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ECCLESIA IN
EUROPA
EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE
DE SA SAINTETÉ
LE PAPE JEAN-PAUL II
AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR JÉSUS CHRIST, VIVANT DANS L'ÉGLISE,
SOURCE D'ESPÉRANCE POUR L'EUROPE
INTRODUCTION
Annonce joyeuse pour l'Europe
1. L'Église en Europe a
accompagné en esprit de participation ses évêques réunis en Synode pour la
deuxième fois, tandis qu'ils se livraient à une méditation sur Jésus Christ,
vivant dans l'Église, source d'espérance pour l'Europe.
C'est un thème que je
veux moi aussi, reprenant avec mes frères évêques les paroles de la Première
Lettre de saint Pierre, proclamer à tous les chrétiens d'Europe au début du
troisième millénaire. « N'ayez aucune crainte [...], ne vous laissez pas
troubler. C'est le Seigneur, le Christ, que vous devez reconnaître dans vos
cœurs comme le seul Saint. Vous devez toujours être prêts à vous expliquer
devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en
vous » (3, 14-15).1
Cette annonce a retenti
continuellement tout au long du grand Jubilé de l'An 2000, auquel le Synode, qui
s'est tenu juste avant, a été étroitement lié, étant en quelque sorte une porte
qui s'ouvrait sur lui.2 Le Jubilé a été « un chant unique,
ininterrompu, de louange à la Trinité », un vrai « chemin de réconciliation » et
un « signe d'espérance authentique pour ceux qui regardent le Christ et son
Église ».3 Nous laissant en héritage la joie de la rencontre
vivifiante avec le Christ, qui est « le même, hier, aujourd'hui et pour
l'éternité » (He 13, 8), il nous a proposé de nouveau le Seigneur Jésus
comme fondement unique et indéfectible de la véritable espérance.
Un deuxième Synode pour l'Europe
2. L'approfondissement
du thème de l'espérance constituait dès le début le but principal de la Deuxième
Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques. Dernier des séries de
Synodes de caractère continental tenus en préparation du grand Jubilé de l'An
2000,4 il avait pour buts d'analyser la situation de l'Église en
Europe et de donner des orientations pour promouvoir une nouvelle annonce de
l'Évangile, comme je l'ai souligné dans la convocation que j'ai rendue publique
le 23 juin 1996, au terme de l'Eucharistie célébrée au stade olympique de
Berlin.5
L'Assemblée synodale ne
pouvait omettre de reprendre, de vérifier et de développer ce qui était ressorti
lors du précédent Synode consacré à l'Europe, qui s'était réuni en 1991, au
lendemain de la chute des murs, sur le thème « Pour que nous soyons témoins du
Christ qui nous a libérés ». Dans cette première Assemblée spéciale étaient
apparues l'urgence et la nécessité de la « nouvelle évangélisation », dans la
certitude que « l'Europe ne doit pas purement et simplement en appeler
aujourd'hui à son héritage chrétien antérieur: il lui faut trouver la capacité
de décider à nouveau de son avenir dans la rencontre avec la personne et le
message de Jésus Christ ».6
Neuf ans après, la
conviction que « l'Église a le devoir pressant d'apporter à nouveau aux
Européens l'annonce libératrice de l'Évangile » 7 s'est présentée
encore une fois avec sa force stimulante. Le thème choisi pour la nouvelle
Assemblée synodale proposait encore, sous l'angle de l'espérance, le même défi.
Il s'agissait donc de proclamer cette annonce d'espérance à une Europe qui
semblait l'avoir perdue.8
L'expérience du Synode
3. L'Assemblée synodale,
qui a eu lieu du 1er au 23 octobre 1999, s'est avérée une précieuse
occasion de rencontre, d'écoute et de confrontation: on y a approfondi la
connaissance réciproque entre évêques des diverses parties de l'Europe et avec
le Successeur de Pierre, et tous ensemble nous avons pu nous édifier
mutuellement, grâce surtout au témoignage de ceux qui, sous les anciens régimes
totalitaires, ont supporté pour la foi de dures et longues persécutions.9
Une fois encore, nous avons vécu des moments de communion dans la foi et dans la
charité, animés par le désir de réaliser un fraternel « échange de dons »,
enrichis réciproquement par la diversité des expériences de chacun.10
Il en est ressorti la
volonté d'accueillir l'appel que l'Esprit adresse aux Églises en Europe pour les
mobiliser face aux nouveaux défis.11 Le regard rempli d'amour,
les participants de la rencontre synodale n'ont pas craint d'observer la
réalité actuelle du continent, notant ses lumières et ses ombres. Il en
ressort une claire conscience que la situation est marquée par de graves
incertitudes dans les domaines culturel, anthropologique, éthique et spirituel.
Une volonté croissante s'est affirmée tout aussi clairement, celle de pénétrer
dans cette situation et de l'interpréter pour voir les tâches qui attendent
l'Église; il en est résulté « des orientations utiles afin de rendre toujours
plus visible le visage du Christ par une annonce plus incisive, corroborée par
un témoignage cohérent ».12
4. Le fait de vivre
l'expérience synodale avec un discernement évangélique a fait mûrir
progressivement la conscience de l'unité qui, sans nier les différences
provenant des vicissitudes historiques, lie les diverses parties de l'Europe.
C'est une unité qui, s'enracinant dans une commune inspiration chrétienne, sait
harmoniser les traditions culturelles et qui requiert, sur le plan social comme
sur le plan ecclésial, une progression constante dans la connaissance réciproque
ouverte à un plus grand partage des valeurs de chacun.
Peu à peu, au cours du
Synode, est devenue évidente une forte propension à l'espérance. Tout en
faisant leurs les analyses de la complexité caractéristique du continent, les
Pères synodaux ont compris que la plus grande urgence peut-être qui l'envahit, à
l'Est comme à l'Ouest, est un besoin accru d'espérance, capable de donner un
sens à la vie et à l'histoire, et d'aider à marcher ensemble. Toutes les
réflexions du Synode ont cherché à répondre à ce besoin à partir du mystère
du Christ et du mystère trinitaire. Le Synode a voulu proposer à nouveau la
figure de Jésus vivant dans son Église, révélateur du Dieu Amour qui est
communion des trois Personnes divines.
L'icône de l'Apocalypse
5. Par la présente
Exhortation post-synodale, je suis heureux de pouvoir partager avec l'Église qui
est en Europe les fruits de cette Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du
Synode des Évêques. Je désire ainsi répondre au souhait exprimé au terme des
assises synodales, quand les Pasteurs m'ont transmis les textes de leurs
réflexions, et m'ont prié de donner à l'Église en marche en Europe un document
sur le thème même du Synode.13
« Celui qui a des
oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises! » (Ap 2, 7).
En annonçant à l'Europe l'Évangile de l'espérance, je prendrai pour guide le
Livre de l'Apocalypse, « révélation prophétique » qui révèle à la communauté
des croyants le sens caché et profond de ce qui arrivera (cf. Ap 1, 1).
L'Apocalypse nous place devant une parole adressée aux communautés chrétiennes,
afin qu'elles sachent interpréter et vivre leur insertion dans l'histoire, avec
ses interrogations et ses tribulations, à la lumière de la victoire définitive
de l'Agneau immolé et ressuscité. En même temps, nous nous trouvons face à une
parole qui engage à vivre en abandonnant la tentation permanente de bâtir la
cité des hommes sans tenir compte de Dieu ou même contre lui. En effet, si cela
se vérifiait, ce serait la convivialité humaine elle-même qui essuierait, à plus
ou moins brève échéance, une défaite irrémédiable.
L'Apocalypse contient un
encouragement adressé aux croyants: au-delà de toute apparence, et même si l'on
n'en voit pas encore les effets, la victoire du Christ est déjà advenue et elle
est définitive. Il s'ensuit une tendance à se placer face aux vicissitudes
humaines dans une attitude de confiance fondamentale, qui découle de la foi dans
le Ressuscité, présent et agissant dans l'histoire.
CHAPITRE I
JÉSUS CHRIST EST NOTRE ESPÉRANCE
« Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier,
je suis le Vivant » (Ap 1, 17-18)
Le Ressuscité est toujours avec nous
6. En un temps de
persécutions, de tribulations et d'égarement pour l'Église à l'époque de
l'auteur de l'Apocalypse (cf. Ap 1, 9), la parole qui retentit dans la
vision est une parole d'espérance : « Sois sans crainte. Je suis le
Premier et le Dernier, je suis le Vivant: j'étais mort, mais me voici vivant
pour les siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des
morts » (Ap 1, 17- 18). Nous sommes ainsi placés face à l'Évangile, à la
« bonne nouvelle », qui est Jésus Christ lui- même. Il est le Premier
et le Dernier: en Lui, toute l'histoire trouve son commencement, sa
signification, sa direction, son accomplissement; en Lui et avec Lui, dans sa
mort et sa résurrection, tout a déjà été dit. Il est le Vivant: il était
mort, mais maintenant il vit pour toujours. Il est l'Agneau qui se tient
debout face au trône de Dieu (cf. Ap 5, 6): il est immolé, car il
a versé son sang pour nous sur le bois de la Croix; il est debout, car il
est revenu à la vie pour toujours et il nous a montré la toute-puissance infinie
de l'amour du Père. Il tient fermement dans ses mains les sept étoiles
(cf. Ap 1, 16), c'est-à-dire l'Église de Dieu persécutée, en lutte contre
le mal et contre le péché, mais qui a également le droit d'être joyeuse et
victorieuse parce qu'elle est entre les mains de Celui qui a déjà vaincu le mal.
Il marche au milieu des sept chandeliers d'or (cf. Ap 2, 1): il
est présent et agissant dans son Église en prière. Il est aussi « celui qui
vient » (Ap 1, 4) à travers la mission et l'action de l'Église tout
au long de l'histoire humaine; il vient comme le moissonneur eschatologique, à
la fin des temps, pour porter toute chose à son accomplissement (cf. Ap
14, 15-16; 22, 20).
I. Défis et signes d'espérance pour l'Église en Europe
L'obscurcissement de l'espérance
7. Cette parole est
aussi adressée aujourd'hui aux Églises en Europe, souvent tentées par
l'obscurcissement de l'espérance. En effet, le temps que nous vivons, avec
les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d'égarement. Beaucoup
d'hommes et de femmes semblent désorientés, incertains, sans espérance, et de
nombreux chrétiens partagent ces états d'âme. Nombreux sont les signes
préoccupants qui, au début du troisième millénaire, troublent l'horizon du
continent européen, lequel, « tout en étant riche d'immenses signes de foi et de
témoignage, et dans le cadre d'une vie commune certainement plus libre et plus
unie, ressent toute l'usure que l'histoire ancienne et récente a provoquée dans
les fibres les plus profondes de ses populations, entraînant souvent la
déception ».14
Parmi les nombreux
aspects, amplement rappelés aussi à l'occasion du Synode,15 je
voudrais mentionner la perte de la mémoire et de l'héritage chrétiens,
accompagnée d'une sorte d'agnosticisme pratique et d'indifférentisme religieux,
qui fait que beaucoup d'Européens donnent l'impression de vivre sans terreau
spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été
légué par l'histoire. On n'est donc plus tellement étonné par les tentatives de
donner à l'Europe un visage qui exclut son héritage religieux, en particulier
son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent
sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du christianisme.
Certes, les prestigieux
symboles de la présence chrétienne ne manquent pas dans le continent européen,
mais avec l'expansion lente et progressive de la sécularisation, ils risquent de
devenir un pur vestige du passé. Beaucoup n'arrivent plus à intégrer le message
évangélique dans l'expérience quotidienne; il est de plus en plus difficile de
vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien
de vie est continuellement mis au défi et menacé; dans de nombreux milieux de
vie, il est plus facile de se dire athée que croyant; on a l'impression que la
non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d'une légitimation
sociale qui n'est ni évidente ni escomptée.
8. Cette perte de la
mémoire chrétienne s'accompagne d'une sorte de peur d'affronter l'avenir.
L'image du lendemain qui est cultivée s'avère souvent pâle et incertaine. Face à
l'avenir, on ressent plus de peur que de désir. On en trouve des signes
préoccupants, entre autres, dans le vide intérieur qui tenaille de nombreuses
personnes et dans la perte du sens de la vie. Parmi les expressions et les
conséquences de cette angoisse existentielle, il faut compter en particulier la
dramatique diminution de la natalité, la baisse des vocations au sacerdoce et à
la vie consacrée, la difficulté, sinon le refus, de faire des choix définitifs
de vie, même dans le mariage.
On assiste à une
fragmentation diffuse de l'existence; ce qui prévaut, c'est une
sensation de solitude; les divisions et les oppositions se multiplient. Parmi
les autres symptômes de cet état de fait, la situation actuelle de l'Europe
connaît le grave phénomène des crises de la famille et de la disparition du
concept même de famille, la persistance ou la réactivation de conflits
ethniques, la résurgence de certaines attitudes racistes, les tensions
interreligieuses elles-mêmes, l'attitude égocentrique qui enferme les personnes
et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d'une indifférence éthique générale
et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. Pour
beaucoup de personnes, au lieu d'orienter vers une plus grande unité du genre
humain, la mondialisation en cours risque de suivre une logique qui marginalise
les plus faibles et qui accroît le nombre des pauvres sur la terre.
Parallèlement à
l'expansion de l'individualisme, on note un affaiblissement croissant de la
solidarité entre les personnes: alors que les institutions d'assistance
accomplissent un travail louable, on observe une disparition du sens de la
solidarité, de sorte que, même si elles ne manquent pas du nécessaire matériel,
beaucoup de personnes se sentent plus seules, livrées à elles-mêmes, sans réseau
de soutien affectif.
9. À la racine de la
perte de l'espérance se trouve la tentative de faire prévaloir une
anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit
à considérer l'homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper
faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n'est pas l'homme qui fait
Dieu, mais Dieu qui fait l'homme. L'oubli de Dieu a conduit à l'abandon de
l'homme », et c'est pourquoi, « dans ce contexte, il n'est pas surprenant que se
soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en
gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la
manière d'aborder la vie quotidienne ».16 La culture européenne donne
l'impression d'une « apostasie silencieuse » de la part de l'homme comblé qui
vit comme si Dieu n'existait pas.
Dans une telle
perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout récemment encore, de
présenter la culture européenne en faisant abstraction de l'apport du
christianisme qui a marqué son développement historique et sa diffusion
universelle. Nous sommes là devant l'apparition d'une nouvelle culture,
pour une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et le
contenu sont souvent contraires à l'Évangile et à la dignité de la personne
humaine. De cette culture fait partie aussi un agnosticisme religieux toujours
plus répandu, lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend
racine dans la perte de la vérité de l'homme comme fondement des droits
inaliénables de chacun. Les signes de la disparition de l'espérance se
manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce que l'on peut
appeler une « culture de mort ».17
L'inéluctable nostalgie de l'espérance
10. Mais, comme l'ont
souligné les Pères synodaux, « l'homme ne peut pas vivre sans espérance:
sa vie serait vouée à l'insignifiance et deviendrait insupportable ».18
Bien souvent, celui qui a besoin d'espérance croit pouvoir trouver un apaisement
dans des réalités éphémères et fragiles. Et ainsi, l'espérance,
emprisonnée dans un milieu purement humain fermé à la transcendance, est
identifiée, par exemple, au paradis promis par la science et par la technique,
ou à des formes diverses de messianisme, au bonheur de nature hédoniste procuré
par le consumérisme ou au bonheur imaginaire et artificiel produit par des
stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à l'attrait des philosophies
orientales, à la recherche de formes de spiritualité ésotériques, aux divers
courants du New Age.19
Mais tout cela se révèle
profondément illusoire et incapable de satisfaire la soif de bonheur que le cœur
de l'homme continue à ressentir en lui-même. Ainsi subsistent et s'intensifient
les signes préoccupants de la disparition de l'espérance, qui parfois se
manifestent même à travers des formes d'agressivité et de violence.20
Signes d'espérance
11. Aucun être humain ne
peut vivre sans perspectives d'avenir, et moins encore l'Église, qui vit dans
l'attente du Royaume qui vient et qui est déjà présent dans ce monde. Il serait
injuste de ne pas voir les signes de l'influence de l'Évangile du
Christ dans la vie des sociétés. Les Pères synodaux les ont recherchés et
soulignés.
Il faut inscrire parmi
ces signes la retour à la liberté pour l'Église dans l'Est européen, avec les
nouvelles possibilités ainsi ouvertes pour l'action pastorale; le fait pour
l'Église de se concentrer sur sa mission spirituelle et sur son engagement à
vivre le primat de l'évangélisation, même dans ses rapports avec la réalité
sociale et politique; la prise de conscience accrue de la mission propre de tous
les baptisés, dans la diversité et la complémentarité des dons et des tâches; la
présence plus marquée de la femme dans les structures et dans les milieux de la
communauté chrétienne.
Une communauté de peuples
12. En considérant
l'Europe en tant que communauté de citoyens, on ne manque pas de signes qui
ouvrent à l'espérance; malgré les contradictions de l'histoire, nous
pouvons, avec un regard de foi, voir en eux la présence de l'Esprit de Dieu qui
renouvelle la face de la terre. Les Pères synodaux les ont décrits ainsi à la
fin de leurs travaux: « Nous constatons avec joie l'ouverture croissante
des peuples les uns aux autres, la réconciliation entre nations longtemps
hostiles et ennemies, l'élargissement progressif du processus
d'unification aux pays de l'Est européen. Reconnaissances, collaborations et
échanges de tous ordres sont en développement, de sorte que se crée peu à
peu une culture européenne, on peut même dire une conscience européenne,
dont nous espérons qu'elle pourra faire croître, spécialement auprès des jeunes,
le sentiment de la fraternité et la volonté du partage. Nous enregistrons comme
positif le fait que tout ce processus se développe selon des méthodes
démocratiques, sur un mode pacifique et dans un esprit de liberté qui
respecte et valorise les légitimes diversités, suscitant et soutenant le
processus d'unification de l'Europe. Nous saluons avec satisfaction ce
qui a été fait pour préciser les conditions et les modalités du respect des
droits humains. Dans le contexte, enfin, de la légitime et nécessaire unité
économique et politique en Europe, tandis que nous enregistrons les signes de
l'espérance qu'offre la considération accordée au droit et à la
qualité de la vie, nous souhaitons vivement que, dans une fidélité créatrice
à la tradition humaniste et chrétienne de notre continent, soit garanti le
primat des valeurs éthiques et spirituelles ».21
Les martyrs et les témoins de la foi
13. Mais je voudrais
attirer l'attention en particulier sur certains signes qui se sont manifestés
dans la vie proprement ecclésiale. Tout d'abord, avec les Pères synodaux, je
veux proposer de nouveau à tous, afin qu'il ne soit jamais oublié, le grand
signe d'espérance constitué par les nombreux témoins de la foi chrétienne
qui ont vécu au siècle dernier, à l'Est comme à l'Ouest. Ils ont su faire leur
l'Évangile dans des situations d'hostilité et de persécution, souvent jusqu'à
l'épreuve finale de l'effusion du sang.
Ces témoins, en
particulier ceux qui ont affronté l'épreuve du martyre, sont un signe éloquent
et grandiose, qu'il nous est demandé de contempler et d'imiter. Ils attestent à
nos yeux la vitalité de l'Église; ils nous apparaissent comme une lumière pour
l'Église et pour l'humanité, car ils ont fait resplendir dans les ténèbres la
lumière du Christ; appartenant à diverses confessions chrétiennes, ils
resplendissent de ce fait comme un signe d'espérance pour le cheminement
œcuménique, dans la certitude que leur sang « est aussi une sève d'unité pour
l'Église ».22
Plus radicalement
encore, ils nous disent que le martyre est l'incarnation suprême de
l'Évangile de l'espérance: « En effet, les martyrs annoncent cet Évangile et en
témoignent par leur vie jusqu'à l'effusion du sang, car ils sont certains de ne
pas pouvoir vivre sans le Christ et ils sont prêts à mourir pour lui, dans la
conviction que Jésus est le Seigneur et le Sauveur des hommes et qu'en lui
seulement l'homme peut donc trouver la véritable plénitude de la vie. De cette
façon, selon l'avertissement de l'Apôtre Pierre, ils se montrent prêts à rendre
compte de l'espérance qui est en eux (cf. 1 P 3, 15). En outre, les
martyrs célèbrent l' “Évangile de l'espérance”, car l'offrande de leur vie est
la manifestation la plus grande et la plus radicale de ce sacrifice vivant,
saint et accepté par Dieu, qui constitue le véritable culte spirituel (cf. Rm
12, 1), origine, âme et sommet de toute célébration chrétienne. Enfin, ils
servent l' “Évangile de l'espérance” parce que, par leur martyre, ils expriment
au plus haut degré l'amour et le service de l'homme, en ce qu'ils démontrent que
l'obéissance à la loi évangélique engendre une vie morale et une convivialité
qui honorent et promeuvent la dignité et la liberté de chaque personne ».23
La sainteté de beaucoup
14. La conversion opérée
par l'Évangile a donné comme fruit la sainteté de beaucoup d'hommes et de
femmes de notre temps. Non seulement de ceux qui ont été proclamés
officiellement comme tels par l'Église, mais aussi de ceux qui, avec simplicité
et dans la vie quotidienne, ont donné le témoignage de leur fidélité au Christ.
Comment ne pas penser aux innombrables fils et filles de l'Église qui, tout au
long de l'histoire du continent européen, ont vécu une généreuse et authentique
sainteté dans le secret de la vie familiale, professionnelle et sociale? « Tous
ensemble, tels des “pierres vivantes” adhérant au Christ, la “pierre angulaire”,
ils ont construit l'Europe comme édifice spirituel et moral, en laissant à la
postérité l'héritage le plus précieux. Le Seigneur Jésus l'avait promis: “Celui
qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de
plus grandes, puisque je pars vers le Père” (Jn 14, 12). Les saints sont
la preuve vivante de l'accomplissement de cette promesse et ils encouragent à
croire que cela est possible, même dans les heures les plus difficiles de
l'histoire ».24
La paroisse et les mouvements ecclésiaux
15. L'Évangile continue
à porter ses fruits dans les communautés paroissiales, parmi les personnes
consacrées, dans les associations de laïcs, dans les groupes de prière et
d'apostolat, dans diverses communautés de jeunes, comme aussi à travers la
présence et la diffusion de réalités et de mouvements ecclésiaux nouveaux. En
chacun d'eux, en effet, le même Esprit sait susciter un don de soi renouvelé à
l'Évangile, une généreuse disponibilité pour le service, une vie chrétienne
marquée par la radicalité évangélique et par l'élan missionnaire.
