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EXHORTATION
APOSTOLIQUE
DE SA SAINTETÉ LE PAPE
JEAN-PAUL II
A l'épiscopat
et aux fidèles de toute l'Église Catholique,
INTRODUCTION
1 A notre
époque, la famille, comme les autres institutions et peut-être plus qu'elles, a
été atteinte par les transformations, larges, profondes et rapides, de la
société et de la culture. De nombreuses familles vivent cette situation dans la
fidélité aux valeurs qui constituent le fondement de l'institution familiale.
D'autres sont tombées
dans l'incertitude et l'égarement devant leurs tâches, voire dans le doute et
presque l'ignorance en ce qui concerne le sens profond et la valeur de la vie
conjugale et familiale. D'autres enfin voient la réalisation de leurs droits
fondamentaux entravée par diverses situations d'injustice.
Sachant que le mariage
et la famille constituent l'un des biens les plus précieux de l'humanité,
l'Église veut faire entendre sa voix, et offrir son aide à ceux qui connaissant
déjà la valeur du mariage et de la famille, cherchent à la vivre fidèlement, à
ceux qui, plongés dans l'incertitude et l'anxiété, sont à la recherche de la
vérité, et à ceux qui sont injustement empêchés de vivre librement leur projet
familial. Apportant son soutien aux premiers, sa lumière aux deuxièmes et son
secours aux autres, l'Église se met au service de tout homme soucieux du sort du
mariage et de la famille
.
Elle s'adresse en
particulier aux jeunes qui s'apprêtent à s'engager sur le chemin du mariage et
de la famille, afin de leur ouvrir de nouveaux horizons en les aidant à
découvrir la beauté et la grandeur de la vocation à l'amour et au service de la
vie.
2. Le
dernier Synode des Évêques, tenu à Rome du 26 septembre au 25 octobre 1980, est
un signe de ce profond intérêt de l'Église pour la famille. Il a été la
continuation naturelle des deux précédents
.
La famille chrétienne, en effet, est la première communauté appelée à annoncer
l'Évangile à la personne humaine en développement et à conduire cette dernière,
par une éducation et une catéchèse progressives, à sa pleine maturité humaine et
chrétienne.
On peut même dire que le
récent Synode se relie d'une certaine façon par son thème, au Synode sur le
Sacerdoce ministériel et sur la justice dans le monde contemporain. En effet en
tant que communauté éducative, la famille doit aider l'homme à discerner sa
vocation et à assumer l'engagement indispensable pour une plus grande justice,
en le formant dès le début de son existence à des relations interpersonnelles
riches de justice et d'amour.
Les Pères du Synode, en
conclusion de leur Assemblée, m'ont présenté une longue série de propositions
dans lesquelles ils avaient recueilli le fruit des réflexions mûries au cours de
leurs journées de travail intense, et ils m'ont demandé à l'unanimité de me
faire devant l'humanité l'interprète de la vive sollicitude de l'Église pour la
famille et d'indiquer les orientations opportunes pour un engagement pastoral
renouvelé dans ce secteur fondamental de la vie humaine et ecclésiale.
Je m'acquitte de cette
tâche en publiant la présente exhortation comme une façon particulière
d'accomplir le ministère apostolique qui m'a été confié, et je désire exprimer à
tous ceux qui ont participé au Synode ma gratitude pour la précieuse
contribution de doctrine et d'expérience qu'ils m'ont apportée, surtout au moyen
des « Propositions » ; j'en ai confié le texte au Conseil pontifical pour la
Famille, en lui demandant d'en approfondir l'étude, afin de valoriser chacun des
aspects des richesses qu'il contient.
3. L'Église,
éclairée par la foi, qui lui fait connaître toute la vérité sur le bien précieux
que sont le mariage et la famille et sur leur signification la plus profonde,
ressent encore une fois l'urgence d'annoncer l'Évangile, c'est-à-dire la « bonne
nouvelle », à tous sans distinction, mais en particulier à ceux qui sont appelés
au mariage et qui s'y préparent, à tous les époux et à tous les parents du
monde.
Elle est profondément
convaincue que c'est seulement en accueillant l'Évangile que l'on peut assurer
la pleine réalisation de toute espérance que l'homme place légitimement dans le
mariage et dans la famille.
Voulus par Dieu en même
temps que la création
,
le mariage et la famille sont en eux-mêmes destinés à s'accomplir dans le Christ
et ils ont besoin de sa grâce pour être guéris de la blessure du péché
et ramenés à leur « origine »
c'est-à-dire à la pleine connaissance et à la réalisation intégrale du dessein
de Dieu.
