obtenir des résultats plus positifs au cours du XVIe et du XVIIe siècles. Au XIXe siècle, il y eut une reprise de l'activité missionnaire. Diverses congrégations religieuses se consacrèrent sans réserves à cette tâche. Propaganda Fide fut réorganisée. On mit davantage l'accent sur l'édification des Églises locales. Les œuvres d'éducation et de charité allèrent de pair avec la prédication de l'Évangile. En conséquence, la Bonne Nouvelle continua d'atteindre davantage de personnes, spécialement parmi les pauvres et les défavorisés, mais aussi çà et là parmi l'élite sociale et intellectuelle. De nouvelles tentatives furent faites pour inculturer la Bonne Nouvelle, bien qu'elles se soient avérées totalement insuffisantes. Malgré sa présence séculaire et ses nombreuses entreprises apostoliques, l'Église, en de nombreux endroits, était toujours considérée comme étrangère à l'Asie et, concrètement, dans l'esprit des gens, elle était souvent associée aux puissances coloniales.

Telle était la situation à la veille du deuxième Concile du Vatican; mais, grâce à l'impulsion donnée par le Concile, une nouvelle compréhension de la mission se fit jour et avec elle une grande espérance. L'universalité du dessein salvifique de Dieu, la nature missionnaire de l'Église et la responsabilité de tous dans l'Église pour cette tâche, si fortement réaffirmées par le décret conciliaire sur l'activité missionnaire Ad gentes, devinrent le cadre d'un nouvel engagement. Au cours de l'Assemblée spéciale, les Pères du Synode témoignèrent de la récente croissance de la communauté ecclésiale parmi de nombreux peuples différents dans diverses régions du continent, et ils lancèrent un appel pour de nouveaux efforts missionnaires dans les années à venir, spécialement en fonction des nouvelles possibilités d'annoncer l'Évangile qui apparaissent en Sibérie et dans les pays de l'Asie centrale qui ont récemment obtenu leur indépendance, tels que le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et le Turkménistan [25].

Un tour d'horizon des communautés catholiques en Asie fait apparaître une magnifique variété en raison de leur origine et de leur développement historique, et aussi à cause des diverses traditions spirituelles et liturgiques des différents rites. Pourtant toutes sont unies dans l'annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ par le témoignage chrétien, les œuvres de charité et la solidarité humaine. Tandis que certaines Églises particulières remplissent leur mission dans la paix et la liberté, d'autres se trouvent dans des situations de violence et de conflit ou se sentent menacées par divers groupes, pour des motifs religieux ou autres. Dans le monde culturel largement diversifié de l'Asie, l'Église fait face à des défis spécifiques sur les plans philosophique, théologique et pastoral. Sa tâche est rendue plus difficile du fait qu'elle est minoritaire. La seule exception est constituée par les Philippines, où les catholiques sont majoritaires.

Quelles que soient les circonstances, l'Église en Asie se trouve parmi des peuples qui témoignent d'un désir intense de Dieu. L'Église sait que cette soif ne peut être pleinement satisfaite que par Jésus Christ, la Bonne Nouvelle de Dieu pour toutes les nations. Les Pères synodaux ont vivement souhaité que la présente exhortation apostolique post-synodale soit centrée sur cette aspiration et encourage l'Église en Asie à proclamer avec vigueur, en paroles et en actes, que Jésus Christ est le Sauveur.

L'Esprit de Dieu, toujours à l'œuvre dans l'histoire de l'Église en Asie, continue à la guider. Les nombreux éléments positifs trouvés dans les Églises locales et fréquemment soulignés au Synode fortifient notre attente d'un « nouveau printemps de vie chrétienne » [26]. Un sérieux motif d'espérance se trouve dans le nombre grandissant de fidèles laïcs mieux formés, enthousiastes et remplis de l'Esprit, qui sont de plus en plus conscients de leur vocation spécifique au sein de la communauté ecclésiale. Parmi eux, les catéchistes laïcs sont dignes de reconnaissance et d'éloges particuliers [27]. Les mouvements charismatiques et apostoliques sont, eux aussi, un don de l'Esprit; ils apportent vie nouvelle et énergie dans la formation des laïcs, hommes et femmes, des familles et de la jeunesse [28]. Les associations et les mouvements ecclésiaux qui se consacrent à la promotion de la dignité de la personne et de la justice rendent accessible et tangible l'universalité du message évangélique de notre adoption comme enfants de Dieu (cf. Rm 8, 15-16).

En même temps, il y a des Églises qui vivent dans des situations très difficiles, « connaissant des épreuves intenses dans la pratique de leur foi » [29]. Les Pères synodaux furent émus par ce qui fut rapporté sur le témoignage héroïque, la persévérance inébranlable et la croissance constante de l'Église catholique en Chine, par les efforts de l'Église en Corée du Sud pour offrir de l'aide aux habitants de la Corée du Nord, par l'humble détermination de la communauté catholique au Viêt-nam, par l'isolement des chrétiens dans des lieux comme le Laos et le Myanmar, par la difficile coexistence avec la majorité dans certains Etats à prédominance islamique [30]. Le Synode prêta une attention spéciale à la situation de l'Église en Terre Sainte et dans la Ville Sainte de Jérusalem, « le cœur du Christianisme » [31], ville chère à tous les enfants d'Abraham. Les Pères du Synode exprimèrent la conviction que la paix dans la région et même dans le monde dépend en grande partie de la paix et de la réconciliation qui, depuis si longtemps, sont restées lettre morte à Jérusalem [32].

Je ne puis conclure ce bref panorama de la situation de l’Église en Asie, nécessairement incomplet, sans mentionner les saints et les martyrs de l'Asie, à la fois ceux qui ont été reconnus et ceux qui sont connus de Dieu seul, dont l'exemple est une source « de richesse spirituelle et un puissant moyen d'évangélisation » [33]. Ils parlent silencieusement mais très puissamment de l'importance qu'il y a à mener une vie sainte et à offrir volontiers sa vie pour l’Évangile. Ils sont les maîtres, les protecteurs, la gloire de l’Église en Asie dans sa tâche d'évangélisation. Avec l’Église entière, je prie le Seigneur d'envoyer beaucoup plus d'ouvriers pour récolter la moisson d'âmes que je vois prête et abondante (cf. Mt 9, 37-38). Je voudrais à ce sujet rappeler ce que j'ai écrit dans Redemptoris missio : « Dieu ouvre à l’Église les horizons d'une humanité plus disposée à recevoir la semence évangélique » [34]. Cette perspective d'un horizon nouveau et prometteur, je la vois se réaliser en Asie, où Jésus est né et où le christianisme a commencé.

CHAPITRE II

JÉSUS, LE SAUVEUR: UN DON POUR L'ASIE

·     Le don de la foi

10.    Tandis qu'au Synode se poursuivait peu à peu la discussion sur les réalités complexes de l'Asie, il devenait toujours plus évident pour tous que la contribution spécifique apportée par l’Église aux peuples du continent est l'annonce de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, seul et unique Sauveur pour tous les peuples [35]. Ce qui distingue l’Église des autres communautés religieuses, c'est la foi en Jésus Christ ; et elle ne peut garder pour elle sous le boisseau cette précieuse lumière de la foi (cf. Mt 5, 15), car sa mission est de la partager avec tous. « La vie nouvelle qu'elle a trouvée en Jésus Christ, [l’Église] veut l'offrir à tous les peuples de l'Asie qui cherchent la plénitude de vie, afin qu'ils puissent instaurer la même communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ dans la puissance de l'Esprit Saint » [36]. Cette foi en Jésus Christ est ce qui inspire l'action évangélisatrice de l’Église en Asie, souvent menée dans des circonstances difficiles, et même dangereuses. Les Pères synodaux ont fait observer que proclamer Jésus comme unique Sauveur peut présenter des difficultés particulières dans leurs cultures, du fait que beaucoup de religions de l'Asie enseignent qu'elles sont elles-mêmes des manifestations de Dieu qui procurent le salut. Loin de décourager les Pères synodaux, les défis qu'ils affrontent dans leurs efforts d'évangélisation ont grandement stimulé leur souci de transmettre « la foi que l’Église en Asie a reçue des Apôtres et qu'elle maintient avec l’Église de toutes les générations et de tous les lieux » [37]. Les Pères ont ainsi exprimé leur conviction que « le cœur de l’Église en Asie sera sans repos jusqu'à ce que toute l'Asie trouve son repos dans la paix du Christ, le Seigneur ressuscité » [38].

La foi de l’Église en Jésus est un don reçu et un don à partager; c'est le don le plus grand que l’Église puisse offrir à l'Asie. Partager la vérité de Jésus Christ avec les autres est le devoir solennel de ceux qui ont reçu le don de la foi. Dans l'encyclique Redemptoris missio, j'écrivais que « l’Église, et en elle tout chrétien, ne peut cacher ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes » [39]. Et je poursuivais : « Ceux qui font partie de l’Église catholique doivent se considérer comme privilégiés et, de ce fait, d'autant plus engagés à donner un témoignage de foi et de vie chrétienne qui soit un service à l'égard de leurs frères et une réponse due à Dieu » [40].

Les Pères synodaux, qui en étaient profondément convaincus, ont eu également conscience de leur responsabilité personnelle de bien saisir la vérité éternelle de Jésus par l'étude, la prière et la réflexion, afin de porter sa puissance et sa vitalité au sein des défis présents et futurs de l'évangélisation en Asie.

·     Jésus Christ, l'Homme-Dieu qui sauve

11.    L’Écriture atteste que Jésus a mené une vie authentiquement humaine. Ce Jésus que nous proclamons unique Sauveur a cheminé sur terre comme Homme-Dieu possédant pleinement la nature humaine. Né d'une Mère vierge dans un humble cadre à Béthléem, il fut sans défense comme les autres enfants, subissant même le destin de réfugié pour fuir la colère d'un gouverneur cruel (cf. Mt 2, 13-15). Il fut soumis à ses parents humains, qui ne comprenaient pas toujours son attitude, mais qui lui faisaient pleine confiance et auxquels il obéit affectueusement (cf. Lc 2, 41-52). Continuellement en prière, il vivait en union intime avec Dieu, auquel il s'adressait en l'appelant Abba, « Père », au grand étonnement de ceux qui l'entendaient (cf. Jn 8, 34-59).

Il était proche des pauvres, des délaissés, des petits, les déclarant vraiment bienheureux parce que Dieu était avec eux. Il mangeait avec les pécheurs, les assurant qu'à la table du Père il y avait une place pour eux aussi s'ils se détournaient de leur conduite pécheresse et revenaient à lui. Touchant les impurs et se laissant toucher par eux, il leur faisait comprendre la proximité de Dieu. Il pleura sur un ami décédé, il rendit à une veuve son fils qui était mort, il accueillait les enfants, il lava les pieds de ses disciples. Jamais la compassion divine ne fut aussi immédiatement accessible.

Malades, estropiés, aveugles, sourds et muets, tous ont connu la guérison et le pardon à son contact. Il choisit comme compagnons et collaborateurs les plus proches un groupe insolite où des pêcheurs voisinaient avec des collecteurs d'impôts, des zélotes avec des personnes ignorant la Loi, et même des femmes. Ainsi se créa une nouvelle famille, réunie par l'amour accueillant et surprenant du Père. Jésus prêchait avec simplicité, utilisant des exemples puisés dans la vie de tous les jours pour parler de l'amour de Dieu et de son Royaume; et le peuple reconnut qu'il parlait avec autorité.

Et pourtant on l'accusa d'être un blasphémateur, un homme qui violait la Loi sacrée, un agitateur public qu'il fallait éliminer. Après un procès fondé sur un faux témoignage (cf. Mc 14, 56), il fut condamné à mourir sur la Croix comme un criminel, abandonné et humilié, apparaissant comme un vaincu. Il fut enseveli en toute hâte dans un tombeau emprunté. Mais le troisième jour après sa mort, malgré la surveillance des gardes, le tombeau fut trouvé vide! Jésus, ressuscité des morts, apparut ensuite aux disciples avant de retourner vers son Père, d'où il était venu.

Avec tous les chrétiens, nous croyons que cette vie particulière, d'une certaine façon si ordinaire et si simple, d'une autre façon si totalement inimaginable et si entourée de mystère, fit entrer dans l'histoire humaine le Règne de Dieu et « introduisit sa puissance dans chacun des aspects de la vie humaine et de la société marquée par le péché et par la mort » [41]. Par ses paroles et par ses actions, spécialement dans ses souffrances, sa mort et sa résurrection, Jésus a accompli la volonté de son Père de réconcilier toute l'humanité en lui, après que le péché originel eut créé une rupture dans la relation entre le Créateur et sa création. Sur la Croix, il prit sur lui les péchés du monde — passés, présents et futurs. Saint Paul nous rappelle que nous étions morts à cause de nos péchés et que sa mort nous a rendu la vie : Dieu vous « a fait revivre avec lui ! Il nous a pardonné toutes nos fautes ! Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire; il l'a supprimée en la clouant à la Croix » (Col 2, 13-14). Ainsi, le salut a été scellé une fois pour toutes. Jésus est notre Sauveur, dans le sens le plus plénier du terme, parce que ses paroles et de ses œuvres, spécialement sa Résurrection d'entre les morts, ont révélé qu'il était le Fils de Dieu, le Verbe préexistant, qui règne pour toujours comme Seigneur et Messie.

·     La personne et la mission du Fils de Dieu

12.    Le « scandale » du christianisme est de croire que Dieu, le Très Saint, le Tout-Puissant et l'Omniscient, a pris notre nature humaine et a supporté la souffrance et la mort afin de mériter le salut pour tous les peuples (cf. 1 Co 1, 23). La foi que nous avons reçue proclame que Jésus Christ a révélé et porté à son achèvement le dessein du Père de sauver le monde et l'humanité entière en raison de « ce qu'il est » et de « ce qu'il accomplit à cause de ce qu'il es ». « Ce qu'il est » et « ce qu'il fait » n'acquièrent leur pleine signification que lorsqu'ils sont placés à l'intérieur du mystère de Dieu Un et Trine. L'une des constantes préoccupations de mon pontificat a été de rappeler aux fidèles la communion de vie de la Trinité bienheureuse et l'unité des trois Personnes dans le plan de la création et de la rédemption. Les encycliques Redemptor hominis, Dives in misericordia et Dominum et vivificantem sont centrées sur le Fils, sur le Père et sur l'Esprit Saint, et sur leurs rôles respectifs dans le dessein divin du salut. Toutefois, nous ne pouvons pas isoler ou séparer une Personne des autres, car chacune se révèle seulement à l'intérieur de la communion de vie et d'action de la Trinité. L'action salvifique de Jésus a son origine dans la communion des Personnes divines et, à tous ceux qui croient en lui, elle ouvre la voie pour entrer en communion intime avec la Trinité, et avec l'une et l'autre Personnes dans la Trinité.

« Qui m'a vu a vu le Père », affirme Jésus (Jn 14, 9). En Jésus Christ seul habite corporellement la plénitude de la Divinité (cf. Col 2, 9), faisant de lui le Verbe de Dieu, Sauveur unique et absolu (cf. He 1, 1-4). Parole définitive du Père, Jésus fait connaître Dieu et sa volonté salvifique de la manière la plus parfaite possible. « Nul ne vient au Père sinon par moi », dit Jésus (Jn 14, 6). Il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Ibid.), car il l'explique lui-même : « C'est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres œuvres » (Jn 14, 10). C'est seulement dans la personne de Jésus que la parole de salut de Dieu apparaît dans sa plénitude, introduisant les derniers temps (cf. He 1, 1-2). C'est ainsi que, dès les premiers temps de l’Église, Pierre pouvait proclamer qu’« il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12).

La mission du Sauveur atteint son sommet dans le Mystère pascal. Sur la Croix, au moment où « ses bras étendus dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de l'alliance » du Père [42], Jésus lance un dernier cri à son Père pour qu'il pardonne les péchés de l'humanité : « Père, pardonne-leur: ils ne savent ce qu'ils font » (Lc 23, 34). Jésus a détruit le péché par la puissance de son amour pour son Père et pour le genre humain. Il a pris sur lui toutes les blessures infligées à l'humanité par le péché ; il a offert la libération par la conversion. Les premiers fruits en sont évidents chez le larron repenti, pendu à côté de lui sur une autre croix (cf. Lc 23, 43). Ses dernières paroles furent le cri du fils fidèle : « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). Dans cette expression suprême d'amour, il remit toute sa vie et sa mission entre les mains de son Père, qui l'avait envoyé. À cet instant, il rendait à son Père toute la création, et aussi l'humanité entière afin qu'il la reçoive de nouveau avec un amour de compassion.

Tout ce que le Fils est et a accompli est accueilli par le Père, qui peut ainsi l'offrir comme don au monde au moment où il ressuscite Jésus d'entre les morts et le fait asseoir à sa droite, là où le péché et la mort n'ont plus aucun pouvoir. A travers le sacrifice pascal de Jésus, le Père offre irrévocablement au monde la réconciliation et la plénitude de vie. Ce don extraordinaire n'a pu être offert qu'à travers le Fils bien-aimé, le seul qui fût en mesure de répondre pleinement à l'amour du Père, rejeté par le péché. Dans le Christ Jésus, par la puissance de l'Esprit Saint, nous apprenons que Dieu n'est pas lointain, au-dessus et en dehors de l'homme, mais qu'il est tout proche, qu'il est vraiment uni à chaque personne et à toute l'humanité, en toute circonstance de la vie. Tel est le message que le christianisme offre au monde, message qui est source de réconfort et d'espérance incomparables pour tous les croyants.

·     Jésus Christ, Vérité de l'humanité

13.    Comment l'humanité de Jésus et le mystère ineffable de l'incarnation du Fils du Père peuvent-ils éclairer la condition humaine ? Non seulement le Fils de Dieu incarné a révélé totalement le Père et son dessein de salut, mais aussi il « révèle pleinement l'homme à lui-même » [43]. Ses paroles et ses actes, surtout sa mort et sa résurrection, révèlent la profondeur de la signification d'être homme. À travers Jésus, l'homme peut en définitive connaître la vérité sur lui-même. La vie parfaitement humaine de Jésus, entièrement consacrée à l'amour et au service de son Père et de l'humanité, montre que la vocation de tout être humain est de recevoir l'amour et de donner l'amour en retour. En Jésus, nous restons émerveillés de la capacité inépuisable du cœur humain d'aimer Dieu et l'homme, même quand cela peut entraîner de grandes souffrances. Sur la Croix surtout, Jésus brise le pouvoir de la résistance autodestructrice à l'amour que le péché fait peser sur nous. Pour sa part, le Père répond en ressuscitant Jésus comme le premier-né de ceux qu'il a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils (cf. Rm 8, 29). A ce moment-là, Jésus est devenu une fois pour toutes la révélation et l'accomplissement d'une humanité régénérée et renouvelée selon le dessein de Dieu. En Jésus, nous découvrons la grandeur et la dignité de toute personne dans le cœur de Dieu, qui a créé l'homme à son image (cf. Gn 1, 26), et nous découvrons l'origine de la nouvelle création, qui est advenue par sa grâce.

Le Concile œcuménique Vatican II a enseigné que, « par son incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » [44]. Dans cette vérité profonde, les Pères synodaux ont vu l'ultime source d'espérance pour les peuples de l'Asie dans leurs combats et dans leurs incertitudes. Quand les hommes et les femmes répondent par une foi vivante au don d'amour de Dieu, sa présence apporte amour et paix, et transforme le cœur humain de l'intérieur. Dans l'encyclique Redemptor hominis, j'écrivais que « la Rédemption du monde — ce mystère redoutable de l'amour, dans lequel la création est renouvelée — est, dans ses racines les plus profondes, la plénitude de la justice dans un cœur humain, dans le Cœur du Fils premier-né, afin qu'elle puisse devenir la justice des cœurs de beaucoup d'hommes, qui, dans ce Fils premier-né, ont été prédestinés de toute éternité à devenir fils de Dieu et appelés à la grâce, appelés à l'amour » [45].

Ainsi la mission de Jésus a rétabli la communion entre Dieu et l'humanité ; elle a aussi instauré une nouvelle communion entre les êtres humains éloignés les uns des autres à cause du péché. Au-delà de toutes les divisions, Jésus donne la possibilité à tous les peuples de vivre comme des frères et des sœurs qui reconnaissent un seul Père qui est aux cieux (cf. Mt 23, 9). En lui est apparue une nouvelle harmonie où « il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus’ (Ga 3, 28). Jésus est notre paix, « lui qui de deux réalités n'a fait qu'une, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine » (Ep 2, 14). En tout ce qu'il disait et faisait, Jésus a été la voix, les mains et les bras de son Père, réunissant tous les fils de Dieu en une unique famille d'amour ; il a prié pour que ses disciples puissent vivre en communion de la même manière qu'il est en communion avec son Père (cf. Jn 17, 11). Parmi ses dernières paroles, nous l'avons entendu dire : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. [...] Voici quel est mon commandement: vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 9. 12). Envoyé par le Dieu de la communion, et étant vrai Dieu et vrai homme, Jésus a établi la communion entre le ciel et la terre dans sa personne. Nous croyons que « Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 19-20). Le salut peut être trouvé dans la personne du Fils de Dieu fait homme et dans la mission confiée à lui seul comme Fils, mission de service et d'amour pour la vie de tous. Avec l’Église du monde entier, l’Église en Asie proclame la vérité de la foi : « Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s'est livré en rançon pour tous » (1 Tm 2, 5-6).