Aujourd'hui encore en
Europe, dans les pays anciennement communistes comme en Occident, la paroisse,
tout en ayant besoin d'un renouvellement constant,25 garde encore et
continue d'exercer une mission indispensable et de grande actualité dans le
domaine pastoral et ecclésial. Elle reste en mesure d'offrir aux fidèles le
milieu adapté pour un exercice réel de la vie chrétienne et d'être le lieu d'une
authentique humanisation et socialisation, que ce soit dans un contexte de
dispersion et d'anonymat propre aux grandes villes modernes, ou dans les zones
rurales peu peuplées.26
16. En même temps,
tandis que j'exprime ma grande estime pour la présence et l'action des diverses
associations et organisations d'apostolat, en particulier de l'Action
catholique, avec les Pères synodaux je voudrais souligner la contribution propre
que peuvent offrir, en communion avec les autres réalités ecclésiales et jamais
de manière isolée, les nouveaux mouvements ecclésiaux et les nouvelles
communautés ecclésiales. En effet, « ils aident les chrétiens à vivre plus
radicalement selon l'Évangile; ils sont le berceau de diverses vocations et ils
engendrent de nouvelles formes de consécration; ils promeuvent surtout la
vocation des laïcs et l'amènent à s'exprimer dans les divers milieux de vie; ils
favorisent la sainteté du peuple; ils peuvent être une annonce et une
exhortation pour ceux qui n'ont pas d'autre occasion de rencontrer l'Église;
bien souvent, ils soutiennent le cheminement œcuménique et ouvrent les voies au
dialogue interreligieux; ils sont un antidote contre la diffusion des sectes;
ils apportent une aide importante à la diffusion de la vivacité et de la joie
dans l'Église ».27
Le cheminement œcuménique
17. Nous remercions le
Seigneur pour le grand et stimulant signe d'espérance constitué par les
progrès qu'a su réaliser le cheminement œcuménique à l'enseigne de la
vérité, de la charité et de la réconciliation. Il s'agit là de l'un des grands
dons de l'Esprit Saint pour un continent comme l'Europe, qui a donné naissance
aux graves divisions entre les chrétiens du deuxième millénaire et qui souffre
encore beaucoup de leurs conséquences.
Je me souviens avec
émotion de certains moments de grande intensité vécus durant les travaux
synodaux et de la conviction unanime, exprimée également par les Délégués
fraternels, que ce cheminement – malgré les problèmes qui subsistent encore et
ceux, nouveaux, qui naissent peu à peu – ne peut être interrompu, mais qu'il
doit se poursuivre avec une ardeur renouvelée, avec une détermination plus
profonde et avec l'humble disposition de tous au pardon réciproque. Je fais
volontiers miennes certaines expressions des Pères synodaux, car « le progrès
dans le dialogue œcuménique, qui a son fondement le plus profond dans le Verbe
même de Dieu, représente un signe de grande espérance pour l'Église
d'aujourd'hui: la croissance de l'unité entre les chrétiens est en effet un
enrichissement mutuel pour tous ».28 Il faut « considérer avec joie
les progrès obtenus jusqu'à maintenant dans le dialogue, tant avec les frères
des Églises orthodoxes qu'avec ceux des Communautés ecclésiales provenant de la
Réforme, reconnaissant en eux un signe de l'action de l'Esprit, pour laquelle
nous devons louer et remercier le Seigneur ».29
II. Revenir au Christ, source de toute espérance
Confesser notre foi
18. De l'Assemblée
synodale a jailli, lumineuse et puissante, la certitude que l'Église doit offrir
à l'Europe le bien le plus précieux, que personne d'autre ne peut lui donner: la
foi en Jésus Christ, source de l'espérance qui ne déçoit pas.30 Ce
don est à l'origine de l'unité spirituelle et culturelle des peuples européens
et, aujourd'hui encore comme à l'avenir, il peut constituer une contribution
essentielle à leur développement et à leur intégration. Oui, en ce début du
troisième millénaire, après vingt siècles, l'Église se présente toujours avec la
même annonce, qui constitue son unique trésor: Jésus Christ est le Seigneur; en
Lui et en nul autre est le salut (cf. Ac 4, 12). La source de
l'espérance, pour l'Europe et pour le monde entier, c'est le Christ, et l'Église
est « le chemin par lequel passe et se répand la vague de grâce surgie du Cœur
transpercé du Rédempteur ».31
À partir de cette
confession de foi jaillit de nos cœurs et de nos lèvres « une joyeuse [...]
confession d'espérance: Toi, Seigneur ressuscité et vivant, [...] tu es
l'unique et vraie espérance de l'homme et de l'histoire; tu es “parmi nous
l'espérance de la gloire” (Col 1, 27), déjà en cette vie et aussi
par-delà la mort. En toi et avec toi, nous pouvons accéder à la vérité, notre
existence a un sens, la communion est possible, la diversité peut devenir
richesse, la puissance du Règne est à l'œuvre dans l'histoire et aide à
l'édification de la cité des hommes, la charité donne une valeur durable aux
efforts de l'humanité, la souffrance peut devenir salvifique, la vie vaincra la
mort, la création participera à la gloire des fils de Dieu ».32
Jésus Christ, notre espérance
19. Jésus Christ est
notre espérance parce que Lui, le Verbe éternel qui est éternellement dans le
sein du Père (cf. Jn 1, 18), nous a aimés au point d'assumer notre nature
humaine, excepté le péché, partageant notre vie pour nous sauver. La confession
de cette vérité est au cœur même de notre foi. La perte de la vérité sur Jésus
Christ ou son incompréhension empêchent de pénétrer dans le mystère même de
l'amour de Dieu et de la communion trinitaire.33
Jésus Christ est notre
espérance parce qu'Il révèle le mystère de la Trinité.
Tel est le centre de la foi chrétienne qui peut encore offrir, comme elle l'a
fait jusqu'à présent, une importante contribution à la mise en place de
structures qui, en s'inspirant des grandes valeurs évangéliques ou en se
mesurant à leur aune, promeuvent la vie, l'histoire et la culture des différents
peuples du continent.
Nombreuses sont les
racines qui, par leur sève, ont conduit à reconnaître la valeur de la personne
et de sa dignité inaliénable, le caractère sacré de la vie humaine et le rôle
central de la famille, l'importance de l'enseignement et de la liberté de
pensée, d'expression et de religion, tout comme elles ont conduit à la
protection juridique des individus et des groupes, à la promotion de la
solidarité et du bien commun, à la reconnaissance de la dignité du travail. Ces
racines ont favorisé la sujétion du pouvoir politique à la loi et au respect du
droit des personnes et des peuples. Il convient de rappeler ici l'esprit de la
Grèce antique et de Rome, l'apport des peuples celtes, germaniques, slaves,
finno-ougriens, ainsi que de la culture juive et du monde de l'islam. Mais il
faut reconnaître que, historiquement parlant, ces inspirations ont trouvé dans
la tradition judéo-chrétienne une force capable de les harmoniser, de les
consolider et de les promouvoir. C'est un fait que l'on ne peut ignorer; au
contraire, dans le processus de construction de la « maison commune européenne
», il faut reconnaître que cet édifice doit s'appuyer aussi sur les valeurs qui
ont trouvé dans la tradition chrétienne leur pleine manifestation. En prendre
acte tourne à l'avantage de tous.
L'Église « n'a pas
qualité pour exprimer une préférence en faveur de l'une ou l'autre solution
institutionnelle ou constitutionnelle » de l'Europe, et elle veut donc respecter
de manière cohérente la légitime autonomie de l'ordre civil.34 Mais
elle a le devoir de raviver dans le cœur des chrétiens d'Europe la foi en la
Trinité, en sachant bien qu'une telle foi est un signe avant-coureur d'une
authentique espérance pour le continent. Bien des grands paradigmes de référence
mentionnés ci-dessus, qui sont à la base de la civilisation européenne, ont
leurs racines les plus profondes dans la foi trinitaire. Cette dernière porte en
elle une extraordinaire puissance spirituelle, culturelle et éthique, capable,
entre autres, d'éclairer aussi certaines grandes questions qui se posent
aujourd'hui en Europe, telles que la désagrégation sociale et la perte d'une
référence qui donne un sens à la vie et à l'histoire. Il apparaît donc
nécessaire de renouveler la réflexion théologique, spirituelle et pastorale du
mystère trinitaire.35
20. Les Églises
particulières en Europe ne sont pas de simples entités ou organisations privées.
En réalité, elles déploient leur action dans une dimension institutionnelle
spécifique qui mérite d'être mise en valeur sur le plan juridique, dans le plein
respect du bon ordonnancement civil. Réfléchissant sur elles-mêmes, les
communautés chrétiennes doivent se découvrir à nouveau comme un don par lequel
Dieu enrichit les peuples qui vivent sur le continent. Telle est l'annonce
joyeuse qu'elles sont appelées à transmettre à toute personne. En
approfondissant la dimension missionnaire qui leur est propre, elles doivent
attester constamment que Jésus Christ « est l'unique médiateur, porteur de
salut pour l'humanité tout entière: en lui seulement l'humanité, l'histoire
et le cosmos trouvent leur signification définitivement positive et se réalisent
en totalité; il recèle en lui-même, dans son événement et dans sa personne, les
raisons ultimes du salut; il n'est pas seulement un médiateur de salut, il est
aussi la source même de ce salut ».36
Dans le contexte actuel
du pluralisme éthique et religieux qui caractérise de plus en plus l'Europe, il
est donc nécessaire de confesser et de proposer à nouveau la vérité sur le
Christ, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, et unique Rédempteur du
monde. C'est pourquoi – comme je l'ai fait à la fin de l'Assemblée synodale –
avec toute l'Église j'invite mes frères et sœurs dans la foi à savoir
constamment s'ouvrir en toute confiance au Christ et à se laisser renouveler par
lui, annonçant à toute personne de bonne volonté, avec la force de la paix et de
l'amour, que celui qui rencontre le Seigneur connaît la Vérité, découvre la Vie,
trouve la Voie qui y conduit (cf. Jn 14, 6; Ps 16 [15], 11). Par
le style de vie des chrétiens et par leur témoignage en parole, les habitants de
l'Europe pourront découvrir que le Christ est l'avenir de l'homme. Dans la foi
de l'Église, « il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par
lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12).37
21. Pour les croyants,
Jésus Christ est l'espérance de toute personne parce qu'il donne la vie
éternelle. Il est « le Verbe de vie » (1 Jn 1, 1), venu dans le monde
pour que les hommes « aient la vie et l'aient en surabondance » (Jn 10,
10). Il nous montre ainsi que le sens véritable de l'existence de l'homme ne
reste pas enfermé sur l'horizon humain, mais qu'il s'ouvre sur l'éternité.
Chaque Église particulière en Europe a la mission de prendre en compte la soif
de vérité de toute personne et le besoin de valeurs authentiques susceptibles
d'animer les peuples du continent. Avec une énergie renouvelée, il lui revient
de présenter la nouveauté qui la fait vivre. Il s'agit de mettre en œuvre une
action culturelle et missionnaire organique qui, par des activités et des
argumentations convaincantes, montre que la nouvelle Europe a besoin de
retrouver ses racines profondes. Dans ce contexte, ceux qui s'inspirent des
valeurs évangéliques ont une fonction essentielle à exercer, qui fait partie du
fondement solide sur lequel doit être édifiée une convivialité plus humaine et
plus pacifique, parce qu'elle respecte tous et chacun.
Il est nécessaire que
les Églises particulières en Europe sachent redonner à l'espérance sa dimension
eschatologique originale.38 La véritable espérance chrétienne est en
effet théologale et eschatologique, fondée sur le Ressuscité qui viendra de
nouveau comme Rédempteur et Juge, et qui nous appelle à la résurrection et au
bonheur éternel.
Jésus Christ vivant dans l'Église
22. En retournant au
Christ, les peuples européens pourront retrouver l'espérance qui seule offre une
plénitude de sens à la vie. Aujourd'hui encore, ils peuvent le rencontrer car
Jésus est présent, il vit et il agit au cœur de son Église: il est dans
l'Église et l'Église est en lui (cf. Jn 15, 1ss; Ga 3, 28; Ep
4, 15-16; Ac 9, 5). En elle, par le don de l'Esprit Saint, il
poursuit constamment son œuvre de salut.39
Avec les yeux de la foi,
nous devenons capables de voir la présence mystérieuse de Jésus dans les divers
signes qu'il nous a laissés. Avant tout, il est présent dans la sainte Écriture,
qui, en toutes ses parties, parle de Lui (cf. Lc 24, 27. 44- 47).
Cependant, de manière vraiment unique, il est présent sous les espèces
eucharistiques. Cette « présence, on la nomme “réelle”, non à titre exclusif,
comme si les autres présences n'étaient pas “réelles”, mais par excellence parce
qu'elle est substantielle et que par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend
présent tout entier ».40 En effet, dans l'Eucharistie « sont contenus
vraiment, réellement et substantiellement, le Corps et le Sang
conjointement avec l'âme et la divinité de notre Seigneur Jésus Christ, et, par
conséquent, le Christ tout entier ».41 « L'Eucharistie est vraiment “mysterium
fidei”, mystère qui dépasse notre intelligence et qui ne peut être accueilli
que dans la foi ».42 Réelle aussi est la présence de Jésus dans les
autres actions liturgiques que l'Église célèbre en son nom. Au nombre de
celles-ci, il faut compter les sacrements, actions du Christ qu'il accomplit par
l'intermédiaire des hommes.43
Jésus est aussi présent
dans le monde par d'autres modes tout à fait réels, et spécialement dans ses
disciples qui, fidèles au double commandement de la charité, adorent Dieu en
esprit et en vérité (cf. Jn 4, 24) et témoignent par leur vie de l'amour
fraternel qui les fait reconnaître comme disciples du Seigneur (cf. Mt
25, 31-46; Jn 13, 35; 15, 1-17).44
CHAPITRE II
L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
CONFIÉ À L'ÉGLISE DU NOUVEAU MILLÉNAIRE
« Réveille-toi, ranime ce qui te reste de vie défaillante! »
(Ap 3, 2)
I. Le Seigneur appelle à la conversion
Jésus s'adresse aujourd'hui à nos Églises
23. « Ainsi parle celui
qui tient les sept étoiles en sa droite et qui marche au milieu des sept
candélabres d'or [...], le Premier et le Dernier, celui qui fut mort et qui a
repris vie [...], le Fils de Dieu » (Ap 2, 1. 8. 18). C'est Jésus
lui-même qui parle à son Église. Son message s'adresse à toutes les
Églises particulières et concerne leur vie interne, parfois marquée par la
présence de conceptions et de mentalités incompatibles avec la tradition
évangélique, souvent en butte à diverses formes de persécutions et, de façon
plus périlleuse encore, menacée par des symptômes préoccupants de
sécularisation, de perte de la foi des origines, de compromis avec la logique du
monde. Il est fréquent que les communautés aient perdu l'amour d'antan (cf.
Ap 2, 4).
On constate que nos
communautés ecclésiales sont affrontées à des faiblesses, à des lassitudes
et à des contradictions. Elles ont besoin, elles aussi, d'écouter à nouveau la
voix de l'Époux qui les invite à la conversion, qui les pousse à se lancer avec
audace sur des chemins nouveaux et qui les appelle à s'engager dans la grande
œuvre de la « nouvelle évangélisation ». L'Église doit constamment se soumettre
au jugement de la parole du Christ et vivre son existence humaine dans un état
de purification pour être toujours plus et toujours mieux l'Épouse sans tache ni
ride, revêtue de lin d'une blancheur éclatante (cf. Ep 5, 27; Ap
19, 7-8).
C'est ainsi que Jésus
Christ appelle nos Églises en Europe à la conversion et elles deviennent
alors, avec leur Seigneur et par la force de sa présence, porteuses d'espérance
pour l'humanité.
L'action de l'Évangile tout au long de l'histoire
24. L'Europe a été
largement et profondément pénétrée par le christianisme. « Il n'y a pas de
doute que, dans l'histoire complexe de l'Europe, le christianisme représente un
élément central et caractéristique, renforcé par le solide fondement de
l'héritage classique et des contributions multiples apportées par divers
mouvements ethniques et culturels qui se sont succédé au cours des siècles. La
foi chrétienne a façonné la culture du continent et a été mêlée de façon
inextricable à son histoire, au point que celle-ci serait incompréhensible sans
référence aux événements qui ont caractérisé d'abord la grande période de
l'évangélisation, puis les longs siècles au cours desquels le christianisme,
malgré la douloureuse division entre l'Orient et l'Occident, s'est affirmé comme
la religion des Européens eux-mêmes. Dans la période moderne et contemporaine
aussi, lorsque l'unité religieuse s'est progressivement fractionnée tant à cause
de nouvelles divisions intervenues entre les chrétiens qu'en raison des
processus qui ont amené la culture à se détacher des perspectives de la foi, le
rôle de cette dernière a gardé un relief non négligeable ».45
25. L'intérêt que
l'Église porte à l'Europe provient de sa nature même et de sa mission. Tout
au long des siècles en effet, l'Église a eu des liens très étroits avec notre
continent, si bien que le visage spirituel de l'Europe s'est trouvé modelé par
les efforts de grands missionnaires, par le témoignage de saints et de martyrs,
et par l'action assidue de moines, de religieux et de pasteurs. À partir de la
conception biblique de l'homme, l'Europe a forgé sa culture humaniste dans ce
qu'elle a de meilleur; elle y a puisé son inspiration pour ses créations
intellectuelles et artistiques; elle a élaboré des normes de droit et,
par-dessus tout, elle a promu la dignité de la personne, source de droits
inaliénables.46 Ainsi l'Église, dépositaire de l'Évangile, a
contribué à répandre et à affermir les valeurs qui ont donné un caractère
universel à la culture européenne.
Se souvenant de tout
cela, l'Église d'aujourd'hui se rend compte, avec une responsabilité renouvelée,
qu'il est urgent de ne pas perdre ce précieux patrimoine et d'aider l'Europe à
se construire elle-même en redonnant vie aux racines chrétiennes de ses
origines.47
Pour façonner un véritable visage d'Église
26. Que l'ensemble de
l'Église en Europe entende comme lui étant adressés le commandement et
l'invitation du Seigneur: reviens à moi, convertis-toi, « Réveille-toi, ranime
ce qui te reste de vie défaillante! » (Ap 3, 2). C'est une exigence qui
se fait jour aussi lorsqu'on observe notre temps: « La grave situation
d'indifférence religieuse de tant d'Européens, le grand nombre de ceux qui, sur
notre continent aussi, ne connaissent pas encore Jésus Christ et son Église, et
qui ne sont pas encore baptisés, le sécularisme qui gagne une large frange de
chrétiens qui pensent, décident et vivent de manière habituelle comme si “le
Christ n'existait pas”, tout cela, loin d'éteindre notre espérance, la rend plus
humble et plus capable de se fier à Dieu seul. De sa miséricorde, nous recevons
la grâce et l'engagement de la conversion ».48
27. Même si parfois,
comme dans l'épisode évangélique de la tempête apaisée (cf. Mc 4, 35-41;
Lc 8, 22-25), on a l'impression que le Christ dort et abandonne sa barque à
la fureur des vagues, il est demandé à l'Église en Europe de cultiver la
certitude que le Seigneur, par le don de son Esprit, est toujours présent
et agit toujours en elle et dans l'histoire de l'humanité. Il prolonge sa
mission dans le temps, faisant de l'Église un fleuve de vie nouvelle qui se
répand dans la vie de l'humanité comme un signe d'espérance pour tous.
Dans un contexte où l'on
est facilement tenté par l'activisme, même sur le plan pastoral, il est demandé
aux chrétiens en Europe de continuer à être un vrai reflet du Ressuscité, en
vivant dans une communion intime avec lui. On a besoin de communautés qui,
contemplant et imitant la Vierge Marie, figure et modèle de l'Église par sa foi
et sa sainteté,49 gardent le sens de la vie liturgique et de la vie
intérieure. Avant tout et surtout, elles devront louer le Seigneur, le prier,
l'adorer et écouter sa Parole. Ce n'est qu'ainsi qu'elles pourront assimiler son
mystère, vivant totalement pour Lui, comme membres de son Épouse fidèle.
28. Face aux influences
permanentes qui poussent à la division et à l'opposition, les diverses Églises
particulières en Europe, fortes de leur lien avec le Successeur de Pierre,
doivent s'engager à être véritablement lieu et instrument de communion
pour tout le peuple de Dieu, dans la foi et dans l'amour.50 C'est
pourquoi elles cultiveront un climat de charité fraternelle, vécue avec une
radicalité évangélique, au nom de Jésus et de son amour; elles développeront une
ambiance de rapports amicaux, de communication, de corresponsabilité, de
participation, de conscience missionnaire, d'attention et de service; elles
seront animées par des attitudes d'estime, d'accueil et de correction mutuelle
(cf. Rm 12, 10; 15, 7-14), ainsi que de service et de soutien réciproque
(cf. Ga 5, 13; 6, 2), de pardon mutuel (cf. Col 3, 13) et
d'édification les uns des autres (1 Th 5, 11); elles s'emploieront à
poursuivre une pastorale qui, mettant en valeur toutes les légitimes diversités,
favorise en même temps une collaboration cordiale entre tous les fidèles et
leurs différentes associations; elles relanceront pour cela les organismes de
participation, qui sont de précieux instruments de communion en vue d'une action
missionnaire concertée, suscitant la présence d'agents pastoraux préparés de
manière appropriée et dûment qualifiés. Ainsi, ces Églises, animées par la
communion qui est manifestation de l'amour de Dieu, fondement et raison de
l'espérance qui ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5), seront à la fois un reflet
plus resplendissant de la Trinité et un signe qui interpelle et invite à croire
(cf. Jn 17, 21).
29. Pour que la
communion dans l'Église puisse être vécue plus pleinement, il convient de
mettre en valeur la variété des charismes et des vocations, qui convergent
toujours plus vers l'unité et qui peuvent l'enrichir (cf. 1 Co 12). Dans
cette perspective, il est également nécessaire, d'une part, que les nouveaux
mouvements et les nouvelles communautés d'Église, « renonçant à toute tentation
de revendiquer des droits d'aînesse et à toute incompréhension des uns à l'égard
des autres », progressent sur le chemin d'une plus authentique communion entre
eux et avec toutes les autres réalités ecclésiales, et qu'ils « vivent avec
amour dans la pleine obéissance aux Évêques »; d'autre part, il est nécessaire
aussi que les Évêques, « en leur manifestant l'amour paternel qui est le propre
des pasteurs »,51 sachent reconnaître, mettre en valeur et coordonner
leurs charismes et leur présence, pour l'édification de l'unique Église.
En effet, par une
collaboration croissante entre les différentes réalités ecclésiales sous la
conduite aimante des pasteurs, l'Église entière pourra présenter à tous un
visage plus beau et plus crédible, reflet plus limpide de celui du Seigneur, et
elle pourra ainsi contribuer à redonner espérance et consolation à ceux qui la
cherchent comme à ceux qui, bien qu'ils ne la cherchent pas, en ont besoin.
Afin de pouvoir répondre
à l'appel de l'Évangile à la conversion, « il nous faut faire tous ensemble un
humble et courageux examen de conscience pour reconnaître nos peurs et
nos erreurs, pour confesser avec sincérité nos lenteurs, nos omissions, nos
infidélités et nos fautes ».52 Loin de favoriser des attitudes
défaitistes de découragement, la reconnaissance évangélique de ses propres
fautes ne pourra que susciter dans la communauté l'expérience que vit le
baptisé: la joie d'une profonde libération et la grâce d'un nouveau départ, ce
qui permet de poursuivre avec une vigueur renouvelée le chemin de
l'évangélisation.