En un moment historique
où la famille subît de nombreuses pressions qui cherchent à la détruire ou tout
au moins à la déformer, l'Église, sachant que le bien de la société et son bien
propre sont profondément liés à celui de la famille
,
a une conscience plus vive et plus pressante de sa mission de proclamer à tous
le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille, en assurant leur pleine
vitalité et leur promotion humaine et chrétienne et en contribuant ainsi au
renouveau de la société et du peuple de Dieu.
4. Le
dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille concerne l'homme et la femme
dans la réalité concrète de leur existence quotidienne dans telle ou telle
situation sociale et culturelle. C'est pourquoi l'Église, pour accomplir son
service, doit s'appliquer à connaître les situations au milieu desquelles le
mariage et la famille se réalisent aujourd'hui
.
Cette connaissance est
donc, pour l'oeuvre d'évangélisation, une exigence que l'on ne saurait négliger.
C'est en effet aux familles de notre temps que l'Église doit apporter l'Évangile
immuable et toujours nouveau de Jésus-Christ, de même que ce sont les familles
plongées dans les conditions actuelles du monde qui sont appelées à accueillir
et à vivre le projet de Dieu les concernant. De plus, les exigences, les appels
de l'Esprit se font entendre aussi à travers les événements de l'histoire, et
c'est pourquoi l'Église peut être amenée à une compréhension plus profonde de
l'inépuisable mystère du mariage et de la famille, même à partir des situations,
des questions, des angoisses et des espoirs des jeunes, des époux et des parents
d'aujourd'hui
.
A cela il faut ajouter
une réflexion d'une importance particulière pour le temps présent. Il n'est pas
rare qu'aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui qui cherchent sincèrement et
sérieusement une réponse aux problèmes quotidiens et graves de leur vie
matrimoniale et familiale, soient offertes des visions et des propositions
peut-être séduisantes, mais qui compromettent plus ou moins la vérité et la
dignité de la personne humaine. Cette offre est souvent soutenue par
l'organisation puissante et partout diffuse des moyens de communication sociale
qui mettent subtilement en péril la liberté et la capacité de juger en toute
objectivité.
Beaucoup sont déjà
conscients de ce danger qui menace la personne humaine, et ils s'emploient à
faire triompher la vérité. L'Église, avec son discernement évangélique, s'unit à
eux, apportant son propre concours au service de la vérité, de la liberté et de
la dignité de tout homme et de toute femme.
5. Par le
discernement qu'elle opère, l'Église propose une orientation permettant de
sauver et de réaliser toute la vérité et la pleine dignité du mariage et de la
famille.
Ce discernement est
accompli grâce au sens de la foi
,
don que l'Esprit accorde à tous les fidèles
.
« C'est donc une oeuvre de toute l'Église, selon la diversité des dons et des
charismes qui, en fonction des responsabilités propres à chacun, agissent
ensemble en vue d'une plus profonde intelligence et mise en oeuvre de la Parole
de Dieu. Ainsi l'Église opère son discernement évangélique non seulement par les
Pasteurs, qui enseignent au nom du Christ et avec son pouvoir, mais aussi par
les laïcs, dont le Christ fait “des témoins en les pourvoyant du sens de la foi
et de la grâce de la parole”
,
afin que brille dans la vie quotidienne, familiale et sociale, la force de
l'Évangile »
.
Bien plus, en raison de leur vocation particulière, les laïcs ont pour tâche
spécifique d'interpréter à la lumière du Christ l'histoire de ce monde, car ils
sont appelés à éclairer et à ordonner les réalités temporelles selon le dessein
de Dieu Créateur et Rédempteur.
Le « sens surnaturel de
la foi »
ne consiste pas seulement ou nécessairement dans le consensus des fidèles.
L'Église, qui suit le Christ, cherche la vérité, qui ne coïncide pas toujours
avec l'opinion de la majorité. Elle écoute la conscience et non le pouvoir, et
par cela même elle défend les pauvres et les méprisés. L'Église peut apprécier
aussi la recherche sociologique et statistique lorsqu'elle s'avère utile pour
saisir le contexte historique dans lequel l'action pastorale doit s'exercer et
pour mieux connaître la vérité; mais il ne faut pas penser que cette recherche
est purement et simplement l'expression du sens de la foi.