·     L'unicité et l'universalité du salut en Jésus

14.    Les Pères synodaux ont rappelé que le Verbe préexistant, le Fils unique et éternel de Dieu, « était déjà présent dans la création, dans l'histoire et en tout être humain qui aspire au bien » [46]. Par le Verbe, présent dans le cosmos avant même l'Incarnation, le monde fut (cf. Jn 1, 1-4. 10 ; Col 1, 15-20). Mais, comme Verbe incarné qui a vécu, qui est mort et qui est ressuscité des morts, Jésus Christ est maintenant proclamé comme l'accomplissement de toute la création, de toute l'histoire, de tout homme qui aspire à la plénitude de la vie [47]. Ressuscité des morts, Jésus Christ « est présent à tous et à toute la création d'une manière nouvelle et mystérieuse » [48]. En lui « les valeurs authentiques de toutes les traditions religieuses et culturelles telles que la miséricorde et la soumission à la volonté de Dieu, la compassion et la rectitude, la non-violence et la droiture, la piété filiale et l'harmonie avec la création, trouvent leur plénitude et leur réalisation » [49]. Du début à la fin du temps, Jésus est le seul Médiateur universel. Même pour ceux qui ne professent pas explicitement la foi en Lui comme Sauveur, le salut vient de Lui comme grâce, par la communication de l'Esprit Saint.

Nous croyons que Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, est l'unique Sauveur parce que lui seul — le Fils — pouvait mener à son accomplissement le plan universel de salut du Père. En tant que manifestation définitive du mystère de l'amour du Père envers tous, Jésus est en effet unique et « c'est précisément ce caractère unique du Christ qui lui confère une portée absolue et universelle par laquelle, étant dans l'histoire, il est le centre et la fin de l'histoire elle-même » [50].

Aucune personne, aucune nation, aucune culture n'est imperméable à l'appel de Jésus qui parle du cœur même de la condition humaine. « C'est sa vie elle-même qui parle, son humanité, sa fidélité à la vérité, son amour qui s'étend à tous. Sa mort en croix parle, elle aussi, c'est-à-dire la profondeur insondable de sa souffrance et de son abandon » [51].51 Dans la contemplation de sa nature humaine, les peuples de l'Asie trouvent la réponse à leurs questions les plus profondes, l'accomplissement de leurs espérances, l'élévation de leur dignité et la victoire sur leur désespoir. Jésus est la Bonne Nouvelle pour les hommes et les femmes de tout temps et de tout lieu qui cherchent le sens de l'existence et la vérité de leur humanité.

CHAPITRE III

L'ESPRIT SAINT : SEIGNEUR, QUI DONNE LA VIE

·     L'Esprit de Dieu dans la création et dans l'histoire

15.    S'il est vrai que la signification salvifique de Jésus ne peut être comprise que dans le contexte de sa révélation du plan de salut de la Trinité, il s'ensuit que l'Esprit Saint est une partie absolument vitale du mystère de Jésus et du salut qu'il apporte. Les Pères synodaux se sont souvent référés au rôle de l'Esprit Saint dans l'histoire du salut, notant qu'une fausse séparation entre le Rédempteur et l'Esprit Saint pourrait mettre en péril la vérité que le Christ est l'unique Sauveur de tous.

Dans la tradition chrétienne, l'Esprit Saint a toujours été associé à la vie et au don de la vie. Le Credo de Nicée-Constantinople appelle l'Esprit Saint celui « qui est Seigneur et qui donne la vie ». Aussi n'est-il pas surprenant que de nombreuses interprétations du récit de la création dans le livre de la Genèse aient vu l'Esprit Saint dans le vent qui agitait la surface des eaux (cf. Gn 1, 2). Il est présent dès le premier instant de la création, première manifestation de l'amour de Dieu Un et Trine, et il est toujours présent dans le monde comme sa force qui donne la vie [52]. Puisque la création est le commencement de l'histoire, l'Esprit est en un sens une puissance cachée qui est à l'œuvre dans l'histoire, la guidant sur les voies de la vérité et du bien.

La révélation de la personne de l'Esprit Saint, amour mutuel du Père et du Fils, est le propre du Nouveau Testament. Dans la pensée chrétienne, il est considéré comme source de vie pour toutes les créatures. La création est la libre communication d'amour de Dieu qui, du néant, appelle toute chose à l'existence. Tout ce qui est créé est rempli de l'échange incessant d'amour qui caractérise la vie intime de la Trinité, c'est-à-dire est comblé de l'Esprit Saint : « L'Esprit du Seigneur remplit le monde » (Sg 1, 7). La présence de l'Esprit dans la création engendre dans tout ce qui existe l'ordre, l'harmonie et l'interdépendance.

Créés à l'image de Dieu, les êtres humains deviennent la demeure de l'Esprit d'une nouvelle manière lorsqu'ils sont élevés à la dignité de fils adoptifs (cf. Ga 4, 5). Régénérés par le baptême, ils font l'expérience de la présence et de la puissance de l'Esprit non seulement comme Auteur de la vie, mais aussi comme Celui qui purifie et qui sauve, produisant des fruits qui sont « charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23). Et ces fruits de l'Esprit sont le signe que « l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 5). Quand il est librement accepté, cet amour fait des hommes et des femmes des instruments visibles de l'incessante activité de l'invisible Esprit. C'est avant tout cette nouvelle capacité de donner et de recevoir l'amour qui rend témoignage à la présence intérieure et à la puissance de l'Esprit Saint. Comme conséquence de la transformation et de la régénération qu'il réalise dans le cœur et dans l'esprit des hommes, l'Esprit Saint influe sur les sociétés, les cultures et les religions [53]. « En effet, l'Esprit se trouve à l'origine des idéaux nobles et des initiatives bonnes de l'humanité en marche : “Par une providence admirable, il conduit le cours des temps et rénove la face de la terre” » [54].

Suivant le parcours du Concile Vatican II, les Pères du Synode ont souligné l'action multiple et diversifiée de l'Esprit Saint, qui sème constamment des semences de vérité parmi tous les peuples, ainsi que dans leurs religions, leurs cultures et leurs philosophies [55]. Cela signifie que leurs religions, leurs cultures et leurs philosophies sont capables d'aider les peuples, individuellement et collectivement, à lutter contre le mal et à servir la vie et tout ce qui est bon. Les forces de mort isolent les uns des autres les peuples, les sociétés et les communautés religieuses, et elles engendrent les soupçons et les rivalités qui conduisent aux conflits. Au contraire, l'Esprit Saint soutient les peuples dans leur recherche de compréhension et d'acceptation mutuelles. Le Synode avait donc raison de voir dans l'Esprit de Dieu le premier agent du dialogue de l’Église avec les peuples, les cultures et les religions.

·     L'Esprit Saint et l'Incarnation du Verbe

16.    Sous la conduite de l'Esprit, l'histoire du salut se déroule sur la scène du monde, et même du cosmos, selon le plan éternel du Père. Ce plan, mis en œuvre par l'Esprit dès le premier moment de la création, est déjà présent dans l'Ancien Testament et il a été porté à son accomplissement par la grâce de Jésus Christ; il se poursuit dans la nouvelle création, par ce même Esprit Saint, jusqu'à ce que le Seigneur revienne dans la gloire à la fin des temps [56]. L'Incarnation du Fils de Dieu est l'œuvre suprême de l'Esprit Saint : « La conception et la naissance de Jésus sont l'œuvre la plus grande accomplie par l'Esprit Saint dans l'histoire de la création et du salut, c'est-à-dire la grâce suprême — “la grâce d'union” — source de toute autre grâce » [57].57 L'Incarnation est l'événement par lequel Dieu rassemble en une union nouvelle et définitive avec lui-même non seulement les hommes, mais toute la création et toute l'histoire [58].

Ayant été conçu dans le sein de la Vierge Marie par la puissance de l'Esprit (cf. Lc 1, 35 ; Mt 1, 20), Jésus de Nazareth, Messie et unique Sauveur, fut rempli de l'Esprit Saint. Celui-ci descendit sur lui au moment du baptême (cf. Mc 1, 10) et le mena au désert pour le fortifier avant son ministère public (cf. Mc 1, 12; Lc 4, 1 ; Mt 4, 1). Dans la synagogue de Nazareth, Jésus commença son ministère prophétique en s'appliquant à lui-même la vision d'Isaïe sur l'onction de l'Esprit qui le conduit à prêcher la Bonne Nouvelle aux pauvres, la libération aux prisonniers et une année de grâce du Seigneur (cf. Lc 4, 18-19). Par la puissance de l'Esprit, Jésus guérit les malades et chassa les démons, comme signe que le Royaume de Dieu était arrivé (cf. Mt 12, 28). Après être ressuscité des morts, il communiqua aux disciples l'Esprit Saint qu'il avait promis de répandre sur l’Église quand il retournerait vers le Père (cf. Jn 20, 22-23).

Tout cela montre que la mission salvifique de Jésus porte la marque unique de la présence de l'Esprit: la vie, la vie nouvelle. Entre l'envoi du Fils par le Père et l'envoi de l'Esprit par le Père et le Fils, il y a un lien étroit et vital [59]. L'action de l'Esprit dans la création et dans l'histoire humaine acquiert une signification totalement nouvelle en regard de son action dans la vie et dans la mission de Jésus. Les « semences du Verbe » semées par l'Esprit préparent toute la création, l'histoire et l'homme à la pleine maturité dans le Christ [60].

Les Pères synodaux ont exprimé leur préoccupation face à la tendance à séparer l'activité de l'Esprit Saint de celle de Jésus Sauveur ; et, répondant à leur préoccupation, je redis ce que j'ai déjà écrit dans l'encyclique Redemptoris missio : « [L'Esprit] ne se substitue pas au Christ, et il ne remplit pas une sorte de vide, comme, suivant une hypothèse parfois avancée, il en existerait entre le Christ et le Logos. Ce que le Christ fait dans le cœur des hommes et dans l'histoire des peuples, dans les cultures et les religions, remplit une fonction de préparation évangélique et cela ne peut pas être sans relation au Christ, le Verbe fait chair par l'action de l'Esprit, “afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule toutes choses en lui” » [61].

La présence universelle de l'Esprit Saint ne peut donc pas servir d'excuse pour omettre de proclamer explicitement Jésus Christ comme seul et unique Sauveur. A l'inverse, la présence universelle de l'Esprit Saint est inséparable du salut universel en Jésus. La présence de l'Esprit dans la création et dans l'histoire conduit à Jésus Christ, en qui la création et l'histoire sont rachetées et trouvent leur accomplissement. La présence et l'action de l'Esprit, que ce soit au moment de l'Incarnation ou au moment culminant de la Pentecôte, visent toujours Jésus et le salut qu'il apporte. C'est pourquoi la présence universelle de l'Esprit ne peut jamais être séparée de son action à l'intérieur du Corps du Christ, qui est l'Église [62].

·     L'Esprit Saint et le Corps du Christ

17.    L'Esprit Saint préserve de manière sûre le lien de communion entre Jésus et son Église. Demeurant en elle comme dans un temple (cf. 1 Co 3, 16), l'Esprit conduit l'Église avant tout à la plénitude de la vérité sur Jésus. C'est l'Esprit qui donne à l’Église de pouvoir continuer la mission de Jésus, rendant tout d'abord témoignage à Jésus lui-même, puis portant à son accomplissement tout ce qu'il a promis avant sa mort et sa résurrection, à savoir qu'il enverrait l'Esprit aux disciples afin qu'ils lui rendent témoignage (cf. Jn 15, 26-27). L'œuvre de l'Esprit dans l’Église est aussi d'attester que les croyants sont les fils adoptifs de Dieu, destinés à recevoir en héritage le salut, la pleine communion avec le Père qu'il a promise (cf. Rm 8, 15-17). Dotant l’Église de divers dons et charismes, l'Esprit la fait croître dans la communion comme un corps unique, composé de multiples parties (cf. 1 Co 12, 4 ; Ep 4, 11-16). L'Esprit rassemble dans l'unité toutes sortes de personnes, avec leurs mœurs, leurs ressources et leurs talents respectifs, faisant de l’Église un signe de communion de toute l'humanité, ayant pour chef le Christ [63]. L'Esprit confère à l’Église la forme d'une communauté de témoins qui, par sa puissance, rendent témoignage à Jésus le Sauveur (cf. Ac 1, 8). En ce sens, l'Esprit Saint est le premier agent de l'évangélisation. De tout cela, les Pères synodaux ont pu conclure que, de même que le ministère de Jésus sur terre s'est accompli par la puissance de l'Esprit Saint, de même « le même Esprit a été donné à l’Église par le Père et le Fils à la Pentecôte pour achever la mission d'amour et de service de Jésus en Asie » [64].

Le plan du Père pour le salut de l'homme ne se termine pas avec la mort et la résurrection de Jésus ; par le don de l'Esprit du Christ, les fruits de la mission de salut sont offerts, par l'intermédiaire de l’Église, à tous les peuples de tous les temps à travers l'annonce de l’Évangile et le service aimant de la famille humaine. Comme le note le Concile Vatican II, « l'Esprit Saint pousse [l’Église] à coopérer à la pleine réalisation du dessein de Dieu, qui a établi le Christ comme principe de salut pour le monde entier » [65]. Ayant reçu de l'Esprit le pouvoir de porter à son achèvement le salut du Christ sur la terre, l’Église est le germe du Règne de Dieu et elle en attend avec impatience la venue finale. Son identité et sa mission sont inséparables du Règne de Dieu que Jésus a annoncé et inauguré par tout ce qu'il a fait et dit, principalement par sa mort et sa résurrection. L'Esprit rappelle à l’Église qu'elle n'est pas à elle-même sa propre fin: en tout ce qu'elle est et en tout ce qu'elle fait, elle existe pour servir le Christ et le salut du monde. Dans cette économie du salut, les œuvres de l'Esprit Saint dans la création, dans l'histoire et dans l'Église sont toutes une partie de l'unique et éternel dessein de la Trinité sur tout ce qui existe.

·     L'Esprit Saint et la mission de l’Église en Asie

18.    L'Esprit qui était à l'œuvre en Asie au temps des Patriarches et des Prophètes, et de manière plus puissante à l'époque de Jésus Christ et de l’Église primitive, est maintenant à l'œuvre chez les chrétiens de l'Asie, affermissant leur témoignage de foi parmi les peuples, les cultures et les religions du continent. De même que le grand dialogue d'amour entre Dieu et l'homme fut préparé par l'Esprit Saint et s'accomplit en terre d'Asie dans le mystère du Christ, de même le dialogue entre le Sauveur et les peuples du continent continue aujourd'hui par la puissance de ce même Esprit Saint, à l'œuvre dans l’Église. Dans ce processus, les Évêques, les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs, hommes et femmes, ont un rôle essentiel à jouer, suivant les paroles de Jésus, qui sont à la fois une promesse et une mission : « Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8).

L’Église est convaincue qu'au plus intime des personnes, des cultures et des religions de l'Asie est ressentie une soif d’« eau vive » (cf. Jn 4, 10-15), soif que l'Esprit lui-même suscite et que seul Jésus le Sauveur peut apaiser pleinement. Elle se tourne vers l'Esprit Saint pour qu'il continue à préparer les peuples de l'Asie au dialogue salvifique avec le Rédempteur de tous. Guidée par l'Esprit dans sa mission de service et d'amour, l’Église peut offrir une rencontre entre Jésus Christ et les peuples de l'Asie, car ils cherchent la plénitude de la vie. C'est seulement dans cette rencontre que l'on peut trouver l'eau vive jaillissant en vie éternelle, à savoir la connaissance de l'unique vrai Dieu et du Christ qu'il a envoyé (cf. Jn 17, 3).

L’Église sait bien qu'elle ne peut remplir sa mission que si elle obéit aux impulsions de l'Esprit Saint. Appelée à être signe et instrument authentiques de l'action de l'Esprit dans les réalités concrètes de l'Asie, elle doit discerner dans les différentes situations du continent l'appel de l'Esprit à témoigner de Jésus Sauveur sous des formes nouvelles et efficaces. La pleine vérité de Jésus et du salut qu'il nous a mérité est toujours un don et n'est jamais le résultat d'un effort humain. « L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ » (Rm 8, 16-17). C'est pourquoi l’Église ne cesse de crier : « Viens, Esprit Saint ! Pénètre le cœur de tes fidèles ! Qu'ils soient brûlés au feu de ton amour ! » Tel est le feu que Jésus fait descendre sur la terre, et l’Église en Asie partage l'ardent désir que ce feu soit allumé maintenant (cf. Lc 12, 49). Animés de ce désir intense, les Pères synodaux ont cherché à discerner les principaux champs de mission pour l’Église en Asie, alors qu'elle se prépare à franchir le seuil du nouveau millénaire.

CHAPITRE IV

JÉSUS, LE SAUVEUR : PROCLAMER LE DON

·     Le primat de l'annonce

19.    A la veille du troisième millénaire, la voix du Christ ressuscité résonne à nouveau dans le cœur de tout chrétien : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin des temps » (Mt 28, 18-20). Certains du soutien infaillible de Jésus lui-même ainsi que de la présence et de la puissance de son Esprit, les Apôtres commencèrent immédiatement après la Pentecôte à pratiquer ce commandement : « Ils s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux » (Mc 16, 20). Ce qu'ils annonçaient peut se résumer par les paroles de saint Paul : « Ce n'est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus » (2 Co 4, 5). Bénie du don de la foi, l’Église, après deux mille ans, continue à aller à la rencontre des peuples du monde afin de partager avec eux la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Elle est une communauté enflammée d'ardeur missionnaire pour que Jésus soit connu, aimé et suivi.

Il ne peut y avoir de véritable évangélisation sans annonce explicite que Jésus est le Seigneur. Le Concile Vatican II et, depuis lors, le Magistère, pour répondre à une certaine confusion quant à la vraie nature de la mission de l’Église, ont à maintes reprises souligné le primat de l'annonce de Jésus Christ dans toute activité d'évangélisation. Le pape Paul VI a écrit explicitement à ce sujet qu’« il n'y a pas d'évangélisation vraie si le nom, l'enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés » [66]. C'est ce que des générations de chrétiens ont fait au cours des siècles. Avec une fierté bien compréhensible, les Pères synodaux ont rappelé que « de nombreuses communautés chrétiennes en Asie ont préservé leur foi à travers les siècles en dépit de grandes tribulations et sont demeurées attachées à cet héritage spirituel avec une persévérance héroïque. Cet immense trésor est pour elles une source de grande joie et un stimulant » [67].

En même temps, les participants à l'Assemblée spéciale ont témoigné maintes et maintes fois de la nécessité d'un engagement renouvelé dans l'annonce de Jésus Christ précisément sur le continent qui a vu le début de cette annonce il y a deux mille ans. Les paroles de l'Apôtre Paul deviennent encore plus actuelles quand on pense aux millions et millions de personnes qui, sur ce continent, n'ont jamais rencontré la personne de Jésus de manière claire et consciente : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui ? Et comment croire sans d'abord l'entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? » (Rm 10, 13-14). La grande question qui se pose actuellement à l’Église en Asie est de savoir comment partager avec nos frères et sœurs asiatiques ce que nous conservons jalousement comme le don qui contient tout autre don, à savoir la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

·     Proclamer Jésus Christ en Asie

20.    L’Église en Asie est très bien disposée à la tâche de l'annonce, sachant qu’« il existe déjà, tant chez les individus que chez les peuples, grâce à l'action de l'Esprit, une attente, même inconsciente, de connaître la vérité sur Dieu, sur l'homme, sur la voie qui mène à la libération du péché et de la mort » [68]. Cette insistance sur l'annonce ne vient pas d'un accès de sectarisme ni d'un esprit de prosélytisme, ni du moindre sens de supériorité. L’Église évangélise par obéissance au commandement du Christ, sachant que toute personne a le droit d'entendre la Bonne Nouvelle de Dieu, Lui qui se révèle et se donne dans le Christ [69]. Rendre témoignage à Jésus Christ est le service suprême que l'Église peut offrir aux peuples de l'Asie, car cela répond à leur recherche profonde d'un absolu et dévoile les vérités et les valeurs qui garantissent leur développement humain intégral.

Profondément consciente de la complexité des situations si différentes en Asie et « vivant selon la vérité et dans la charité » (Ep 4, 15), l’Église proclame la Bonne Nouvelle avec une estime et un respect affectueux pour ceux qui l'écoutent. L'annonce qui respecte le droit des consciences ne viole pas la liberté, car la foi demande toujours une libre réponse de la part des personnes [70]. Mais le respect ne supprime pas la nécessité d'une annonce explicite et intégrale de l’Évangile. Dans le contexte de la riche variété des cultures et des religions en Asie tout particulièrement, il faut noter que « ni le respect et l'estime envers ces religions, ni la complexité des questions soulevées ne sont pour l’Église une invitation à taire devant les non-chrétiens l'annonce de Jésus Christ » [71]. En 1986, tandis que je visitais l'Inde, j'affirmais clairement que « l'approche de l’Église aux autres religions est faite de respect authentique [...]. Ce respect est double: respect pour l'homme dans sa recherche de réponses aux questions les plus profondes de sa vie, et respect pour l'action de l'Esprit dans l'homme » [72]. Certes, les Pères synodaux ont reconnu volontiers l'action de l'Esprit dans les sociétés, dans les cultures et dans les religions asiatiques, à travers lesquelles le Père prépare les cœurs des peuples de l'Asie à la plénitude de vie dans le Christ[73].

Dès avant les consultations qui ont précédé le Synode, beaucoup d’Évêques d'Asie ont fait remarquer les difficultés à proclamer la foi en Jésus comme unique Sauveur. Pendant l'Assemblée, la situation fut décrite de cette manière : « Certains des adeptes des grandes religions asiatiques n'ont aucun problème pour accepter Jésus comme une manifestation de la Divinité ou de l'Absolu, ou comme un “être illuminé”. Toutefois, ils ont de la difficulté à le considérer comme l'unique manifestation de la Divinité » [74]. En réalité, les efforts pour partager le don de la foi en Jésus comme unique Sauveur comporte de multiples difficultés philosophiques, culturelles et théologiques, spécialement à la lumière des croyances des grandes religions de l'Asie, étroitement liées à des valeurs culturelles et à des visions spécifiques du monde.