Pour progresser vers l'unité des chrétiens
30. Enfin, c'est aussi
dans le domaine œcuménique que l'Évangile de l'espérance est une force et un
appel à la conversion. Dans la certitude que l'unité des chrétiens répond
à la volonté du Seigneur « pour qu'ils soient un » (cf. Jn 17, 11) et
qu'elle se présente aujourd'hui comme une nécessité pour une plus grande
crédibilité de l'évangélisation et comme une contribution à l'unité de l'Europe,
il faut que toutes les Églises et Communautés ecclésiales « soient aidées et
encouragées à interpréter le cheminement œcuménique comme un mouvement où l'on
“va ensemble” vers le Christ » 53 et vers l'unité visible voulue par
lui, de telle sorte que l'unité dans la diversité resplendisse dans l'Église
comme don de l'Esprit Saint, artisan de communion.
Pour que cela se
réalise, il convient que tous fournissent un effort patient et constant, animé
d'une authentique espérance et en même temps d'un sobre réalisme, et visant à «
la mise en valeur de ce qui déjà nous unit, à l'estime sincère et réciproque, à
l'élimination des préjugés, à la connaissance et à l'amour mutuels ».54
Dans ce sens, le fait de s'engager pour l'unité, si l'on veut que cet engagement
repose sur des bases solides, ne peut pas ne pas comporter la recherche
passionnée de la vérité, par un dialogue et une confrontation qui, tout en
reconnaissant les résultats déjà obtenus, sachent les utiliser comme une
incitation à aller de l'avant pour surmonter les divergences qui divisent encore
les chrétiens.
31. Il est indispensable
de poursuivre le dialogue avec détermination, sans capituler devant les
difficultés et les épreuves. Ce dialogue doit être mené « sous divers aspects
(doctrinal, spirituel et pratique), en suivant la logique de l'échange des dons,
que l'Esprit suscite dans chaque Église, et en éduquant les communautés et les
fidèles, surtout les jeunes, à vivre des moments de rencontres et à faire de
l'œcuménisme bien compris une dimension ordinaire de la vie et de l'action
ecclésiales ».55
Ce dialogue est une des
préoccupations majeures de l'Église, surtout en Europe, elle qui, au cours du
précédent millénaire, a vu naître trop de divisions entre les chrétiens et qui
progresse aujourd'hui vers une plus grande unité. Nous ne pouvons pas nous
arrêter en chemin ni retourner en arrière! Nous devons poursuivre notre marche
et vivre dans la confiance, car, avec la grâce de Dieu, l'estime réciproque, la
recherche de la vérité, la collaboration dans la charité et surtout l'œcuménisme
de la sainteté ne pourront pas ne pas porter leurs fruits.
32. Malgré les
inévitables difficultés, j'invite tout le monde à reconnaître et à apprécier,
avec amour et dans un esprit fraternel, la contribution que les Églises
catholiques orientales, par leur présence même, par la richesse de leur
tradition, par le témoignage de leur « unité dans la diversité », par
l'inculturation qu'elles ont réalisée dans l'annonce de l'Évangile et par la
diversité de leurs rites, peuvent apporter à une édification plus réelle de
l'unité.56 En même temps, je veux une fois encore assurer les
pasteurs, ainsi que nos frères et sœurs des Églises orthodoxes, que la nouvelle
évangélisation ne peut en aucune manière être confondue avec le prosélytisme,
restant sauf le devoir de respecter la vérité, la liberté et la dignité de toute
personne.
II. L'Église entière envoyée en mission
33. Servir l'Évangile de
l'espérance par une charité qui évangélise est un devoir et une
responsabilité pour tous. Quel que soit en effet le charisme ou le ministère
de chacun, la charité est la voie royale indiquée à tous et que tous peuvent
parcourir: c'est la voie que la communauté ecclésiale tout entière est appelée à
suivre sur les pas de son Maître.
L'engagement des ministres ordonnés
34. Les prêtres, en
vertu de leur ministère, sont appelés de manière spéciale à célébrer, à
enseigner et à servir l'Évangile de l'espérance. En raison du sacrement de
l'Ordre qui les configure au Christ, Chef et Pasteur, les évêques et les prêtres
doivent conformer toute leur vie et toute leur action à Jésus; par la
prédication de la Parole, par la célébration des sacrements et en guidant la
marche de la communauté chrétienne, ils rendent présent le mystère du Christ et,
à travers l'exercice même de leur ministère, ils « sont appelés à prolonger la
présence du Christ, unique et souverain Pasteur, en retrouvant son style de vie
et en se rendant en quelque sorte transparents à lui au milieu du troupeau qui
leur est confié ».57
Insérés dans le
monde sans être du monde (cf. Jn 17, 15-16), ils sont appelés,
dans la situa- tion culturelle et spirituelle présente du continent européen, à
être signes de contradiction et d'espérance pour une société qui est malade de
vivre à un niveau horizontal et qui a besoin de s'ouvrir au Transcendant.
35. De ce point de vue,
le célibat sacerdotal prend un relief particulier comme signe d'une
espérance fondée totalement sur le Seigneur. Le célibat n'est pas une simple
discipline ecclésiastique imposée par l'autorité; au contraire, il est avant
tout une grâce, un don inestimable de Dieu pour l'Église, valeur prophétique
pour le monde actuel, don de soi dans le Christ pour son Église, source de vie
spirituelle intense et de fécondité pastorale, témoignage du Royaume
eschatologique, signe de l'amour de Dieu envers ce monde en même temps que signe
de l'amour sans partage du prêtre envers Dieu et envers son peuple.58
Vécu comme réponse au don de Dieu et dépassement des tentations d'une société
hédoniste, non seulement le célibat favorise l'épanouissement humain de celui
qui y est appelé, mais il se révèle un facteur de croissance pour les autres
aussi.
Estimé dans toute
l'Église comme un bien pour le sacerdoce,59 exigé comme une
obligation par l'Église latine,60 tenu en grand respect par les
Églises orientales,61 le célibat, dans le contexte de la culture
actuelle, apparaît comme un signe éloquent qui doit être conservé comme un bien
précieux pour l'Église. Une révision de la discipline actuelle en ce domaine ne
permettrait pas de résoudre la crise des vocations au presbytérat à laquelle on
assiste en de nombreuses régions d'Europe.62 Le service de l'Évangile
de l'espérance requiert aussi que, dans l'Église, on s'efforce de présenter le
célibat dans toute sa richesse biblique, théologique et spirituelle.
36. Nous ne pouvons
ignorer que l'exercice du ministère sacré est confronté de nos jours à bien des
difficultés liées tant à l'ambiance culturelle qu'à la diminution du nombre de
prêtres, avec l'accroissement des charges pastorales et la fatigue qui en
découlent. En conséquence, les prêtres qui se consacrent avec un dévouement et
une fidélité admirables au ministère qui leur est confié sont encore plus dignes
d'estime, de gratitude et d'affection.63
Avec confiance et
gratitude, je veux moi aussi leur exprimer mes encouragements, en
reprenant les propos des Pères du Synode: « Ne perdez pas cœur et ne vous
laissez pas accabler par la fatigue; en pleine communion avec nous, évêques, en
fraternité joyeuse avec les autres prêtres, en cordiale responsabilité avec les
consacrés et tous les fidèles laïcs, continuez votre œuvre précieuse et
irremplaçable »64!
Outre les prêtres, je
désire évoquer aussi les diacres, qui participent au sacrement de
l'Ordre, bien qu'à un degré différent. Envoyés pour servir la communion
ecclésiale, ils exercent, sous la direction de l'Évêque et avec son
presbyterium, la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité.65
De cette manière qui leur est propre, ils sont au service de l'Évangile de
l'espérance.
Le témoignage des personnes consacrées
37. Le témoignage des
personnes consacrées est particulièrement éloquent. À ce propos, il faut
avant tout reconnaître le rôle fondamental qu'ont eu le monachisme et la vie
consacrée dans l'évangélisation de l'Europe et dans l'édification de son
identité chrétienne.66 Un tel rôle ne doit pas disparaître de nos
jours, au moment où une « nouvelle évangélisation » du continent se fait urgente
et où l'établissement de structures et de liens plus complexes le met en face
d'un tournant délicat. L'Europe a toujours besoin de la sainteté, de l'esprit
prophétique, de l'activité d'évangélisation et de service des personnes
consacrées. Il convient aussi de souligner la contribution spécifique que les
Instituts séculiers et les Sociétés de Vie apostolique peuvent apporter grâce à
leur aspiration à transformer le monde, de l'intérieur, par la puissance des
béatitudes.
38. L'apport
spécifique que les personnes con- sacrées peuvent fournir à l'Évangile de
l'espérance trouve son point de départ dans quelques aspects qui
caractérisent de nos jours le visage culturel et social de l'Europe.67
Ainsi, la demande de nouvelles formes de spiritualité, qui se fait sentir
aujourd'hui dans la société, doit trouver une réponse dans la reconnaissance
du primat absolu de Dieu, vécu par les personnes consacrées dans le don
total d'elles- mêmes, dans la conversion permanente d'une existence offerte
comme un vrai culte spirituel. Dans un monde marqué par le laïcisme et soumis au
vertige de la consommation, la vie consacrée, don de l'Esprit à l'Église et pour
l'Église, devient toujours plus signe d'espérance dans la mesure où elle
témoigne de la dimension transcendante de l'existence. D'autre part, dans la
situation pluriculturelle et multireligieuse actuelle, le témoignage de
fraternité évangélique qui caractérise la vie consacrée est exigé, faisant
de cette dernière une incitation à la purification et à l'intégration de valeurs
différentes grâce au dépassement des antagonismes. La présence de nouvelles
formes de pauvreté et de marginalisation doit susciter la créativité qui fut
celle de tant de fondateurs d'Instituts religieux pour venir en aide à ceux
qui sont dans le besoin. Enfin, la tendance à un certain repliement sur soi
demande que l'on trouve un antidote dans la disponibilité des personnes
consacrées, afin que soit poursuivie l'œuvre de l'évangélisation sur d'autres
continents, malgré la diminution du nombre de membres que l'on constate dans
certains Instituts.
Le souci des vocations
39. L'engagement des
ministres ordonnés et des personnes consacrées étant déterminant, on ne peut
passer sous silence le manque inquiétant de séminaristes et de candidats à la
vie religieuse, surtout en Europe occidentale. Une telle situation exige
l'engagement de tous en faveur d'une pastorale appropriée des vocations.
C'est seulement « quand on présente aux jeunes la personne du Christ dans toute
sa plénitude que naît en eux une espérance qui les pousse à tout laisser pour le
suivre, en réponse à son appel, et pour être ses témoins auprès de leurs
contemporains ».68 Le souci des vocations est donc une question
vitale pour l'avenir de la foi chrétienne en Europe et, par suite, pour le
progrès spirituel des peuples qui y vivent; c'est un passage obligé pour
l'Église, si elle veut annoncer, célébrer et servir l'Évangile de l'espérance.69
40. Pour mettre en œuvre
l'indispensable pastorale des vocations, il convient de présenter aux fidèles la
foi de l'Église concernant la nature et la dignité du sacerdoce ministériel;
d'encourager les familles à vivre comme de véritables « Églises domestiques »,
afin que les diverses vocations puissent y être discernées, accueillies et
accompagnées; de réaliser une action pastorale qui aide les fidèles, surtout les
jeunes, à faire le choix d'une vie fondée sur le Christ et totalement consacrée
à l'Église.70
Sachant que l'Esprit
Saint est à l'œuvre aujourd'hui encore et que les signes de sa présence ne
manquent pas, il s'agit avant tout d'insérer la pastorale des vocations dans
tous les secteurs de la pastorale ordinaire. Pour ce faire, il est
nécessaire de « raviver, surtout chez les jeunes, une profonde nostalgie de
Dieu, créant ainsi le contexte capable de faire surgir de généreuses réponses de
vocations »; « il est urgent qu'un grand mouvement de prière traverse les
communautés ecclésiales du continent européen », car « le changement des
conditions historiques et culturelles exige que la pastorale des vocations soit
perçue comme un des objectifs premiers de toute la communauté chrétienne ».71
Il est indispensable aussi que les prêtres eux-mêmes vivent et agissent en
parfaite harmonie avec leur identité sacramentelle véritable. En effet, si
l'image qu'ils donnent d'eux- mêmes est opaque ou terne, comment pourraient-ils
pousser les jeunes à les imiter?
La mission des laïcs
41. La participation des
fidèles laïcs à la vie de l'Église est unique: le rôle qui leur revient dans
l'annonce et le service de l'Évangile de l'espérance est en effet irremplaçable,
car, « par eux, l'Église du Christ est présente dans les secteurs les plus
variés du monde, comme signe et source d'espérance et d'amour ».72
Participant pleinement à la mission de l'Église dans le monde, ils sont appelés
à montrer que la foi chrétienne est la seule réponse exhaustive aux
interrogations que la vie pose à tout homme et à toute société, et ils peuvent
implanter dans le monde les valeurs du Royaume de Dieu, promesse et gage d'une
espérance qui ne déçoit pas.
L'Europe d'hier et
d'aujourd'hui connaît une présence significative et l'exemple lumineux de
telles figures de laïcs. Comme l'ont souligné les Pères du Synode, il faut
évoquer entre autres, avec gratitude, le souvenir d'hommes et de femmes qui ont
témoigné et qui témoignent du Christ et de son Évangile, par leur service de la
vie publique et les responsabilités que celle-ci comporte. Il est d'une
importance capitale « de susciter et de soutenir des vocations spécifiques au
service du bien commun: des personnes qui, à l'exemple et avec le style de ceux
qui ont été appelés “les pères de l'Europe”, sachent être les artisans de la
société européenne de l'avenir, en l'asseyant sur les bases solides de l'esprit
».73
Il faut apprécier tout
autant l'œuvre accomplie par des laïcs chrétiens, hommes et femmes, souvent dans
une vie ordinaire et cachée, à travers d'humbles services qui leur permettent
d'annoncer la miséricorde de Dieu à ceux qui sont plongés dans la pauvreté; nous
devons leur être reconnaissants pour l'audacieux témoignage de charité et de
pardon qu'ils donnent, évangélisant par ces valeurs les vastes horizons de la
politique, de la vie sociale, de l'économie, de la culture, de l'écologie, de la
vie internationale, de la famille, de l'éducation, de la vie professionnelle, du
travail et de la souffrance.74 À cette fin, il est utile d'avoir
des itinéraires pédagogiques qui rendent les fidèles laïcs capables d'un
engagement de foi au sein des réalités temporelles. De tels parcours, fondés sur
un sérieux apprentissage de la vie ecclésiale, en particulier sur l'étude de la
doctrine sociale, doivent être en mesure de leur apporter non seulement la
doctrine et le dynamisme, mais aussi les éléments spirituels adaptés qui
soutiennent leur engagement vécu comme un authentique chemin de sainteté.
Le rôle de la femme
42. L'Église est bien
consciente de l'apport spécifique de la femme dans le service de
l'Évangile de l'espérance. L'histoire de la communauté chrétienne montre que les
femmes ont toujours eu une place importante dans le témoignage évangélique. Il
faut se souvenir de tout ce qu'elles ont fait, souvent dans le silence et de
manière cachée, dans l'accueil et la transmission du don de Dieu, aussi bien par
la maternité physique ou spirituelle, les activités éducatives, la catéchèse,
l'accomplissement de grandes œuvres de charité, que par la vie de prière et de
contemplation, les expériences mystiques et la rédaction d'écrits remplis de
sagesse évangélique.75
À la lumière des très
riches témoignages du passé, l'Église manifeste sa confiance dans ce que les
femmes peuvent faire aujourd'hui pour la croissance de l'espérance à tous les
niveaux. Il y a des aspects de la société européenne contemporaine qui
constituent un défi pour la capacité qu'ont les femmes d'accueillir, de partager
et d'engendrer dans l'amour, avec ténacité et générosité. Que l'on pense, par
exemple, à la mentalité scientifique et technique largement répandue, qui
relègue dans l'ombre la dimension affective et le rôle des sentiments, à
l'absence du sens de la gratuité, à la crainte diffuse de donner la vie à des
être nouveaux, à la difficulté de se placer dans une relation de réciprocité
avec l'autre et d'accueillir celui qui est différent de soi. C'est dans ce
contexte que l'Église attend des femmes l'apport vivifiant d'une nouvelle vague
d'espérance.
43. Mais pour que cela
puisse se vérifier, il est nécessaire que, avant tout dans l'Église, soit
promue la dignité de la femme, car l'homme et la femme ont la même dignité,
ayant été créés tous deux à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn
1, 27), et comblés chacun de dons propres et particuliers.
Comme cela a été
souligné durant le Synode, il est souhaitable que, pour favoriser la pleine
participation des femmes à la vie et à la mission de l'Église, leurs talents
soient davantage mis en valeur, y compris par l'attribution de fonctions
ecclésiales qui reviennent de droit aux laïcs. Il faut aussi mettre
convenablement en valeur la mission de la femme comme épouse et mère, et son
dévouement dans la vie familiale.76
L'Église ne manque pas
d'élever la voix pour dénoncer les injustices et les violences perpétrées contre
les femmes, en quelque lieu ou circonstance qu'elles se produisent. Elle demande
que soient véritablement appliquées les lois qui protègent les femmes et que
soient prises des mesures efficaces contre l'usage humiliant d'images féminines
dans la publicité commerciale et contre le fléau de la prostitution; elle
souhaite que le service rendu par les mères dans le cadre de la vie familiale,
au même titre que le service rendu par les pères, soit considéré comme une
contribution au bien commun, y compris à travers des formes de reconnaissance
économique.
CHAPITRE III
ANNONCER L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
« Va prendre le petit livre ouvert [...] et mange-le »
(Ap 10, 8. 9)
I. Proclamer le mystère du Christ
La révélation donne un sens à l'histoire
44. La vision de
l'Apocalypse nous parle d'« un Livre en forme de rouleau, écrit à l'intérieur et
à l'extérieur, scellé de sept sceaux », tenu « dans la main droite de Celui qui
siège sur le Trône céleste » (Ap 5, 1). Ce texte contient le plan
créateur et sauveur de Dieu, son projet détaillé sur toute la réalité, sur les
personnes, sur les choses, sur les événements. Aucun être créé, terrestre ou
céleste, n'est en mesure d'« ouvrir le livre et d'en regarder le texte » (Ap
5, 3), ni d'en comprendre le contenu. Dans la confusion de l'histoire
humaine, nul ne sait indiquer la direction et le sens ultime des choses.
Seul Jésus Christ entre
en possession du Livre scellé (cf. Ap 5, 6-7); Lui seul est « digne de
recevoir le Livre scellé et de l'ouvrir » (Ap 5, 9). En effet, seul
Jésus est en mesure de révéler et de réaliser le projet de Dieu qu'il contient.
Laissé à lui-même, l'homme n'est pas en mesure de donner, par ses propres
efforts, un sens à l'histoire et aux événements: la vie demeure sans espérance.
Seul le Fils de Dieu est en mesure de dissiper les ténèbres et de montrer la
route.
Le Livre ouvert est
remis à Jean et, à travers lui, à l'Église entière. Jean est invité à
prendre le livre et à le manger: « Va prendre le petit livre ouvert dans la main
de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre [...]. Prends et
mange-le » (Ap 10, 8-9). Ce n'est qu'après l'avoir assimilé en
profondeur, qu'il pourra le communiquer comme il convient aux autres, à qui il
est envoyé avec l'ordre de « parler sur un grand nombre de peuples, de nations,
de langues et de rois » (Ap 10, 11).
Nécessité et urgence de l'annonce
45. L'Évangile de
l'espérance, remis à l'Église et assimilé par elle, demande que, chaque jour, on
l'annonce et on en témoigne. Telle est la vocation propre de l'Église en tout
temps et en tout lieu. Telle est aussi la mission de l'Église aujourd'hui en
Europe. « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l'Église,
son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c'est-à-dire pour
prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs
avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le
mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse ».77
Église en Europe,
la « nouvelle évangélisation » est le devoir qui t'attend! Sache retrouver
l'enthousiasme de l'annonce. Entends la prière qui t'est adressée aujourd'hui,
en ce début du troisième millénaire, et qui avait déjà résonné à l'aube du
premier millénaire, alors qu'apparaissait à Paul la vision d'un Macédonien qui
le suppliait: « Traverse la mer pour venir en Macédoine à notre secours! » (Ac
16, 9). Que la prière soit inexprimée ou même refoulée, c'est l'appel le plus
profond et le plus vrai qui jaillit du cœur des Européens d'aujourd'hui,
assoiffés d'une espérance qui ne déçoit pas. Cette espérance t'a été donnée en
partage pour que tu la redonnes toi-même avec joie à toute époque et sous toutes
les latitudes. Que l'annonce de Jésus, qui est l'Évangile de l'espérance,
soit donc ta fierté et ta raison d'être! Avance avec une ardeur
renouvelée, gardant le même esprit missionnaire qui, tout au long de ces vingt
siècles, en commençant par la prédication des Apôtres Pierre et Paul, a animé
tant de saints et de saintes, authentiques évangélisateurs du continent
européen.
Première annonce et annonce renouvelée
46. Dans différentes
parties de l'Europe, une première annonce de l'Évangile est nécessaire:
le nombre des personnes non baptisées grandit, soit en raison de la présence
notable de personnes immigrées appartenant à d'autres religions, soit encore
parce que les enfants de familles de tradition chrétienne n'ont pas reçu le
Baptême ou à cause de la domination communiste ou d'une indifférence religieuse
diffuse.78 En réalité, l'Europe se situe désormais parmi les lieux
traditionnellement chrétiens dans lesquels, hormis une nouvelle évangélisation,
s'impose dans certains cas une première évangélisation.
L'Église ne peut se
soustraire au devoir d'un diagnostic courageux qui ouvre la voie à des thérapies
appropriées. Même dans le « vieux » continent, il y a des aires sociales et
culturelles étendues où est rendue nécessaire une véritable mission ad gentes.79
47. Partout se fait
sentir le besoin d'une annonce renouvelée, même pour ceux qui sont déjà baptisés.
Beaucoup d'européens d'aujourd'hui pensent savoir ce qu'est le christianisme
mais ils ne le connaissent pas réellement. Souvent même, les notions et les
éléments les plus fondamentaux de la foi ne sont plus connus. De nombreux
baptisés vivent comme si le Christ n'existait pas: on répète les gestes et les
signes de la foi, spécialement à travers les pratiques du culte, mais, à ces
signes, ne correspondent ni un véritable accueil du contenu de la foi, ni une
adhésion à la personne de Jésus. Aux grandes certitudes de la foi s'est
substitué chez beaucoup un sentiment religieux vague et qui n'engage guère; des
formes variées d'agnosticisme et d'athéisme pratique se diffusent, contribuant à
aggraver l'écart entre la foi et la vie; certains se sont laissés influencer par
un esprit d'humanisme immanentiste qui a affaibli leur foi, les poussant
souvent, malheureusement, jusqu'à l'abandonner complètement; on assiste à une
sorte d'interprétation sécularisante de la foi chrétienne qui la ronge et à
laquelle s'ajoute une profonde crise de la conscience et de la pratique morale
chrétienne.80 Les grandes valeurs qui ont amplement inspiré la
culture européenne ont été séparées de l'Évangile, perdant ainsi leur âme la
plus profonde et laissant le champ libre à de nombreuses déviations.