Le rôle du ministère
apostolique est d'assurer la permanence de l'Église dans la vérité du Christ et
de l'y insérer toujours plus profondément. Aussi les Pasteurs doivent-ils
promouvoir le sens de la foi chez tous les fidèles, examiner et juger d'une
manière autorisée l'authenticité de ses expressions, et former les fidèles à un
discernement évangélique toujours plus réfléchi
.
Pour l'élaboration d'un
authentique discernement évangélique dans les diverses situations et cultures
dans lesquelles l'homme et la femme vivent leur mariage et leur existence
familiale, les époux et les parents chrétiens peuvent et doivent apporter leur
contribution propre qui est irremplaçable. Ils sont pour cela habilités par leur
charisme ou don propre, celui du sacrement de mariage
.
6. La
situation dans laquelle se trouve la famille présente des aspects positifs et
négatifs : les uns sont le signe du salut du Christ à l'oeuvre dans le monde;
les autres, du refus que l'homme oppose à l'amour de Dieu.
Car, d'une part, on
constate une conscience plus vive de la liberté personnelle et une attention
plus grande à la qualité des relations interpersonnelles dans le mariage, à la
promotion de la dignité de la femme, à la procréation responsable, à l'éducation
des enfants ; il s'y ajoute la conscience de la nécessité de développer des
liens entre familles en vue d'une aide spirituelle et matérielle réciproque, la
redécouverte de la mission ecclésiale propre à la famille et de sa
responsabilité dans la construction d'une société plus juste. Mais, par
ailleurs, il ne manque pas d'indices d'une dégradation préoccupante de certaines
valeurs fondamentales : une conception théorique et pratique erronée de
l'indépendance des conjoints entre eux ; de graves ambiguïtés à propos du
rapport d'autorité entre parents et enfants ; des difficultés concrètes à
transmettre les valeurs, comme bien des familles l'expérimentent ; le nombre
croissant des divorces ; la plaie de l'avortement ; le recours sans cesse plus
fréquent à la stérilisation ; l'installation d'une mentalité vraiment et
proprement contraceptive.
A la racine de ces
phénomènes négatifs, il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience
de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la
vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force
autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son
bien-être égoïste.
Un autre fait mérite
également notre attention : dans les pays du tiers monde, les familles manquent
souvent aussi bien des moyens fondamentaux pour leur survie, tels que la
nourriture, le travail, le logement, les médicaments, que des plus élémentaires
libertés. Dans les pays plus riches, en revanche, le bien-être excessif et
l'esprit de consommation, celui-ci étant paradoxalement uni à une certaine
angoisse et à quelque incertitude quant à l'avenir, enlèvent aux époux la
générosité et le courage de susciter de nouvelles vies humaines : souvent la vie
n'est plus alors perçue comme une bénédiction, mais comme un péril dont il faut
se défendre.
La situation historique
dans laquelle vit la famille se présente donc comme un mélange d'ombres et de
lumières.
Ce mélange montre que
l'histoire n'est pas simplement un progrès nécessaire vers le mieux, mais un
avènement de la liberté, et plus encore un combat entre libertés qui s'opposent,
c'est-à-dire, selon l'expression bien connue de saint Augustin, un conflit entre
deux amours : l'amour de Dieu, poussé jusqu'au mépris de soi ; l'amour de soi,
poussé jusqu'au mépris de Dieu
.
Il s'ensuit que seule
l'éducation de l'amour enracinée dans la foi peut conduire à acquérir la
capacité d'interpréter les « signes des temps », qui sont l'expression
historique de ce double amour.
7. En vivant
dans un tel monde, et sous l'influence provenant surtout des mass media, les
fidèles n'ont pas toujours su et ne savent pas toujours demeurer indemnes de
l'obscurcissement des valeurs fondamentales ni se situer comme conscience
critique de cette culture familiale et comme sujets actifs de la construction
d'un authentique humanisme familial.
Au nombre des signes les
plus préoccupants de ce phénomène, les Pères du Synode ont souligné en
particulier l'expansion du divorce et du recours à une nouvelle union de la part
des fidèles eux-mêmes ; l'acceptation du mariage purement civil, en
contradiction avec leur vocation de baptisés à « s'épouser dans le Seigneur » ;
la célébration du mariage-sacrement sans foi vivante, mais pour d'autres
motifs ; le refus de normes morales qui éclairent et soutiennent l'exercice
humain et chrétien de la sexualité dans le mariage.