Dans la pensée des Pères synodaux, la difficulté s'intensifie du fait que Jésus est souvent perçu comme étranger à l'Asie. C'est un paradoxe que beaucoup d'Asiatiques ont tendance à considérer Jésus, né sur le sol asiatique, comme un occidental plutôt que comme une figure asiatique. Il était inévitable que l'annonce faite par les missionnaires occidentaux soit profondément influencée par les cultures d'où ils provenaient, et l'on ne peut nier que parfois même une certaine étroitesse de vues, une attitude défensive et un manque de sensibilité aient accompagné leurs efforts. Les Pères du Synode ont pris acte de cela comme d'un fait dont il faut tenir compte dans l'histoire de l'évangélisation, et ils n'ont pas condamné d'une manière sommaire les missionnaires pour « la figure occidentale » de Jésus. En même temps, ils ont profité de l'occasion pour « exprimer d'une façon très spéciale leur gratitude à tous les missionnaires, hommes et femmes, religieux et laïcs, étrangers et autochtones, qui ont apporté le message de Jésus Christ et le don de la foi. Une reconnaissance spéciale doit également être exprimée à toutes les Églises qui ont envoyé et continuent d'envoyer des missionnaires en Asie » [75].

Les missionnaires de l’Évangile peuvent s'appuyer sur l'expérience de saint Paul qui établit un dialogue avec les valeurs philosophiques, culturelles et religieuses de ses auditeurs (cf. Ac 14, 13-17 ; 17, 22-31). Les Conciles œcuméniques de l’Église, eux aussi, pour formuler des articles de foi de l’Église, ont dû utiliser les ressources linguistiques, philosophiques et culturelles qu'ils avaient à leur disposition. Ces ressources deviennent alors la propriété de toute l’Église, capable d'exprimer sa doctrine christologique d'une manière appropriée et universelle. Elles sont partie intégrante de l'héritage de la foi, qu'il faut s'approprier et partager constamment dans les rencontres avec les diverses cultures [76]. Toutefois, la mission de proclamer Jésus d'une manière qui permette aux peuples de l'Asie, tout en restant fidèles en même temps à la doctrine théologique de l’Église et à leurs origines asiatiques, est un énorme défi.

La présentation de Jésus Christ comme unique Sauveur oblige à suivre une pédagogie qui introduise les personnes, pas à pas, à la pleine appropriation du mystère. Il est clair que la première évangélisation de non-chrétiens et, dans un deuxième temps, l'annonce de Jésus à des croyants devra avoir des approches différentes. Dans la première évangélisation, par exemple, « la présentation de Jésus Christ devrait arriver comme l'accomplissement des aspirations exprimées dans les mythologies et dans le folklore des peuples de l'Asie » [77]. En règle générale, les méthodes narratives familières aux formes culturelles asiatiques doivent être préférées. En effet, l'annonce de Jésus Christ peut être réalisée de manière plus efficace en racontant son histoire comme le fait l’Évangile. Les notions ontologiques présentées, qui doivent toujours être présupposées et exprimées en présentant Jésus, peuvent être accompagnées plus expressément de perspectives relationnelles, historiques et même cosmiques. Comme l'ont souligné les Pères synodaux, l’Église « doit être ouverte aux voies nouvelles et surprenantes par lesquelles le visage du Christ pourra être présenté en Asie » [78].

Le Synode recommande que les catéchèses à venir suivent « une pédagogie à base d'évocation qui utilise des histoires, des paraboles et des symboles si caractéristiques de la méthodologie asiatique dans l'enseignement » [79]. Le ministère de Jésus lui-même montre clairement la valeur du contact personnel, qui exige que l'évangélisateur prenne à cœur la situation de l'auditeur, se livrant à une proclamation adaptée à son degré de maturité, à travers des formes et un langage appropriés. Dans cette perspective, les Pères synodaux ont maintes fois souligné la nécessité d'évangéliser d'une manière qui tienne compte de la sensibilité des peuples asiatiques, suggérant des images de Jésus qui soient intelligibles pour la mentalité et les cultures asiatiques et, en même temps, fidèles à l’Écriture Sainte et à la Tradition. Parmi ces figures, ils ont cité : « Jésus Christ comme le Maître de Sagesse, le Guérisseur, le Libérateur, le Guide spirituel, l’Être illuminé, l'Ami compatissant des pauvres, le Bon Samaritain, le Bon Berger, l'Obéissant » [80]. Jésus devrait être présenté comme la Sagesse de Dieu incarnée, dont la grâce porte à maturité les « semences » de la Sagesse divine déjà présentes dans la vie, dans les religions et chez les peuples de l'Asie [81]. Au milieu des nombreuses souffrances qui affligent les peuples de l'Asie, il pourrait d'une manière profitable être proclamé comme le Sauveur « qui peut donner un sens à tous ceux qui subissent des douleurs et des souffrances indicibles » [82].

La foi que l’Église offre en don à ses fils et filles de l'Asie ne peut être confinée dans les limites de la compréhension et de l'expression d'une culture humaine particulière, puisqu'elle les transcende et qu'en vérité elle incite toute culture à s'élever à de nouveaux niveaux de compréhension et d'expression. En même temps, les Pères du Synode avaient bien conscience de la nécessité impérieuse pour les Églises locales en Asie de présenter le mystère du Christ à leurs peuples en fonction des critères culturels et des modes de pensée de ces derniers. Ils soulignaient aussi que cette inculturation de la foi sur le continent doit amener à redécouvrir le visage asiatique de Jésus et à trouver des modes à travers lesquels les cultures asiatiques puissent saisir la signification salvifique universelle du mystère de Jésus et de son Église [83]. Il faut faire revivre de nos jours la compréhension pénétrante des peuples et des cultures qu'ont eue de manière exemplaire des hommes comme Giovanni da Montecorvino, Matteo Ricci et Roberto de Nobili, pour n'en mentionner que quelques-uns.

·     Le défi de l'inculturation

21.    La culture est l'espace vital dans lequel la personne humaine se trouve face à face avec l’Évangile. De même qu'une culture est le résultat de la vie et de l'activité d'un groupe humain, de même les personnes qui appartiennent à ce groupe sont façonnées dans une large mesure par la culture dans laquelle elles vivent. De même que les personnes et les sociétés changent, de même la culture change avec elles. Et quand une culture est transformée, les personnes et les sociétés le sont aussi par elle. De ce point de vue, on voit plus clairement pourquoi l'évangélisation et l'inculturation sont naturellement et intimement en relation l'une avec l'autre. L’Évangile et l'évangélisation ne s'identifient certes pas à la culture, et en sont même indépendants. Et pourtant le Règne de Dieu atteint des personnes profondément liées à une culture, et la construction du Royaume ne peut éviter d'emprunter des éléments de cultures humaines. C'est pourquoi Paul VI a affirmé que la rupture entre Évangile et culture était le drame de notre époque, qui a un impact profond sur l'évangélisation comme sur les cultures [84].

Dans le processus de rencontre entre les diverses cultures du monde, l’Église non seulement transmet ses vérités et ses valeurs, et renouvelle les cultures de l'intérieur, mais elle prend aussi en elles les éléments positifs qui y sont déjà présents. C'est là le chemin obligé des évangélisateurs pour présenter la foi chrétienne et la rendre partie intégrante de l'héritage culturel des peuples. À leur tour, quand les différentes cultures sont perfectionnées et renouvelées à la lumière de l’Évangile, elles peuvent devenir des expressions véritables de l'unique foi chrétienne. « L’Église, par l'inculturation, devient un signe plus compréhensible de ce qu'elle est et un instrument plus adapté à sa mission » [85]. Ce lien avec les cultures a toujours fait partie du pèlerinage de l’Église dans l'histoire, mais il revêt une urgence particulière aujourd'hui, dans la situation pluri-ethnique, pluri-religieuse et pluri-culturelle de l'Asie, où le christianisme est encore trop souvent vu comme étranger.

Ici, il est bon de rappeler ce qui a été dit à maintes reprises au cours du Synode, à savoir que l'Esprit Saint est l'agent premier de l'inculturation de la foi chrétienne en Asie [86]. L'Esprit lui-même, qui nous conduit à la vérité tout entière, rend possible un dialogue fructueux avec les valeurs culturelles et religieuses de différents peuples, parmi lesquels, dans une certaine mesure, il est présent, donnant aux hommes et aux femmes qui ont un cœur sincère la force de combattre le mal et les embûches du Malin, et offrant véritablement à chacun la possibilité de partager le mystère pascal d'une manière connue de Dieu seul [87]. La présence de l'Esprit fait que le dialogue se déroule dans la vérité, l'honnêteté, l'humilité et le respect [88]. « En offrant aux autres la Bonne Nouvelle de la Rédemption, l’Église s'efforce de comprendre leur culture. Elle cherche à connaître les esprits et les cœurs de ses auditeurs, leurs valeurs et leurs coutumes, leurs problèmes et leurs difficultés, leurs espoirs et leurs rêves. Une fois qu'elle connaît et comprend ces divers aspects de la culture, elle peut alors commencer le dialogue de salut; elle peut offrir, avec respect mais avec clarté et conviction, la Bonne Nouvelle de la Rédemption à tous ceux qui, librement, veulent l'écouter et lui répondre » [89]. Cependant, les peuples de l'Asie qui, en tant qu'asiatiques, désirent s'approprier la foi chrétienne peuvent être sûrs que leurs espoirs, leurs attentes, leurs soucis et leurs souffrances non seulement sont assumées par Jésus, mais deviennent le véritable point de passage par lequel le don de la foi et la puissance de l'Esprit entrent dans les profondeurs de leur vie.

C'est la tâche des Pasteurs, en vertu de leur charisme, de mener ce dialogue avec discernement. De même, les experts en disciplines sacrées ou profanes ont un rôle important à jouer dans le processus d'inculturation. Mais ce processus doit impliquer le peuple de Dieu tout entier, car la vie de l’Église dans son ensemble doit rendre visible la foi qu'elle proclame et qu'elle adopte. Pour être sûrs que cela se réalise en profondeur, les Pères synodaux ont précisé certains domaines qui exigent une attention particulière : la réflexion théologique, la liturgie, la formation des prêtres et des religieux, la catéchèse et la spiritualité [90].

·     Domaines clés de l'inculturation

22.    Le Synode a exprimé ses encouragements aux théologiens dans leur tâche délicate qui consiste à développer une théologie inculturée, spécialement dans le domaine de la christologie [91]. Il a souligné que « cette manière de faire de la théologie doit être poursuivie avec courage dans la fidélité à l’Écriture et à la Tradition de l’Église, en adhésion sincère au Magistère et avec une connaissance des situations pastorales » [92]. Moi aussi, j'invite les théologiens à travailler en esprit d'union avec les Pasteurs et avec le peuple qui — dans l'unité et jamais séparés les uns des autres — « reflètent l'authentique sensus fidei qu'il ne faut jamais perdre de vue » [93]. Le travail théologique doit toujours être guidé par le respect de la sensibilité des chrétiens, de manière que, par une croissance progressive vers des formes inculturées de l'expression de la foi, les personnes ne soient ni portées à la confusion ni scandalisées. L'inculturation doit toujours être guidée par la compatibilité avec l’Évangile et par la communion avec la foi de l’Église universelle, en plein accord avec la Tradition de l’Église, en ayant en vue l'affermissement de la foi du peuple [94]. On aura la preuve d'une bonne inculturation si le peuple devient plus engagé dans la foi chrétienne parce qu'il la perçoit plus clairement avec les yeux de sa culture.

La liturgie est la source et le sommet de toute vie et de toute mission chrétiennes [95] ; c'est un moyen fondamental d'évangélisation, spécialement en Asie où les adeptes de diverses religions sont si attirés par le culte, par les festivités religieuses et par des dévotions populaires [96]. La liturgie des Églises orientales a été dans la plupart des cas inculturée avec succès au cours de siècles d'interaction avec la culture ambiante, tandis que les Églises fondées plus récemment ont besoin de faire en sorte que la liturgie devienne une source encore plus intense de nourriture pour leurs fidèles grâce à un usage sage et efficace d'éléments pris dans les cultures locales. Mais l'inculturation liturgique demande plus que de se concentrer sur des valeurs culturelles traditionnelles, sur des symboles et des rites. Il faut aussi tenir compte des changements dans la conscience et dans les comportements suscités par l'apparition de cultures de sécularisme et de consumérisme qui influent sur le sens asiatique du culte et de la prière. Pour une inculturation authentique de la liturgie en Asie, on ne peut pas oublier non plus les besoins spécifiques des pauvres, des migrants, des réfugiés, des jeunes et des femmes.

Les Conférences épiscopales nationales et régionales doivent œuvrer en contact plus étroit avec la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements pour chercher des voies efficaces afin de promouvoir des formes appropriées de culte dans le contexte de l'Asie [97]. Une telle collaboration est essentielle parce que la sainte Liturgie exprime et célèbre la foi unique professée par tous et, étant l'héritage de toute l’Église, elle ne peut pas être déterminée par les Églises locales isolément, sans référence à l’Église universelle.

Les Pères synodaux ont particulièrement insisté sur l'importance de la Parole biblique dans la transmission du message de salut aux peuples de l'Asie, où la Parole à transmettre a un grand rôle dans la préservation et la communication de l'expérience religieuse [98]. Il s'ensuit qu'il faut développer un apostolat biblique efficace afin de pouvoir s'assurer que le texte sacré est plus largement diffusé et plus intensément utilisé en esprit de prière parmi les membres de l’Église en Asie. Les Pères synodaux ont souligné qu'il était urgent de la prendre comme base de toute annonce, catéchèse, prédication et forme de spiritualité missionnaires [99]. Il faut également encourager et soutenir les efforts pour traduire la Bible dans les langues locales. La formation biblique devrait être considérée comme un moyen important d'éduquer les personnes à la foi et de les préparer à la tâche de la proclamation. On devra inclure des cours sur l’Écriture orientés vers la pastorale, en mettant l'accent sur l'application de ses enseignements aux réalités complexes de la vie en Asie dans les programmes de formation pour le clergé, pour les personnes consacrées et pour les laïcs [100]. On devrait aussi faire connaître l’Écriture sainte parmi les adeptes d'autres religions ; la Parole de Dieu a le pouvoir intrinsèque de toucher le cœur des personnes, car, à travers elle, l'Esprit de Dieu révèle le plan divin du salut pour le monde. En outre, le style narratif que l'on peut remarquer dans beaucoup de livres de la Bible a des affinités avec les textes religieux typiques de l'Asie [101].

Un autre aspect clé de l'inculturation, dont l'avenir dépendant pour une large part, est la formation des missionnaires de l’Évangile. Dans le passé, la formation a souvent suivi le style, les méthodes et les programmes importés de l'Occident, et, tout en reconnaissant le service rendu par ce type de formation, les Pères synodaux ont noté, comme un développement positif, que des efforts ont été faits récemment pour adapter la formation des missionnaires de l’Évangile aux contextes culturels de l'Asie. En plus d'un solide bagage biblique et patristique, les séminaristes devraient acquérir une connaissance détaillée et assurée du patrimoine théologique et philosophique de l’Église, comme je l'ai rappelé dans mon encyclique Fides et ratio [102]. Sur la base de cette préparation, ils tireront alors profit de leurs contacts avec les traditions philosophiques et religieuses de l'Asie [103]. Les Pères synodaux ont également encouragé les professeurs de séminaire et leurs collaborateurs à chercher à comprendre en profondeur les éléments de spiritualité et de prière inhérents à l'âme asiatique, et à se laisser entraîner plus intensément dans la recherche à laquelle se livrent les peuples de l'Asie en vue d'une vie plus pleine [104]. A cette fin, ils ont suggéré la création d'un nouvel Institut central en Asie, consacré à la formation du corps enseignant des séminaires [105]. Le Synode a exprimé aussi sa préoccupation pour la formation des hommes et des femmes consacrés, déclarant clairement que leur spiritualité et leur style de vie doivent faire preuve de sensibilité à l'égard du patrimoine religieux et culturel des personnes au milieu desquelles ils vivent et qu'ils servent, présupposant toujours qu'est effectué le discernement nécessaire de ce qui est conforme à l’Évangile et de ce qui ne l'est pas [106]. En outre, puisque l'inculturation de l’Évangile concerne tout le peuple de Dieu, le rôle du laïcat est d'une importance fondamentale. Plus que tous les autres, les laïcs sont appelés à transformer la société, en collaboration avec les Évêques, le clergé et les religieux, en faisant pénétrer « l'esprit du Christ » dans la mentalité, les mœurs, les lois et les structures du monde séculier dans lequel ils vivent [107]. Une plus large inculturation de l’Évangile à tous les niveaux de la société en Asie dépendra considérablement de la formation appropriée que les Églises locales sauront donner au laïcat.

·     La vie chrétienne comme annonce

23.    Plus la communauté chrétienne est enracinée dans l'expérience de Dieu qui provient d'une foi vive, plus elle pourra proclamer aux autres de manière crédible l'accomplissement du Royaume de Dieu en Jésus Christ. Cela se réalisera grâce à une écoute fidèle de la Parole de Dieu, à la prière et à la contemplation, à la célébration du mystère de Jésus dans les sacrements, par-dessus tout dans l'Eucharistie, et en donnant l'exemple d'une vraie communion de vie et d'un amour intègre. Le cœur de l’Église particulière doit être centré sur la contemplation de Jésus Christ, Dieu fait homme, et elle doit tendre constamment à une union plus intime avec lui, dont elle continue la mission. La mission est une action contemplative et une contemplation active. Cependant un missionnaire qui n'a pas une profonde expérience de Dieu dans la prière et dans la contemplation aura peu d'influence spirituelle ou de succès missionnaire. Il s'agit là d'une réflexion que je tire de ma propre expérience sacerdotale, et, comme je l'ai écrit ailleurs, mes contacts avec des représentants des traditions spirituelles non chrétiennes, particulièrement les traditions asiatiques, m'ont confirmé dans la conviction que l'avenir de la mission dépend d'une grande diffusion de la contemplation [108]. En Asie, siège de grandes religions, où les personnes et des peuples entiers ont soif du divin, l'Église est appelée à être une Église de prière, profondément spirituelle bien qu'elle soit engagée dans des préoccupations humaines et sociales immédiates. Tout chrétien a besoin d'une authentique spiritualité missionnaire de prière et de contemplation.

Une personne vraiment religieuse est très facilement respectée et suivie en Asie. La prière, le jeûne et les diverses formes d'ascétisme sont tenus en haute estime. Le renoncement, le détachement, l'humilité, la simplicité et le silence sont considérés comme de grandes valeurs par les adeptes de toutes les religions. Pour que la prière ne soit pas détachée de la promotion humaine, les Pères synodaux ont souligné que « l'œuvre de justice, de charité et de compassion est étroitement liée à une vie authentique de prière et de contemplation, et en outre cette même spiritualité sera la source de toute notre œuvre d'évangélisation » [109]. Pleinement convaincus de l'importance du témoignage authentique dans l'évangélisation de l'Asie, les Pères du synode ont affirmé : « La Bonne Nouvelle de Jésus Christ ne peut être annoncée que par ceux qui sont pris et inspirés par l'amour du Père pour ses enfants, manifesté dans la personne de Jésus Christ. Cette annonce est une mission qui a besoin de saints hommes et de saintes femmes qui feront connaître et aimer le Sauveur par leurs vies. Un feu ne peut être allumé que par quelque chose qui est lui-même enflammé. Ainsi, une annonce réussie de la Bonne Nouvelle du Salut en Asie ne peut être mise en place que si les Évêques, les prêtres, les religieux et les laïcs sont eux-mêmes embrasés par l'amour du Christ et brûlants de zèle pour le faire connaître plus largement, le faire aimer plus intensément et le faire suivre de plus près » [110]. Les chrétiens qui parlent du Christ doivent incarner dans leur vie le message qu'ils annoncent.

A cet égard toutefois, une circonstance particulière dans le contexte asiatique requiert notre attention. L’Église sait que le témoignage silencieux de la vie reste aujourd'hui encore l'unique moyen de proclamer le Règne de Dieu en beaucoup d'endroits en Asie où l'annonce explicite est interdite et où la liberté religieuse est refusée ou du moins systématiquement réduite. L’Église vit ce type de témoignage de manière consciente, y voyant le moyen de « prendre sa croix » (cf. Lc 9, 23), bien qu'elle ne se lasse pas d'attirer l'attention des gouvernements et de réclamer d'eux la reconnaissance de la liberté religieuse comme un droit humain fondamental. Il est bon de rappeler ici ce que disait le Concile Vatican II : « La personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part soit d'individus, soit de groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou en association avec d'autres » [111]. Dans certains pays asiatiques, ce principe doit encore être reconnu et mis en œuvre.