« Le Fils de l'homme,
quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre? » (Lc 18, 8). La
trouvera- t-il sur cette terre de notre Europe de vieille tradition chrétienne?
C'est une question ouverte qui indique avec lucidité la profondeur et le
caractère dramatique de l'un des défis les plus graves que nos Églises sont
appelées à affronter. On peut dire – comme le Synode l'a souligné – qu'un tel
défi consiste souvent non pas tant à baptiser les nouveaux convertis qu'à
conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile: 81
dans nos communautés, il faut se préoccuper sérieusement d'apporter l'Évangile
de l'espérance à ceux qui sont loin de la foi ou qui se sont éloignés de la
pratique chrétienne.
Fidélité à l'unique message
48. Pour pouvoir
annoncer l'Évangile de l'espérance, une solide fidélité à l'Évangile lui-même
est nécessaire. La prédication de l'Église doit donc, sous toutes ses
formes, être toujours plus centrée sur la personne de Jésus et elle doit
toujours plus orienter vers lui. Il faut veiller à ce qu'Il soit présenté
dans son intégralité: non seulement comme modèle éthique, mais avant tout
comme le Fils de Dieu, l'unique et nécessaire Sauveur de tous, qui vit et qui
agit dans son Église. Pour que l'espérance soit vraie et indestructible, « la
prédication intègre, claire et renouvelée de Jésus Christ ressuscité, de la
Résurrection et de la Vie éternelle » 82 devra constituer une
priorité dans l'action pastorale des prochaines années.
Si l'Évangile à annoncer
est le même en tout temps, les manières de réaliser cette annonce sont
diverses. Chacun est donc invité à « proclamer » Jésus et la foi en lui en
toute circonstance; à « attirer » les autres à la foi, en adoptant des modes de
vie personnelle, familiale, professionnelle et communautaire qui reflètent
l'Évangile; à « rayonner » autour de soi la joie, l'amour et l'espérance, en
sorte que beaucoup voient nos bonnes œuvres et en glorifient le Père qui est aux
cieux (cf. Mt 5, 16), jusqu'à en être « imprégnés » et conquis; à devenir
le « levain » qui transforme et qui anime de l'intérieur toute expression
culturelle.83
Par le témoignage de la vie
49. L'Europe réclame
des évangélisateurs crédibles, dans la vie desquels resplendisse la
beauté de l'Évangile,84 en communion avec la croix et la
résurrection du Christ. Ces évangélisateurs seront formés comme il convient.85
Aujourd'hui, il est plus que jamais nécessaire que tout chrétien ait une
conscience missionnaire, à commencer par les évêques, les prêtres, les
diacres, les consacrés, les catéchistes et les professeurs de religion: « Tout
baptisé, en tant que témoin du Christ, doit acquérir une formation appropriée à
sa situation, non seulement pour éviter que sa foi ne s'épuise par manque de
vigilance dans un milieu hostile comme l'est le milieu sécularisé, mais aussi
pour soutenir son témoignage évangélisateur et lui donner un nouvel élan ».86
« L'homme contemporain
écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s'il écoute les maîtres,
c'est parce qu'ils sont des témoins ».87 La présence et les signes de
la sainteté sont donc décisifs: la sainteté est un présupposé essentiel à une
authentique évangélisation, capable de redonner l'espérance. Il faut des
témoignages forts de vie nouvelle dans le Christ, sur le plan personnel et
communautaire. Il ne suffit pas en effet que la vérité et la grâce soient
offertes à travers la proclamation de la Parole et la célébration des
Sacrements; il faut qu'elles soient accueillies et vécues en toute circonstance
concrète, dans la façon d'être des chrétiens et des communautés ecclésiales.
C'est là un des défis les plus importants qui attendent l'Église en Europe au
début du nouveau millénaire.
Former à une foi adulte
50. « L'actuelle
situation culturelle et religieuse de l'Europe exige la présence de catholiques
adultes dans la foi et de communautés chrétiennes missionnaires qui témoignent
de la charité de Dieu devant tous les hommes ».88 L'annonce de
l'Évangile de l'espérance implique donc d'avoir à promouvoir le passage
d'une foi qui s'appuie sur des habitudes sociales, pourtant appréciables, à
une foi plus personnelle et adulte, éclairée et convaincue.
Les chrétiens sont donc
appelés à avoir une foi qui leur permette de se confronter de manière critique à
la culture actuelle, résistant à ses séductions; d'influer avec efficacité sur
les milieux culturels, économiques, sociaux et politiques; de manifester que la
communion entre les membres de l'Église catholique et avec les autres chrétiens
est plus forte que tout lien ethnique; de transmettre avec joie la foi aux
nouvelles générations; d'édifier une culture chrétienne capable d'évangéliser la
culture toujours plus vaste dans laquelle nous vivons.89
51. En plus de veiller à
ce que le ministère de la Parole, la célébration de la liturgie et l'exercice de
la charité soient orientés vers l'édification et le soutien d'une foi mûre et
personnelle, il faut que les communautés chrétiennes s'activent pour proposer
une catéchèse adaptée aux différents itinéraires spirituels des fidèles,
selon la diversité de leur âge et de leurs conditions de vie, prévoyant
également des formes appropriées d'accompagnement spirituel et de redécouverte
de leur Baptême.90 Dans ce programme, la référence fondamentale sera
évidemment le Catéchisme de l'Église catholique.
En particulier,
reconnaissant qu'il s'agit là d'une indiscutable priorité dans l'action
pastorale, il faut cultiver et, si nécessaire, relancer le ministère
de la catéchèse en tant qu'éducation et croissance de la foi chez toute
personne, de sorte que la semence, déposée par l'Esprit Saint et transmise par
le Baptême, pousse et parvienne à maturité. En référence constante à la Parole
de Dieu, conservée dans la Sainte Écriture, proclamée dans la liturgie et
interprétée par la Tradition de l'Église, une catéchèse organique et
systématique constitue, sans nul doute, un instrument essentiel et primordial
pour former une foi adulte chez les chrétiens.91
52. Dans la même ligne,
il faut également souligner le rôle important de la théologie. Il existe
en effet un lien intrinsèque et inséparable entre l'évangélisation et la
réflexion théologique, car cette dernière, en tant que science ayant un statut
et une méthodologie propres, vit de la foi de l'Église et est au service de sa
mission.92 Elle naît de la foi et elle est appelée à l'interpréter,
en gardant son lien imprescriptible avec la communauté chrétienne dans toutes
ses composantes; au service de la croissance spirituelle de tous les fidèles,93
elle introduit ces derniers à la compréhension approfondie du message du Christ.
En exerçant sa mission
d'annoncer l'Évangile de l'espérance, l'Église qui est en Europe apprécie avec
gratitude la vocation des théologiens, elle reconnaît la valeur de leur
travail et elle en assure la promotion.94 Avec estime et affection,
je les invite à persévérer dans le service qu'ils accomplissent, en unissant
toujours recherche scientifique et prière, en entretenant un dialogue attentif
avec la culture contemporaine, en adhérant fidèlement au Magistère et en
collaborant avec lui en esprit de communion, dans la vérité et dans la charité,
en s'imprégnant du sensus fidei du peuple de Dieu et en contribuant à le
nourrir.
II. Témoigner dans l'unité et dans le dialogue
La communion entre les Églises particulières
53. L'annonce de
l'Évangile de l'espérance aura une force d'autant plus efficace qu'elle sera
liée au témoignage d'une unité et d'une communion profondes au sein de l'Église.
Les Églises particulières ne peuvent pas affronter seules le défi qui les
attend. Il faut une authentique collaboration entre toutes les Églises
particulières du continent, qui soit l'expression de leur communion profonde
; collaboration d'ailleurs requise par la nouvelle réalité européenne.95
Dans ce cadre prend place l'apport des organismes ecclésiaux européens, à
commencer par le Conseil des Conférences épiscopales européennes. C'est
un instrument efficace pour rechercher ensemble des voies appropriées pour
évangéliser l'Europe.96 Par l'« échange des dons » entre les
différentes Églises particulières, sont mises en commun les expériences et les
réflexions de l'Europe de l'Ouest et de l'Est, du Nord et du Sud, et sont
partagées des orientations pastorales communes; ainsi se manifeste de manière
toujours plus significative le sentiment collégial qui unit les évêques du
continent, pour annoncer ensemble, avec audace et fidélité, le nom de Jésus
Christ, seule source d'espérance pour tous en Europe.
Avec tous les chrétiens
54. Dans le même temps,
apparaît comme un impératif imprescriptible le devoir d'une collaboration
œcuménique fraternelle et convaincue.
Le sort de
l'évangélisation est étroitement lié au témoignage d'unité que sauront donner
tous les disciples du Christ: « Tous les chrétiens sont appelés à accomplir
cette mission selon leur vocation. La tâche de l'évangélisation implique
d'avancer l'un vers l'autre et d'avancer ensemble, en partant de l'intérieur;
évangélisation et unité, évangélisation et œcuménisme sont étroitement liés
entre eux ».97 C'est pourquoi je fais miennes de nouveau les paroles
écrites par Paul VI au Patriarche œcuménique Athenagoras Ier: «
Puisse l'Esprit Saint nous guider dans la voie de la réconciliation, afin que
l'union de nos Églises devienne un signe toujours plus lumineux d'espérance et
de réconfort au sein de l'humanité entière ».98
En dialogue avec les autres religions
55. Comme pour tout
l'engagement de la « nouvelle évangélisation », il faut également, en ce qui
concerne l'annonce de l'Évangile de l'espérance, que soit instauré un
dialogue interreligieux profond et intelligent, en particulier avec le
judaïsme et avec l'islam. « Entendu comme méthode et comme moyen en vue d'une
connaissance et d'un enrichissement réciproques, il ne s'oppose pas à la mission
ad gentes, au contraire il lui est spécialement lié et il en est une
expression ».99 Dans ce dialogue, il n'est pas question de se laisser
prendre par une « mentalité marquée par l'indifférentisme, malheureusement très
répandue parmi les chrétiens, souvent fondée sur des conceptions théologiques
inexactes et imprégnées d'un relativisme religieux qui porte à considérer que
“toutes les religions se valent” ».100
56. Il s'agit plutôt de
prendre une plus vive conscience du rapport qui lie l'Église au peuple juif
et du rôle singulier d'Israël dans l'histoire du salut. Comme il était déjà
apparu lors de la première Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des
Évêques et comme l'a rappelé également le dernier Synode, il faut reconnaître
les racines communes qui existent entre le christianisme et le peuple juif,
appelé par Dieu à une alliance qui reste irrévocable (cf. Rm 11, 29),101
puisqu'elle est parvenue à sa plénitude définitive dans le Christ.
Il est donc nécessaire
de favoriser le dialogue avec le judaïsme, sachant qu'il est d'une importance
fondamentale pour la conscience chrétienne de soi et pour le dépassement des
divisions entre les Églises, et aussi d'œuvrer pour que fleurisse un nouveau
printemps dans les relations mutuelles. Cela implique que chaque communauté
ecclésiale ait à pratiquer, chaque fois que les circonstances le permettront, le
dialogue et la collaboration avec les croyants de la religion juive. Un tel
exercice suppose, entre autres, que « l'on se souvienne de la part que les fils
de l'Église ont pu avoir dans la naissance et dans la diffusion d'une telle
attitude antisémite au cours de l'histoire, et que l'on en demande pardon à
Dieu, favorisant de toutes les manières possibles les rencontres de
réconciliation et d'amitié avec les fils d'Israël ».102 On devra par
ailleurs, dans ce contexte, se souvenir aussi des nombreux chrétiens qui,
parfois au prix de leur vie, ont aidé et sauvé leurs « frères aînés », surtout
dans des périodes de persécution.
57. Il s'agit également
de se laisser inciter à une meilleure connaissance des autres religions, pour
pouvoir instaurer un dialogue fraternel avec les personnes de l'Europe
d'aujourd'hui qui y adhèrent. En particulier, il est important d'avoir un
juste rapport avec l'islam. Comme cela s'est révélé plusieurs fois ces
dernières années à la conscience des évêques européens, ce rapport « doit être
conduit avec prudence, il faut en connaître clairement les possibilités et les
limites, et garder confiance dans le dessein de salut de Dieu, qui concerne tous
ses fils ».103 Il faut être conscient, entre autres, de la divergence
notable entre la culture européenne, qui a de profondes racines chrétiennes, et
la pensée musulmane.104
À cet égard, il est
nécessaire de préparer convenablement les chrétiens qui vivent au contact
quotidien des musulmans à connaître l'islam de manière objective et à savoir s'y
confronter; une telle préparation doit concerner en particulier les
séminaristes, les prêtres et tous les agents pastoraux. On comprend par ailleurs
que l'Église, alors qu'elle demande aux institutions européennes d'avoir à
promouvoir la liberté religieuse en Europe, se fasse également un devoir de
rappeler que la réciprocité dans la garantie de la liberté religieuse doit être
observée aussi dans les pays de tradition religieuse différente, où les
chrétiens sont en minorité.105
Dans ce domaine, on
comprend « l'étonnement et le sentiment de frustration des chrétiens qui
accueillent, par exemple en Europe, des croyants d'autres religions en leur
donnant la possibilité d'exercer leur culte et qui se voient interdire tout
exercice du culte chrétien dans les pays où ces croyants majoritaires » 106
ont fait de leur religion la seule qui soit autorisée et encouragée. La personne
humaine a droit à la liberté religieuse et, en tout point du monde, tous «
doivent être exempts de toute contrainte de la part soit d'individus, soit de
groupes sociaux, et de quelque pouvoir humain que ce soit ».107
III. Évangéliser la vie sociale
Évangélisation de la culture et inculturation de l'Évangile
58. L'annonce de Jésus
Christ doit rejoindre aussi la culture européenne contemporaine.
L'évangélisation de la culture doit montrer qu'aujourd'hui encore, dans
cette Europe, il est possible de vivre en plénitude l'Évangile comme chemin qui
donne sens à l'existence. Dans cette perspective, la pastorale doit assumer la
tâche de façonner une mentalité chrétienne dans la vie ordinaire: en famille, à
l'école, dans les communications sociales, dans le monde de la culture, du
travail et de l'économie, dans la politique, dans les loisirs, dans le temps de
la santé et celui de la maladie. Il faut se confronter de manière critique et
sereine à l'actuelle situation culturelle de l'Europe, évaluant les tendances
qui se manifestent, les faits et les situations d'importance de notre temps à la
lumière du caractère central du Christ et de l'anthropologie chrétienne.
Aujourd'hui encore, en
se souvenant de la fécondité culturelle du christianisme tout au long de
l'histoire de l'Europe, il faut présenter l'approche évangélique, théorique et
pratique, de la réalité et de l'homme. Considérant, en outre, la grande
importance des sciences et des réalisations technologiques dans la culture et
dans la société de l'Europe, l'Église est appelée, à travers ses moyens
d'approfondissement théorique et d'initiative pratique, à offrir des
propositions en regard des connaissances scientifiques et de leurs applications,
montrant les insuffisances et le caractère inadéquat d'une conception inspirée
du scientisme qui ne reconnaît comme valeur objective que le savoir
expérimental, et indiquant les critères éthiques que l'homme possède parce
qu'ils sont inscrits dans sa nature.108
59. Sur le chemin de
l'évangélisation de la culture prend place l'important service accompli par les
écoles catholiques. Il faudra travailler à faire reconnaître une effective
liberté d'éducation et la parité juridique entre les écoles publiques et les
écoles privées. Ces dernières sont parfois l'unique moyen de proposer la
tradition chrétienne à ceux qui en sont loin. J'exhorte les fidèles engagés dans
le monde de l'éducation à persévérer dans leur mission, en portant la
lumière du Christ Sauveur dans leurs propres activités éducatives, scientifiques
et académiques.109 En particulier, il faut donner toute son
importance à la contribution des chrétiens engagés dans la recherche et dans
l'enseignement au sein des universités: par le « service de la pensée »,
ils transmettent aux jeunes générations les valeurs d'un patrimoine culturel
enrichi par deux millénaires d'expérience humaniste et chrétienne. Convaincu de
l'importance des institutions académiques, je demande aussi que soit promue dans
les différentes Églises particulières une pastorale universitaire
adaptée, favorisant ainsi ce qui correspond aux nécessités culturelles
actuelles.110
60. On ne peut oublier
l'apport positif de la mise en valeur des biens culturels de l'Église.
Ils peuvent en effet représenter un facteur particulier pour susciter à nouveau
un humanisme d'inspiration chrétienne. Grâce à une conservation appropriée et à
une utilisation intelligente des biens culturels, ceux-ci, en tant que
témoignage vivant de la foi professée au long des siècles, peuvent constituer un
instrument valable pour la nouvelle évangélisation et pour la catéchèse, et
inviter à redécouvrir le sens du mystère.
En même temps, il faut
promouvoir de nouvelles expressions artistiques de la foi, au moyen d'un
dialogue constant avec les spécialistes de l'art.111 L'Église a en
effet besoin de l'art, de la littérature, de la musique, de la peinture, de la
sculpture et de l'architecture, parce qu'elle doit « rendre perceptible et même,
autant que possible, fascinant le monde de l'esprit, de l'invisible, de Dieu »
112 et que la beauté artistique, comme reflet de l'Esprit de Dieu,
est une marque du mystère, une invitation à rechercher le visage de Dieu, qui
s'est rendu visible en Jésus de Nazareth.
L'éducation des jeunes à la foi
61. Par ailleurs,
j'encourage l'Église en Europe à porter une attention croissante à
l'éducation des jeunes à la foi. Fixant notre regard vers l'avenir, nous ne
pouvons pas ne pas tourner nos pensées vers eux: nous devons nous faire proches
de l'esprit, du cœur, du caractère des jeunes, pour leur offrir une solide
formation humaine et chrétienne.
Chaque fois que se
rassemblent de nombreux jeunes, il n'est pas difficile de distinguer chez eux la
présence d'attitudes diversifiées. On constate leur désir de vivre ensemble pour
sortir de l'isolement, leur soif plus ou moins consciente d'absolu; on découvre
chez eux une foi cachée qui demande à être purifiée et qui veut suivre le
Seigneur; on perçoit la décision de poursuivre le chemin déjà entrepris et
l'exigence de partager la foi.
62. À cette fin, il
convient de renouveler la pastorale des jeunes, organisée par tranches
d'âge et attentive aux diverses conditions des enfants, des adolescents et des
jeunes. Il sera en outre nécessaire de lui conférer une plus grande structure
organique et une plus grande cohérence, avec une écoute patiente des demandes
des jeunes, pour les rendre acteurs de l'évangélisation et de la construction de
la société.
Dans cet esprit, il est
important de promouvoir des occasions de rencontres entre jeunes, de manière à
favoriser un climat d'écoute mutuelle et de prière. Il ne faut pas avoir peur
d'être exigeant avec eux en ce qui concerne leur croissance spirituelle. On leur
montrera la route de la sainteté, les invitant à faire des choix fermes à la
suite du Christ, ce à quoi ils seront encouragés par une vie sacramentelle
intense. Ils pourront ainsi résister aux séductions d'une culture qui souvent ne
leur propose que des valeurs éphémères ou même contraires à l'Évangile, et
devenir eux-mêmes capables de faire preuve d'une mentalité chrétienne dans tous
les domaines de leur existence, y compris les divertissements et les loisirs.113
J'ai encore vivement
présent devant les yeux les joyeux visages de tant de jeunes, véritable
espérance de l'Église et du monde, signe éloquent de l'Esprit qui ne se lasse
pas de susciter des énergies nouvelles. Je les ai rencontrés aussi bien au cours
de mes voyages dans les différents pays que lors des inoubliables Journées
mondiales de la Jeunesse.114
L'attention aux médias
63. Étant donné
l'importance des moyens de communication sociale, l'Église en Europe ne peut pas
ne pas réserver une attention particulière au monde multiforme des médias.
Cela implique entre autres la formation appropriée des chrétiens qui œuvrent
dans les médias et des usagers des médias, en vue d'une bonne maîtrise des
nouveaux langages. Un soin spécial sera apporté au choix de personnes préparées
pour la communication du message à travers les médias. Il sera très utile aussi
de procéder à un échange d'informations et de stratégies entre les Églises sur
les divers aspects et les initiatives concernant une telle communication. Il ne
faudra pas non plus négliger la création de moyens locaux de communication
sociale, y compris au niveau paroissial.
En même temps, il s'agit
d'assurer une présence dans les processus de la communication sociale, pour la
rendre plus respectueuse de la vérité de l'information et de la dignité de la
personne humaine. À ce propos, j'invite les catholiques à participer à
l'élaboration d'un code de déontologie pour ceux qui travaillent dans les
milieux de la communication sociale, en se laissant éclairer par les critères
que les organismes compétents du Saint-Siège 115 ont récemment
indiqués et que les Évêques réunis en Synode avaient énumérés ainsi: « Respect
de la dignité de la personne humaine, de ses droits, y compris le droit à la vie
privée; service de la vérité, de la justice et des valeurs humaines, culturelles
et spirituelles; estime des différentes cultures pour éviter qu'elles ne se
fondent dans la masse; protection des minorités et des plus faibles; recherche
du bien commun, au-delà des intérêts particuliers et de la prédominance des
critères purement économiques ».116
La mission ad gentes
64. Une annonce de Jésus
Christ et de son Évangile qui se limiterait au seul contexte européen serait le
signe d'un manque préoccupant d'espérance. L'œuvre d'évangélisation est animée
par une véritable espérance chrétienne quand elle s'ouvre aux horizons
universels, qui incitent à offrir gratuitement à tous ce qu'on a soi-même reçu
en don. La mission ad gentes devient ainsi expression d'une Église
modelée par l'Évangile de l'espérance, qui continuellement se renouvelle et
se rajeunit. Telle a été au long des siècles la conscience de l'Église en
Europe: d'innombrables générations de missionnaires, hommes et femmes, allant à
la rencontre d'autres peuples et d'autres civilisations, ont annoncé l'Évangile
de Jésus Christ aux populations du monde entier.