8. Toute
l'Église a le devoir de réfléchir et de s'engager en profondeur afin que la
nouvelle culture qui apparaît soit intimement évangélisée, que soient reconnues
les vraies valeurs, que soient défendus les droits de l'homme et de la femme et
que la justice soit promue dans les structures mêmes de la société. Ainsi, le
« nouvel humanisme » ne détournera pas les hommes de leurs rapports avec Dieu,
mais il les y conduira de façon plus plénière.
Dans la construction
d'un tel humanisme, la science et ses applications techniques offrent de
nouvelles et immenses possibilités. Cependant, la science, par suite de choix
politiques qui déterminent l'orientation de la recherche et ses applications,
est fréquemment utilisée contre sa signification originelle, la promotion de la
personne humaine.
Il est donc nécessaire
que tous reprennent conscience du primat des valeurs morales : elles sont celles
de la personne humaine comme telle. La compréhension du sens ultime de la vie et
de ses valeurs fondamentales est le grand défi qui s'impose aujourd'hui en vue
du renouvellement de la société. Seul le sentiment du primat de ces valeurs
permet d'utiliser les immenses possibilités mises par la science dans les mains
de l'homme de manière à promouvoir vraiment la personne humaine dans sa vérité
tout entière, dans sa liberté et dans sa dignité. La science est appelée à
s'unir à la sagesse.
On peut donc appliquer
aussi aux problèmes de la famille les termes du Concile Vatican II : « Plus que
toute autre, notre époque a besoin d'une telle sagesse, pour humaniser ses
propres découvertes, quelles qu'elles soient. L'avenir du monde serait en péril,
si elle ne savait pas se donner des sages »
.
L'éducation de la
conscience morale, qui rend chaque homme capable de juger et de discerner les
moyens adéquats pour se réaliser selon sa vérité originelle, devient ainsi une
exigence prioritaire à laquelle on ne peut renoncer.
C'est l'alliance avec la
divine Sagesse qui doit être fortement scellée à nouveau dans la culture
contemporaine. Chaque homme est rendu participant de cette Sagesse par le geste
créateur de Dieu lui-même. Et c'est seulement dans la fidélité à cette alliance
que les familles d'aujourd'hui seront en mesure d'exercer une influence positive
sur la construction d'un monde plus juste et plus fraternel.
9. A
l'injustice qui vient du péché — celui-ci ayant pénétré profondément les
structures du monde d'aujourd'hui — et qui empêche souvent la famille de se
réaliser vraiment elle-même et d'exercer ses droits fondamentaux, nous devons
tous nous opposer par une conversion de l'esprit et du cœur qui implique de
suivre le Christ crucifié en renonçant à son propre égoïsme : une telle
conversion ne peut pas ne pas avoir une influence bénéfique et rénovatrice même
sur les structures de la société.
Il faut une conversion
continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de
tout mal et d'adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une
démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus
dynamique qui va peu à peu de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons
de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie
personnelle et sociale de l'homme. C'est pourquoi un cheminement pédagogique de
croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et
même la civilisation, à partir de ce qu'ils ont déjà reçu du mystère du Christ,
soient patiemment conduits plus loin, jusqu'à une conscience plus riche et à une
intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie.
10. Il est
conforme à la tradition constante de l'Église d'accueillir à partir des cultures
des peuples tout ce qui est susceptible de mieux exprimer les inépuisables
richesses du Christ
.
Et ce n'est qu'avec le concours de toutes les cultures que ces richesses
pourront se manifester toujours plus clairement et que l'Église pourra cheminer
vers une connaissance chaque jour plus complète et plus approfondie de la
vérité, qui lui a déjà été entièrement donnée par son Seigneur.
En tenant ferme le
double principe de la compatibilité avec l'Évangile des diverses cultures à
assumer et de la communion avec l'Église universelle, on devra poursuivre
l'étude — cela vaut particulièrement pour les Conférences épiscopales et les
dicastères compétents de la Curie romaine — et l'action pastorale, de sorte que
cette « inculturation » de la foi chrétienne se réalise d'une manière toujours
plus vaste, même dans le domaine du mariage et de la famille.
Par cette
« inculturation », on se dirige vers la reconstitution plénière de l'alliance
avec la Sagesse de Dieu, qui est le Christ lui-même. L'Église s'enrichira aussi
de toutes les cultures qui, bien que manquant de technologie, sont riches de
sagesse humaine et vivifiées par de grandes valeurs morales.