Il est donc clair que l'annonce de Jésus Christ en Asie présente des aspects complexes du point de vue du contenu comme de la méthode. Les Pères synodaux avaient hautement conscience de la légitime variété d'approches de l'annonce de Jésus, à condition toutefois que la foi soit intégralement respectée dans le processus d'appropriation et de partage de la foi. Le Synode a souligné que « l'évangélisation est aujourd'hui une réalité riche et dynamique. Elle a des aspects et des éléments variés: le témoignage, le dialogue, l'annonce, la catéchèse, la conversion, le baptême, l'insertion dans la communauté ecclésiale, l'implantation de l’Église, l'inculturation et le développement intégral de l'homme. Certains de ces éléments sont liés alors que d'autres sont des étapes successives du processus global d'évangélisation » [112]. Toutefois, dans l'ensemble de l'œuvre évangélisatrice, ce qui doit être annoncé, c'est la vérité complète de Jésus Christ. Souligner certains aspects du mystère insondable de Jésus est légitime autant que nécessaire pour introduire progressivement le Christ auprès d'une personne, mais aucune compromission ne peut être admise quant à l'intégrité de la foi. En fin de compte, l'acceptation de la foi de la part d'une personne doit être fondée sur une compréhension certaine de la personne de Jésus Christ, le Seigneur de tous qui « est le même hier, aujourd'hui et à jamais » (He 13, 8), comme l'a enseigné l'Église en tout temps et en tout lieu.

CHAPITRE V

COMMUNION ET DIALOGUE POUR LA MISSION

·     Communion et mission marchent ensemble

24.    Conformément au dessein éternel du Père, l’Église, prévue depuis les origines du monde, préparée dans l'Ancien Testament, instituée par le Christ Jésus et rendue présente dans le monde par l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, « avance dans son pèlerinage entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu » [113], tandis qu'elle s'achemine vers la perfection dans la gloire du ciel. Puisque Dieu désire que « le genre humain dans son ensemble forme un seul peuple de Dieu, croisse ensemble pour constituer un seul Corps du Christ, soit édifié ensemble en un seul Temple du Saint-Esprit » [114], l’Église est dans le monde « le projet visible de l'amour de Dieu pour l'humanité, le sacrement du salut » [115]. Elle ne peut donc pas être considérée simplement comme une organisation sociale ou une agence d'aide humanitaire. Bien qu'elle soit composée d'hommes et de femmes pécheurs, elle doit être considérée comme le lieu privilégié de la rencontre entre Dieu et l'homme, où Dieu choisit de révéler le mystère de sa vie intime et de réaliser son plan de salut du monde.

Le mystère du dessein d'amour de Dieu est rendu présent et actif dans la communauté des hommes et des femmes qui ont été ensevelis avec le Christ par le Baptême dans la mort, de sorte que, comme le Christ a été ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père, eux aussi peuvent cheminer dans une vie nouvelle (cf. Rm 6, 4). Au cœur du mystère de l’Église, il y a le lien de communion qui unit le Christ Époux à tous les baptisés. En raison de cette communion vivante et vivifiante, « les chrétiens ne s'appartiennent pas à eux-mêmes, mais sont la propriété du Christ » [116]. Unis au Fils par le lien d'amour de l'Esprit, ils sont unis au Père, et de cette communion découle la communion qu'ils partagent entre eux par le Christ dans l'Esprit Saint [117]. Le but premier de l’Église est donc d'être le sacrement de l'union intime de la personne humaine avec Dieu et, puisque la communion des personnes entre elles est enracinée dans cette union à Dieu, l’Église est aussi le sacrement de l'unité du genre humain [118]. En elle, cette unité est déjà commencée ; en même temps, elle est « signe et instrument » de la pleine réalisation de l'unité qui doit encore s'accomplir [119].

C'est une exigence essentielle de la vie dans le Christ que celui qui entre en communion avec le Seigneur doit porter du fruit : « Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 5) ; cela est d'autant plus vrai que la personne qui ne porte pas de fruit ne demeure pas en communion : « Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, [mon Père] l'enlève » (Jn 15, 2). La communion avec Jésus, qui est à l'origine de la communion des chrétiens entre eux, est la condition indispensable pour porter du fruit; et la communion avec les autres, don du Christ et de son Esprit, est le fruit le plus beau que les sarments peuvent offrir. En ce sens, communion et mission sont inséparablement liées l'une à l'autre ; « elles se compénètrent et s'impliquent mutuellement, au point que la communion représente la source et tout à la fois le fruit de la mission: la communion est missionnaire et la mission est pour la communion » [120].

Utilisant la théologie de communion, le Concile Vatican II a pu décrire l’Église comme le peuple de Dieu en pèlerinage, auquel, d'une certaine manière, tous les peuples sont reliés [121]. A partir de là, les Pères synodaux ont mis l'accent sur le lien mystérieux entre l’Église et les adeptes des autres religions d'Asie, notant qu'ils sont « en relation avec elle selon différents modes et degrés » [122]. Parmi des peuples, des cultures et des religions aussi divers, « la vie de l’Église comme communion est de la plus grande importance » [123]. En effet, le service de l'unité de l’Église est d'un intérêt particulier en Asie, où il y a tant de tensions, de divisions et de conflits, causés par des différences ethniques, sociales, culturelles, linguistiques, économiques et religieuses. C'est dans un tel contexte que les Églises locales en Asie, en communion avec le Successeur de Pierre, ont besoin de promouvoir une plus profonde communion d'esprit et de cœur par une étroite collaboration entre elles. Les relations avec les autres Églises et les Communautés ecclésiales chrétiennes, et avec les adeptes des autres religions, sont également vitales pour sa mission évangélisatrice [124]. Le Synode a donc renouvelé l'engagement de l’Église en Asie dans sa tâche d'améliorer à la fois les relations œcuméniques et le dialogue interreligieux, reconnaissant que la construction de l'unité, le travail pour la réconciliation, le tissage des liens de solidarité, la promotion du dialogue entre les religions et les cultures, l'éradication des préjugés et l'encouragement à la confiance entre les peuples sont essentiels à la mission évangélisatrice de l’Église sur le continent. Tout cela demande de la part de la communauté catholique un sincère examen de conscience, le courage de rechercher la réconciliation et un engagement renouvelé au dialogue. Au seuil du troisième millénaire, il est clair que l'aptitude de l’Église à évangéliser requiert qu'on s'efforce vigoureusement de servir la cause de l'unité dans toutes ses dimensions, puisque communion et mission marchent ensemble.

·     Communion dans l’Église

25.    Réunis autour du Successeur de Pierre, priant et travaillant ensemble, les Évêques de l'Assemblée spéciale pour l'Asie personnifiaient ce que devrait être la communion de l’Église dans toute la riche diversité des Églises particulières qu'ils président dans la charité. Ma propre présence aux Sessions générales du Synode était à la fois une heureuse occasion de partager les joies et les espoirs, les difficultés et les angoisses des Évêques, et un exercice intense et profondément ressenti de mon ministère. C'est justement dans la perspective de la communion ecclésiale que l'autorité universelle du Successeur de Pierre rayonne le plus clairement, non pas d'abord comme un pouvoir juridique sur les Églises locales, mais par-dessus tout comme une primauté pastorale au service de l'unité de la foi et de la vie du peuple de Dieu tout entier. Profondément conscients que « le ministère pétrinien a la fonction unique de garantir et de promouvoir l'unité de l’Église » [125], les Pères synodaux ont reconnu le service que les Dicastères de la Curie romaine et le service diplomatique du Saint-Siège rendent aux Églises locales, dans un esprit de communion et de collégialité [126]. Une caractéristique essentielle de ce service est le respect et la sensibilité dont ces proches collaborateurs du Successeur de Pierre font preuve à l'égard de la diversité légitime des Églises locales et de la variété des cultures et des peuples avec lesquels ils sont en contact.

Chaque Église particulière doit se fonder sur le témoignage de la communion ecclésiale qui constitue sa nature d'Église. Les Pères synodaux ont choisi de décrire le diocèse comme une communion de communautés réunies autour de leur Pasteur, où les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs sont engagés dans un « dialogue de vie et de cœur » soutenu par la grâce du Saint-Esprit [127]. C'est en premier lieu dans le diocèse que la vision d'une communion de communautés peut se réaliser au sein des réalités sociales, politiques, religieuses, culturelles et économiques de l'Asie, qui sont fort complexes. La communion ecclésiale implique que chaque Église locale devienne ce que les Pères synodaux ont appelé une « Église participante », c'est-à-dire, une Église dans laquelle chacun vit sa vocation propre et accomplit son rôle spécifique. Afin d'édifier la « communion pour la mission » et la « mission de communion », le charisme particulier de chaque membre doit être reconnu, développé et utilisé de façon efficace [128]. Il est nécessaire en particulier de promouvoir une implication plus grande des laïcs et des personnes consacrées dans la programmation pastorale et dans les processus de décisions par l'intermédiaire de structures de participation comme les conseils pastoraux et les assemblées paroissiales [129].

Dans chaque diocèse, la paroisse demeure le lieu ordinaire où les fidèles se réunissent pour grandir dans la foi, pour vivre le mystère de la communion ecclésiale et pour prendre part à la mission de l’Église. Les Pères du Synode ont donc chaleureusement invité les pasteurs à rechercher des voies nouvelles et efficaces pour guider pastoralement les fidèles, de façon que chacun, spécialement les pauvres, se sente réellement partie prenante de la paroisse et du peuple de Dieu dans son ensemble. La participation des laïcs à la planification pastorale devrait être une pratique normale de toutes les paroisses [130]. Le Synode a défini les jeunes comme ceux pour lesquels « la paroisse devrait fournir davantage d'occasions d'amitié et de communion [...] par l'organisation d'activités apostoliques de jeunes et de clubs de jeunes » [131]. Personne a priori ne devrait être exclu du partage intégral de la vie et de la mission de la paroisse pour des raisons sociales, économiques, politiques, culturelles ou éducatives. De même que tout disciple du Christ a un don à offrir à la communauté, de même la communauté devrait manifester sa volonté de recevoir le don de chacun et d'en bénéficier.

Dans ce contexte et en se référant à leur expérience pastorale, les Pères synodaux ont souligné la valeur des communautés ecclésiales de base comme étant une façon efficace de promouvoir la communion et la participation dans les paroisses et dans les diocèses, et une force authentique pour l'évangélisation [132]. Ces petits groupes aident les fidèles à vivre en tant que communautés qui croient, qui prient et qui s'aiment comme les premiers chrétiens (cf. Ac 2, 44-47; 4, 32-35). Ils tendent à les aider aussi à vivre l’Évangile dans un esprit d'amour fraternel et de service, et ils sont par conséquent un solide point de départ pour construire une nouvelle société, expression d'une civilisation de l'amour. Avec le Synode, j'encourage l’Église en Asie, là où c'est possible, à considérer ces communautés de base comme un élément positif pour l'activité évangélisatrice de l’Église. En même temps, ces communautés ne seront vraiment efficaces que si, comme l'a écrit Paul VI, elles vivent en union avec l’Église particulière et l’Église universelle, en communion de cœur avec les Pasteurs de l’Église et le Magistère, s'engageant dans une perspective missionnaire et ne laissant aucune place à l'isolationnisme ou à une exploitation idéologique [133]. 133 La présence de ces petites communautés ne rend pas inutiles les institutions ni les structures établies, qui demeurent nécessaires à l’Église pour accomplir sa mission.

Le Synode a reconnu aussi le rôle des mouvements de renouveau pour édifier la communion, pour donner l'occasion de faire une expérience plus intime de Dieu par la foi et par les sacrements, et pour promouvoir la conversion de la vie [134]. C'est la responsabilité des Pasteurs de guider, d'accompagner et d'encourager ces groupes de façon qu'ils puissent bien s'intégrer dans la vie et dans la mission de la paroisse et du diocèse. Ceux qui sont engagés dans des associations et des mouvements devraient apporter leur soutien à l’Église locale et non se présenter comme une substitution des structures diocésaines et de la vie paroissiale. La communion devient plus forte quand les responsables locaux de ces mouvements travaillent avec les Pasteurs dans un esprit de charité pour le bien de tous (cf. 1 Co 1, 13).

·     La solidarité entre les Églises

26.    Cette communion ad intra contribue à la solidarité entre les Églises particulières elles-mêmes. L'attention aux besoins locaux est légitime et indispensable, mais la communion exige que les Églises particulières demeurent ouvertes les unes vis-à-vis des autres et collaborent entre elles, de sorte que dans leur diversité elles puissent préserver et manifester clairement leur lien de communion avec l’Église universelle. La communion exige la compréhension mutuelle et une approche coordonnée de la mission, sans porter préjudice à l'autonomie ni aux droits des Églises selon leurs traditions théologiques, liturgiques et spirituelles respectives. L'histoire démontre cependant que les divisions ont souvent blessé la communion des Églises en Asie. Au long des siècles, les relations entre les Églises particulières de juridictions ecclésiastiques, de traditions liturgiques et de styles missionnaires différents ont parfois été tendues ou difficiles. Les Évêques présents au Synode ont reconnu qu'aujourd'hui aussi en Asie, dans les Églises particulières comme entre elles, il y a parfois des divisions malheureuses, souvent liées aux diversités rituelles, linguistiques, ethniques, idéologiques et de caste. Certaines blessures sont partiellement cicatrisées, mais ce n'est pas encore une totale guérison. Reconnaissant que, là où la communion est affaiblie, le témoignage de l’Église et le travail missionnaire en souffrent, les Pères du Synode ont proposé des initiatives concrètes pour renforcer les relations entre les Églises particulières en Asie. En plus des nécessaires expressions spirituelles de soutien et d'encouragement, ils ont suggéré une plus équitable répartition des prêtres, une solidarité économique plus efficace, des échanges culturels et théologiques, et des occasions plus nombreuses de jumelage entre les diocèses [135].

Des Associations régionales et continentales d’Évêques, notamment le Conseil des Patriarches catholiques du Moyen-Orient et la Fédération des Conférences des Évêques de l'Asie, ont contribué à promouvoir l'union entre les Églises locales et ont fourni des lieux de rencontre pour la collaboration en vue de résoudre des problèmes pastoraux. De la même manière, à travers l'Asie il y a de nombreux centres de théologie, de spiritualité et d'activité pastorale qui favorisent la communion et la collaboration concrète [136]. Tous doivent se préoccuper de contribuer au développement de ces initiatives prometteuses, pour le bien de l’Église comme de la société en Asie.

·     Les Églises orientales catholiques

27.    La situation des Églises orientales catholiques, principalement du Moyen-Orient et de l'Inde, mérite une attention particulière. Depuis les temps apostoliques, elles ont été les gardiennes d'un précieux héritage spirituel, liturgique et théologique. Leurs traditions et leurs rites, issus d'une profonde inculturation de la foi sur le sol de nombreux pays d'Asie, ont droit au plus grand respect. Avec les Pères du Synode, j'invite chacun à reconnaître les coutumes légitimes et la liberté de ces Églises en matière disciplinaire et liturgique, comme il est établi dans le Code des Canons des Églises orientales [137]. Selon l'enseignement du Concile Vatican II, il y a une nécessité urgente de surmonter les peurs et les incompréhensions qui apparaissent parfois entre les Églises orientales catholiques et l’Église latine, et aussi entre ces Églises elles-mêmes, particulièrement en ce qui concerne la sollicitude pastorale envers leurs fidèles, même hors de leurs territoires propres [138]. Comme fils de l'unique Église, renés à la vie nouvelle dans le Christ, les croyants sont appelés à faire face à tout avec le souci d'une perspective commune, dans un esprit de confiance, et d'une charité inébranlable. Il ne faut pas laisser les conflits créer des divisions, mais il faut les gérer dans un esprit de vérité et de respect, car il ne peut y avoir aucun bien si ce n'est celui qui vient de l'amour [139].

Ces vénérables Églises sont impliquées directement dans le dialogue œcuménique avec les Églises orthodoxes sœurs, et les Pères synodaux les ont encouragées à poursuivre sur cette route [140]. Elles ont eu aussi de précieuses expériences de dialogue interreligieux, spécialement avec l'Islam. Cela peut aider d'autres Églises en Asie et ailleurs. Il est clair que les Églises orientales catholiques ont une grande richesse de traditions et d'expériences, dont peut grandement bénéficier toute l'Église.

·     Partager les espoirs et les souffrances

28.    Les Pères du Synode étaient aussi conscients de la nécessité d'une communion et d'une collaboration effectives avec les Églises locales présentes sur les territoires asiatiques de l'ex-Union Soviétique, qui sont en train de se reconstruire dans les pénibles circonstances héritées d'une période douloureuse de leur histoire. L'Église les accompagne par la prière, partageant leurs souffrances et leurs nouveaux espoirs. J'encourage toute l'Église à leur apporter un soutien moral, spirituel et matériel, et à mettre à leur disposition du personnel ecclésiastique et laïc, dont elles ont grandement besoin, afin d'aider ces communautés dans leur tâche de faire connaître aux peuples de ces pays l'amour de Dieu révélé en Jésus Christ [141].

Dans de nombreuses parties de l'Asie, nos frères et sœurs continuent à vivre leur foi malgré les restrictions ou la totale négation de leur liberté. A l'égard de ces membres souffrants de l'Église, les Pères synodaux ont exprimé une préoccupation et une sollicitude particulières. Avec les Évêques de l'Asie, j'exhorte les frères et les sœurs de ces Églises en situations difficiles à unir leurs souffrances à celle du Seigneur crucifié, car nous savons bien, et eux aussi, que seule la Croix, lorsqu'elle est portée avec foi et amour, est le chemin de la résurrection et d'une vie nouvelle pour l'humanité. J'encourage les diverses Conférences épiscopales nationales en Asie à créer un service pour aider ces Églises; et j'assure ceux qui souffrent persécution pour leur foi dans le Christ de la proximité et de la sollicitude constantes du Saint-Siège [142]. Je lance un appel aux gouvernements et aux responsables des nations pour qu'ils adoptent et mettent en pratique des politiques qui garantissent la liberté religieuse pour tous les citoyens.

A maintes reprises, les Pères synodaux se sont tournés en pensée vers l'Église catholique en Chine continentale et ils ont prié pour que vienne bientôt le jour où nos bien-aimés frères et sœurs chinois seront totalement libres de pratiquer leur foi en pleine communion avec le Siège de Pierre et avec l'Église universelle. A vous, chers frères et sœurs chinois, j'adresse cette fervente exhortation: ne permettez jamais que les difficultés et les larmes diminuent votre attachement au Christ et votre engagement pour votre grande nation [143]. Le Synode a aussi exprimé sa solidarité cordiale avec l'Église catholique en Corée et a manifesté son soutien aux « efforts [des catholiques] pour porter assistance au peuple de la Corée du Nord qui est privé des moyens minimaux de survie et pour amener la réconciliation entre deux pays d'un même et unique peuple, d'une même langue et d'un même héritage culturel » [144].

De la même manière, le Synode s'est souvent tourné en pensée vers l'Église qui est à Jérusalem, elle qui a une place spéciale dans le cœur de tous les chrétiens. En réalité, les mots du prophète Isaïe trouvent un écho dans le cœur de millions de croyants à travers le monde, pour lesquels Jérusalem occupe une place unique et très chère : « Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez en elle, vous tous qui l'aimez,... et vous puiserez avec délices à l'abondance de sa gloire » (66, 10-11). Jérusalem, ville de la réconciliation des hommes avec Dieu et entre eux, a été si souvent un lieu de conflits et de divisions ! Les Pères synodaux ont exhorté les Églises particulières à manifester leur solidarité avec l'Église qui est à Jérusalem, en partageant ses souffrances, en priant pour elle et en collaborant avec elle au service de la paix, de la justice et de la réconciliation entre les deux peuples et les trois religions présents dans la Ville Sainte [145]. Je renouvelle l'appel souvent lancé aux responsables politiques et religieux et à toutes les personnes de bonne volonté afin qu'ils cherchent les voies capables d'assurer la paix et l'intégrité de Jérusalem. Comme je l'ai déjà écrit, c'est mon souhait fervent de m'y rendre en pèlerinage religieux, comme mon prédécesseur le Pape Paul VI, pour prier dans la Ville Sainte où Jésus Christ a vécu, est mort et est ressuscité, et pour visiter le lieu d'où, poussé par le Saint-Esprit, les Apôtres sont partis pour proclamer l'Évangile de Jésus Christ au monde [146].

·     Une mission de dialogue

29.    Le thème commun des différents Synodes « continentaux », qui ont aidé l'Église à se préparer au grand Jubilé de l'An 2000, est celui de la nouvelle évangélisation. Une nouvelle ère d'annonce de l'Évangile est essentielle, non seulement parce que, après deux mille ans, la majeure partie de la famille humaine ne connaît pas encore le Christ, mais aussi parce que la situation dans laquelle se trouvent l'Église et le monde au seuil du nouveau millénaire présente des défis particuliers pour la foi religieuse et pour les vérités morales qui en découlent. On observe presque partout une tendance à construire le progrès et la prospérité sans référence à Dieu, et à réduire la dimension religieuse de la personne à la sphère privée. Si la société se sépare des vérités les plus fondamentales sur l'homme, à savoir sa relation au Créateur et à la Rédemption réalisée par le Christ dans l'Esprit Saint, elle ne peut que s'éloigner de plus en plus des vraies sources de la vie, de l'amour et du bonheur. Ce siècle rempli de violence, qui arrive presque à son terme, a donné un témoignage terrifiant de ce qui peut survenir quand on abandonne la vérité et la bonté au profit de l'appétit du pouvoir et de l'affirmation de soi. La nouvelle évangélisation, comme invitation à la conversion, à la grâce et à la sagesse, est l'unique espérance authentique pour parvenir à un monde meilleur et à un avenir plus lumineux. La question n'est pas de savoir si l'Église a quelque chose d'essentiel à dire aux hommes et aux femmes de notre temps, mais comment elle peut le dire avec clarté et de façon convaincante !