La même ardeur
missionnaire doit animer l'Église dans l'Europe d'aujourd'hui. La diminution
du nombre de prêtres et de personnes consacrées dans certains pays ne doit
empêcher aucune Église particulière de faire siennes les exigences de l'Église
universelle. Chacune saura favoriser la préparation à la mission ad gentes,
de manière à répondre généreusement à l'appel qui provient encore de beaucoup de
nations et de peuples désireux de connaître l'Évangile. Les Églises d'autres
continents, particulièrement de l'Asie et de l'Afrique, se tournent encore vers
les Églises d'Europe et attendent qu'elles continuent à répondre à leur vocation
missionnaire. Les chrétiens en Europe ne peuvent être infidèles à leur histoire.117
L'Évangile: un livre pour l'Europe d'aujourd'hui et de toujours
65. En franchissant la
Porte sainte, au début du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai présenté à l'Église et
au monde le livre de l'Évangile. Ce geste, accompli par chaque évêque dans les
diverses cathédrales du monde, indique l'engagement qui attend aujourd'hui et
toujours l'Église dans notre continent.
Église en Europe,
entre dans le nouveau millénaire avec le Livre de l'Évangile ! Que soit
entendue par chaque fidèle l'exhortation conciliaire « à acquérir, par une
fréquente lecture des divines Écritures, “la science éminente de Jésus Christ” (Ph
3, 8). “L'ignorance des Écritures est, en effet, l'ignorance du Christ” ».118
Que la sainte Bible continue d'être un trésor pour l'Église et pour tout
chrétien: nous trouverons dans l'étude attentive de la Parole la nourriture et
la force pour accomplir chaque jour notre mission.
Prenons ce Livre
dans nos mains! Recevons-le de la part du Seigneur qui nous l'offre
continuellement à travers son Église (cf. Ap 10, 8). Mangeons- le
(cf. Ap 10, 9), pour qu'il devienne la vie de notre vie. Goûtons-le
à fond: il nous réservera des difficultés, mais il nous donnera aussi la
joie car il est doux comme le miel (cf. Ap 10, 9-10). Nous serons
comblés d'espérance et capables de communiquer cette espérance à tout
homme et à toute femme que nous rencontrons sur notre route.
CHAPITRE IV
CÉLÉBRER L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
« À Celui qui siège sur le trône, et à l'Agneau, bénédiction,
honneur, gloire et domination,
dans les siècles des siècles! » (Ap 5, 13)
Une communauté priante
66. L'Évangile de
l'espérance, annonce de la vérité qui libère (cf Jn, 8, 32), doit
être célébré. Devant l'Agneau de l'Apocalypse commence une liturgie solennelle
de louange et d'adoration: « À Celui qui siège sur le trône, et à l'Agneau,
bénédiction, honneur, gloire et domination, dans les siècles des siècles! » (Ap
5, 13). La même vision, qui révèle Dieu et le sens de l'histoire, se produit «
le jour du Seigneur » (Ap 1, 10), le jour de la résurrection revécu par
l'assemblée dominicale.
L'Église qui
accueille cette révélation est une communauté qui prie. En priant,
elle écoute son Seigneur et ce que l'Esprit lui dit: elle adore, elle loue,
elle rend grâce, et enfin elle invoque la venue du Seigneur, « Viens, Seigneur
Jésus! » (cf. Ap 22, 16-20), affirmant ainsi qu'elle attend le salut de
Lui seul.
À toi aussi, Église
de Dieu qui vis en Europe, il est demandé d'être une communauté qui prie,
célébrant ton Seigneur par les Sacrements, par la liturgie et par toute ta vie.
Dans la prière, tu redécouvriras la présence vivifiante du Seigneur. Ainsi,
enracinant en lui chacune de tes actions, tu pourras proposer de nouveau aux
Européens la rencontre avec lui-même, véritable espérance qui seule peut
satisfaire pleinement le désir ardent de Dieu, lui qui est caché sous les
diverses formes de recherche religieuse qui se font jour dans l'Europe
contemporaine.
I. Redécouvrir la liturgie
Le sens religieux dans l'Europe d'aujourd'hui
67. Malgré les vastes
zones de déchristianisation dans le continent européen, un certain nombre de
signes permettent d'esquisser le visage d'une Église qui, en croyant,
annonce, célèbre et sert son Seigneur. En effet, il ne manque pas d'exemples
de chrétiens authentiques qui vivent des moments de silence contemplatif, qui
participent fidèlement aux propositions spirituelles qui leurs sont faites, qui
vivent l'Évangile dans leur existence quotidienne et qui en témoignent dans les
divers milieux où ils sont engagés. On peut aussi discerner des manifestations
d'une « sainteté populaire », qui attestent que même dans l'Europe actuelle il
n'est pas impossible de vivre l'Évangile, aussi bien à un niveau personnel que
dans une authentique expérience communautaire.
68. Parallèlement à de
nombreux exemples de foi authentique, il existe aussi en Europe une
religiosité vague et parfois déviante. Ses indices revêtent souvent un
caractère général et superficiel, quand ils ne sont pas carrément en
contradiction les uns avec les autres chez les personnes mêmes dont ils
proviennent. Ce sont des phénomènes manifestes de fuite dans le spiritualisme,
de syncrétisme religieux et ésotérique, de recherche à tout prix de «
l'extraordinaire », qui peuvent conduire à des choix déviants, telle la
participation à des sectes dangereuses ou à des expériences pseudo-religieuses.
Le désir diffus d'une
nourriture spirituelle doit être accueilli avec compréhension et purifié. À
l'homme qui, même confusément, prend conscience qu'il ne peut vivre seulement de
pain, il est nécessaire que l'Église puisse témoigner de manière convaincante de
la réponse que Jésus fit au tentateur: « Ce n'est pas seulement de pain que
l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt
4,4).
Une Église qui célèbre
69. Dans le contexte de
la société actuelle, souvent fermée à la transcendance, étouffée par des
comportements consuméristes, propice aux formes anciennes et nouvelles
d'idolâtrie, et en même temps assoiffée de quelque chose qui aille au-delà de
l'immédiat, la mission qui attend l'Église en Europe est tout à la fois
exigeante et exaltante. Elle consiste à redécouvrir le sens du « mystère »; à
renouveler les célébrations liturgiques afin qu'elles soient des signes toujours
plus éloquents de la présence du Christ Seigneur; à assurer de nouveaux espaces
au silence, à la prière et à la contemplation; à revenir aux Sacrements, surtout
l'Eucharistie et la Pénitence, car ils sont source de liberté et de nouvelle
espérance.
C'est pourquoi, à toi,
Église qui vis en Europe, j'adresse un appel pressant: Sois une Église
qui prie, qui loue Dieu, qui en reconnaît la primauté absolue et qui
l'exalte avec une foi joyeuse. Redécouvre le sens du mystère: vis-le avec
une humble gratitude; témoignes-en avec une joie convaincue et contagieuse.
Célèbre le Salut du Christ: accueille- le comme un don qui fait de toi son
sacrement; fais de ta vie le vrai culte spirituel qui plaît à Dieu (cf. Rm
12, 1).
Le sens du mystère
70. Certains symptômes
révèlent un affaiblissement du sens du mystère dans les célébrations liturgiques
elles-mêmes, qui devraient au con- traire y introduire. Il est donc urgent
que dans l'Église soit ravivé le sens authentique de la liturgie. Celle-ci,
comme l'ont rappelé les Pères synodaux,119 est un instrument de
sanctification; elle est une célébration de la foi de l'Église; elle est un
moyen de transmission de la foi. Avec l'Écriture sainte et les enseignements des
Pères de l'Église, elle est source vivante d'une authentique et solide
spiritualité. Comme le souligne bien aussi la tradition des vénérables Églises
d'Orient, par la liturgie, les fidèles entrent en communion avec la Sainte
Trinité, faisant l'expérience de leur participation à la nature divine, en tant
que don de la grâce. La liturgie devient ainsi anticipation de la béatitude
finale et participation à la gloire céleste.
71. Dans les
célébrations, il faut redonner à Jésus la place centrale, afin de nous
laisser éclairer et guider par lui. Nous pouvons trouver là l'une des réponses
les plus claires que nos communautés sont appelées à donner à une religiosité
vague et inconsistante. La liturgie de l'Église n'a pas pour but d'apaiser les
désirs et les peurs de l'homme, mais d'écouter et d'accueillir Jésus le Vivant,
qui honore et loue son Père, afin que nous puissions le louer et l'honorer avec
lui. Les célébrations ecclésiales proclament que notre espérance nous vient de
Dieu, par Jésus notre Seigneur.
Il s'agit de vivre la
liturgie comme œuvre de la Trinité. C'est le
Père qui agit pour nous dans les mystères célébrés; c'est lui qui nous parle,
qui nous pardonne, qui nous écoute et qui nous donne son Esprit; c'est vers lui
que nous nous tournons, lui que nous écoutons, que nous louons et que nous
invoquons. C'est Jésus qui agit pour notre sanctification, nous rendant
participants de son mystère. C'est l'Esprit Saint qui opère avec sa grâce et
fait de nous le Corps du Christ, l'Église.
La liturgie doit être
vécue comme annonce et anticipation de la gloire future, terme ultime de
notre espérance. Comme l'enseigne en effet le Concile:
« Dans la liturgie
terrestre nous participons, en y goûtant par avance, à cette liturgie céleste
qui est célébrée dans la sainte cité de Jérusalem vers laquelle nous tendons
dans notre pèlerinage [...], jusqu'à ce que [le Christ], qui est notre vie, se
manifeste et que nous soyons manifestés nous-mêmes avec lui dans la gloire ».120
Formation liturgique
72. Si, après le Concile
œcuménique Vatican II, une partie du chemin a été accomplie pour vivre le sens
authentique de la liturgie, il reste encore beaucoup à faire. Il faut un
renouveau régulier et une formation constante de tous, ministres ordonnés,
personnes consacrées et laïcs.
Le véritable
renouveau, loin de provenir d'actes arbitraires, consiste à développer
toujours mieux la conscience du sens du mystère, de façon à faire des liturgies
des moments de communion avec le grand et saint mystère de la Trinité. En
célébrant les actions sacrées comme relation à Dieu et accueil de ses dons,
expressions d'une authentique vie spirituelle, l'Église en Europe pourra
vraiment nourrir son espérance et l'offrir à ceux qui l'ont perdue.
73. À cette fin, un
grand effort de formation est nécessaire. Destinée à favoriser la
compréhension du sens véritable des célébrations de l'Église, elle requiert, en
plus d'une formation appropriée sur les rites, une spiritualité authentique et
une éducation qui permette de la vivre en plénitude.121 On doit donc
promouvoir plus intensément une véritable « mystagogie liturgique », avec la
participation active de tous les fidèles, chacun selon ses attributions, aux
actions sacrées, en particulier à l'Eucharistie.
II. Célébrer les Sacrements
74. Une place toute
particulière doit être réservée à la célébration des Sacrements, en tant
qu'actions du Christ et de l'Église ordonnées au culte à rendre à Dieu, à la
sanctification des hommes et à l'édification de la communauté ecclésiale.
Conscients qu'en eux c'est le Christ lui-même qui agit par l'action du
Saint-Esprit, nous devons célébrer les sacrements avec le plus grand soin, en en
créant les conditions favorables. Les Églises particulières du continent auront
à cœur d'intensifier leur pastorale sacramentelle pour en faire reconnaître la
profonde vérité. Les Pères synodaux ont mis en lumière cette exigence pour
répondre à deux dangers: d'une part, certains milieux ecclésiaux semblent avoir
perdu le sens authentique du sacrement et risqueraient donc de banaliser les
mystères célébrés; d'autre part, de nombreux baptisés, attachés aux usages et
aux traditions, continuent à recourir aux sacrements aux moments significatifs
de leur existence, sans pour autant vivre conformément aux indications de
l'Église.122
L'Eucharistie
75. L'Eucharistie,
don suprême du Christ à l'Église, rend mystérieusement présent le sacrifice
du Christ pour notre salut: « La très sainte Eucharistie contient en effet
l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre
Pâque ».123 C'est en elle, « source et sommet de toute la vie
chrétienne »,124 que l'Église puise au long de son pèlerinage, y
trouvant la source de toute espérance. En effet, l'Eucharistie « donne une
impulsion à notre marche dans l'histoire, faisant naître un germe de vive
espérance dans le dévouement quotidien de chacun à ses propres tâches ».125
Nous sommes tous invités
à confesser la foi dans l'Eucharistie, « gage de la gloire future », dans
la certitude que la communion avec le Christ, que nous vivons actuellement comme
pèlerins dans notre existence mortelle, anticipe la rencontre suprême le jour où
« nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est » (1
Jn 3, 2). L'Eucharistie est un « avant-goût de l'éternité dans le temps »;
elle est présence divine et communion à cette présence; mémorial de la Pâque du
Christ, elle est par nature dispensatrice de la grâce dans l'histoire humaine.
Elle ouvre à l'avenir de Dieu; étant communion avec le Christ, en son corps et
son sang, elle est participation à la vie éternelle de Dieu.126
La Réconciliation
76. Avec l'Eucharistie,
le sacrement de la Réconciliation doit aussi jouer un rôle fondamental
pour retrouver l'espérance: « L'expérience personnelle du pardon de Dieu
pour chacun de nous est en effet le fondement essentiel de toute espérance pour
notre avenir ».127 L'une des racines de la résignation qui assaille
tant de personnes aujourd'hui doit être cherchée dans l'incapacité de se
reconnaître pécheur et de se laisser pardonner, incapacité souvent due à la
solitude de ceux qui, vivant comme si Dieu n'existait pas, n'ont personne à qui
demander pardon. En revanche, celui qui se reconnaît pécheur et qui se confie à
la miséricorde du Père céleste fait l'expérience de la joie d'une vraie
libération et il peut avancer dans l'existence sans se replier sur sa propre
misère.128 Il reçoit ainsi la grâce d'un nouveau départ et il
retrouve des raisons d'espérer.
C'est pourquoi il est
nécessaire que dans l'Église en Europe le sacrement de la Réconciliation soit
ravivé. Il faut cependant redire que la forme du sacrement est la confession
personnelle des péchés, suivie de l'absolution individuelle. Cette rencontre
entre le pénitent et le prêtre doit être favorisée, quelles que soient les
formes prévues du rite du Sacrement. Face à la perte largement répandue
du sens du péché et à l'affirmation d'une mentalité marquée par le relativisme
et le subjectivisme dans le domaine moral, il est nécessaire que, dans toute
communauté ecclésiale, on pourvoie à une sérieuse formation des consciences.129
Les Pères du Synode ont insisté pour que l'on reconnaisse clairement la vérité
du péché personnel et la nécessité du pardon personnel de Dieu à travers le
ministère du prêtre.
Les absolutions
collectives ne sont pas une modalité laissée à la libre appréciation dans
l'administration du sacrement de la Réconciliation.130
77. Je m'adresse aux
prêtres, les exhortant à être généreusement disponibles pour écouter les
confessions et à être eux-mêmes des exemples en s'approchant avec régularité du
sacrement de la Pénitence. Je les invite à mettre soigneusement à jour leurs
connaissances dans le domaine de la théologie morale, de manière à pouvoir
affronter avec compétence les problèmes apparus récemment dans le domaine de la
morale personnelle et sociale. Puissent-ils porter aussi une particulière
attention aux conditions concrètes de vie dans lesquelles se trouvent les
fidèles et savoir les conduire patiemment à reconnaître les exigences de la loi
morale chrétienne, les aidant à vivre le sacrement comme une joyeuse rencontre
avec la miséricorde du Père céleste! 131
Prière et vie
78. En plus de la
célébration eucharistique, il convient de promouvoir aussi les autres formes de
prières communautaires,132 aidant à redécouvrir le lien qui
existe entre ces dernières et la prière liturgique. En particulier, tout en
maintenant vivante la tradition de l'Église latine, on doit développer les
diverses expressions du culte eucharistique en dehors de la Messe:
adoration personnelle, exposition et procession, qui sont à comprendre comme des
expressions de la foi en la permanence de la présence réelle du Seigneur dans le
Sacrement de l'autel.133 À propos de la célébration personnelle ou
communautaire de la Liturgie des Heures, dont le Concile a aussi rappelé
la grande valeur pour les fidèles laïcs,134 on s'attachera à faire
voir le lien qui la relie au mystère eucharistique. Les familles seront
encouragées à réserver un temps pour la prière en commun, de façon à interpréter
à la lumière de l'Évangile toute leur vie conjugale et familiale. Ainsi, à
partir de là et dans l'écoute de la Parole de Dieu, se développera cette
liturgie domestique qui accompagnera tous les moments de la vie familiale.135
Toute forme de prière
communautaire présuppose la prière individuelle. Entre la personne et Dieu naît
ce colloque en vérité qui s'exprime dans la louange, dans l'action de grâce,
dans la supplication adressée au Père, par Jésus Christ et dans l'Esprit Saint.
Jamais ne sera délaissée la prière personnelle, qui est comme la respiration du
chrétien. À tous aussi, on apprendra à redécouvrir le lien entre cette dernière
et la prière liturgique.
79. On réservera aussi
une attention particulière à la piété populaire.136 Largement
présente en diverses régions d'Europe grâce aux confréries, aux pèlerinages et
aux processions auprès de nombreux sanctuaires, elle enrichit le cours de
l'année liturgique, inspirant coutumes et usages familiaux et sociaux. Toutes
ces formes doivent être considérées avec attention, moyennant une pastorale de
promotion et de renouveau, qui les aide à développer ce qui est expression
authentique de la sagesse du peuple de Dieu. Tel est assurément le saint
Rosaire. En cette année qui lui est consacrée, il m'est cher d'en recommander de
nouveau la récitation, car, « s'il est redécouvert dans sa pleine signification,
le Rosaire conduit au cœur même de la vie chrétienne et offre une occasion
spirituelle et pédagogique ordinaire mais féconde pour la contemplation
personnelle, la formation du peuple de Dieu et la nouvelle évangélisation ».137
En matière de piété
populaire, il faut veiller constamment aux aspects ambigus de certaines
manifestations, les préservant des dérives séculières, du consumériste
irréfléchi ou encore des risques de superstition, afin de les maintenir dans le
cadre de formes assurées et authentiques. On fera œuvre d'éducation, expliquant
que la piété populaire doit toujours être vécue en harmonie avec la liturgie de
l'Église et en relation avec les Sacrements.
80. Il ne faut pas
oublier que le « culte spirituel capable de plaire à Dieu » (cf. Rm
12, 1) se réalise avant tout dans l'existence quotidienne, vécue dans
la charité à travers le don de soi libre et généreux, même dans les moments
d'apparente impuissance. Ainsi, la vie est animée par une espérance indéfectible
parce qu'elle s'appuie uniquement sur la certitude de la puissance de Dieu et de
la victoire du Christ: c'est une vie remplie des consolations de Dieu, par
lesquelles nous sommes appelés à consoler à notre tour ceux que nous rencontrons
sur notre route (cf. 2 Co 1, 4).
Le jour du Seigneur
81. Le jour du
Seigneur est le moment par excellence et hautement évocateur en ce qui
concerne la célébration de l'Évangile de l'espérance.
Dans le contexte actuel,
les circonstances rendent précaire pour les chrétiens la possibilité de vivre
pleinement le dimanche comme jour de la rencontre avec le Seigneur. Il n'est pas
rare qu'il se réduise à n'être qu'une « fin de semaine », un simple temps
d'évasion. C'est pourquoi il faut une action pastorale organique au niveau
éducatif, spirituel et social, qui aide à en vivre le sens véritable.
82. Je renouvelle donc
l'appel à redécouvrir le sens profond du jour du Seigneur: 138
qu'il soit sanctifié par la participation à l'Eucharistie et par un repos rempli
de joie chrétienne et de fraternité. Qu'il soit célébré comme le centre de tout
le culte, comme l'annonce incessante de la vie sans fin, qui ranime l'espérance
et redonne courage sur le chemin. Ne craignons pas alors de le défendre
contre toute attaque et de tout mettre en œuvre pour que, dans
l'organisation du travail, il soit sauvegardé, de manière à être un jour
pour l'homme, au bénéfice de la société entière. En effet, si le dimanche était
privé de sa signification originelle et s'il devenait impossible en ce jour de
réserver un temps convenable à la prière, au repos, à la communion et à la joie,
il pourrait arriver « que l'homme reste enfermé dans un horizon si réduit qu'il
ne peut plus voir le ciel; alors, même revêtu d'un habit de fête, il devient
profondément incapable de faire la fête ».139 Et sans la dimension de
la fête, l'espérance ne trouverait pas de maison où habiter.
CHAPITRE V
SERVIR L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
« Je connais ta conduite, ton amour, ta foi,
ton sens du service, ta persévérance » (Ap 2, 19)
Le chemin de l'amour
83. La Parole que
l'Esprit adresse aux Églises contient un jugement sur leur vie. Elle
concerne les actes et les comportements: « Je connais ta conduite » est
l'introduction qui, tel un refrain et avec peu de variantes, apparaît dans les
lettres écrites aux sept Églises. Quand les œuvres s'avèrent positives, elles
sont le fruit du labeur, de la persévérance, de l'acceptation des épreuves, des
tribulations, de la pauvreté, de la fidélité dans la persécution, de la charité,
de la foi, du service. En ce sens, elles peuvent être lues comme la description
d'une Église qui non seulement annonce et célèbre le salut venant du Seigneur,
mais qui en « vit » réellement.
Pour servir l'Évangile
de l'espérance, l'Église qui est en Europe est elle aussi appelée à suivre la
route de l'amour. C'est une route qui passe par la charité évangélisatrice,
l'engagement multiforme dans le service, la détermination dans une générosité
sans trêve ni frontière.
I. Le service de la charité
Dans la communion et dans la solidarité
84. Pour toute personne,
l'amour reçu et donné constitue l'expérience originaire dans laquelle
naît l'espérance. « L'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour
lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas
la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas
l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement ».140
Le défi pour l'Église
dans l'Europe d'aujourd'hui consiste donc à aider l'homme contemporain à faire
l'expérience de l'amour de Dieu le Père et du Christ dans l'Esprit Saint, à
travers le témoignage de l'amour, qui en lui-même possède une force
évangélisatrice intrinsèque.
En définitive,«
l'Évangile », joyeuse annonce faite à tout homme, consiste en ceci: Dieu nous a
aimés le premier (cf. Jn 4, 10.19); Jésus nous a aimés jusqu'au bout (cf.
Jn 13, 1). Grâce au don de l'Esprit, l'amour de Dieu est offert aux
croyants, les rendant participants de sa capacité d'aimer: il saisit le cœur de
tout disciple et de l'Église entière (cf. 2 Co 5, 14). Précisément parce
qu'il est donné par Dieu, l'amour devient commandement pour l'homme (cf.
Jn 13, 34).
Vivre dans l'amour
devient ainsi une joyeuse nouvelle pour tout homme, rendant visible
l'amour de Dieu qui n'abandonne personne. En fin de compte, cela signifie donner
à l'homme égaré de véritables raisons pour continuer à espérer.
85. C'est la vocation de
l'Église, comme « signe tangible, bien que toujours inadéquat, de l'amour vécu,
de faire que les hommes et les femmes rencontrent l'amour de Dieu et du Christ
qui vient à leur recherche ».141 « Signe et instrument de l'union
intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain »,142 l'Église
en témoigne lorsque les personnes, les familles et les communautés vivent
intensément l'Évangile de la charité. En d'autres termes, nos communautés
ecclésiales sont appelées à être de véritables lieux privilégiés
d'entraînement à la communion.