Pour que soit clair le
but de ce cheminement et que, par conséquent, la route soit indiquée avec
certitude, le Synode a, en premier lieu et à juste titre, considéré à fond le
projet originel de Dieu à propos du mariage et de la famille ; il a voulu
« revenir au commencement » pour respecter l'enseignement du Christ
.
11. Dieu a
créé l'homme à son image et à sa ressemblance
:
en l'appelant à l'existence par amour, il l'a appelé en même temps à l'amour.
Dieu est amour
et il vit en lui-même un mystère de communion personnelle d'amour. En créant
l'humanité de l'homme et de la femme à son image et en la conservant
continuellement dans l'être, Dieu inscrit en elle la vocation, et donc la
capacité et la responsabilité correspondantes, à l'amour et à la communion
.
L'amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être humain.
Puisque l'homme est un
esprit incarné, c'est-à-dire une âme qui s'exprime dans un corps et un corps
animé par un esprit immortel, il est appelé à l'amour dans sa totalité unifiée.
L'amour embrasse aussi le corps humain et le corps est rendu participant de
l'amour spirituel.
La Révélation chrétienne
connaît deux façons spécifiques de réaliser la vocation à l'amour de la personne
humaine, dans son intégrité : le mariage et la virginité. L'une comme l'autre,
dans leur forme propre, sont une concrétisation de la vérité la plus profonde de
l'homme, de son « être à l'image de Dieu ».
En conséquence, la
sexualité, par laquelle l'homme et la femme se donnent l'un à l'autre par les
actes propres et exclusifs des époux, n'est pas quelque chose de purement
biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu'elle a de plus intime.
Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie
intégrante de l'amour dans lequel l'homme et la femme s'engagent entièrement
l'un vis-à-vis de l'autre jusqu'à la mort. La donation physique totale serait un
mensonge si elle n'était pas le signe et le fruit d'une donation personnelle
totale, dans laquelle toute la personne, jusqu'en sa dimension temporelle, est
présente. Si on se réserve quoi que ce soit, ou la possibilité d'en décider
autrement pour l'avenir, cela cesse déjà d'être un don total.
Cette totalité, requise
par l'amour conjugal, correspond également aux exigences d'une fécondité
responsable : celle-ci, étant destinée à engendrer un être humain, dépasse par
sa nature même l'ordre purement biologique et embrasse un ensemble de valeurs
personnelles dont la croissance harmonieuse exige que chacun des deux parents
apporte sa contribution de façon permanente et d'un commun accord.
Le « lieu » unique, qui
rend possible cette donation selon toute sa vérité, est le mariage, c'est-à-dire
le pacte d'amour conjugal ou le choix conscient et libre par lequel l'homme et
la femme accueillent l'intime communauté de vie et d'amour voulue par Dieu
lui-même
,
et qui ne manifeste sa vraie signification qu'à cette lumière. L'institution du
mariage n'est pas une ingérence indue de la société ou de l'autorité, ni
l'imposition extrinsèque d'une forme ; elle est une exigence intérieure du pacte
d'amour conjugal qui s'affirme publiquement comme unique et exclusif pour que
soit vécue ainsi la pleine fidélité au dessein du Dieu créateur. Cette fidélité,
loin d'amoindrir la liberté de la personne, la met à l'abri de tout
subjectivisme et de tout relativisme, et la fait participer à la Sagesse
créatrice.
12. La
communion d'amour entre Dieu et les hommes, contenu fondamental de la Révélation
et de l'expérience de foi d'Israël, trouve une expression significative dans
l'alliance nuptiale réalisée entre l'homme et la femme. C'est ainsi que les mots
essentiels de la Révélation, à savoir « Dieu aime son peuple », sont prononcés
également au moyen des termes vivants et concrets par lesquels l'homme et la
femme se disent leur amour conjugal. Leur lien d'amour devient l'image et le
symbole de l'Alliance qui unit Dieu et son peuple
.
Même le péché qui peut blesser le pacte conjugal devient image de l'infidélité
du peuple envers son Dieu : l'idolâtrie est une prostitution
,
l'infidélité est un adultère, la désobéissance à la loi est un abandon de
l'amour nuptial du Seigneur. Mais l'infidélité d'Israël ne détruit pas la
fidélité éternelle du Seigneur, et par conséquent l'amour toujours fidèle de
Dieu est présenté comme exemplaire pour les relations d'amour fidèle qui doivent
exister entre les époux
.