A l'époque du Concile Vatican II, mon prédécesseur le Pape Paul VI a déclaré, dans l'encyclique Ecclesiam suam, que le problème du rapport entre l'Église et le monde moderne était une des préoccupations les plus importantes de notre temps. Il écrivait que « sa présence, son urgence sont telles qu'elles constituent un poids pour notre esprit, un stimulant, presque une vocation » [147]. Depuis le Concile, l'Église a constamment montré qu'elle voulait poursuivre ce rapport en esprit de dialogue. Toutefois, le désir de dialogue n'est pas simplement une stratégie pour une coexistence pacifique entre les peuples; il est une partie essentielle de la mission de l'Église parce qu'il a ses origines dans le dialogue salvifique d'amour du Père avec l'humanité, par le Fils, dans la puissance de l'Esprit Saint. L'Église ne peut remplir sa mission que d'une façon qui corresponde à la manière dont Dieu a agi en Jésus Christ: il s'est fait homme, il a partagé notre vie humaine et il a parlé un langage humain pour communiquer son message de salut. Le dialogue que l'Église propose est fondé sur la logique de l'Incarnation. C'est donc seulement par une solidarité ardente et désintéressée que l'Église entre en dialogue avec les hommes et les femmes de l'Asie qui sont à la recherche de la vérité dans l'amour.

Comme sacrement de l'unité de toute l'humanité, l'Église ne peut pas ne pas entrer en dialogue avec tous les peuples, en tout temps et en tout lieu. Répondant à la mission qu'elle a reçue, elle ose aller à la rencontre des peuples du monde en ayant conscience d'être le « petit troupeau » dans la foule immense de l'humanité (cf. Lc 12, 32) mais aussi le levain dans la pâte du monde (cf. Mt 13, 33). Ses efforts pour engager le dialogue sont en premier lieu dirigés vers ceux qui partagent sa foi en Jésus Christ, Seigneur et Sauveur. Cela s'étend au-delà du monde chrétien vers les adeptes des autres traditions religieuses, en se fondant sur les attentes religieuses qui habitent tout cœur humain. Le dialogue œcuménique et le dialogue interreligieux constituent une véritable vocation de l'Église.

·     Dialogue œcuménique

30.    Le dialogue œcuménique est un défi et un appel à la conversion pour toute l'Église, spécialement pour l'Église en Asie, où les gens attendent des chrétiens un signe plus clair d'unité. Afin que tous les peuples se rassemblent dans l'action de grâce à Dieu, la communion a besoin d'être restaurée entre ceux qui dans la foi ont accepté Jésus Christ comme Seigneur. Jésus lui-même a prié pour l'unité visible de ses disciples et n'a cessé de la demander, pour que le monde croie que le Père l'a envoyé (cf. Jn 17, 21) [148]. Mais la volonté du Seigneur que son Église soit une attend une réponse complète et courageuse de la part de ses disciples.

En Asie, où justement le nombre des chrétiens est proportionnellement faible, la division rend l'activité missionnaire encore plus difficile. Les Pères synodaux ont reconnu que « le scandale de la division des chrétiens est un grand obstacle pour l'évangélisation en Asie » [149]. En effet, de nombreuses personnes en Asie qui, à travers leurs religions et leurs cultures, sont à la recherche d'harmonie et d'unité considèrent la division entre les chrétiens comme un contre-témoignage de Jésus Christ. C'est pourquoi l'Église catholique en Asie se sent particulièrement poussée à œuvrer pour l'unité avec les autres chrétiens, se rendant compte que la recherche de la pleine communion exige de chacun charité, discernement, courage et espérance. « Pour être authentique et fructueux, l'œcuménisme demande aux fidèles catholiques certaines dispositions fondamentales. Tout d'abord, la charité, avec un regard plein de sympathie et un vif désir de coopérer, chaque fois que cela est possible, avec les frères des autres Églises ou Communautés ecclésiales. En second lieu, la fidélité à l'Église catholique, sans pour autant ignorer ni même nier les manques manifestés par le comportement de certains de ses membres. En troisième lieu, l'esprit de discernement, pour apprécier ce qui est bon et digne d'éloges. Enfin, une sincère volonté de purification et de renouvellement est exigée » [150].

Tout en reconnaissant les difficultés encore existantes dans les rapports entre chrétiens, qui incluent non seulement des préjugés hérités du passé mais aussi des jugements enracinés dans des profondes convictions qui touchent la conscience [151], les Pères du Synode ont toutefois mis en évidence les signes de l'amélioration des relations entre certaines Églises chrétiennes et Communautés ecclésiales en Asie. Par exemple, catholiques et orthodoxes reconnaissent souvent une unité culturelle entre eux, un sentiment de partager des éléments importants d'une tradition ecclésiale commune. Cela constitue une base solide pour un dialogue œcuménique fructueux qui continuera aussi au prochain millénaire et qui, nous l'espérons et nous prions pour cela, mettra fin aux divisions du millénaire qui va s'achever.

Sur le plan pratique, le Synode a proposé que les Conférences épiscopales nationales en Asie invitent les autres Églises chrétiennes à s'unir dans un processus de prière et de consultation afin d'explorer les possibilités de nouvelles structures et associations œcuméniques pour promouvoir l'unité des chrétiens. La suggestion du Synode que la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens soit célébrée de façon plus fructueuse sera aussi une aide. Les Évêques sont encouragés à instituer et à présider des centres œcuméniques de prière et de dialogue ; et il est nécessaire d'inclure dans le cursus des séminaires, des maisons de formation et des institutions éducatives une formation appropriée au dialogue œcuménique.

·     Dialogue interreligieux

31.    Dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, j'ai précisé que l'approche d'un nouveau millénaire constitue une circonstance favorable pour le dialogue interreligieux et pour des rencontres avec les responsables des grandes religions du monde [152]. Le contact, le dialogue et la coopération avec les adeptes des autres religions, c'est là une tâche que le Concile Vatican II a confiée à l'Église entière comme un devoir et un défi. Les principes de la recherche d'un rapport positif avec les autres traditions religieuses ont été mis en évidence dans la déclaration conciliaire Nostra ætate promulguée le 28 octobre 1965, charte pour notre temps du dialogue interreligieux. Du point de vue chrétien, le dialogue interreligieux est bien plus qu'une façon de promouvoir la connaissance et l'enrichissement réciproques; il est une partie de la mission évangélisatrice de l'Église, une expression de la mission Ad gentes [153]. Les chrétiens apportent au dialogue interreligieux la ferme conviction que la plénitude du salut provient seulement du Christ et que la communauté ecclésiale à laquelle ils appartiennent est le moyen ordinaire du salut [154]. Je redis ici ce que j'ai écrit à la cinquième Assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie : « Bien que l'Église reconnaisse avec joie tout ce qui est vrai et saint dans les traditions religieuses du Bouddhisme, de l'Hindouisme et de l'Islam, comme un reflet de cette vérité qui illumine tous les hommes, cela ne diminue pas son devoir et sa détermination de proclamer sans hésitation Jésus Christ qui est “la Voie, la Vérité et la Vie”. [...] Le fait que les adeptes d'autres religions peuvent recevoir la grâce de Dieu et être sauvés par le Christ en dehors des moyens ordinaires qu'il a institués n'annule donc pas l'appel à la foi et au baptême que Dieu veut pour tous les peuples » [155].

En ce qui concerne le processus du dialogue, comme je l'écrivais déjà dans l'encyclique Redemptoris missio, « il ne doit y avoir ni capitulation, ni irénisme, mais témoignage réciproque en vue d'un progrès des uns et des autres sur le chemin de la recherche et de l'expérience religieuses et aussi en vue de surmonter les préjugés, l'intolérance et les malentendus » [156]. Seuls ceux qui sont dotés d'une foi chrétienne mûre et convaincue sont qualifiés pour s'impliquer dans un dialogue interreligieux authentique. « Seuls les chrétiens qui sont profondément plongés dans le mystère du Christ et qui sont heureux dans leur communauté de foi peuvent s'engager dans le dialogue interreligieux sans risque excessif et avec l'espoir d'en voir de bons fruits » [157]. Il est donc important pour l'Église en Asie de fournir des modèles appropriés de dialogue interreligieux (évangélisation dans le dialogue et dialogue pour l'évangélisation) et une préparation convenable pour ceux qui y sont engagés.

Après avoir souligné la nécessité d'une solide foi au Christ dans le dialogue interreligieux, les Pères synodaux ont parlé du besoin d'un dialogue de la vie et du cœur. Les disciples du Christ doivent avoir le cœur humble et doux de leur Maître, n'étant jamais orgueilleux ni condescendants quand ils rencontrent leurs partenaires dans le dialogue (cf. Mt 11, 29). « Les relations interreligieuses se développent davantage dans un contexte d'ouverture aux autres croyants, de volonté d'écoute, et de désir de respecter et de comprendre les autres dans leurs différences. Pour cela, l'amour des autres est indispensable. Cela devrait conduire à la collaboration, à l'harmonie et à l'enrichissement mutuel » [158].

Afin de guider ceux qui sont engagés dans ce processus, le Synode a suggéré de rédiger un directoire pour le dialogue interreligieux [159]. Alors que l'Église explore de nouvelles voies de rencontre avec les autres religions, je désire évoquer quelques formes de dialogue déjà en cours avec de bons résultats, incluant des échanges académiques entre experts des diverses traditions religieuses ou des représentants de ces traditions, l'action commune en faveur du développement humain intégral et la défense des valeurs religieuses et humaines [160]. Je désire réaffirmer combien il est important de revitaliser la prière et la contemplation dans le processus du dialogue. Les personnes consacrées peuvent contribuer de façon très significative au dialogue interreligieux en témoignant de la vitalité des grandes traditions chrétiennes d'ascétisme et de mystique [161].

La mémorable rencontre à Assise, la cité de saint François, le 27 octobre 1986, entre l'Église catholique et les représentants des autres religions du monde montre que les hommes et les femmes de religion, sans abandonner leurs traditions respectives, peuvent toutefois s'engager dans la prière et travailler pour la paix et le bien de l'humanité [162]. L'Église doit continuer à œuvrer pour préserver et promouvoir cet esprit de rencontre et de collaboration avec les autres religions à tous les niveaux.

La communion et le dialogue sont deux aspects essentiels de la mission de l'Église qui trouvent leur modèle infiniment transcendant dans le mystère de la Trinité, de laquelle vient toute mission et à laquelle toute mission doit retourner. Un des grands cadeaux « d'anniversaire » que les membres de l'Église, spécialement les Pasteurs, peuvent offrir au Seigneur de l'histoire en ce deux millième anniversaire de l'Incarnation est l'affermissement de l'esprit d'unité et de communion à tous les niveaux de la vie ecclésiale, une « sainte fierté » renouvelée dans la fidélité constante de l'Église à ce qui lui a été donné, une nouvelle confiance dans la grâce et dans la mission permanentes qui l'envoient parmi les peuples du monde pour témoigner de l'amour et de la miséricorde salvifiques de Dieu. C'est seulement lorsque le peuple de Dieu reconnaît le don qui est le sien dans le Christ qu'il est en mesure de le communiquer aux autres par l'annonce et le dialogue.

CHAPITRE VI

LE SERVICE DE LA PROMOTION HUMAINE

·     La doctrine sociale de l'Église

32.    Dans le service de la famille humaine, l'Église s'adresse à tous les hommes et à toutes les femmes sans distinction, s'efforçant de construire avec eux une civilisation de l'amour, fondée sur les valeurs universelles de paix, de justice, de solidarité et de liberté, qui trouvent leur plein achèvement dans le Christ. Comme l'a affirmé le Concile Vatican II par des paroles mémorables, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, des pauvres surtout et des affligés de tout genre, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve de résonance dans leur cœur » [163]. Ainsi donc, l'Église en Asie, avec sa multitude de pauvres et d'opprimés, est appelée à vivre une communion de vie qui manifeste de façon particulière le service d'amour qu'elle rend aux pauvres et aux personnes sans défense.

Si, dans les derniers temps, le Magistère de l'Église a insisté toujours plus sur la nécessité de promouvoir le développement authentique et intégral de la personne humaine [164], c'est pour répondre à la situation réelle des peuples du monde, ainsi qu'à une conscience croissante que, non seulement les actions des individus, mais aussi les structures de la vie sociale, politique et économique, sont souvent des ennemis du bien-être humain. Les déséquilibres liés à la divergence croissante entre ceux qui profitent de l'augmentation de la capacité du monde à produire la richesse et ceux qui restent en marge du progrès requièrent un changement radical tant des mentalités que des structures en faveur de la personne humaine. Le grand défi moral lancé aux nations et à la communauté internationale concernant le développement est d'avoir le courage d'une nouvelle solidarité, capable de réaliser des avancées créatives et efficaces pour dépasser le sous-développement déshumanisant et le « sur-développement » qui tend à réduire la personne à une unité économique dans un réseau consumériste toujours plus oppressant. Tout en cherchant à promouvoir ce changement, « l'Église n'a pas de solutions techniques à offrir », mais « elle apporte sa première contribution à la solution du problème urgent du développement quand elle proclame la vérité sur le Christ, sur elle-même et sur l'homme, en l'appliquant à une situation concrète » [165]. En définitive, le développement humain n'est jamais une question purement technique ou économique; il est fondamentalement une question humaine et morale.

La doctrine sociale de l'Église, qui propose un ensemble de principes de réflexion, de critères pour le jugement et de directives pour l'action [166], s'adresse tout d'abord aux membres de l'Église. Il est essentiel que les fidèles engagés dans la promotion humaine aient une solide compréhension de ce précieux corpus d'enseignements et le considèrent comme partie intégrante de leur mission évangélisatrice. Ainsi, les Pères synodaux ont souligné l'importance d'offrir aux fidèles — dans toute activité éducative, spécialement dans les séminaires et les maisons de formation — une solide préparation en matière de doctrine sociale de l'Église [167]. Les responsables chrétiens dans l'Église et dans la société, spécialement les laïcs hommes et femmes ayant une responsabilité dans la vie publique, ont besoin d'être bien formés à cet enseignement, de sorte qu'ils puissent inspirer et animer la société civile et ses structures avec le levain de l'Évangile [168]. La doctrine sociale de l'Église non seulement rappellera leurs devoirs à ces responsables chrétiens, mais elle leur proposera aussi des lignes de conduite pour agir en faveur du développement humain et elle les libérera des fausses notions de la personne et de l'activité humaines.

·     La dignité de la personne humaine

33.    Ce sont les êtres humains, et non la richesse ou la technologie, qui sont les agents premiers et les destinataires du développement. Par conséquent, le type de développement que l'Église promeut va bien au-delà des questions d'économie et de technologie. Il commence et s'achève avec l'intégrité de la personne humaine, créée à l'image de Dieu et dotée par Dieu de dignité et de droits humains inaliénables. Les diverses déclarations internationales sur les droits humains et les nombreuses initiatives qui les ont inspirées sont le signe d'une attention croissante sur le plan mondial à l'égard de la dignité de la personne humaine. Malheureusement, en pratique, ces déclarations sont souvent violées. Cinquante ans après la proclamation solennelle de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, beaucoup de personnes sont encore sujettes aux formes les plus dégradantes d'exploitation et de manipulation, qui font d'elles de véritables esclaves des plus puissants, d'une idéologie, d'un pouvoir économique, de systèmes politiques oppressifs, d'une technocratie scientifique ou de l'intrusion des médias [169].

Les Pères du Synode étaient bien conscients de la violation persistante des droits humains dans de nombreuses parties du monde, et de façon plus particulière en Asie, où « des millions de personnes souffrent de discrimination, d'exploitation, de pauvreté et de marginalisation » [170]. Ils ont affirmé la nécessité que tout le peuple de Dieu en Asie parvienne à une claire conscience du défi inévitable qui est lié à la défense des droits humains et à la promotion de la justice et de la paix.

·     Amour préférentiel pour les pauvres

34.    Dans la recherche de la promotion de la dignité humaine, l'Église montre son amour préférentiel pour les pauvres et les sans-voix, parce que le Seigneur s'est identifié à eux de façon spéciale (cf. Mt 25, 40). Cet amour n'exclut personne, mais il incarne simplement une priorité de service à laquelle la tradition chrétienne rend témoignage. « Cet amour préférentiel, de même que les décisions qu'il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d'un avenir meilleur : on ne peut pas ne pas prendre acte de l'existence de ces réalités. Les ignorer reviendrait à s'identifier au “riche bon vivant” qui feignait de ne pas connaître Lazare le mendiant qui gisait près de son portail (cf. Lc 16, 19-31) » [171]. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l'Asie, continent aux ressources abondantes et aux grandes civilisations, mais où l'on trouve quelques-uns des pays les plus pauvres de la terre et où plus de la moitié de la population souffre de privations, de pauvreté et d'exploitation [172]. Les pauvres de l'Asie et du monde trouveront toujours les meilleures raisons d'espérer dans le commandement évangélique de nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés (cf. Jn 13, 34); et l'Église en Asie ne peut pas ne pas s'efforcer sérieusement de pratiquer ce commandement envers les pauvres, en paroles et en actes.

La solidarité envers les pauvres devient plus crédible si les chrétiens eux-mêmes vivent simplement, suivant l'exemple de Jésus. La simplicité de vie, la foi profonde et l'amour sincère de tous, spécialement des pauvres et des laissés-pour-compte, sont des exemples éclairants de l'Évangile en acte. Les Pères synodaux ont invité les catholiques de l'Asie à adopter un style de vie conforme aux enseignements de l'Évangile, de telle sorte qu'ils puissent mieux servir la mission de l'Église et que l'Église elle-même puisse devenir une Église des pauvres et pour les pauvres [173].

Dans son amour pour les pauvres de l'Asie, l'Église s'adresse de façon spéciale aux migrants, aux populations indigènes et autochtones, aux femmes et aux enfants, car ils sont souvent victimes des pires formes d'exploitation. D'innombrables personnes souffrent également de discrimination à cause de leur culture, de leur couleur, de leur race, de leur caste, de leur condition économique ou de leur mode de pensée. Cela comprend les personnes qui sont victimes de discrimination en raison de leur conversion au christianisme [174]. Je m'associe à l'appel lancé par les Pères du Synode à toutes les nations pour qu'elles reconnaissent le droit à la liberté de conscience et de religion ainsi que les autres droits humains fondamentaux [175].

L'Asie est actuellement en train de faire l'expérience d'un mouvement sans précédent de réfugiés, de demandeurs d'asile, de migrants et de travailleurs étrangers. Dans les pays où ces personnes arrivent, elles se trouvent souvent sans amis, isolées sur le plan culturel, désavantagées quant à la langue et vulnérables sur le plan économique. Elles ont besoin de soutien et d'attention pour pouvoir préserver leur dignité humaine et leur tradition culturelle et religieuse [176]. Malgré ses ressources limitées, l'Église en Asie essaie généreusement d'être une maison accueillante pour ceux qui peinent et qui ploient sous le fardeau, sachant que dans le Cœur de Jésus, où personne n'est un étranger, elles trouveront le repos (cf. Mt 11, 28-29).

Dans presque tous les pays de l'Asie, il y a d'importantes populations aborigènes, dont certaines occupent le rang économique le plus bas. Le Synode a souligné à maintes reprises que les populations indigènes et autochtones se sentent attirées par la personne de Jésus Christ et par l'Église en tant que communauté d'amour et de service [177]. Il y a là pour l'Église un immense champ d'action en matière d'éducation et de santé, comme aussi de promotion de la participation à la vie sociale. La communauté catholique doit intensifier le travail pastoral auprès de ces populations, avec une attention spéciale pour les préoccupations et les problèmes de justice qui concernent leur vie. Cela suppose une attitude de profond respect pour leur religion traditionnelle et pour leurs valeurs; cela suppose en outre la nécessité de les aider à s'aider elles-mêmes, de telle sorte qu'elles puissent travailler à l'amélioration de leur situation et évangéliser elles-mêmes leur culture et de leur société [178].

Personne ne peut rester indifférent aux souffrances de tant d'enfants en Asie, victimes d'exploitation et de violence intolérables, qui ne sont pas seulement le résultat du mal perpétré par des individus, mais qui sont souvent la conséquence directe de la corruption des structures sociales. Les Pères synodaux ont souligné que le travail des enfants, la pédophilie et le phénomène de la drogue sont les maux sociaux qui affectent plus directement les enfants, et ils ont clairement montré qu'ils se combinent avec d'autres maux comme la pauvreté et la conception déficiente des programmes du développement national [179]. L'Église doit agir autant qu'elle le peut pour surmonter de tels maux, pour agir en faveur de ceux qui sont les plus exploités et chercher à conduire les enfants vers l'amour de Jésus, car le Royaume de Dieu leur appartient (cf. Lc 18, 16) [180].

Le Synode s'est préoccupé spécialement des femmes, dont la situation demeure un sérieux problème en Asie, où la discrimination et la violence à leur égard ont lieu souvent à domicile, sur les lieux de travail et même dans le système juridique. L'analphabétisme est particulièrement répandu chez les femmes, et beaucoup d'entre elles sont traitées comme de simples objets pour la prostitution, pour le tourisme et pour l'industrie du loisir [181]. Dans leur combat contre toutes les formes d'injustice et de discrimination, les femmes devraient trouver une alliée dans la communauté chrétienne et c'est pourquoi le Synode propose que, là où c'est possible, les Églises locales en Asie favorisent les activités en faveur des droits humains à l'intention des femmes. Le but doit être d'introduire un changement d'attitude à travers une juste compréhension du rôle des hommes et des femmes dans la famille, dans la société et dans l'Église, grâce à une plus grande conscience de la complémentarité originale entre hommes et femmes et à une plus grande appréciation de l'importance de la dimension féminine dans tous les domaines de la vie humaine. La contribution des femmes a été trop souvent sous-évaluée ou ignorée, ce qui a eu pour résultat un appauvrissement d'humanité. L'Église en Asie deviendrait un soutien plus visible et plus efficace de la dignité et de la liberté des femmes en encourageant leur rôle dans la vie de l'Église, y compris sa vie intellectuelle, et en leur donnant toujours plus souvent l'occasion d'être présentes et actives dans la mission d'amour et de service de l'Église [182].