De par sa nature même,
le témoignage de la charité est appelé à s'étendre au-delà des limites de la
communauté ecclésiale, pour atteindre toute personne, de sorte que l'amour
pour tous les hommes devienne incitation à une authentique solidarité
pour l'ensemble de la vie sociale. Quand l'Église sert la charité, elle fait
en même temps croître la « culture de la solidarité », contribuant ainsi à
redonner vie aux valeurs universelles de la convivialité humaine.
Dans cette perspective,
il convient de redécouvrir le sens authentique du bénévolat chrétien.
Naissant de la foi et étant continuellement nourri par elle, il doit conjuguer
les compétences professionnelles et l'amour authentique, poussant ceux qui s'y
livrent à « élever leurs sentiments de simple philanthropie à la hauteur de la
charité du Christ; à reconquérir chaque jour, dans le labeur et la fatigue, la
conscience de la dignité de tout homme; à aller à la découverte des besoins des
personnes en ouvrant, s'il le faut, de nouvelles voies là où le besoin se fait
le plus urgent, et là où l'attention et le soutien sont les plus déficients ».143
II. Servir l'homme dans la société
Redonner espérance aux pauvres
86. À toute l'Église il
est demandé de redonner espérance aux pauvres. Les accueillir et les
servir signifie pour elle accueillir et servir le Christ (cf. Mt 25, 40).
L'amour préférentiel pour les pauvres est une dimension nécessaire de l'être
chrétien et du service de l'Évangile. Aimer les personnes et leur témoigner
qu'elles sont particulièrement aimées de Dieu veut dire reconnaître qu'elles ont
une valeur en elles-mêmes, quelles que soient les conditions économiques,
culturelles et sociales dans lesquelles elles vivent, les aidant à développer
leurs potentialités.
87. Il faut par ailleurs
se laisser interpeller par le phénomène du chômage, qui, dans beaucoup de
pays d'Europe, constitue un grave fléau social. À cela s'ajoute aussi les
problèmes liés à l'accroissement des flux migratoires. Il est demandé à l'Église
de rappeler que le travail est un bien que toute la société doit prendre en
charge.
Présentant à nouveau les
critères éthiques qui doivent guider le marché et l'économie, dans un respect
scrupuleux de la place centrale que l'homme y occupe, l'Église ne peut négliger
la recherche du dialogue avec les personnes engagées dans le domaine politique
et syndical, et dans le monde de l'entreprise.144 Le dialogue doit
tendre à l'édification d'une Europe entendue comme communauté de peuples et de
personnes, communauté solidaire dans l'espérance, non soumise exclusivement aux
lois du marché, mais fermement préoccupée de sauvegarder la dignité de l'homme
même dans ses rapports économiques et sociaux.
88. Qu'une attention
particulière soit aussi portée à la pastorale des malades. Considérant
que la maladie est une situation qui suscite des questions essentielles sur le
sens de la vie, « dans une société de la prospérité et de l'efficacité, dans une
culture caractérisée par l'idolâtrie du corps, par le refus de la souffrance et
de la douleur, et par le mythe de la jeunesse éternelle »,145
l'attention envers les malades doit être considérée comme une priorité. À cette
fin, il faut promouvoir, d'une part, une présence pastorale appropriée dans les
différents lieux de la souffrance, par exemple à travers l'engagement
d'aumôniers d'hôpitaux, de membres d'associations de bénévolat, d'institutions
sanitaires liées à l'Église, et, d'autre part, un soutien aux familles des
malades. De plus, il est nécessaire d'être proche du personnel médical et
paramédical, avec des moyens pastoraux adaptés, pour le soutenir dans son
exigeante vocation au service des malades. En effet, dans leur activité
professionnelle, les personnes qui travaillent dans le monde de la santé rendent
chaque jour un noble service à la vie. Il leur est demandé d'offrir aussi aux
patients le soutien spirituel particulier qui suppose la chaleur d'un contact
humain authentique.
89. Enfin, on ne saurait
oublier qu'il est parfois fait un usage indu des biens de la terre.
Manquant en effet à la mission de cultiver et de garder la terre avec sagesse et
amour (cf Gn 2, 15), l'homme a, dans de nombreuses régions, dévasté
plaines et forêts, pollué les eaux, rendu l'air irrespirable, bouleversé les
systèmes hydrogéologiques et atmosphériques, et provoqué la désertification de
vastes zones.
Même dans ce cas, servir
l'Évangile de l'espérance veut dire s'engager de manière nouvelle pour un
usage correct des biens de la terre,146 développant l'attention
qui, en plus de sauvegarder des habitats naturels, défend la qualité de
vie des personnes, afin de préparer pour les générations futures un monde plus
conforme au projet du Créateur.
La vérité sur le mariage et la famille
90. L'Église en Europe,
dans toutes ses composantes, doit proposer à nouveau, avec fidélité, la
vérité sur le mariage et la famille.147 C'est une nécessité
qu'elle ressent intensément en elle-même, car elle sait qu'elle est qualifiée
pour accomplir cette tâche, en vertu de la mission évangélisatrice que lui a
confiée son Époux et Seigneur, et que cette tâche s'impose aujourd'hui de
nouveau avec une insistance inégalée. De nombreux facteurs culturels, sociaux et
politiques contribuent en effet à provoquer une crise, toujours plus évidente,
de la famille. Ils compromettent, dans certaines mesures, la vérité et la
dignité de la personne humaine, et ils remettent en cause, en la dénaturant,
l'idée même de famille. La valeur de l'indissolubilité du mariage est de plus en
plus méconnue; on revendique des formes de reconnaissance légale des unions de
fait, les mettant sur le même plan que les mariages légitimes; on observe même
des tentatives visant à faire accepter des modèles de couples où la différence
sexuelle ne serait plus essentielle.
Dans ce contexte, il est
demandé à l'Église d'annoncer avec une vigueur renouvelée ce que dit
l'Évangile sur le mariage et la famille, pour en saisir la signification et
la valeur dans le dessein salvifique de Dieu. Il est en particulier nécessaire
de réaffirmer que ces institutions sont des réalités qui proviennent de la
volonté de Dieu. Il faut redécouvrir la vérité de la famille, en tant que
communauté intime de vie et d'amour,148 ouverte à la génération de
nouvelles vies; et aussi sa dignité « d'Église domestique » et sa participation
à la mission de l'Église et à la vie de la société.
91. Selon les Pères du
Synode, il faut reconnaître que de nombreuses familles, dans le quotidien d'une
existence vécue dans l'amour, sont des témoins visibles de la présence de Jésus
qui les accompagne et qui les soutient par le don de son Esprit. Pour affermir
leur marche, on devra approfondir la théologie et la spiritualité du mariage et
de la famille; proclamer avec fermeté et intégrité, et montrer au moyen
d'exemples efficaces la vérité et la beauté de la famille fondée sur le mariage
entendu comme union stable et féconde d'un homme et d'une femme; promouvoir dans
toute communauté ecclésiale une pastorale familiale organique et adaptée. En
même temps, il sera nécessaire d'offrir, avec une sollicitude maternelle de la
part de l'Église, une aide à ceux qui se trouvent dans des situations
difficiles, par exemple les mères célibataires, les personnes séparées, les
divorcés, les enfants abandonnés. Dans tous les cas, il conviendra d'encourager,
d'accompagner et de soutenir une juste participation des familles, seules ou
associées, dans l'Église et dans la société, et de veiller à ce que les États et
l'Union européenne elle-même mettent en place des politiques familiales
authentiques et adaptées.149
92. Une attention
particulière doit être réservée à l'éducation des jeunes et des fiancés à
l'amour, grâce à des parcours spécifiques de préparation à la célébration du
sacrement de Mariage, qui les aident à arriver jusqu'à ce jour en vivant dans la
chasteté. Dans son œuvre éducative, l'Église se montrera prévenante,
accompagnant également les jeunes époux après la célébration de leur mariage.
93. Enfin, l'Église est
aussi appelée à rencontrer, avec une bonté maternelle, tous ceux qui sont dans
des situations matrimoniales qui peuvent facilement faire perdre l'espérance. En
particulier, « face aux nombreuses familles disloquées, l'Église se sent
appelée, non pas à exprimer un jugement sévère et distant, mais plutôt à
introduire dans les plaies de tant de drames humains la lumière de la Parole de
Dieu, accompagnée du témoignage de sa miséricorde. Tel est l'esprit avec
lequel la pastorale familiale cherche à prendre en charge également les
situations des croyants qui sont divorcés et se sont remariés civilement.
Ils ne sont pas exclus de la communauté: ils sont même invités à participer à sa
vie, en accomplissant un chemin de croissance dans la ligne des exigences
évangéliques. Sans leur taire la vérité du désordre moral objectif dans lequel
ils se trouvent et des conséquences qui en découlent quant à la pratique
sacramentelle, l'Église entend leur montrer toute sa proximité maternelle ».150
94. S'il est nécessaire,
pour servir l'Évangile de l'espérance, d'apporter une attention particulière et
prioritaire à la famille, il est tout aussi vrai que les familles elles-mêmes
ont une tâche irremplaçable à accomplir à l'égard de ce même Évangile de
l'espérance. C'est pourquoi, en toute confiance et affection, je renouvelle mon
invitation à toutes les familles chrétiennes qui vivent en Europe: « Familles,
devenez ce que vous êtes ! » Vous êtes une représentation vivante de l'amour
de Dieu: Vous avez la « mission de garder, de révéler et de communiquer
l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu pour
l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Église son Épouse ».151
Vous êtes le «
sanctuaire de la vie [...]: le lieu où la vie, don de Dieu, peut être
convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles
elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d'une
croissance humaine authentique ».152
Vous êtes le
fondement de la société, en tant que lieu premier de l'« humanisation » de
la personne et du « vivre ensemble »,153 modèle pour l'instauration
de rapports sociaux vécus dans l'amour et la solidarité.
Soyez vous-mêmes
des témoins crédibles de l'Évangile de l'espérance! Car vous êtes « Gaudium
et spes ».154
Servir l'Évangile de la vie
95. Le vieillissement et
la diminution de la population auxquels on assiste dans divers pays d'Europe ne
peuvent pas ne pas être des motifs de préoccupation; en effet, la chute des
naissances est le symptôme d'un rapport perturbé avec l'avenir; c'est une
manifestation évidente d'un manque d'espérance, c'est le signe de la « culture
de mort » qui traverse la société contemporaine.155
Avec la chute de la
natalité, il faut rappeler d'autres signes qui concourent à provoquer l'éclipse
de la valeur de la vie et à déchaîner une sorte de conjuration contre elle.
Parmi eux, il faut tout d'abord mentionner avec tristesse la diffusion de l'avortement,
même en utilisant des préparations chimiques et pharmaceutiques qui le rendent
possible sans devoir recourir à un médecin, et le soustrayant ainsi à toute
forme de responsabilité sociale; cela est favorisé par la présence, dans les
législations de nombreux États du continent, de lois permettant un geste qui
demeure un « crime abominable » 156 et qui constitue toujours un
grave désordre moral. On ne peut pas oublier non plus les attentats perpétrés à
travers les interventions « sur les embryons humains qui, bien que poursuivant
des buts en soi légitimes, en comportent inévitablement le meurtre », ou bien
l'utilisation détournée des techniques de diagnostic prénatal, qui sont mises
non pas au service de thérapies précoces, parfois envisageables, mais « d'une
mentalité eugénique qui accepte l'avortement sélectif ».157
Il faut aussi mentionner
la tendance, que l'on observe dans certaines parties de l'Europe, à penser qu'il
pourrait être permis de mettre fin sciemment à ses jours ou à ceux d'autrui:
d'où une diffusion de l'euthanasie, cachée ou effectuée au grand jour, en
faveur de laquelle les demandes et les tristes exemples de légalisation ne
manquent pas.
96. Face à cet état de
fait, il est nécessaire de « servir l'Évangile de la vie » également
grâce « à une mobilisation générale des consciences et à un effort
commun d'ordre éthique, pour mettre en œuvre une grande stratégie pour le
service de la vie. Nous devons construire tous ensemble une nouvelle culture de
la vie ».158 C'est là un grand défi qu'il faut affronter avec
responsabilité, dans la certitude que « l'avenir de la civilisation européenne
dépend en grande partie d'une défense et d'une promotion résolues des valeurs de
la vie, centre de son patrimoine culturel »; 159 il s'agit en effet
de rendre à l'Europe sa véritable dignité, qui est d'être le lieu où toute
personne est reconnue dans son incomparable dignité.
Je fais volontiers
miennes ces paroles des Pères du synode: « Le synode des évêques européens
incite les communautés chrétiennes à se faire les évangélisatrices de la vie. Il
encourage les couples chrétiens et les familles chrétiennes à se soutenir
mutuellement pour demeurer fidèles à leur mission de collaborer avec Dieu dans
la génération et l'éducation de nouvelles créatures; il apprécie toute généreuse
tentative de réagir à l'égoïsme en matière de transmission de la vie, égoïsme
nourri par de faux modèles de sécurité et de bonheur; il demande aux États et à
l'Union européenne de mettre en œuvre des politiques clairvoyantes qui
promeuvent les conditions concrètes de logement, de travail et d'aide sociale,
en vue d'aider à la constitution de la famille et à répondre à la vocation à la
maternité et à la paternité, et qui en plus assurent à l'Europe d'aujourd'hui la
ressource la plus précieuse: les Européens de demain ».160
Bâtir une cité digne de l'homme
97. La charité active
nous engage à hâter la venue du Règne de Dieu. C'est pourquoi elle apporte son
concours à la promotion des valeurs authentiques qui sont à la base d'une
civilisation digne de l'homme. Comme le rappelle en effet le Concile Vatican II,
« dans leur marche vers la cité céleste, les chrétiens doivent rechercher et
goûter les choses d'en haut; mais, par là, la gravité du devoir de travailler en
collaboration avec tous les hommes à l'édification d'un monde plus humain, loin
d'être diminuée, est plutôt accrue ».161 L'attente des cieux nouveaux
et de la terre nouvelle, loin d'éloigner de l'histoire, intensifie la
sollicitude pour le monde présent où, jusqu'à aujourd'hui, croît la nouveauté
qui est germe et figure du monde à venir.
Animés par ces
certitudes de foi, engageons-nous à construire une cité digne de l'homme!
Même s'il n'est pas possible de réaliser dans l'histoire un ordre social
parfait, nous savons pourtant que tout effort sincère pour construire un monde
meilleur est accompagné de la bénédiction de Dieu et que toute semence de
justice et d'amour plantée dans le temps présent donnera son fruit dans
l'éternité.
98. Dans la construction
d'une cité digne de l'homme, un rôle d'inspiration doit être reconnu à la
doctrine sociale de l'Église. À travers elle, en effet, l'Église pose au
continent européen la question de la valeur morale de sa civilisation. Cette
doctrine tire son origine de la rencontre entre, d'une part, le message biblique
et la raison, et, d'autre part, les problèmes et les situations concernant la
vie de l'homme et de la société. Par l'ensemble des principes qu'elle propose,
cette doctrine contribue à poser des bases solides pour une vie sociale à la
mesure de l'homme, dans la justice, la vérité, la liberté et la solidarité.
Tournée vers la défense et la promotion de la dignité de la personne, fondement
non seulement de la vie économique et politique, mais aussi de la justice
sociale et de la paix, elle apparaît capable d'assurer des bases solides aux
piliers sur lesquels se bâtit l'avenir du continent européen.162 La
doctrine sociale de l'Église comporte aussi les points de repères qui permettent
de défendre la structure morale de la liberté, de manière à sauvegarder la
culture et la société européennes aussi bien de l'utopie totalitaire de la «
justice sans liberté » que de celle d'une « liberté sans vérité » qui
s'accompagne d'une fausse conception de la « tolérance », toutes deux porteuses
d'erreurs et d'horreurs pour l'humanité, comme en témoigne malheureusement
l'histoire récente de l'Europe elle-même.163
99. La doctrine sociale
de l'Église, en raison de son lien intrinsèque avec la dignité de la personne,
est faite pour être comprise aussi par ceux qui n'appartiennent pas à la
communauté des croyants. Il est donc urgent d'en répandre la connaissance et
l'étude, dans le but de surmonter l'ignorance que même les chrétiens ont à son
endroit. C'est ce qu'exige l'Europe nouvelle en voie de construction, elle qui a
besoin de personnes éduquées selon ces valeurs et disposées à travailler à la
réalisation du bien commun. À cette fin s'avère nécessaire la présence de laïcs
chrétiens qui, dans les diverses responsabilités de la vie civique, économique,
culturelle, dans le monde de la santé, de l'éducation et de la politique,
agissent de manière à pouvoir y diffuser les valeurs du Royaume.164
Pour une culture de l'accueil
100. Parmi les défis qui
se posent aujourd'hui pour le service de l'Évangile de l'espérance apparaît
celui du phénomène croissant de l'immigration, qui interroge l'Église sur
sa capacité d'accueillir chaque personne, quel que soit le peuple ou la nation
auquel elle appartient. Il incite également toute la société européenne et ses
institutions à rechercher un ordre juste et des modes de convivialité
respectueux de tous, comme aussi de la législation, en vue d'une éventuelle
intégration.
Devant l'état de
pauvreté, de sous-développement ou même d'insuffisance de liberté qui,
malheureusement, caractérise encore divers pays et qui pousse de nombreuses
personnes à abandonner leur terre, se fait sentir le besoin d'un engagement
courageux de tous pour la réalisation d'un ordre économique international
plus juste, qui soit en mesure de promouvoir l'authentique développement de
tous les peuples et de tous les pays.
101. Face au phénomène
migratoire, l'Europe est mise au défi de trouver des formes nouvelles et
intelligentes d'accueil et d'hospitalité. C'est la vision « universaliste
» du bien commun qui l'exige: il faut dilater son regard jusqu'à embrasser les
exigences de toute la famille humaine. Le phénomène même de la mondialisation
demande ouverture et partage s'il veut être non pas une source d'exclusion et de
marginalisation, mais au contraire de participation solidaire de tous à la
production et à l'échange des biens.
Chacun doit s'employer à
la croissance d'une solide culture de l'accueil qui, tenant compte de
l'égale dignité de toute personne et du devoir de solidarité à l'égard des plus
faibles, demande que soient reconnus les droits fondamentaux de tout migrant.
Il est de la responsabilité des autorités publiques d'exercer un contrôle
sur les flux migratoires en fonction des exigences du bien commun. L'accueil
doit toujours se réaliser dans le respect des lois et donc se conjuguer, si
nécessaire, avec une ferme répression des abus.
102. Il faut également
s'employer à découvrir les formes possibles d'une véritable intégration
des immigrés légitimement accueillis dans le tissu social et culturel des
diverses nations européennes. Cela exige que l'on ne cède pas à l'indifférence à
l'égard des valeurs humaines universelles et que l'on soit attentif à
sauvegarder le patrimoine culturel propre à chaque nation. Une convivialité
pacifique et un échange des richesses intérieures réciproques rendront possible
l'édification d'une Europe qui sache être la maison commune, où chacun puisse
être accueilli, où nul ne fasse l'objet de discrimination, où tous soient
traités et vivent de façon responsable comme membres d'une seule grande famille.
103. Pour sa part,
l'Église est appelée à « continuer son action pour créer et améliorer sans cesse
ses services d'accueil et ses attentions pastorales à l'égard des immigrés
et des réfugiés »,165 pour faire en sorte que soient respectées leur
dignité et leur liberté, et que soit favorisée leur intégration.
On veillera en
particulier à assurer une assistance pastorale à l'intégration des immigrés
catholiques, en respectant leur culture et l'originalité de leurs traditions
religieuses. À cette fin, il est bon de favoriser les contacts entres les
Églises d'origine des immigrés et celles qui les accueillent, en vue d'étudier
des formes d'aide qui peuvent également prévoir la présence, parmi les immigrés,
de prêtres, de personnes consacrées et d'agents pastoraux, convenablement
formés, provenant de leur pays.
Le service de l'Évangile
exige en outre que l'Église, défendant la cause des opprimés et des exclus,
demande aux autorités politiques des divers États et aux responsables des
Institutions européennes de reconnaître la condition de réfugié à ceux qui
fuient leur pays d'origine en raison de menaces pour leur vie, et aussi de
faciliter leur retour dans leur pays, ainsi que de créer les conditions pour que
soit respectée la dignité de tous les immigrés et que soient défendus leurs
droits fondamentaux.166
III. Optons pour la charité
104. L'appel à vivre une
charité active, adressé par les Pères synodaux à tous les chrétiens du continent
européen,167 représente la synthèse heureuse d'un service authentique
rendu à l'Évangile de l'espérance. Aujourd'hui, je te propose à mon tour cet
appel, Église du Christ qui vis en Europe. Que les joies et les espérances, que
les tristesses et les angoisses des Européens d'aujourd'hui, surtout des pauvres
et de ceux qui souffrent, soient aussi tes joies et tes espérances, tes
tristesses et tes angoisses, et que rien de ce qui est authentiquement humain ne
manque de trouver un écho dans ton cœur! Regarde l'Europe et son cheminement,
avec la sympathie de celui qui apprécie tout élément positif, mais qui, en même
temps, ne ferme pas les yeux sur ce qui n'est pas en harmonie avec l'Évangile et
qui le dénonce avec force!
105. Église en Europe,
accueille chaque jour avec une fraîcheur renouvelée le don de la charité que le
Seigneur t'offre et dont il te rend capable! Apprends de lui le contenu et la
mesure de l'amour! Et sois l'Église des Béatitudes, continuellement
conformée au Christ (cf. Mt 5, 1-12).
Libre de toute entrave
et de toute dépendance, sois pauvre et amie des plus pauvres, accueillante
envers toute personne et attentive à toute forme de pauvreté, qu'elle soit
ancienne ou nouvelle!
Continuellement purifiée
par la bonté du Père, reconnais dans l'attitude de Jésus, qui a toujours défendu
la vérité tout en se montrant miséricordieux envers les pécheurs, la norme
suprême de ton action.
En Jésus, à la naissance
duquel la paix fut annoncée (cf. Lc 2, 14), en lui qui dans sa mort a
abattu toute inimitié (cf. Ep 2, 14) et qui a donné la paix véritable
(cf. Jn 14, 27), sois un artisan de paix, invitant tes fils à laisser
purifier leur cœur de toute hostilité, égoïsme ou esprit partisan, favorisant en
toute circonstance le dialogue et le respect réciproques!
En Jésus, justice de
Dieu, ne te lasse jamais de dénoncer toute forme d'injustice! En vivant dans le
monde avec les valeurs du Règne qui vient, tu seras l'Église de la charité, tu
apporteras ton indispensable contribution à l'édification en Europe d'une
civilisation toujours plus digne de l'homme.