·     L'Évangile de la vie

35.    Le service en faveur du développement humain commence par le service de la vie elle-même qui est un grand don de Dieu. La vie est un grand don, qui nous est confié par Dieu: il nous est confié comme un projet et une responsabilité. Nous sommes donc les gardiens de la vie, et non ses propriétaires. Nous recevons librement ce don et, en reconnaissance, nous ne pouvons jamais nous dispenser de respecter la vie et de la défendre, de son commencement à son terme naturel. Dès le moment de la conception, la vie humaine implique l'action créatrice de Dieu et elle a pour toujours un lien spécial avec le Créateur, source de la vie et son terme unique. Il n'y a pas de vrai progrès, ni de société civile véritable et encore moins de réelle promotion humaine sans le respect de la vie humaine, spécialement de la vie de ceux qui n'ont pas de voix pour se défendre eux-mêmes. La vie de toute personne, celle d'un enfant dans le sein maternel autant que celle d'un malade, d'un handicapé ou d'une personne âgée, est un don pour tous.

Les Pères synodaux ont réaffirmé sans concession l'enseignement relatif à la sainteté de la vie humaine, donné par le Concile Vatican II et le Magistère qui a suivi, y compris mon encyclique Evangelium vitæ. Je me joins ici à eux pour exhorter les fidèles de leurs pays, où la question démographique est souvent utilisée comme un argument pour rendre effective l'introduction de l'avortement et des programmes de contrôle artificiel de la population, à résister à la « culture de mort » [183]. Les chrétiens peuvent montrer leur fidélité à Dieu et leur engagement pour une véritable promotion humaine en soutenant les programmes en faveur de la vie de ceux qui ne peuvent se défendre par eux-mêmes, et en y participant.

·     La santé

36.    En suivant l'exemple de Jésus Christ qui eut de la compassion pour tous et qui guérit « toute maladie et toute langueur » (Mt 9, 35), l'Église en Asie est appelée à s'engager toujours davantage dans le soin des malades, car c'est là une part essentielle de sa mission d'apporter la grâce salvifique du Christ à toute la personne. Comme le Bon Samaritain de la parabole (cf. Lc 10, 29-37), l'Église veut concrètement s'occuper des malades et des handicapés [184], spécialement là où les personnes sont privées de soins médicaux élémentaires en raison de la pauvreté et de la marginalisation.

En de nombreuses occasions, lors de mes visites aux Églises dans les différentes parties du monde, j'ai été profondément ému par l'extraordinaire témoignage chrétien donné par des religieux et des personnes consacrées, des médecins, des infirmières et autres membres du personnel de santé, spécialement de ceux qui travaillent auprès des handicapés ou des malades en phase terminale, ou bien dans la lutte contre la diffusion des nouvelles maladies comme le SIDA. De plus en plus, les chrétiens qui font partie du personnel de santé sont appelés à être généreux et désintéressés dans le soin des victimes de la drogue et du SIDA, souvent méprisées et abandonnées par la société [185]. De nombreuses institutions médicales catholiques en Asie sont soumises à des pressions de la part de politiques de santé publique non fondées sur des principes chrétiens, et beaucoup d'entre elles se trouvent pénalisées par des difficultés économiques toujours plus grandes. Malgré ces problèmes, c'est l'amour exemplaire et désintéressé, et le professionnalisme généreux du personnel, qui, par ce moyen, rendent un service admirable et apprécié à la communauté et constitue un signe particulièrement visible et efficace de l'amour infaillible de Dieu. Ce personnel doit être encouragé et soutenu dans le bien qu'il accomplit. Son engagement continuel et efficace est la meilleure façon d'agir pour que les valeurs chrétiennes et éthiques pénètrent profondément les systèmes de santé du continent et les transforment de l'intérieur[186].

·     L'éducation

37.    Dans toute l'Asie, l'engagement de l'Église dans le champ de l'éducation est vaste et amplement visible. Il est donc un élément clé de sa présence parmi les peuples du continent. Dans bien des pays, les écoles catholiques jouent un rôle important dans l'évangélisation, inculturant la foi, enseignant l'ouverture et le respect, et promouvant la compréhension interreligieuse. Les écoles de l'Église offrent souvent les seules possibilités d'éducation aux filles, aux minorités ethniques, aux pauvres des campagnes et aux enfants les moins privilégiés. Les Pères synodaux sont convaincus de la nécessité d'étendre et de favoriser l'apostolat de l'éducation en Asie, avec un regard particulier pour les défavorisés, de façon à les aider à prendre la place à laquelle ils ont droit comme citoyens à part entière dans la société [187]. Comme les Pères synodaux l'ont signalé, cela signifie que l'éducation catholique doit s'orienter encore plus clairement vers la promotion humaine, fournissant un environnement où les étudiants reçoivent non seulement les éléments scolaires formels, mais, plus généralement, une formation humaine intégrale basée sur les enseignements du Christ [188]. Les écoles catholiques devraient continuer à être des lieux où la foi peut être librement proposée et reçue. De la même façon, les universités catholiques, tout en poursuivant la qualité académique pour laquelle elles sont déjà connues, doivent maintenir une identité chrétienne claire pour être le levain chrétien dans les sociétés de l'Asie [189].

·     La construction de la paix

38.    Au terme du XXe siècle, le monde est encore menacé par des forces qui engendrent des conflits et des guerres, et l'Asie n'en est certainement pas exempte. Parmi ces forces, on note toute sorte d'intolérance et de marginalisation sociale, culturelle, politique et aussi religieuse. De jour en jour, de nouvelles violences s'abattent sur des individus et sur des peuples entiers, et la culture de mort s'installe avec le recours injustifiable à la violence pour résoudre des tensions. Dans cette situation consternante de conflit qui s'étend à tant de parties du monde, l'Église est appelée à s'engager profondément dans les efforts internationaux et interreligieux pour faire triompher la paix, la justice et la réconciliation. Elle continue d'insister sur la résolution négociée et non militaire des conflits, et elle attend le jour où les pays abandonneront la guerre comme moyen de venir à bout des revendications ou de résoudre les différends. Elle est convaincue que la guerre crée plus de problèmes qu'elle n'en résout, que le dialogue est la seule voie juste et noble pour parvenir à l'entente et à la réconciliation, et que l'art patient et raisonnable de l'édification de la paix est béni de manière toute spéciale par Dieu.

Particulièrement troublant en Asie est le recours continuel à l'acquisition d'armes de destruction massive, dépense immorale et inutile dans les budgets nationaux qui, dans certains cas, ne peuvent même pas répondre aux besoins fondamentaux des populations. Les Pères du Synode ont aussi parlé du très grand nombre de mines antipersonnel en Asie, qui ont mutilé ou tué des centaines de milliers de personnes innocentes et ont rendu inutilisables des terres fertiles qui autrement auraient pu être utilisées pour produire la nourriture [190]. Il est de la responsabilité de tous, spécialement de ceux qui gouvernent les nations, de travailler plus énergiquement au désarmement. Le Synode a demandé la fin de la construction, de la vente et de l'usage des armes nucléaires, chimiques et biologiques, et il a exhorté ceux qui ont installé les mines antipersonnel à apporter leur assistance au travail de réhabilitation et de restauration [191]. Par-dessus tout, les Pères du Synode ont prié Dieu, qui connaît les profondeurs de toute conscience humaine, de mettre des sentiments de paix dans le cœur de ceux qui sont tentés de suivre les voies de la violence, de telle sorte que la vision biblique devient une réalité : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on n'apprendra plus à faire la guerre » (Is 2, 4).

Le Synode a entendu de nombreux témoignages sur les souffrance du peuple d'Irak, et sur le fait que beaucoup d'Irakiens, particulièrement des enfants, sont morts à cause du manque de médicaments et d'autres nécessités primordiales, en raison de l'embargo toujours en vigueur. Avec les Pères synodaux, je souhaite exprimer encore une fois ma solidarité avec le peuple d'Irak, et je suis particulièrement proche des fils et des filles de l'Église de ce pays par la prière et l'espérance. Le Synode a demandé à Dieu d'éclairer les esprits et les cœurs de ceux qui portent la responsabilité de parvenir à une solution équitable de la crise, de sorte qu'on épargne d'autres souffrances et d'autres peines à ce peuple déjà durement éprouvé [192].

·     La mondialisation

39.    Les Pères du Synode ont reconnu l'importance du processus de mondialisation économique quand ils ont considéré la question de la promotion de l'homme en Asie. Tout en prenant acte des multiples aspects positifs de la mondialisation, ils ont relevé le fait qu'elle s'est réalisée au détriment des pauvres [193], car elle tendait à reléguer les nations les plus pauvres en marge des relations économiques et politiques internationales. Bien des pays asiatiques ne sont pas en mesure de s'insérer dans l'économie mondiale de marché. Il y a aussi l'autre aspect, plus significatif, d'une mondialisation culturelle, rendue possible par les moyens modernes de communication, qui ont rapidement attiré les sociétés asiatiques dans une culture mondiale de consumérisme, à la fois séculariste et matérialiste. Il en résulte l'érosion de la famille traditionnelle et des valeurs sociales, qui jusqu'alors ont soutenu les peuples et les sociétés. Tout cela met en évidence que les aspects éthiques et moraux de la mondialisation doivent être directement abordés par les responsables des nations et par les organisations engagées dans la promotion humaine.

L'Église insiste sur la nécessité d'une « mondialisation sans marginalisation » [194]. Avec les Pères du Synode, j'invite les Églises particulières du monde entier, spécialement celles des pays occidentaux, à travailler pour faire en sorte que la doctrine sociale de l'Église ait l'impact nécessaire dans la formulation des normes éthiques et juridiques qui doivent réguler les libres marchés mondiaux et les moyens de communication sociale. Les responsables et les professionnels catholiques doivent faire pression sur les gouvernements et les institutions de la finance et du commerce, afin qu'ils reconnaissent et respectent ces normes [195].

·     La dette extérieure

40.    En outre, dans sa recherche de la justice au sein d'un monde contrasté par les inégalités sociales et économiques, l'Église ne peut ignorer le poids écrasant de la dette de nombreux pays en voie de développement en Asie, avec l'impact qui en résulte pour le présent et pour l'avenir. Dans de nombreux cas, ces pays sont obligés de tailler dans les dépenses pour les nécessités vitales, comme la nourriture, la santé, l'habitat et l'éducation, afin d'honorer les dettes contractées auprès des agences monétaires internationales et des banques. Cela signifie que de nombreuses personnes sont soumises à des conditions de vie qui constituent un affront à la dignité de l'homme. Bien que conscient de la complexité technique du sujet, le Synode a affirmé que cette question est un test de la capacité des peuples, des sociétés et des gouvernements à prendre en compte la personne humaine et la vie de millions d'êtres humains en se plaçant au-dessus et au-delà des considérations financières et des avantages matériels [196].

L'approche du grand Jubilé de l'an 2000 est un moment favorable pour les Conférences épiscopales du monde, spécialement celles des nations les plus riches, pour encourager les agences monétaires internationales et les banques à rechercher les moyens d'alléger la situation de la dette internationale. Parmi les moyens les plus évidents, il y a la renégociation des dettes, avec une réduction substantielle ou leur remise pure et simple, tout comme des initiatives financières et des investissements pour aider les économies des pays les plus pauvres [197]. En même temps, les Pères synodaux se sont aussi tournés vers les pays endettés, soulignant la nécessité de développer le sens de la responsabilité nationale, leur rappelant l'importance d'une saine planification économique, de la transparence et d'une bonne gestion, et les invitant à s'engager dans une lutte résolue contre la corruption [198]. Ils ont rappelé aux chrétiens d'Asie qu'ils doivent condamner toute forme de corruption et de détournement massif de fonds publics par ceux qui détiennent le pouvoir politique [199]. Les citoyens des pays en dette ont été trop souvent victimes du gaspillage et de l'inefficacité internes, avant de devenir les victimes de la crise de la dette internationale.

·     L'environnement

41.    Quand la préoccupation pour le progrès économique et technologique n'est pas accompagnée d'une attention égale pour l'équilibre de l'écosystème, notre terre est inévitablement exposée à de sérieuses nuisances écologiques, avec des conséquences dommageables pour le bien des êtres humains. Le flagrant manque de respect pour l'environnement naturel continuera tant que la terre et son potentiel seront simplement perçus comme des objets servant à un usage et à une consommation immédiats, comme une chose à manipuler dans le cadre de la course effrénée vers le profit [200]. Les chrétiens et ceux qui regardent Dieu comme Créateur ont pour devoir de protéger l'environnement, en restaurant le sens de la vénération pour toutes les créatures de Dieu. C'est la volonté du Créateur que l'homme gère la nature non comme un exploiteur impitoyable, mais comme un administrateur intelligent et responsable [201]. Les Pères synodaux ont plaidé de façon spéciale pour une plus grande responsabilité de la part des responsables des nations, des législateurs, des hommes d'affaires et de tous ceux qui sont directement engagés dans la gestion des ressources de la terre [202]. Ils ont ensuite souligné la nécessité d'éduquer les personnes, spécialement les jeunes, à leur responsabilité par rapport à l'environnement, leur enseignant l'art confié par Dieu à l'humanité de gérer la création. La protection de l'environnement n'est pas seulement une question technique, mais elle aussi et avant tout une question éthique. Tous ont le devoir moral de prendre soin de l'environnement, non seulement pour leur propre bien, mais aussi pour celui des générations futures.

En concluant ces réflexions, il paraît nécessaire de rappeler qu'en faisant appel aux chrétiens pour travailler et se sacrifier eux-mêmes au service du développement humain, les Pères du Synode ont fait référence aux valeurs fondamentales de la tradition biblique et ecclésiale. L'ancien Israël a passionnément insisté sur le lien indestructible entre le culte rendu à Dieu et le soin des pauvres, représentés de façon typique dans l'Écriture comme « la veuve, l'étranger et l'orphelin » (cf. Ex 22, 21-22 ; Dt 10, 18 ; 27, 19), qui dans la société d'alors étaient les plus vulnérables à la menace de l'injustice. A maintes reprises, nous avons entendu chez les prophètes l'appel à la justice, à l'ordre juste de la société humaine sans lesquels il n'y pas de vrai culte envers Dieu (cf. Is 1, 10-17 ; Am 5, 21-24). Dans les exhortations des Pères synodaux, nous reconnaissons donc un écho des prophètes, remplis de l'Esprit de Dieu, qui veut « la miséricorde et non les sacrifices » (Os 6, 6). Jésus fit siennes ces paroles (cf. Mt 9, 13), et la même chose vaut pour les saints de tout temps et de tout lieu. Considérons les mots de saint Jean Chrysostome : « Tu veux honorer le Corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu'il est nu. Ne l'honore pas ici, dans l'église, par des tissus de soie tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : “Ceci est mon corps”, [...], c'est lui qui a dit : “Vous m'avez vu avoir faim, et vous ne m'avez pas donné à manger”. [...] Quel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d'or, tandis que lui-même meurt de faim ? Commence par rassasier l'affamé et avec ce qui te restera tu orneras son autel ! » [203]. Dans l'appel du Synode pour le développement de l'homme et pour la justice dans les rapports humains, nous entendons une voix à la fois ancienne et nouvelle. Elle est ancienne parce qu'elle surgit des profondeurs de notre tradition chrétienne qui vise l'étroite harmonie voulue par le Créateur; elle est nouvelle parce qu'elle parle de la situation immédiate de très nombreuses personnes dans l'Asie d’aujourd’hui.

CHAPITRE VII

TEMOINS DE L'ÉVANGILE

·     Une Église qui témoigne

42.    Le Concile Vatican II a clairement enseigné que l'Église entière est missionnaire, et que l'évangélisation est un devoir pour le peuple de Dieu tout entier [204]. Puisque le peuple de Dieu dans son ensemble est envoyé pour annoncer l'Évangile, l'évangélisation n'est jamais un acte individuel ni isolé ; c'est toujours une tâche ecclésiale qui doit être accomplie dans la communion avec l'ensemble de la communauté croyante. La mission est unique car elle a une seule origine et une seule finalité ; mais il y a en elle différentes responsabilités et divers types d'activités [205]. Dans tous les cas, il est clair qu'il ne peut y avoir d'annonce authentique de l'Évangile que dans la mesure où les chrétiens donnent en même temps le témoignage d'une vie en accord avec le message qu'ils prêchent : « La première forme de témoignage est la vie même du missionnaire, de la famille chrétienne et de la communauté ecclésiale, qui rend visible un nouveau mode de comportement... Tous dans l'Église, en s'efforçant d'imiter le divin Maître, peuvent et doivent donner ce témoignage; dans bien des cas, c'est la seule façon possible d'être missionnaire » [206]. Le témoignage chrétien authentique est particulièrement nécessaire de nos jours, parce que « l'homme contemporain croit plus les témoins que les maîtres, l'expérience que la doctrine, la vie et les faits que les théories » [207]. Cela est tout à fait vrai dans le contexte asiatique, où les personnes sont plus sensibles à la sainteté de vie qu'aux argumentations intellectuelles. L'expérience de la foi et les dons de l'Esprit Saint deviennent donc la base de tout travail missionnaire, que l'on œuvre en ville ou dans les villages, dans les écoles ou les hôpitaux, auprès des personnes handicapées, des migrants ou des populations tribales, ou que l'on se consacre au progrès de la justice et des droits humains. Toute situation est pour les chrétiens une occasion de mettre en évidence la force que la vérité du Christ est devenue pour leurs vies. L'Église en Asie, inspirée par les nombreux missionnaires qui, dans le passé, ont de manière héroïque témoigné de l'amour de Dieu parmi les peuples du continent, se trouve ainsi poussée à témoigner avec autant de zèle pour le Christ et pour son Évangile. La mission chrétienne ne demande pas moins que cela.

Conscients du caractère essentiellement missionnaire de l'Église et dans l'attente pleine d'espérance d'une nouvelle effusion de l'Esprit Saint au moment où l'Église entre dans le nouveau millénaire, les Pères du Synode ont demandé que cette exhortation apostolique post-synodale présente quelques directives et orientations à ceux qui œuvrent dans le vaste champ de l'évangélisation en Asie.

·     Les Pasteurs

43.    C'est l'Esprit Saint qui rend l'Église capable d'accomplir la mission qui lui a été confiée par le Christ. Avant d'envoyer ses disciples comme ses témoins, Jésus leur donna l'Esprit Saint (cf. Jn 20, 22), qui travailla à travers eux et bouleversa le cœur de ceux qui les écoutaient (cf. Ac 2, 37). Il en va de même pour ceux qu'il envoie maintenant. D'une certaine manière, tous les baptisés, par la grâce du sacrement, sont envoyés pour continuer la mission de salut du Christ, et ils peuvent remplir cette tâche précisément parce que l'amour de Dieu a été répandu dans leurs cœurs par l'Esprit Saint qui leur a été donné (cf. Rm 5, 5). Mais, d'un autre côté, cette mission commune est accomplie dans l'Église grâce à une variété de fonctions spécifiques et de charismes. C'est aux Apôtres et à leurs successeurs que le Christ a confié la première responsabilité de la mission de l'Église. En vertu de l'ordination épiscopale et de la communion hiérarchique avec le Chef du Collège des Évêques, les Évêques reçoivent le mandat et l'autorité pour enseigner, gouverner et sanctifier le peuple de Dieu. Par la volonté du Christ lui-même, le Successeur de Pierre — le roc sur lequel s'édifie l'Église (cf. Mt 16, 18) — exerce, au sein du collège des Évêques, un ministère spécial d'unité. Les Évêques doivent donc accomplir leur ministère en union avec le Successeur de Pierre, qui est le garant de la vérité de leur enseignement et de leur pleine communion dans l'Église.

Les prêtres, associés aux Évêques dans l'annonce de l'Évangile, sont appelés par l'ordination à être pasteurs du troupeau, prédicateurs de la Bonne Nouvelle du salut et ministres des sacrements. Pour servir l'Église en intendants du Christ, les Évêques et les prêtres ont besoin d'une solide formation et d'une formation permanente, qui devrait leur offrir des possibilités de ressourcement sur le plan humain, spirituel et pastoral, ainsi que de cours de théologie, de spiritualité et de sciences humaines [208]. Les peuples d'Asie ont besoin de découvrir dans les membres du clergé non seulement des ouvriers de la charité ou des administrateurs hiérarchiques, mais aussi des hommes dont le cœur et l'âme sont profondément établis dans les choses de l'Esprit (cf. Rm 8, 5). Le respect dont les Asiatiques entourent les personnes revêtues d'une autorité doit aller de pair avec une claire rectitude morale de la part de ceux qui ont des responsabilités ministérielles dans l'Église. Par leur vie de prière, par leur service accompli avec zèle, par leur style de vie exemplaire, les prêtres portent un témoignage éloquent de l'Évangile auprès des communautés qu'ils guident au nom du Christ. Je prie avec ferveur pour que les ministres ordonnés de l'Église en Asie vivent et travaillent dans un esprit de communion et de collaboration avec les Évêques et tous les fidèles, donnant un témoignage de l'amour dont Jésus a dit qu'il était le signe des vrais disciples (cf. Jn 13, 35).

Je désire souligner tout particulièrement le souci du Synode à propos de la préparation de ceux qui seront chargés de l'animation et de l'enseignement dans les séminaires et dans les facultés de théologie [209]. Après un apprentissage sérieux des sciences sacrées et des domaines connexes à celles-ci, ils devraient recevoir une formation spécifique qui se concentre sur la spiritualité sacerdotale, sur l'art de la direction spirituelle et sur d'autres aspects de la tâche difficile et délicate qui les attend dans l'éducation des futurs prêtres. Il s'agit là d'un apostolat de première importance pour le bien de l'Église et pour sa vitalité.

·     Les Instituts de vie consacrée et les sociétés missionnaires

44.    Dans l'exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, j'ai insisté sur le lien intime qui existe entre la vie consacrée et la mission. A travers les trois dimensions de confessio Trinitatis, signum fraternitatis et servitium caritatis, la vie consacrée rend visible dans le monde l'amour de Dieu par le témoignage spécifique qu'elle rend à la mission salvifique de Jésus accomplie dans sa totale consécration au Père. Reconnaissant que, dans l'Église, toute activité est soutenue par la prière et l'union à Dieu, l'Église en Asie entoure d'un profond respect et d'une haute estime les communautés religieuses contemplatives, car elle les considère comme une source d'inspiration et un soutien particulier. Suivant les recommandations des Pères du Synode, j'encourage vivement la fondation de communautés monastiques et contemplatives partout où cela est possible. Ainsi, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, la tâche de l'édification de la cité terrestre trouve son fondement dans le Seigneur et est orientée vers lui, pour que ceux qui bâtissent ne risquent pas de peiner en vain [210].

La recherche de Dieu, une vie de communion et le service du prochain sont les trois caractéristiques de la vie consacrée susceptibles de rendre un témoignage chrétien séduisant pour les peuples de l'Asie aujourd'hui. L'Assemblée spéciale pour l'Asie a particulièrement invité les personnes consacrées à être les témoins de l'appel universel à la sainteté et à être aussi, auprès des chrétiens et des non-chrétiens, des exemples attirants de don de soi et d'amour désintéressé envers tous, spécialement envers les plus petits de leurs frères et sœurs. Dans un monde où le sens de la présence de Dieu est souvent amoindri, les personnes consacrées doivent donner un témoignage convaincant et prophétique de la primauté de Dieu et de la vie éternelle. Par leur vie communautaire, ces personnes rendent témoignage aux valeurs de fraternité chrétienne et à la puissance transformante de la Bonne Nouvelle [211]. Tous ceux qui se sont engagés dans la vie consacrée sont appelés à devenir des guides sur les chemins de la recherche de Dieu, une recherche qui a toujours rendu inquiet le cœur de l'homme et qui est particulièrement perceptible en Asie à travers les nombreuses voies spirituelles et ascétiques [212]. Dans les nombreuses traditions religieuses de l'Asie, les hommes et les femmes qui se consacrent à la vie contemplative et ascétique sont entourés d'un grand respect et leur témoignage jouit d'une grande force de persuasion. Leur existence vécue en communauté, dans un témoignage silencieux et serein, peut être une inspiration pour favoriser une vie plus harmonieuse dans la société. On n'en attend pas moins des hommes et des femmes consacrés dans la tradition chrétienne. Leur exemple silencieux de pauvreté et de dépouillement, de pureté et de transparence, d'abandon dans l'obéissance, peut devenir un témoignage éloquent, capable de toucher tous les hommes de bonne volonté et de conduire ainsi à un dialogue fructueux avec les cultures et les religions qui les entourent, tout comme avec les pauvres et ceux qui sont sans défense. Cela fait de la vie consacrée un moyen privilégié d'évangélisation efficace [213].

Les Pères synodaux ont reconnu le rôle vital que les ordres religieux et les congrégations, tout comme les Instituts missionnaires et les Sociétés de Vie apostolique, ont joué dans l'évangélisation de l'Asie au cours des siècles passés. Le Synode a tenu à leur exprimer la gratitude de l'Église pour cette magnifique contribution, et il les a encouragés à ne pas fléchir dans leur engagement missionnaire [214]. Je m'unis aux Pères synodaux pour appeler toutes les personnes consacrées à s'employer avec une ferveur renouvelée à annoncer la vérité salvifique du Christ. Tous doivent recevoir une formation et une préparation appropriées, qui soient centrées sur le Christ et qui respectent en même temps le charisme fondateur de l'Institut auquel ils appartiennent, en insistant sur la sainteté et le témoignage personnels ; il faudrait encore que dans leur spiritualité et par leur style de vie ils soient sensibles à l'héritage spirituel des personnes au milieu desquelles ils vivent et qu'ils servent [215]. Dans le respect de leur charisme spécifique, ils devraient s'intégrer dans le plan pastoral du diocèse où ils travaillent; et les Églises locales, pour leur part, doivent favoriser une prise de conscience de l'idéal de la vie religieuse et consacrée, et promouvoir de telles vocations. Cela suppose que chaque diocèse mette en place un programme pastoral des vocations, en désignant même quelques prêtres ou religieux pour travailler à temps complet auprès des jeunes afin de les aider à entendre l'appel de Dieu et à faire le discernement nécessaire [216].

Dans la ligne de la communion de l'Église universelle, je ne peux pas ne pas inviter l'Église en Asie à envoyer des missionnaires à l'extérieur, même si elle-même a besoin d'ouvriers dans la vigne. Je suis heureux de constater que des Instituts missionnaires de vie apostolique ont récemment été fondés en divers pays d'Asie; cela montre que le caractère missionnaire de l'Église est bien reconnu et que les Églises particulières en Asie ont bien conscience de leur responsabilité dans la prédication de l'Évangile au monde entier [217]. Les Pères du Synode ont recommandé que, « là où il n'y en aurait pas, des sociétés missionnaires de vie apostolique soient fondées dans chaque Église locale d'Asie et solidement établies dans leur engagement spécial en faveur de la mission ad gentes, ad exteros et ad vitam » [218]. Une telle initiative ne peut que porter des fruits abondants, non seulement pour les Églises qui reçoivent les missionnaires mais aussi pour celles qui les envoient.

·     Les laïcs

45.    Comme le Concile Vatican II l'a clairement montré, la vocation des fidèles laïcs les situe pleinement dans le monde où ils accomplissent les tâches les plus diverses, et où ils sont appelés à répandre l'Évangile de Jésus Christ [219]. Par la grâce du baptême et de la confirmation et la vocation qu'ils confèrent, tous les laïcs sont missionnaires ; et le champ de leur travail missionnaire est le monde vaste et complexe de la politique, de l'économie, de l'industrie, de l'éducation, des médias, de la science, de la technologie, de l'art et du sport. Dans bien des pays d'Asie, de nombreux laïcs sont déjà à l'œuvre comme authentiques missionnaires et ils rejoignent bien des frères d'Asie qui par ailleurs n'auraient jamais de contact avec des prêtres ou des religieux [220]. Je leur exprime la reconnaissance de toute l'Église et j'encourage tous les fidèles laïcs à assumer le rôle qui est le leur dans la vie et la mission du peuple de Dieu, comme témoins du Christ, partout où ils se trouvent.

Les Pasteurs ont la mission d'assurer aux laïcs une formation appropriée afin qu'ils soient des évangélisateurs capables de répondre aux défis du monde contemporain, non seulement selon la sagesse et l'efficacité du monde, mais aussi selon les dispositions d'un cœur renouvelé et fortifié par la vérité du Christ. [221] Témoins du Christ dans tous les domaines de la vie de la société, les fidèles laïcs peuvent jouer un rôle unique dans la lutte contre l'injustice et l'oppression, et pour cela aussi, ils doivent être préparés de manière appropriée. Je m'unis aux Pères du Synode qui, pour ce faire, proposent de mettre en place, au niveau diocésain ou au niveau national, des centres de formation des laïcs qui les prépareraient à leur travail missionnaire comme témoins du Christ dans l'Asie d'aujourd'hui [222].

Les Pères du Synode ont manifesté leur préoccupation à propos de la participation dans l'Église, où personne ne doit se sentir exclu. Ils ont estimé qu'une participation plus large des femmes dans la vie et la mission de l'Église en Asie était une nécessité particulièrement urgente. « La femme possède une aptitude toute particulière à transmettre la foi, si bien que Jésus lui-même a fait appel à elle pour l'évangélisation. C'est ce qui se produit avec la Samaritaine que Jésus rencontre au puits de Jacob et qu'il choisit pour la première expansion de la foi nouvelle en territoire non juif » [223]. Afin de favoriser leur service dans l'Église, il faudrait procurer aux femmes de meilleures possibilités de suivre des cours de théologie ainsi que dans d'autres domaines d'études ; et, dans les séminaires et les maisons de formation, les hommes devraient apprendre à considérer les femmes comme des collaboratrices dans l'apostolat [224]. On devrait faire participer les femmes, de manière effective, aux programmes pastoraux, aux conseils diocésains et paroissiaux de pastorale, et aux synodes diocésains. Leurs aptitudes et les services qu'elles rendent dans les domaines de la santé et de l'éducation, dans la préparation des fidèles aux sacrements, dans l'édification de communautés et dans la construction de la paix devraient être pleinement reconnus. Les Pères du Synode l'ont constaté: la présence des femmes dans la mission d'amour et de service de l'Église contribue puissamment à faire découvrir aux Asiatiques, en particulier aux pauvres et aux laissés-pour-compte, le visage plein de compassion de Jésus qui guérit et réconcilie [225].

·     La famille

46.    La famille est le lieu normal de croissance des jeunes générations vers une maturité personnelle et sociale. Elle est aussi porteuse de l'héritage de l'humanité elle-même, parce que, en elle, la vie est transmise de génération en génération. La famille occupe une place importante dans les cultures asiatiques ; et, comme l'ont souligné les Pères du Synode, des valeurs familiales comme le respect filial, l'amour et le souci des personnes âgées et malades, l'amour à l'égard des enfants et l'harmonie sont tenues en grande estime dans toutes les cultures et les traditions religieuses de l'Asie.

Selon la vision chrétienne de la famille, celle-ci est « une Église au foyer » (Ecclesia domestica) [226]. La famille chrétienne, comme l'Église tout entière, devrait être le lieu où la vérité de l'Évangile est la règle de vie et le don que les membres de la famille offrent à la communauté plus large. La famille n'est pas seulement l'objet du souci pastoral de l'Église ; elle est aussi pour l'Église l'un des agents d'évangélisation les plus efficaces. Les familles chrétiennes sont appelées aujourd'hui à témoigner de l'Évangile dans un temps et des circonstances difficiles, alors que la famille elle-même est menacée par toutes sortes de forces contraires [227]. Pour être évangélisatrice dans un tel contexte, la famille chrétienne doit être authentiquement « une Église au foyer », vivant la vocation chrétienne avec humilité et dans l'amour.

Cela signifie, comme l'ont souligné les Pères du Synode, que la famille devrait prendre une part active à la vie de la paroisse, participant aux sacrements, spécialement ceux de l'Eucharistie et de la Pénitence, et s'engageant au service des frères. Cela signifie aussi que les parents devraient s'efforcer de faire en sorte que, dans les moments où la famille se trouve réunie, il y ait place pour la prière, pour la lecture de la Bible et la réflexion, pour des rituels appropriés présidés par les parents, ainsi que pour une saine détente. Tout cela aidera la famille chrétienne à devenir un foyer d'évangélisation, où chaque membre fait l'expérience de l'amour de Dieu et le communique aux autres [228]. Les Pères du Synode ont aussi souligné le rôle des enfants dans l'évangélisation, aussi bien au sein de leur famille que dans des communautés plus larges [229]. Convaincu moi-même que « l'avenir du monde et de l'Église passe par la famille » [230], je renouvelle l'invitation à étudier et à mettre en œuvre ce que, à la suite de la cinquième Assemblée ordinaire du Synode des Évêques en 1980, j'avais exposé sur le thème de la famille dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio.

·     Les jeunes

47.    Les Pères du Synode ont été particulièrement sensibles à la question des jeunes dans l'Église. Ceux-ci sont confrontés à de nombreux problèmes complexes dans le contexte changeant de l'Asie. Et l'Église se sent poussée à leur rappeler les responsabilités qui sont les leurs quant à l'avenir de la société et de l'Église, tout en leur apportant encouragements et soutien à tout instant afin qu'ils soient à même d'assumer ces responsabilités. L'Église leur propose la vérité de l'Évangile comme un mystère qui apporte joie et libération ; un mystère qui doit être scruté, vécu et partagé avec d'autres, avec conviction et courage.

Si l'on veut que les jeunes soient de véritables missionnaires, il faut que l'Église leur accorde une attention pastorale adaptée [231]. Partageant le souhait des Pères du Synode, je recommande que, dans la mesure du possible, chaque diocèse d'Asie désigne des aumôniers de la jeunesse ou des directeurs qui puissent promouvoir la formation spirituelle et l'apostolat des jeunes. Les écoles catholiques et les paroisses ont un rôle vital à jouer pour offrir aux jeunes une formation intégrale qui s'efforce de les guider sur la voie d'une authentique maîtrise de soi et qui les aide à développer en eux les qualités humaines nécessaires à la mission. Les mouvements d'apostolat de la jeunesse ou les clubs de jeunes offrent la possibilité de faire l'expérience de l'amitié chrétienne, si importante pour les jeunes. Les paroisses, les associations et les mouvements peuvent aider les jeunes à mieux faire face aux pressions sociales, en leur donnant la possibilité non seulement de croître vers une vie chrétienne plus mûre, mais en leur apportant une aide dans l'orientation de leur carrière et le discernement de leur vocation.

Pour la formation chrétienne de la jeunesse en Asie, il faut d'abord que les jeunes, qui ne sont pas seulement l'objet du soin pastoral de l'Église, soient reconnus comme « agents et collaborateurs de la mission de l'Église dans ses divers apostolats de l'amour et du service » [232]. Dans les paroisses et les diocèses, des jeunes gens et des jeunes filles devraient donc être invités à prendre part à l'organisation des activités qui les concernent. Leur fraîcheur et leur enthousiasme, leur esprit de solidarité et leur espérance les rendent capables d'être des artisans de paix dans un monde divisé; et, à cet égard, il est encourageant de voir des jeunes engagés dans des programmes d'échanges entre des Églises particulières d'Asie et des pays du continent, et promouvoir ailleurs le dialogue interreligieux et inter-culturel.

·     Les moyens de communication sociale

48.    Dans une ère de mondialisation, « les médias ont pris une telle importance qu'ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d'information et de formation ; ils guident et inspirent les comportements individuels, familiaux et sociaux. Ce sont surtout les jeunes générations qui grandissent dans un monde conditionné par les médias » [233]. On voit apparaître dans le monde une nouvelle culture qui « vient précisément de ce qu'il existe de nouveaux modes de communiquer avec de nouveaux langages, de nouvelles techniques, de nouveaux comportements » [234]. Le rôle exceptionnel joué par les moyens de communication sociale pour modeler le monde, ses cultures et ses façons de penser, a entraîné de vastes et rapides changements dans la société asiatique.

Il est inévitable que la mission évangélisatrice de l'Église se trouve elle aussi influencée en profondeur par l'impact des médias. Puisque les médias ont une influence croissante en Asie jusque dans les régions les plus éloignées, ils peuvent contribuer puissamment à l'annonce de l'Évangile aux quatre coins du continent. Toutefois, « il ne suffit pas de les utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Église, mais il faut intégrer le message dans cette “nouvelle culture” créée par les moyens de communication modernes » [235]. Dans ce but, l'Église doit explorer les moyens d'intégrer complètement les médias à sa programmation pastorale et à son activité, si bien que, en les utilisant de manière efficace, des personnes et des peuples entiers soient touchés par la puissance de l'Évangile et que les cultures asiatiques soient toujours plus imprégnées des valeurs du Royaume.

Je désire m'unir à l'éloge que les Pères du Synode ont fait de Radio Veritas Asia, la seule station radio continentale pour l'Église en Asie, qui, depuis bientôt trente ans, œuvre à l'évangélisation par les émissions radiodiffusées. Il est nécessaire que les Conférences épiscopales et les diocèses en Asie renforcent cet excellent instrument de la mission par une programmation linguistique appropriée, par un apport en personnel et en moyens financiers [236]. Outre la radio, des publications catholiques et des agences de presse peuvent aider à diffuser l'information et offrir des possibilités d'éducation et de formation religieuse permanentes sur tout le continent. Là où les chrétiens sont minoritaires, ces moyens peuvent contribuer puissamment à soutenir et à nourrir le sens de l'identité catholique tout en faisant connaître les principes de la morale catholique [237].

Je fais miennes les recommandations des Pères du Synode quant à l'évangélisation par les moyens de communication sociale, cet « aréopage des temps modernes », dans l'espoir qu'ils puissent être mis au service de la promotion de l'homme et de la diffusion de la vérité du Christ comme de l'enseignement de l'Église [238]. Il serait bon que chaque diocèse, dans la mesure du possible, puisse disposer d'un bureau des médias. L'éducation aux médias, et pas seulement l'évaluation critique des produits des médias, doit avoir une part croissante dans la formation des prêtres et des séminaristes, des religieux et des catéchistes, des laïcs engagés dans les diverses professions, des étudiants dans les écoles catholiques et des membres des communautés paroissiales. Étant donné la très large influence des médias et leur extraordinaire impact, il est nécessaire que les catholiques se mettent à travailler avec les membres d'autres Églises et Communautés ecclésiales ainsi qu'avec les adeptes d'autres religions pour que, dans les médias, une place soit assurée aux valeurs spirituelles et morales. Je m'unis aux Pères synodaux pour encourager le développement de plans pastoraux spécifiques pour les communications, au niveau national comme au niveau diocésain, selon les indications de l'Instruction pastorale TATIS NOVAE, en accordant une attention particulière aux conditions propres à l'Asie.

·     Les martyrs

49.    Si les programmes de formation et les stratégies élaborées pour l'évangélisation ont leur importance, il n'en reste pas moins vrai que c'est le martyre qui révèle l'essence même du message chrétien. Le mot même de « martyr » signifie témoin, et ceux qui ont versé leur sang pour le Christ ont donné le témoignage ultime de la valeur authentique de l'Évangile. Dans la Bulle d'indiction du grand Jubilé de l'An 2000 Incarnationis mysterium, j'ai insisté sur le fait qu'il était vital de faire mémoire des martyrs : « Du point de vue psychologique, le martyre est la preuve la plus éloquente de la vérité de la foi, qui sait donner un visage humain même à la plus violente des morts et qui manifeste sa beauté même dans les persécutions les plus atroces » [239]. Au long des siècles, l'Asie a donné à l'Église et au monde une foule de ces héros de la foi, et du cœur de l'Asie monte avec puissance l'hymne de louange: Te martyrum candidatus laudat exercitus. C'est le cantique de ceux qui sont morts pour le Christ sur la terre d'Asie au cours des premiers siècles de l'Église, c'est aussi le cri de joie d'hommes et de femmes d'époques plus récentes, comme saint Paul Miki et ses compagnons, saint Lorenzo Ruiz et ses compagnons, saint André Dung Lac et ses compagnons, saint André Kim Taeg(o-)n et ses compagnons. Puisse l'immense foule des martyrs d'Asie, ceux de l'antiquité et ceux des temps modernes, montrer sans cesse à l'Église en Asie ce que c'est que porter témoignage à l'Agneau dans le sang duquel ils ont lavé et blanchi leurs robes (cf. Ap 7, 14)! Puissent-ils demeurer les témoins indomptables de la vérité que les chrétiens sont appelés à proclamer partout et toujours et qui n'est autre que la puissance de la Croix du Seigneur! Puisse enfin le sang des martyrs d'Asie être maintenant et toujours semence de vie nouvelle pour l'Église dans tout le continent !

CONCLUSION

·     Gratitude et encouragement

50.    Au terme de cette Exhortation apostolique post-synodale, qui, en cherchant à discerner ce que l'Esprit dit aux Églises en Asie (cf. Ap 1, 11), s'est efforcée de faire porter du fruit à l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, je désire vous exprimer la gratitude de l'Église, à vous tous, chers frères et sœurs de l'Asie qui avez contribué de multiples manières au succès de cet important événement ecclésial. En premier lieu et avant tout, nous faisons monter notre louange à Dieu pour la richesse des cultures, des langues, des traditions et des sensibilités religieuses de ce grand continent. Dieu soit béni pour les peuples de l'Asie, si riches dans leur diversité et pourtant unis dans la recherche de la paix et de la plénitude de vie ! Maintenant surtout, dans la proximité immédiate du deux millième anniversaire de la naissance de Jésus Christ, nous rendons grâce à Dieu parce qu'il a choisi l'Asie pour demeure terrestre de son Fils incarné, le Sauveur du monde.

Je ne peux pas ne pas exprimer mon estime aux Évêques de l'Asie pour leur profond amour de Jésus Christ, de l'Église et des peuples de l'Asie, pour leur témoignage de communion et pour leur dévouement généreux à la tâche de l'évangélisation. Je suis reconnaissant envers tous ceux qui forment la grande famille de l'Église en Asie : le clergé, les personnes consacrées, les missionnaires, les laïcs, les familles, les jeunes, les peuples autochtones, les travailleurs, les pauvres et les affligés. Au plus profond de mon cœur, il y a une place spéciale pour ceux qui, en Asie, sont persécutés à cause de leur foi au Christ: ils sont les piliers cachés de l'Église, auxquels Jésus lui-même s'adresse avec des paroles de consolation : « Heureux êtes-vous dans le royaume des Cieux ! » (cf. Mt 5, 10).

Les paroles de Jésus confortent l'Église en Asie : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12, 32). Ceux qui croient au Christ sont encore en petit nombre dans ce vaste continent extrêmement peuplé. Malgré cela, au lieu de constituer une minorité timide, ils ont une foi vive, ils sont remplis d'une espérance et d'une vitalité que seule l'amour peut apporter. Dans leur comportement humble mais courageux, ils ont influencé les cultures et les sociétés de l'Asie, spécialement la vie des pauvres et des sans défense, dont beaucoup ne partagent pas la foi catholique. Ils sont pour les chrétiens de tout lieu un exemple de disposition à partager le trésor de la Bonne Nouvelle « à temps et à contretemps » (2 Tm 4, 2). Ils trouvent leur force dans la puissance immense de l'Esprit Saint grâce auquel, en dépit du nombre généralement faible des membres de l'Église en Asie, cette présence de l'Église est comme le ferment qui, d'une manière silencieuse et cachée, fait lever toute la pâte (cf. Mt 13, 33).