CHAPITRE VI
L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
POUR UNE EUROPE NOUVELLE
« J'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu,
la cité sainte, la Jérusalem nouvelle » (Ap 21, 2)
La nouveauté de Dieu dans l'histoire
106. L'Évangile de
l'espérance qui résonne dans l'Apocalypse ouvre le cœur à la contemplation de
la nouveauté opérée par Dieu: « Alors j'ai vu un ciel nouveau et une terre
nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n'y
avait plus de mer » (Ap 21, 1). C'est Dieu lui-même qui proclame cette
nouveauté avec des mots expliquant la vision qui vient d'être décrite: « Voici
que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).
La nouveauté de Dieu –
pleinement compréhensible sur l'arrière-plan des choses du passé, faites de
larmes, de deuil, d'affliction et de mort (cf. Ap 21, 4) – consiste à
sortir de la condition du péché et de ses conséquences, dans laquelle se trouve
l'humanité; c'est le ciel nouveau et la nouvelle terre, la Jérusalem nouvelle,
par opposition à un ciel et à une terre anciens, à un antique ordre des choses
et à une Jérusalem vétuste, tourmentée par ses rivalités.
Il n'est pas indifférent
pour la construction de la cité de l'homme d'utiliser l'image de la Jérusalem
nouvelle qui descend « du ciel, d'auprès de Dieu, toute prête, comme une fiancée
parée pour son époux » (Ap 21, 2) et qui se réfère directement au mystère
de l'Église. C'est une image qui parle d'une réalité eschatologique: elle
va au-delà de tout ce que l'homme peut faire; elle est un don de Dieu qui
s'accomplira dans les derniers temps. Mais elle n'est pas une utopie: elle est
une réalité déjà présente. C'est ce qu'indique le verbe au présent
utilisé par Dieu – « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap
21, 5) – avec la précision qui suit: « Tout est réalisé désormais » (Ap
21, 6). Car Dieu est déjà en train d'agir pour renouveler le monde; la Pâque de
Jésus est déjà la nouveauté de Dieu. Elle fait naître l'Église, elle en anime
l'existence, elle renouvelle et transforme l'histoire.
107. Cette nouveauté
commence à prendre forme avant tout dans la communauté chrétienne, qui
est déjà aujourd'hui « la demeure de Dieu avec les hommes » (cf. Ap 21,
3), au sein de laquelle Dieu est déjà à l'œuvre, renouvelant la vie de ceux qui
se soumettent au souffle de l'Esprit. L'Église est pour le monde signe et
instrument du Royaume qui se réalise avant tout dans les cœurs. Un reflet de
cette même nouveauté se manifeste aussi dans toute forme de convivialité
humaine animée par l'Évangile. Il s'agit d'une nouveauté qui interroge la
société à tout moment de l'histoire et en tout point de la terre,
particulièrement la société européenne qui, depuis de nombreux siècles, écoute
l'Évangile du Règne inauguré par Jésus.
I. La vocation spirituelle de l'Europe
L'Europe promotrice des valeurs universelles
108. L'histoire du
continent européen est marquée par l'influence vivifiante de l'Évangile. « Si
nous tournons notre regard vers les siècles passés, nous ne pouvons pas manquer
de rendre grâce au Seigneur pour le fait que le christianisme a été pour
notre continent un facteur primordial d'unité entre les peuples et les cultures
et de promotion intégrale de l'homme et de ses droits ».168
On ne peut certes pas
douter que la foi chrétienne fait partie, de façon radicale et déterminante, des
fondements de la culture européenne. Le christianisme a en effet donné sa forme
à l'Europe, y faisant pénétrer certaines valeurs fondamentales. La modernité
européenne elle- même, qui a donné au monde l'idéal démocratique et les droits
humains, puise ses valeurs dans son héritage chrétien. Plus qu'un espace
géographique, cet héritage peut être qualifié de « concept majoritairement
culturel et historique, caractérisant une réalité née comme continent grâce,
entre autres, à la force unificatrice du christianisme; celui-ci a su fondre
entre eux des peuples différents et des cultures diverses, et il est intimement
lié à la culture européenne tout entière ».169
Cependant, au moment
même où l'Europe d'aujourd'hui renforce et élargit son union économique et
politique, elle semble aussi souffrir d'une profonde crise de valeurs. Bien
qu'elle dispose de moyens accrus, elle donne l'impression de manquer d'élan pour
nourrir un projet commun et pour redonner à ses citoyens des raisons d'espérer.
Le nouveau visage de l'Europe
109. Dans le processus
de transformation qu'elle vit actuellement, l'Europe est appelée avant tout à
retrouver sa véritable identité. En effet, bien qu'elle soit parvenue à
constituer une réalité fortement diversifiée, elle doit édifier un nouveau
modèle d'unité dans la diversité, une communauté de nations réconciliées,
ouverte aux autres continents et engagée dans le processus actuel de
mondialisation.
Pour donner un nouvel
élan à son histoire, elle doit « reconnaître et retrouver, dans une fidélité
créatrice, les valeurs fondamentales à l'acquisition desquelles le christianisme
a apporté une contribution déterminante, et qui peuvent se résumer dans
l'affirmation de la dignité transcendante de la personne, de la valeur de la
raison, de la liberté, de la démocratie, de l'état de droit et de la distinction
entre politique et religion ».170
110. L'Union européenne
continue à s'élargir. Tous les peuples qui partagent le même héritage
fondamental ont pour vocation d'en faire partie à plus ou moins longue échéance.
Il faut souhaiter que, en plus d'assurer une mise en œuvre plus affermie des
principes de subsidiarité et de solidarité, une telle expansion se réalise dans
le respect de tous, valorisant les particularités historiques et culturelles,
les identités nationales et la richesse des apports que pourront fournir les
nouveaux membres.171 Dans le processus d'intégration du continent, il
est capital de prendre en compte le fait que l'Union n'aurait pas de consistance
si elle était réduite à ses seules composantes géographiques et économiques,
mais qu'elle doit avant tout consister en une harmonisation des valeurs appelées
à s'exprimer dans le droit et dans la vie.
Promouvoir la solidarité et la paix dans le monde
111. Dire « Europe »
doit vouloir dire « ouverture ». Malgré les expériences et les signes contraires
qui d'ailleurs n'ont pas manqué, c'est son histoire même qui l'exige: « L'Europe
n'est pas vraiment un territoire clos ou isolé; elle s'est construite en allant,
au-delà des mers, à la rencontre d'autres peuples, d'autres cultures, d'autres
civilisations ».172 C'est pourquoi l'Europe doit être un continent
ouvert et accueillant qui continue à pratiquer, dans l'actuelle
mondialisation, des formes de coopération non seulement économique, mais
également sociale et culturelle.
Il y a une exigence à
laquelle le continent doit répondre de manière positive pour que son visage soit
véritablement nouveau: « L'Europe ne saurait se replier sur elle-même. Elle ne
peut ni ne doit se désintéresser du reste du monde; elle doit au contraire
garder pleine conscience que d'autres pays, d'autres continents, attendent
d'elle des initiatives audacieuses, pour offrir aux peuples les plus pauvres les
moyens de leur développement et de leur organisation sociale, et pour édifier un
monde plus juste et plus fraternel ».173 Pour réaliser une telle
mission de manière appropriée, il sera nécessaire « de repenser la
coopération internationale en termes de nouvelle culture de solidarité.
Considérée comme ferment de paix, la coopération ne peut pas se réduire à l'aide
et à l'assistance, surtout quand on envisage en retour de tirer profit des
ressources mises à disposition. Au contraire, elle doit exprimer un engagement
concret et tangible de solidarité qui vise à faire des pauvres les acteurs de
leur développement et qui permette au plus grand nombre possible de personnes
d'exercer, dans les circonstances économiques et politiques concrètes dans
lesquelles elles vivent, la créativité propre à la personne humaine, d'où dépend
aussi la richesse des nations ».174
112. De plus, l'Europe
doit prendre une part active dans la promotion et dans la mise en pratique
d'une mondialisation « dans la » solidarité. Comme condition de cette
dernière, il faut ajouter une sorte de mondialisation « de la » solidarité
et des valeurs connexes d'équité, de justice et de liberté, dans la ferme
conviction que le marché requiert d'être « dûment contrôlé par les forces
sociales et par l'État, de manière à garantir la satisfaction des besoins
fondamentaux de toute la société ».175
L'Europe qui nous est
léguée par l'histoire a vu, surtout au siècle dernier, s'affirmer des idéologies
totalitaires et des nationalismes exacerbés qui, faisant perdre l'espérance aux
hommes et aux peuples du continent, ont nourri des conflits au sein des Nations
et entre les Nations elles- mêmes, jusqu'à l'effroyable tragédie des deux
guerres mondiales.176 Les luttes ethniques plus récentes, qui ont à
nouveau ensanglanté le continent européen, ont montré elles aussi à tous que la
paix est fragile, qu'elle a besoin d'un engagement actif de tous et qu'elle ne
peut être garantie qu'en ouvrant de nouvelles perspectives d'échange, de pardon
et de réconciliation entre les personnes, entre les peuples et entre les
Nations.
Face à cet état de fait,
l'Europe, avec tous ses habitants, doit s'employer inlassablement à
construire la paix à l'intérieur de ses frontières et dans le monde entier.
À ce propos, il convient de rappeler « d'une part que les différences nationales
doivent être maintenues et cultivées comme le fondement de la solidarité
européenne; et, d'autre part, que l'identité nationale elle-même ne se réalise
que dans l'ouverture aux autres peuples et à travers la solidarité envers eux ».177
II. La construction européenne
Le rôle des Institutions européennes
113. Si l'on veut
dessiner le nouveau visage du continent, c'est, sous de nombreux aspects
déterminants, par leur rôle que les Institutions internationales qui sont
principalement liées au territoire européen, et qui y agissent, ont
contribué à marquer le cours historique des événements sans s'engager dans des
opérations à caractère militaire. À ce sujet, je voudrais mentionner avant tout
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui travaille au
maintien de la paix et à la stabilité, y compris par la protection et la
promotion des droits humains et des libertés fondamentales, comme aussi à la
coopération économique et environnementale.
Il y a aussi le Conseil
de l'Europe, dont font partie les États qui ont signé la Convention européenne
pour la sauvegarde des droits humains fondamentaux de 1950 et la Charte sociale
de 1961. La Cour européenne des droits de l'homme lui est rattachée. Ces deux
institutions visent, à travers la coopération politique, sociale, juridique et
culturelle, comme aussi à travers la promotion des droits humains et de la
démocratie, à la réalisation de l'Europe de la liberté et de la solidarité.
Enfin, l'Union européenne, avec son Parlement, avec le Conseil des Ministres et
avec la Commission, propose un modèle d'intégration qui se perfectionne
progressivement, dans la perspective d'adopter un jour une charte fondamentale
commune. Cet organisme a pour but de réaliser une plus grande unité politique,
économique et monétaire entre les États membres, aussi bien les membres actuels
que ceux qui en feront partie à l'avenir. Dans leur diversité et à partir de
l'identité propre à chacune d'elles, les Institutions mentionnées ci-dessus ont
pour but de promouvoir l'unité du continent, et plus profondément sont au
service de l'homme.178
114. Aux Institutions
européennes elles-mêmes et aux divers États d'Europe, je demande avec les Pères
synodaux179 de reconnaître qu'un bon ordonnancement de la société
doit s'enraciner dans d'authentiques valeurs éthiques et civiques, partagées
le plus possible par les citoyens, en notant que de telles valeurs constituent
avant tout le patrimoine des divers corps sociaux. Il est important que les
Institutions et les États reconnaissent que, parmi ces corps sociaux, il y a
aussi les Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que les autres organisations
religieuses. À plus forte raison, quand elles existent déjà avant la fondation
des nations européennes, elles ne sont pas réductibles à de simples entités
privées, mais elles agissent avec un poids institutionnel spécifique, qui mérite
d'être sérieusement pris en considération. Dans le déroulement de leurs
activités, les différentes Institutions étatiques ou européennes doivent agir en
sachant que leurs systèmes juridiques ne seront pleinement respectueux de la
démocratie que s'ils prévoient des formes de « saine collaboration »
180 avec les Églises et les Organisations religieuses.
À la lumière de ce qui
vient d'être souligné, je voudrais m'adresser encore une fois aux rédacteurs du
futur traité constitutionnel de l'Europe, pour que, dans ce dernier, figure une
référence au patrimoine religieux et spécialement chrétien de l'Europe. Dans le
plein respect de la laïcité des Institutions, je souhaite par-dessus tout que
soient reconnus trois aspects complémentaires: le droit des Églises et des
communautés religieuses de s'organiser librement, en conformité avec leurs
propres statuts et leurs propres convictions ; le respect de l'identité
spécifique des Confessions religieuses et le fait de prévoir un dialogue
structuré entre l'Union européenne et ces mêmes Confessions; le respect du
statut juridique dont les Églises et les institutions religieuses jouissent déjà
en vertu des législations des États membres de l'Union.181
115. Les Institutions
européennes ont pour but déclaré la défense des droits de la personne humaine.
Par cet engagement, elles contribuent à construire l'Europe des valeurs et du
droit. Les Pères synodaux ont fait appel aux responsables européens, leur
disant: « Élevez la voix quand sont violés les droits humains des
individus, des minorités et des peuples, à commencer par le droit à la liberté
religieuse; réservez la plus grande attention à tout ce qui regarde la vie
humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle, et la famille
fondée sur le mariage: telles sont les bases sur lesquelles repose la
maison commune européenne; [...] affrontez, en toute justice et équité, et avec
un grand sens de la solidarité, le phénomène croissant des migrations,
faisant en sorte qu'elles soient une nouvelle ressource pour l'avenir européen;
faites tous vos efforts pour qu'aux jeunes soit garanti un avenir vraiment
humain, par le travail, la culture, l'éducation aux valeurs
morales et spirituelles ».182
L'Église pour la nouvelle Europe
116. L'Europe a besoin
d'une dimension religieuse. Pour être « nouvelle », à la manière de ce
qui est dit de la « cité nouvelle » de l'Apocalypse (cf. 21, 2), elle doit se
laisser rejoindre par l'action de Dieu. L'espérance de construire un monde plus
juste et plus digne de l'homme ne peut en effet faire abstraction de la prise de
conscience que les efforts humains ne conduiraient à rien s'ils n'étaient pas
accompagnés par le soutien divin, car, « si le Seigneur ne bâtit la maison, les
bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 127 [126], 1). Pour que l'Europe
puisse être édifiée sur des bases solides, il est nécessaire de s'appuyer sur
les valeurs authentiques, qui ont leur fondement dans la loi morale universelle,
inscrite dans le cœur de tout homme. « Non seulement les chrétiens peuvent
s'unir à tous les hommes de bonne volonté pour travailler à la construction de
ce grand projet, mais plus encore ils sont invités à en être en quelque sorte
l'âme, en montrant le véritable sens de l'organisation de la cité terrestre ».183
Une et universelle, tout
en étant présente dans la multiplicité des Églises particulières, l'Église
catholique peut offrir une contribution unique à l'édification d'une Europe
ouverte au monde. De l'Église en effet se dégage un modèle d'unité essentielle
dans la diversité des expressions culturelles, la conscience d'appartenir à une
communauté universelle qui s'enracine dans les communautés locales mais ne
s'épuise pas en elle, le sens de ce qui unit au-delà de ce qui distingue.184
117. Dans ses relations
avec les pouvoirs publics, l'Église ne demande pas un retour à des formes d'État
confessionnel. Mais en même temps, elle déplore tout type de laïcisme
idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les
confessions religieuses.
Pour sa part, dans la
logique d'une saine collaboration entre communauté ecclésiale et société
politique, l'Église catholique est convaincue de pouvoir apporter une
contribution spécifique à la perspective de l'unification, offrant aux
institutions européennes, en continuité avec sa tradition et en harmonie avec
les directives de sa doctrine sociale, la présence de communautés de croyants
qui cherchent à réaliser l'humanisation de la société à partir de l'Évangile
vécu sous le signe de l'espérance. Dans cette optique, il est nécessaire que
des chrétiens, convenablement formés et compétents, soient présents
dans les diverses instances et Institutions européennes, pour concourir, dans le
respect des justes dynamismes démocratiques et à travers une confrontation des
propositions, à définir une convivialité européenne toujours plus respectueuse
de tout homme et de toute femme, et donc conforme au bien commun.
118. L'Europe qui est en
train de se construire comme « union » pousse aussi les chrétiens vers
l'unité pour qu'ils soient de vrais témoins d'espérance. Dans ce cadre, il
faut poursuivre et développer cet échange de dons, qui a revêtu ces
dernières années des expressions significatives. Réalisé entre communautés ayant
des histoires et des traditions diverses, il incite à nouer des liens plus
durables entre les Églises des divers pays et il conduit à leur enrichissement
mutuel, à travers rencontres, confrontations et aides réciproques. Il faut en
particulier mettre en valeur la contribution de la tradition culturelle et
spirituelle offerte par les Églises catholiques orientales.185
Un rôle important pour
la croissance de cette unité peut être joué par les organismes continentaux
de communion ecclésiale, qui attendent d'être ultérieurement encouragés.186
Parmi ceux-ci, il convient d'attribuer un rôle particulier au Conseil des
Conférences épiscopales d'Europe dont la mission est, au niveau de tout le
continent, d'« assurer la promotion d'une communion toujours plus intense entre
les diocèses et les Conférences épiscopales nationales, l'accroissement de la
collaboration œcuménique entre les chrétiens, l'élimination des obstacles qui
menacent l'avenir de la paix et le progrès des peuples, le renforcement de la
collégialité affective et effective et de la “communio” hiérarchique ».187
De même, il faut reconnaître le service de la Commission des Épiscopats de la
Communauté européenne qui, suivant le processus de consolidation et
d'élargissement de l'Union européenne, favorise l'information mutuelle et
coordonne les initiatives pastorales des Églises d'Europe concernées.
119. Le renforcement de
l'Union au sein du continent européen incite les chrétiens à coopérer au
processus d'intégration et de réconciliation à travers un dialogue théologique,
spirituel, éthique et social.188 En effet, « dans l'Europe en marche
vers l'unité politique, pouvons-nous admettre que ce soit précisément l'Église
du Christ qui soit un facteur de désunion et de discorde? Ne serait-ce pas là un
des plus grands scandales de notre temps? ».189
À partir de l'Évangile, un nouvel élan pour l'Europe
120. L'Europe a besoin
d'un saut qualitatif dans la prise de conscience de son héritage spirituel.
Un tel élan ne peut lui venir que d'une écoute renouvelée de l'Évangile du
Christ. Il appartient à tous les chrétiens de s'employer à satisfaire cette faim
et cette soif de vie.
C'est pourquoi «
l'Église éprouve le devoir de renouveler avec vigueur le message d'espérance qui
lui a été confié par Dieu » et elle répète à l'Europe: « “Le Seigneur ton
Dieu est en toi, c'est lui, le héros qui apporte le salut” (So 3,
17). Son invitation à l'espérance ne se fonde pas sur une idéologie utopiste.
[...] C'est, au contraire, le message éternel du salut proclamé par le Christ
(cf. Mc 1, 15). Avec l'autorité qui lui vient de son Seigneur, l'Église
répète à l'Europe d'aujourd'hui:
Europe du troisième
millénaire, “que tes mains ne défaillent pas! ” (So 3, 16); ne
cède pas au découragement, ne te résigne pas à des modes de penser et de vivre
qui n'ont pas d'avenir, car ils ne sont pas fondés sur la ferme certitude de la
Parole de Dieu! ».190
Reprenant cette
invitation à l'espérance, je te le répète encore aujourd'hui, Europe qui
es au début du troisième millénaire: « Retrouve-toi toi- même. Sois toi-même.
Découvre tes origines. Avive tes racines ».191 Au cours des
siècles, tu as reçu le trésor de la foi chrétienne. Il fonde ta vie sociale sur
les principes tirés de l'Évangile et on en voit les traces dans l'art, la
littérature, la pensée et la culture de tes nations. Mais cet héritage
n'appartient pas seulement au passé; c'est un projet pour l'avenir, à
transmettre aux générations futures, car il est la matrice de la vie des
personnes et des peuples qui ont forgé ensemble le continent européen.
121. Ne crains pas!
L'Évangile n'est pas contre toi, il est en ta faveur. Cela est confirmé par
la constatation que l'inspiration chrétienne peut transformer l'ensemble des
composantes politiques, culturelles et économiques en une convivialité où tous
les Européens se sentent chez eux et forment une famille de nations dont
d'autres régions du monde peuvent s'inspirer de manière fructueuse.
Aie confiance! Dans
l'Évangile, qui est Jésus, tu trouveras l'espérance forte et durable à laquelle
tu aspires. C'est une espérance fondée sur la victoire du Christ sur le
péché et sur la mort. Cette victoire, il a voulu qu'elle soit tienne, pour ton
salut et pour ta joie.
Sois-en sûre!
L'Évangile de l'espérance ne déçoit pas. Dans les vicissitudes de ton
histoire d'hier et d'aujourd'hui, c'est une lumière qui éclaire et oriente ton
chemin; c'est une force qui te soutient dans l'épreuve; c'est une prophétie d'un
monde nouveau; c'est le signe d'un nouveau départ; c'est une invitation à tous,
croyants ou non, à tracer des chemins toujours nouveaux qui ouvrent sur l'«
Europe de l'Esprit », pour en faire une véritable « maison commune » où l'on
trouve la joie de vivre.
CONCLUSION
Consécration à Marie
« Un signe grandiose apparut dans le ciel :
une Femme, ayant le soleil pour manteau »
(Ap 12, 1)
La femme, le dragon et l'enfant
122. L'histoire de
l'Église s'accompagne de « signes » qui sont sous les yeux de tous, mais qui
demandent à être interprétés. Parmi eux, l'Apocalypse présente le « signe
grandiose » apparu dans le ciel, qui parle d'une lutte entre la femme et le
dragon.
La femme ayant le
soleil pour manteau, qui est en train d'accoucher dans la souffrance (cf.
Ap 12, 1-2), peut désigner l'Israël des prophètes qui enfante le Messie,
« celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de
fer » (Ap 12, 5; cf. Ps 2, 9). Mais elle représente aussi
l'Église, peuple de la nouvelle Alliance, en proie à la persécution, mais
protégée par Dieu. Le dragon est « le serpent des origines, celui qu'on
nomme Démon ou Satan, celui qui égarait le monde entier » (Ap 12, 9). Le
combat est inégal: le dragon semble avoir l'avantage, tant est grande son
outrecuidance face à la femme sans défense et souffrante. En réalité, le
vainqueur, c'est le fils que la femme vient de mettre au monde. Dans ce
combat, une chose est certaine: le grand dragon a déjà été vaincu, « il fut jeté
sur la terre, et ses anges avec lui » (Ap 12, 9). Ceux qui l'ont vaincu,
ce sont le Christ, Dieu fait homme, par sa mort et sa résurrection, et les
martyrs, « par le sang de l'Agneau et le témoignage de leur parole » (Ap
12, 11). Et même si le dragon persiste dans son opposition, il n'y a rien à
craindre, car sa défaite est déjà consommée.