Les peuples de l'Asie ont besoin de Jésus Christ et de son Évangile, car le continent a soif de l'eau vive que lui seul peut donner (cf. Jn 4, 10-15). Les disciples du Christ en Asie doivent donc être généreux dans leurs efforts pour remplir la mission reçue du Seigneur, qui a promis d'être avec eux jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28, 20). Pleine de confiance dans le Seigneur qui n'abandonnera pas ceux qu'il a appelés, l'Église en Asie accomplit son pèlerinage avec joie vers le troisième millénaire. Son unique joie lui vient du fait de partager avec la multitude des peuples de l'Asie le don immense qu'elle a reçu elle-même, l'amour de Jésus Sauveur, et son unique ambition est de continuer sa mission de service et d'amour afin que tous les Asiatiques « aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10).

·     Prière à la Mère du Christ

51.    Face à cette immense mission, nous nous tournons vers Marie, Mère du Rédempteur, pour laquelle, comme l'affirment les Pères du Synode, les chrétiens de l'Asie ont un grand amour et une grande affection, et qu'ils vénèrent comme leur mère et la Mère du Christ [240]. Dans tout le continent, il y a des centaines d'églises et de sanctuaires consacrés à Marie, dans lesquels se réunissent non seulement les fidèles catholiques mais aussi les adeptes d'autres religions.

A Marie, modèle de tous les disciples et Étoile lumineuse de l'évangélisation, je confie l'Église en Asie au seuil du troisième millénaire de l'ère chrétienne, m'en remettant pleinement à son oreille qui toujours écoute, à son cœur qui toujours accueille, à sa prière qui jamais ne fait défaut :

O sainte Marie, Fille du Dieu Très-Haut,
Vierge Mère du Sauveur et notre Mère,
Tourne ton tendre regard vers l'Église
que ton Fils a plantée sur le sol d'Asie.

Sois son guide et son modèle,
tandis qu'elle poursuit la mission d'amour
et de service de ton Fils en Asie.

Toi qui as accepté pleinement et librement
l'invitation du Père à être Mère de Dieu,
enseigne-nous à libérer notre cœur
de tout ce qui ne vient pas de Dieu
de façon que nous soyons remplis,
nous aussi, de l'Esprit Saint qui vient d'en haut.

Toi qui as contemplé les mystères
de la volonté de Dieu dans le silence de ton cœur,
aide-nous à discerner dans notre marche
les signes de la main puissante de Dieu.

Toi qui t'es empressée d'aller visiter Élisabeth
et qui l'as aidée aux jours de l'attente,
obtiens-nous le même esprit d'ardeur
et de service dans la tâche de l'évangélisation.

Toi qui as élevé la voix
pour chanter les louanges du Seigneur,
guide-nous vers l'annonce joyeuse
de la foi dans le Christ Sauveur.

Toi qui as eu pitié de ceux
qui étaient dans le besoin et qui as imploré
ton Fils en leur faveur,
apprends-nous à n'avoir jamais peur
de parler du monde à Jésus et de Jésus au monde.

Toi qui étais au pied de la Croix
quand ton Fils rendit son dernier soupir,
sois à nos côtés tandis que nous essayons d'être
unis spirituellement à ceux qui souffrent
et de nous mettre à leur service.

Toi qui as prié avec les disciples au Cénacle,
aide-nous à être dociles à l'Esprit
et à aller partout où il nous conduit.

Protège l'Église
de toutes les puissances qui la menacent.

Aide-la à être une image vraie
de la Trinité très sainte.

Prie pour que, par l'amour et le service de l'Église,
tous les peuples de l'Asie
puissent connaître ton Fils,
Jésus Christ, unique Sauveur du monde,
et goûter la joie de la plénitude de la vie.

Marie, Mère de la nouvelle création
et Mère de l'Asie,
prie pour nous, tes fils, maintenant et toujours !

Donné à New Delhi, en Inde, le 6 novembre 1999, en la vingt-deuxième année de mon pontificat.


[1] Jean-Paul II, Discours à la sixième Assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie (FABC), Manille (15 janvier 1995), n. 11: Insegnamenti XVIII, 1 (1995), p. 159; La Documentation catholique 92 (1995), p. 166.

[2] JEAN-PAUL II, Lettre apostolique : Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 38 : AAS 87 (1995), p. 30 ; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1027.

[3] N. 11: Insegnamenti XVIII, 1 (1995), p. 159; La Documentation catholique 92 (1995), p. 166.

[4] Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 38: AAS 87 (1995), p. 30; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1027.

[5] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Message final, n. 2.

[6] JEAN-PAUL II, Discours à la sixième Assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie (FABC), Manille (15 janvier 1995), n. 10: Insegnamenti XVIII, 1 (1995), p. 159; La Documentation catholique 92 (1995), p. 166.

[7] Jean-Paul II, Lettre sur le pèlerinage aux lieux qui sont liés à l'histoire du salut (29 juin 1999), n. 3 : L'Osservatore Romano (30 juin-1er juillet 1999), p. 8; La Documentation catholique 96 (1999), p. 702.

[8] Cf. Proposition 3.

[9] Proposition 1.

[10] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Lineamenta, n. 3.

[11] Cf. Ibidem.

[12] Cf. Proposition 32.

[13] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 9 : La Documentation catholique 95 (1998), p. 310.

[14] Cf. Propositions 36 et 50.

[15] Proposition 44.

[16] Proposition 27.

[17] Cf. Proposition 45.

[18] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 9 : La Documentation catholique 95 (1998), p. 310.

[19] Cf. Proposition 39.

[20] Proposition 35.

[21] Cf. Proposition 38.

[22] Cf. Proposition 22.

[23] Cf. Proposition 52.

[24] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Lineamenta, n. 6.

[25] Cf. Proposition 56.

[26] Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 18: AAS 87 (1995), p. 16; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1022.

[27] Cf. Proposition 29.

[28] Cf. Propositions 29 et 31.

[29] Proposition 51.

[30] Cf. Propositions 51, 52 et 53.

[31] Proposition 57.

[32] Cf. ibidem.

[33] Proposition 54.

[34] N. 3 : AAS 83 (1991), p. 252 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 154.

[35] Cf. Proposition 5.

[36] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 16 : L'Osservatore Romano, 22 avril 1998, p. 5.

[37] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 3.

[38] Proposition 8.

[39] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio, n° 11: AAS 83 (1991), p. 260; La Documentation catholique 88 (1991), p. 157.

[40] Cf. ibidem.

[41] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 3.

[42] Missel romain, Prière eucharistique de la réconciliation, I.

[43] Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 10: AAS 71 (1979), p. 274; La Documentation catholique 76 (1979), p. 306.

[44] Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n° 22.

[45] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptor Hominis (4 mars 1979), n° 9 : AAS 71 (1979), pp. 272-273; La Documentation catholique 76 (1979), p. 305.

[46] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 3.

[47] Cf. Ibidem.

[48] Ibidem.

[49] Proposition 5.

[50] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 6, p. 255 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 155.

[51] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptor Hominis (4 mars 1979), n° 7 : AAS 71 (1979), p. 269 ; La Documentation catholique 76 (1979), p. 304.

[52] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Dominum et vivificatem (18 mai 1986), n° 54 : AAS 78 (1986), p. 875 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 602.

[53] Cf. ibid., n. 59 : AAS, l.c., p. 885 ; La Documentation catholique, l.c., p. 605.

[54] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 28, p. 274 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 162; cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n° 26.

[55] Cf. Proposition 11 ; Concile. œcuménique Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église ; Ad gentes (7 décembre 1965), nn. 4 et 15 ; Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 17 ; Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), nn. 11, 22 et 38 ; JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 28, pp. 273-274 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 162.

[56] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 13 : L'Osservatore Romano, 22 avril 1998, p. 5.

[57] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Dominum et vivificatem (18 mai 1986), n° 50 : AAS 78 (1986), p. 870 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 601 ; cf. S. Thomas d'Aquin, Somme théologique III, q. 2, aa 10-12; q. 6, a. 6; q. 7, a. 13.

[58] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Dominum et vivificatem (18 mai 1986), n° 50 : AAS 78 (1986), p. 870 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 601.

[59] Cf. ibid., n. 24 : AAS, l.c., p. 832 ; La Documentation catholique, l.c., pp. 589-590.

[60] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 28, p. 274 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 162.

[61] Ibid., n. 29 : AAS, l.c., p. 275 ; La Documentation catholique, l.c., p. 163 ; Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n° 45.

[62] Cf. ibidem.

[63] Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 13.

[64] Proposition 12.

[65] Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 17.

[66] PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi : AAS 68 (8 décembre 1975), pp. 22 : AAS 68 (1976), p. 20 ; La Documentation catholique 73 (1976), p. 5

[67] Proposition 8.

[68] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 45, p. 292 ; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 169-170.

[69] Cf. ibid., n. 46 : AAS, l.c., pp. 292-293 ; La Documentation catholique, l.c., pp. 169-170.

[70] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse : Dignitatis humanæ (7 décembre 1965), nn. 3-4 ; JEAN-PAUL II, Lettre encyclique : Redemptoris missio (7 décembre 1990) : AAS 83 (1991), n° 39, p. 287 ; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 167-168 ; Proposition 40.

[71] PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n° 53 : AAS 68 (1976), pp. 41-42 ; La Documentation catholique 73 (1976), p. 11.

[72] Discours aux représentants des religions non chrétiennes (Madras, 5 février 1986), n. 2 : AAS 78 (1986), p. 767 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 297.

[73] Cf. Propositions 11 et 12 ; Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 28 : AAS 83 (1991), pp. 273-274 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 162.

[74] Rapport avant la discussion, n. 19: L'Osservatore Romano, 22 avril 1998, p. 5.

[75] Proposition 58.

[76] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 72: AAS 91 (1999), p. 61; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 926-927.

[77] Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 15.

[78] Ibidem.

[79] Ibidem.

[80] Proposition 6.

[81] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 6.

[82] Ibidem.

[83] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 19 : L'Osservatore Romano, 22 avril 1998, p. 5.

[84] PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi : AAS 68 (8 décembre 1975), n. 20, pp. 18-19 ; La Documentation catholique 73 (1976), pp. 4-5.

[85] Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 52 : AAS 83 (1991), p. 300 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 172.

[86] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 9.

[87] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n° 22 ; Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 28 : AAS 83 (1991), pp. 273-274 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 162.

[88] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 56 : AAS 83 (1991), p. 304 ; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 173-174.

[89] Jean-Paul II, Homélie lors de la Messe à Calcutta, 4 février 1986, n. 3 : Insegnamenti IX, 1 (1986), p. 314 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 295.

[90] Cf. Proposition 43.

[91] Cf. Proposition 7.

[92] Ibidem.

[93] Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 54 : AAS 83 (1991), p. 302 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 173.

[94] Cf. ibidem : AAS, l.c., p. 301 ; La Documentation catholique, l.c., p. 173.

[95] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution sur la Sainte liturgie : Sacrossanctum concilium (4 décembre 1963), n° 2 ; Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 14.

[96] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 14 ; Proposition 43.

[97] Cf. Proposition 43.

[98] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport après la discussion, n. 13.

[99] Cf. Proposition 17.

[100] Cf. Proposition 18.

[101] Cf. Proposition 17.

[102] NN. 60, 62, 105: AAS 91 (1999), pp. 52-53, 54, 85-86 ; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 922-923, 938.

[103] Cf. Proposition 24.

[104] Cf. Proposition 25.

[105] Cf. ibidem.

[106] Cf. Proposition 27.

[107] Cf. Proposition 29.

[108] Cf. JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 91 : AAS 83 (1991), p. 338 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 187.

[109] Proposition 19.

[110] Proposition 8.

[111] Concile. œcuménique Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse : Dignitatis humanæ (7 décembre 1965), n° 2.

[112] Proposition 6.

[113] S. Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 51, 2: PL 41, 614 ; cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 8.

[114] Concile. œcuménique Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église ; Ad gentes (7 décembre 1965), n° 7 ; cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 17.

[115] Paul VI, Discours aux Cardinaux à l'occasion de la fête de saint Jean et du Xe anniversaire de son élection (22 juin 1973) : AAS 65 (1973), p. 391; La Documentation catholique 70 (1973), p. 655.

[116] Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laïci (30 décembre 1988), n. 18 : AAS 81 (1989), p. 421 ; La Documentation catholique 86 (1989), p. 161.

[117] Cf. ibid. ; Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 4.

[118] Cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 775.

[119] Cf. ibidem.

[120] Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laïci (30 décembre 1988), n. 32 : AAS 81 (1989), pp. 451-452 ; La Documentation catholique 86 (1989), p. 170.

[121] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 16.

[122] Proposition 13.

[123] Ibidem.

[124] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 25: L'Osservatore Romano 22 avril 1998, p. 6 ; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 522-523.

[125] Proposition 13 ; cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 22.

[126] Cf. Ibidem.

[127] Cf. Proposition 15 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l'Église catholique sur certains aspects de l'Église comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), nn. 3-10 : AAS 85 (1993), pp. 839-844 ; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 730-731.

[128] Cf. Proposition 15.

[129] Cf. ibidem.

[130] Cf. Proposition 16.

[131] Proposition 34.

[132] Cf. Proposition 30 ; Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 51 : AAS 83 (1991), p. 298 ; La Documentation catholique, 88 (1991), p. 172.

[133] Cf. Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 58 : AAS 68 (1976), pp. 46-49 ; La Documentation catholique, 73 (1976), pp. 12-13 ; Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 51 : AAS 83 (1991) p. 299 ; La Documentation catholique, 88 (1991), p. 172.

[134] Cf. Proposition 31.

[135] Cf. Proposition 14.

[136] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 25: L'Osservatore Romano, 22 avril 1998, p. 6; La Documentation catholique 95 (1998) p. 521.

[137] Cf. Proposition 50.

[138] Cf. Propositions 36 et 50.

[139] Cf. Jean-Paul II, Discours au Synode des Évêques de l'Église Syro-malabare (8 janvier 1996), n. 6 : AAS 88 (1996), p. 762; La Documentation catholique 93 (1996), p. 108.

[140] Cf. Proposition 50.

[141] Cf. Proposition 56.

[142] Cf. Proposition 51.

[143] Cf. Proposition 52.

[144] Cf. Proposition 53.

[145] Cf. Proposition 57.

[146] Cf. Lettre sur le pèlerinage aux lieux qui sont liés à l'histoire du salut (29 juin 1999), n. 7 : L'Osservatore Romano 30 juin-1er juillet 1999, p. 9 ; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 703-704.

[147] PAUL VI ; Lettre encyclique : Ecclesiam suam, AAS 56 (1964), p. 613 ; La Documentation catholique 61 (1964), col. 1060.

[148] Cf. Proposition 42.

[149] Ibidem.

[150] Jean-Paul II, Discours à l'audience générale du 26 juillet 1995, n. 4 : Insegnamenti XVIII2 (1995), p. 138 ; La Documentation catholique 92 (1995) p. 774.

[151] Cf. Jean-Paul II, Discours à l'audience générale du 20 janvier 1982, n. 2 : Insegnamenti V1 (1982), p. 162 ; La Documentation catholique 79 (1982) p. 196.

[152] Cf. n. 53 : AAS 87 (1995), p. 37 ; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1030.

[153] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 55 : AAS 83 (1991), p. 302 ; La Documentation catholique, 88 (1991), p. 173.

[154] Cf. ibidem : AAS, l.c., p. 304 ; La Documentation catholique, l.c.

[155] N. 4 : AAS 83 (1991), pp. 101-102 ; La Documentation catholique 87 (1990), p. 850.

[156] N. 56 : AAS 83 (1991), p. 304 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 174.

[157] Proposition 41.

[158] Ibidem.

[159] Cf. Ibidem.

[160] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 57 : AAS 83 (1991), p. 305 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 174.

[161] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 8 : AAS 88 (1996), p. 383 ; La Documentation catholique 93 (1996), p. 353.

[162] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 47 : AAS 80 (1988), p. 582 ; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 254-255.

[163] Concile. œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n° 1.

[164] A bien des égards, le point de départ fut l'encyclique Rerum novarum de Léon XIII (15 mai 1891). Elle introduisit une série de déclarations solennelles de l'Église sur les divers aspects de la question sociale. Parmi celles-ci, l'encyclique Populorum progressio (26 mars 1967), que le Pape Paul VI publia en réponse aux enseignements du Concile Vatican II et aux changements de situation dans le monde. Pour célébrer le 20e anniversaire de ce document, j'ai écrit l'encyclique Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), dans laquelle, dans la ligne du Magistère précédent, j'ai invité tous les fidèles à se considérer comme appelés à une mission de service, qui comprend nécessairement la promotion du développement humain intégral.

[165] Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 41 : AAS 80 (1988), pp. 570-571 ; La Documentation catholique 85 (1988), p. 251.

[166] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. sur la liberté chrétienne et sur la libération Libertatis conscientia (22 mars 1986), n. 72 : AAS 79 (1987), p. 586.

[167] Cf. Proposition 22.

[168] Cf. Proposition 21.

[169] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 5 : AAS 81 (1989), pp. 400-402 ; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 155-156; Encyclique Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 18 : AAS 87 (1995), pp. 419-421 ; La Documentation catholique 92 (1995), p. 359.

[170] Proposition 22 ; cf. Proposition 39.

[171] Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 42 : AAS 80 (1988), p. 573 ; La Documentation catholique 85 (1988), p. 252 ; cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur la liberté chrétienne et sur la libération Libertatis conscientia (22 mars 1986), n. 68: AAS 79 (1987), p. 583.

[172] Cf. Proposition 44.

[173] Cf. Ibidem.

[174] Cf. Proposition 39.

[175] Cf. Proposition 22.

[176] Cf. Proposition 36.

[177] Cf. Proposition 38.

[178] Cf. Ibidem.

[179] Cf. Proposition 33.

[180] Cf. Ibidem.

[181] Cf. Proposition 35.

[182] Cf. Ibidem.

[183] Cf. Proposition 32.

[184] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Salvifici doloris (11 février 1984), nn. 28-29 : AAS 76 (1984) pp. 242-244 ; La Documentation catholique 81 (1984), pp. 247-248.

[185] Cf. Proposition 20.

[186] Cf. Ibidem.

[187] Cf. Proposition 21.

[188] Cf. Ibidem.

[189] Cf. Ibidem.

[190] Cf. Proposition 23.

[191] Cf. Ibidem.

[192] Cf. Proposition 55.

[193] Cf. Proposition 49.

[194] Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 1998, n. 3 : AAS 90 (1998), p. 50 ; La Documentation catholique 95 (1998), p. 3.

[195] Cf. Proposition 49.

[196] Cf. Proposition 48.

[197] Cf. ibidem ; Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 51 : AAS 87 (1995), p. 36 ; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1030.

[198] Cf. Proposition 48.

[199] Cf. Proposition 22 ; Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 44 : AAS 80 (1988), p. 576-577. La Documentation catholique 85 (1988), p. 253.

[200] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 15 : AAS 71 (1979), p. 287 ; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 309-310.

[201] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 15 : AAS 71 (1979), p. 287 ; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 309-310.

[202] Cf. Proposition 47.

[203] S. JEAN CHRYSOSTOME ? Homélie sur l'Évangile de Matthieu, 50, 3-4 : PG 58, 508-509.

[204] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église ; Ad gentes (7 décembre 1965), nn. 2; 35.

[205] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 31 : AAS 83 (1991), p. 277 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 163.

[206] Ibidem, n. 42 : l.c., p. 289; La Documentation catholique, l.c., p. 169.

[207] Ibidem.

[208] Cf. Proposition 25.

[209] Cf. Proposition 25.

[210] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 46.

[211] Cf. Proposition 27.

[212] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique Vita consecrata (25 mars 1996), n. 103 : AAS 88 (1996) p. 479 ; La Documentation catholique 93 (1996), p. 393.

[213] Cf. Paul VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 69 : AAS 68 (1976), p. 59 ; La Documentation catholique 73 (1976), p. 16.

[214] Cf. Proposition 27.

[215] Cf. Ibidem.

[216] Cf. Ibidem.

[217] Cf. Proposition 28.

[218] Cf. Ibidem.

[219] Cf. Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 31.

[220] Cf. Proposition 29.

[221] Cf. Ibidem.

[222] Cf. Ibidem.

[223] Jean-Paul II, Discours à l'audience générale du 13 juillet 1994, n. 4 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 757.

[224] Cf. Proposition 35.

[225] Cf. Ibidem.

[226] Concile. œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), n° 11.

[227] Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Évêques, Rapport avant la discussion, n. 28 : L'Osservatore Romano 22 avril 1998, p. 6.

[228] Cf. Proposition 32.

[229] Cf. Proposition 33.

[230] Discours à la Confédération des Conseils de direction des Familles d'inspiration chrétienne (29 novembre 1980), n. 4 : Insegnamenti III, 2 (1980), p. 1454.

[231] Cf. Proposition 34.

[232] Cf. Ibidem.

[233] Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 37 : AAS 83 (1991), p. 285 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 167.

[234] Cf. Ibidem.

[235] Cf. Ibidem.

[236] Cf. Proposition 45.

[237] Cf. Ibidem.

[238] Cf. Ibidem.

[239] N. 13 : AAS 91 (1999), p. 142 ; La Documentation catholique 95 (1998), p. 1057.

[240] Cf. Proposition 59.

Vos commentaires et vos suggestions nous aideront beaucoup.
Écrivez-nous:
remiderheims@free.fr