123. Telle est la
certitude qui anime l'Église au long de son chemin, tandis qu'elle relit son
histoire de toujours à partir de la femme et du dragon. La femme qui met au
monde un enfant mâle nous rappelle aussi la Vierge Marie, surtout au
moment où, transpercée par la souffrance au pied de la Croix, elle engendre de
nouveau le Fils, comme vainqueur du prince de ce monde. Elle est confiée à Jean
qui, à son tour, lui est confié (cf. Jn 19, 26-27), et elle devient ainsi
la Mère de l'Église. Grâce au lien qui unit Marie à l'Église, et l'Église à
Marie, le mystère de la femme prend une clarté nouvelle: « En effet, Marie,
présente dans l'Église comme Mère du Rédempteur, participe maternellement au
“dur combat contre les puissances des ténèbres” qui se déroule à travers toute
l'histoire des hommes. Et par cette identification ecclésiale avec la “femme
enveloppée de soleil” (Ap 12, 1), on peut dire que “l'Église, en la
personne de la bienheureuse Vierge, atteint déjà la perfection qui la fait sans
tache ni ride” ».192
124. L'Église entière
regarde donc Marie. Grâce aux multiples sanctuaires mariaux
disséminés dans toutes les nations du continent, la dévotion à Marie est très
vivante et fort répandue parmi les peuples européens.
Église en Europe,
continue à contempler Marie, et reconnais qu'elle apporte « sa présence et
son assistance maternelles dans les problèmes multiples et complexes qui
accompagnent aujourd'hui la vie des personnes, des familles et des
nations » et qu'elle vient au secours « du peuple chrétien dans la lutte
incessante entre le bien et le mal, afin qu'il “ne tombe pas” ou, s'il est
tombé, qu'il “se relève” ».193
Prière à Marie, Mère de l'espérance
125. Dans cette
contemplation, animée par un amour authentique, Marie nous apparaît comme la
figure de l'Église qui, nourrie par l'espérance, reconnaît l'action salvifique
et miséricordieuse de Dieu, à la lumière duquel elle lit son propre chemin et
toute l'histoire. Elle nous aide à interpréter, aujourd'hui encore, nos
itinéraires en référence à son Fils Jésus. Créature nouvelle modelée par
l'Esprit Saint, Marie fait croître en nous la vertu de l'espérance.
À Elle, Mère de
l'espérance et de la consolation, nous adressons avec confiance notre prière:
nous lui confions l'avenir de l'Église en Europe et l'avenir de toutes les
femmes et tous les hommes de ce continent :
Marie, Mère de l'espérance,
marche avec nous!
Apprends-nous à proclamer le Dieu vivant;
Aide-nous à témoigner de Jésus,
l'unique Sauveur;
rends-nous serviables envers notre prochain,
accueillants envers ceux
qui sont dans le besoin, artisans de justice,
bâtisseurs passionnés d'un monde plus juste;
intercède pour nous
qui œuvrons dans l'histoire,
avec la certitude
que le dessein du Père s'accomplira.
Aurore d'un monde nouveau,
montre-toi la Mère de l'espérance
et veille sur nous!
Veille sur l'Église en Europe:
qu'elle soit transparente à l'Évangile;
qu'elle soit un authentique lieu
de communion;
qu'elle vive sa mission
d'annoncer, de célébrer et de servir
l'Évangile de l'espérance
pour la paix et la joie de tous.
Reine de la paix,
protège l'humanité du troisième millénaire!
Veille sur tous les chrétiens:
qu'ils avancent dans la confiance
sur le chemin de l'unité,
comme un ferment pour la concorde
sur le continent.
Veille sur les jeunes,
espérance de l'avenir,
qu'ils répondent généreusement
à l'appel de Jésus;
veille sur les responsables des nations:
qu'ils s'emploient à édifier
une maison commune,
dans laquelle soient respectés la dignité
et les droits de chacun.
Marie, donne-nous Jésus!
Fais que nous le suivions
et que nous l'aimions!
C'est lui l'espérance de l'Église,
de l'Europe et de l'humanité.
C'est lui qui vit avec nous, au milieu de nous,
dans son Église.
Avec toi, nous disons
« Viens, Seigneur Jésus! » (Ap 22, 20):
Que l'espérance de la gloire
déposée par Lui en nos cœurs
porte des fruits de justice et de paix!
Donné à Rome, près de
Saint-Pierre, le 28 juin 2003, vigile de la solennité des saints Apôtres Pierre
et Paul, en la vingt-cinquième année de mon pontificat.
JEAN-PAUL II
1Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 1: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), pp. 957-958.
2Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, nn. 90-91: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., pp. 17-18;
La Documentation catholique 96 (1999), pp. 802-803.
3Jean-Paul
II, Bulle Incarnationis mysterium (29 novembre 1998), nn. 3-4: AAS
91 (1999), pp. 132. 133; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 1052.
1053.
4Cf.
Jean-Paul II, Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre
1994), n. 38: AAS 87 (1995), p. 30; La Documentation catholique 91
(1994), pp. 1027-1028.
5Cf.
Angélus, n. 2: Insegnamenti XIX/1 (1996), pp. 1599- 1600; La
Documentation catholique 93 (1996), p. 673.
6Synode
des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale
(13 décembre 1991), n. 2: Enchiridion Vaticanum 13, n. 619; La
Documentation catholique 89 (1992), p. 124.
7Ibid.
n. 3: Ench. Vat., l.c., n. 621; La Documentation catholique,
l.c., p. 125.
8Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 3: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 3; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 751.
9Cf.
Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième
Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n.
1: AAS 92 (2000), p. 177; La Documentation catholique 96 (1999),
pp. 959-960.
10Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 2: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), pp. 955-956.
11Cf.
Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième
Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n.
4: AAS 92 (2000), p. 179; L'Oss. Rom., éd. hebd. en langue
française, 26 octobre 1999, p. 5.
12Ibid.
13Cf.
Proposition 1.
14Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 2: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl. pp. 2-3; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 763.
15Cf.
ibid., nn. 12-13. 16-19: L'Oss. Rom., l.c., pp. 4-6; La
Documentation catholique, l.c., pp. 768-769; Idem, Rapport avant
la discussion, I: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, pp. 6-7; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 935-938; Idem, Rapport après la
discussion, II, A: L'Oss. Rom., 11-12 octobre 1999, p. 10.
16Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, I, 1. 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 6; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 935. 936.
17Cf.
Proposition 5a.
18Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 1: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), p. 955.
19Cf.
Proposition 5a; Conseil pontifical pour la Culture et Conseil pontifical
pour le Dialogue interreligieux, Jésus le porteur d'eau vive. Une réflexion
chrétienne sur le « New Age », Cité du Vatican, 2003; La Documentation
catholique 100 (2003), pp. 272-310.
20Cf.
Proposition 5a.
21Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 6: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), p. 958.
22Jean-Paul
II, Angélus (25 août 1996), n. 2: Insegnamenti XIX/2 (1996), p.
237; cf. Proposition 9.
23Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 88: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 801.
24Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 4: AAS
92 (2000), p. 179; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960.
25Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30
décembre 1988), n. 26: AAS 81 (1989), p. 439; La Documentation
catholique 86 (1989), pp. 166-167.
26Cf.
Proposition 21.
27Ibid.
28Proposition
9.
29Ibid.
30Cf.
Proposition 4, 1.
31Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 2: AAS
92 (2000), p. 178; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960.
32Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 2: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), pp. 955-956.
33Cf.
Proposition 4, 2.
34Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 47: AAS
83 (1991), p. 852; La Documentation catholique 88 (1991), p. 542.
35Cf.
Proposition 4, 1.
36Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 30: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 8; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 777.
37Cf.
Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée spéciale
pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 3: AAS 92
(2000), p. 178; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960;
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6
août 2000), n. 13: AAS 92 (2000), p. 754; La Documentation catholique
97 (2000), p. 817.
38Cf.
Proposition 5.
39Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Dominum et vivificantem (18 mai 1986), n. 7: AAS
78 (1986), p. 816; La Documentation catholique 83 (1986), p. 585;
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6
août 2000), n. 16: AAS 92 (2000), pp. 756-757; La Documentation
catholique 97 (2000), p. 818.
40Paul
VI, Encycl. Mysterium fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), pp.
762-763; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1643. Cf. S.
Congrégation des Rites, Instr. Eucharisticum mysterium (25 mai 1967), n.
9: AAS 59 (1967), p. 547; La Documentation catholique 64 (1967),
col. 1098-1099; Catéchisme de l'Église catholique, n. 1374.
41Concile
œcum. de Trente, Décr. De ss. Eucharistia, can. 1: DS 1651; La
Foi catholique, n. 745; cf. chap. 3: DS 1641; La Foi catholique,
n. 738.
42Jean-Paul
II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 15: L'Oss.
Rom., 18 avril 2003, p. 2; La Documentation catholique 100 (2003), p.
373.
43Cf.
S. Augustin, Sur l'Évangile de Jean, Traité VI, chap. I, n. 7: PL
35, 1428; S. Jean Chrysostome, Sur la trahison de Judas, 1, 6: PG
49, 380C.
44Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium,
n. 7; Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 50; Paul VI, Encycl.
Mysterium fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), pp. 762-763; La
Documentation catholique
62 (1965), col.
1641-1643; S. Congrégation des Rites, Instr. Eucharisticum mysterium (25
mai 1967), n. 9: AAS 59 (1967), p. 547; La Documentation catholique
64 (1967), col. 1098-1099; Catéchisme de l'Église catholique, nn.
1373-1374.
45Jean-Paul
II, Motu proprio Spes ædificandi (1er octobre 1999), n. 1:
AAS 92 (2000), p. 220; La Documentation catholique 96 (1999), p. 917.
46Cf
Jean-Paul II, Discours au siège du Parlement polonais, à Varsovie (11
juin 1999), n. 6: Insegnamenti, XXII/1, p. 1276; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 673.
47Cf.
Jean-Paul II, Discours à la cérémonie de congé à l'aéroport de Cracovie
(10 juin 1997), n. 4: Insegnamenti, XX/1, pp. 1496-1497; L'Oss. Rom.
éd. hebd. en langue française, 15 juillet 1997, p. 6.
48Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 4: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), p. 957.
49Cf.
Proposition 15, 1; Catéchisme de l'Église catholique, n. 773;
Jean-Paul II, Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. 27:
AAS 80 (1988), p. 1718; La Documentation catholique 85 (1988), pp.
1084-1085.
50Cf.
Proposition 15, 1.
51Cf.
Proposition 21.
52Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 4: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), p. 957.
53Proposition
9.
54Ibid.
55Ibid.
56Cf.
Proposition 22.
57Jean-Paul
II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n.
15: AAS 84 (1992), pp. 679- 680; La Documentation catholique 89
(1992), p. 459.
58Cf.
ibid., n. 29: AAS, l.c., pp. 703-705; La Documentation
catholique, l.c., pp. 467-468; Proposition 18.
59Cf.
Code des Canons des Églises orientales, can. 373.
60Cf.
Code de Droit canonique, can. 277, 1.
61Cf.
Paul VI, Encycl. Sacerdotalis cælibatus (24 juin 1967), n. 40: AAS
59 (1967), p. 673; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1262.
62Cf.
Proposition 18.
63Cf.
ibid.
64Cf
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 4: L'Oss. Rom., 23
octobre 1999,
p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p. 957.
65Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 29.
66Cf.
Proposition 19.
67Cf.
ibid.
68Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 947.
69Cf.
Proposition 17.
70Cf.
ibid.
71Jean-
Paul II, Discours aux participants au Congrès sur les vocations en Europe
(9 mai 1997), nn. 1-3: Insegnamenti XX/1, pp. 917-918; La
Documentation catholique 94 (1997), pp. 605-606.
72Jean-Paul
II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988),
n. 7: AAS 81 (1989), p. 404; La Documentation catholique 86
(1989), p. 156.
73Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 82: L'Oss. Rom., 6 août 1999, p. 16; La Documentation catholique
96 (1999), p. 799.
74Cf.
Proposition 29.
75Cf.
Proposition 30.
76Cf.
ibid.
77Paul
VI, Exhort. apost.
Evangelii nuntiandi (8
décembre 1975), n. 14: AAS 68 (1976), p. 13; La Documentation
catholique 73 (1976), p. 3.
78Cf.
Proposition 3b.
79Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 37: AAS
83 (1991), pp. 282-286; La Documentation catholique 88 (1991), pp.
166-167.
80Cf.
Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant
la discussion, I, 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 7; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 936-938.
81Cf.
Proposition 3a.
82Synode
des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III, 1: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 8; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 944.
83Cf.
Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 53: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 12; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 788.
84Cf.
Proposition 4,1.
85Cf.
Proposition 26,1.
86Synode
des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III,1: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 944.
87Paul
VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 41: AAS
68 (1976), p. 31; La Documentation catholique 73 (1976), p. 8.
88Proposition
8, 1.
89Cf.
Proposition 8, 2.
90Cf.
Propositions 8, 1a-b; 6.
91Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendæ (16 octobre 1979), n. 21:
AAS 71 (1979), pp. 1294-1295; La Documentation catholique 76
(1979), p. 906.
92Cf.
Proposition 24.
93Cf.
Proposition 8, 1c.
94Cf.
Proposition 24.
95Cf.
Proposition 22.
96Cf.
Jean-Paul II, Discours aux Présidents des Conférences épiscopales européennes
(16 avril 1993), n. 1: AAS 86 (1994), p. 227 ; La Documentation
catholique 90 (1993), p. 501.
97Jean-Paul
II, Discours pendant la célébration œcuménique de la Parole à la cathédrale
de Paderborn (22 juin 1996), n. 5: Insegnamenti XIX/I, p. 1571; La
Documentation catholique 93 (1996), p. 662.
98Paul
VI, Lettre du 13 janvier 1970: Tomos agapis, Rome-Istanbul (1971), pp.
610-611; cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. 99:
AAS 87 (1995), p. 980; La Documentation catholique 92 (1995), p. 158.
99Jean-Paul
II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 55: AAS 83
(1991), p. 302; La Documentation catholique 88 (1991), p 173.
100Ibid.,
n. 36: AAS, l.c., p. 281; La Documentation catholique,
l.c., p. 166.
101Cf.
Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration
finale (13 décembre 1991), n. 8: Ench. Vat., 13, nn. 653-655; La
Documentation catholique 89 (1992), p. 129; Deuxième Assemblée spéciale pour
l'Europe, Instrumentum laboris, n. 62: L'Oss. Rom., 6 août 1999 -
Suppl., p. 13; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 791-792;
Proposition 10.
102Proposition
10; cf. Commission pour les Rapports religieux avec le Judaïsme, Nous nous
souvenons: une réflexion sur la Shoah (16 mars 1998): Ench. Vat. 17,
nn. 520-550; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 336-340.
103Synode
des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale
(13 décembre 1991), n. 9: Ench. Vat., 13, n. 656; La Documentation
catholique 89 (1992), p. 129.
104Cf.
Proposition 11.
105Cf.
ibid.
106Jean-Paul
II, Discours au Corps diplomatique (12 janvier 1985), n. 3: AAS 77
(1985), p. 650; La Documentation catholique 83 (1985), p. 219.
107Conc.
œcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ,
n. 2.
108Cf.
Proposition 23.
109Cf.
Propositions 25; 26, 2.
110Cf.
Proposition 26, 3.
111Cf.
Proposition 27.
112Jean-Paul
II, Lettre aux artistes (4 avril 1999), n. 12: AAS 91(1999), p.
1168; La Documentation catholique 96 (1999), p. 12.
113Cf.
Proposition 7b-c.
114Cf.
Jean-Paul II, Discours durant la veillée de prière à Tor Vergata lors des XV
es Journées mondiales de la Jeunesse (19 août 2000), n. 6:
Insegnamenti XXIII/2, p. 212 ; La Documentation catholique 97 (2000),
pp. 776-778.
115Cf.
Conseil pontifical pour les Communications sociales, Éthique dans les
communications sociales, Cité du Vatican, 4 juin 2000: La Documentation
catholique 97 (2000), pp. 623-633.
116Proposition
13.
117Cf.
Proposition 12.
118Conc.
œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 25.
119Cf.
Proposition 14.
120Const.
Sacrosanctum Concilium, n. 8.
121Cf.
Proposition 14; Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour
l'Europe, Rapport avant la discussion, III, 2: L'Oss. Rom., 3
octobre 1999, p. 9; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 945-946.
122Cf.
Proposition 15, 2a.
123Conc.
œcum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum
Ordinis, n. 5.
124Conc.
œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.
125Jean-Paul
II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 20: L'Oss.
Rom., 18 avril 2003, p. 3; La Documentation catholique 100 (2003), p.
374.
126Cf.
Jean-Paul II, Discours à l'audience générale (25 octobre 2002), n. 2:
Insegnamenti XXIII/2 (2000), p. 697.
127Cf.
Proposition 16.
128Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant
la discussion, III, 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 945-946.
129Cf.
Proposition 16.
130Cf.
Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), n. 4: AAS
94 (2002), pp. 456-457; La Documentation catholique 99 (2002), pp.
453-454.
131Cf.
Proposition 16; Jean-Paul II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint 2002
(17 mars 2002), n. 4: AAS 94 (2002), pp. 435-436; La Documentation
catholique 99 (2002), p. 304.
132Cf.
Proposition 14c.
133Cf.
ibid.
134Cf.
Const. Sacrosanctum
Concilium, n. 100.
135Cf.
Proposition 14c; 20.
136Cf.
Proposition 20.
137Jean-Paul
II, Lettre apost. Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), n. 3: AAS
95 (2003), p. 7; La Documentation catholique 99 (2002), p. 952-953.
138Cf.
Proposition 14.
139Jean-Paul
II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 4: AAS 90 (1998),
p. 716; La Documentation catholique 95 (1998), p. 659.
140Jean-Paul
II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 10: AAS 71 (1979),
p. 274; La Documentation catholique 76 (1979), p. 306.
141Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 72, L'Oss. Rom., 6 août 1999, Suppl., p. 15; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 795.
142Conc.
œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1.
143Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 90: AAS
87 (1995), p. 503; La Documentation catholique 92 (1995), p. 396.
144Cf.
Proposition 33.
145Proposition
35.
146Cf.
Proposition 36.
147Cf.
Proposition 31.
148Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps
Gaudium et spes, n. 48.
149Cf.
Proposition 31.
150Jean-Paul
II, Discours pour la troisième Rencontre mondiale des Familles à l'occasion
de leur jubilé (14 octobre 2000), n. 6: Insegnamenti XXIII/2, p. 603;
La Documentation catholique 97 (2000), p. 973.
151Jean-Paul
II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 17: AAS
74 (1982), pp. 99-100; La Documentation catholique 79 (1982), p. 6.
152Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 39: AAS
83 (1991), p. 842; La Documentation catholique 88 (1991), p. 538.
153Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30
décembre 1988), n. 40: AAS 81 (1989), p. 469; La Documentation
catholique 86 (1989), p. 176.
154Cf.
Jean-Paul II, Discours à la première Rencontre mondiale des Familles (8
octobre 1994), n. 7: AAS 87 (1995), p. 587; La Documentation
catholique 91 (1994), p. 969.
155Cf.
Proposition 32.
156Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 51.
157Jean-Paul
II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 63: AAS 87 (1995),
p. 473; La Documentation catholique 92 (1995), p. 383.
158Ibid.,
n. 95: AAS, l.c., p. 509; La Documentation catholique,
l.c., p. 398.
159Jean-Paul
II, Discours au nouvel Ambassadeur de Norvège près le Saint-Siège (25
mars 1995): Insegnamenti XVIII/1, p. 857.
160Proposition
32.
161Const.
past. Gaudium et spes, n. 57.
162Cf.
Proposition 28; Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour
l'Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 10: Ench. Vat.
13, nn. 659-669; La Documentation catholique, 89 (1992), p. 130.
163Cf.
Proposition 23.
164Cf.
Proposition 28.
165Proposition
34.
166Cf.
Congrégation pour les Évêques, Instr. Nemo est (22 août 1969), n. 16:
AAS 61 (1969), pp. 621-622; La Documentation catholique 67 (1970), p.
62; CIC, can. 294 et 518; CCEO, can. 280 § 1.
167Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 5: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 6; La Documentation catholique
96 (1999), pp. 957-958.
168Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des
Évêques
(23 octobre 1999), n.
5: AAS 92 (2000), p. 179; La Documentation catholique 96 (1999),
p. 960.
169Proposition
39.
170Ibid.
171Cf.
ibid.; cf. aussi Proposition 28.
172Jean-Paul
II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des Conférences
épiscopales européennes (16 octobre 2000), n. 7: Insegnamenti
XXIII/2, p. 628; La Documentation catholique 97 (2000), p. 960.
173Ibid.
174Jean-Paul
II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 17: AAS
92 (2000), pp. 367-368; La Documentation catholique 97 (2000), pp. 5-6.
175Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 35: AAS
83 (1991), p. 837; La Documentation catholique 88 (1991), p. 535.
176Cf.
Proposition 39.
177Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 85: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 800; cf. Proposition 39.
178Cf.
Jean-Paul II, Allocution à la Présidence du Parlement européen (5 avril
1979): Insegnamenti, II/I, pp. 796-799; La Documentation catholique
76 (1979), pp. 432-433.
179Cf.
Proposition 37.
180Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 76.
181Cf.
Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13 janvier 2003), n. 5:
L'Oss. Rom., 13-14 janvier 2003, p. 6: La Documentation catholique
100 (2003), p. 120.
182Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 6: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique
96 (1999), p. 958.
183Jean-Paul
II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des Conférences
épiscopales européennes (16 octobre 2000), n. 4: Insegnamenti
XXIII/2, p. 626; La Documentation catholique 97 (2000), p. 960.
184Cf.
Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration
finale (13 décembre 1991), n. 10: Ench. Vat. 13, n. 669; La
Documentation catholique 89 (1992), pp. 130-131.
185Cf.
Proposition 22.
186Cf.
ibid.
187Jean-Paul
II, Discours au Conseil des Conférences épiscopales d'Europe (16 avril
1993), n. 5: AAS 86 (1994), p. 229; La Documentation catholique 90
(1993), p. 502.
188Cf.
Proposition 39d.
189Jean-Paul
II, Homélie durant la célébration œcuménique à l'occasion de l'Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (7 décembre 1991), n. 6:
Insegnamenti XIV/2, p. 1330. L'Oss. Rom., éd. hebdom. en langue
française, 17 décembre 1991, p. 14.
190Jean-Paul
II, Homélie pour l'ouverture de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe
du Synode des Évêques (1er octobre 1999), n. 3: AAS 92
(2000), pp. 174-175; La Documentation catholique 96 (1999), p. 932.
191Discours
à différentes Autorités européennes (9 novembre 1982), n. 4: AAS 75
(1983), p. 330; La Documentation catholique 79 (1982), p. 1129.
192Jean-Paul
II, Encycl. Redemptoris Mater (25 mars 1987), n. 47: AAS 79
(1987), p. 426; La Documentation catholique 84 (1987), p. 404.
193Ibid.,
n. 52: AAS, l.c., p. 432; La Documentation catholique,
l.c., p. 406; cf. Proposition 40.


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