13. La
communion entre Dieu et les hommes trouve son accomplissement définitif en
Jésus-Christ, l'époux qui aime et qui se donne comme Sauveur de l'humanité en se
l'unissant comme son corps.
Il révèle la vérité
originelle du mariage, la vérité du « commencement »
et, en libérant l'homme de la dureté du cœur, le rend capable de la réaliser
entièrement.
Cette révélation
parvient à la plénitude définitive dans le don d'amour que le Verbe de Dieu fait
à l'humanité en assumant la nature humaine et dans le sacrifice que Jésus-Christ
fait de lui-même sur la croix pour son Épouse, l'Église. Dans ce sacrifice se
manifeste entièrement le dessein que Dieu a imprimé dans l'humanité de l'homme
et de la femme depuis leur création ;
le mariage des baptisés devient ainsi le symbole réel de l'alliance nouvelle et
éternelle, scellée dans le sang du Christ. L'Esprit, que répand le Seigneur,
leur donne un coeur nouveau et rend l'homme et la femme capables de s'aimer,
comme le Christ nous a aimés. L'amour conjugal atteint cette plénitude à
laquelle il est intérieurement ordonné, la charité conjugale : celle-ci est la
façon propre et spécifique dont les époux participent à la charité du Christ se
donnant lui-même sur la croix, et sont appelés à la vivre.
Dans une page à juste
titre fameuse, Tertullien a bien exprimé la grandeur et la beauté de cette vie
conjugale dans le Christ : « Où vais-je puiser la force de décrire de manière
satisfaisante le bonheur du mariage que l'Église ménage, que confirme
l'offrande, que scelle la bénédiction ; les anges le proclament, le Père céleste
le ratifie... Quel couple que celui de deux chrétiens, unis par une seule
espérance, un seul désir, une seule discipline, le même service ! Tous deux
enfants d'un même père, serviteurs d'un même maître ; rien ne les sépare, ni
dans l'esprit ni dans la chair ; au contraire, ils sont vraiment deux en une
seule chair. Là où la chair est une, un aussi est l'esprit »
.
En accueillant et en
méditant fidèlement la Parole de Dieu, l'Église a solennellement enseigné et
enseigne que le mariage des baptisés est l'un des sept sacrements de la Nouvelle
Alliance
.
Car, par le baptême,
l'homme et la femme sont définitivement insérés dans la nouvelle et éternelle
Alliance, Alliance nuptiale du Christ avec l'Église. C'est en raison de cette
insertion indestructible que la communauté intime de vie et d'amour conjugal
fondée par le Créateur
a été élevée et assumée dans la charité nuptiale du Christ, soutenue et enrichie
par sa force rédemptrice.
En vertu de la
sacramentalité de leur mariage, les époux sont liés l'un à l'autre de la façon
la plus indissoluble. S'appartenant l'un à l'autre, ils représentent réellement,
par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Église.
Les époux sont donc pour
l'Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Ils sont l'un
pour l'autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les
rend participants. Le mariage, comme tout sacrement, est un mémorial, une
actualisation et une prophétie de l'événement du salut. « Mémorial, le sacrement
leur donne la grâce et le devoir de faire mémoire des grandes œuvres de Dieu et
d'en témoigner auprès de leurs enfants ; actualisation, il leur donne la grâce
et le devoir de mettre en oeuvre dans le présent, l'un envers l'autre et envers
leurs enfants, les exigences d'un amour qui pardonne et qui rachète ; prophétie,
il leur donne la grâce et le devoir de vivre et de témoigner l'espérance de la
future rencontre avec le Christ »
.
Comme chacun des sept
sacrements, le mariage est aussi un symbole réel de l'événement du salut, mais à
sa manière propre. « Les époux y participent en tant qu'époux, à deux, comme
couple, à tel point que l'effet premier et immédiat du mariage (res et
sacramentum) n'est pas la grâce surnaturelle elle-même, mais le lien
conjugal chrétien, une communion à deux typiquement chrétienne parce que
représentant le mystère d'incarnation du Christ et son mystère d'alliance. Et le
contenu de la participation à la vie du Christ est aussi spécifique : l'amour
conjugal comporte une totalité où entrent toutes les composantes de la personne
— appel du corps et de l'instinct, force du sentiment et de l'affectivité,
aspiration de l'esprit et de la volonté — ; il vise une unité profondément
personnelle, celle qui, au-delà de l'union en une seule chair, conduit à ne
faire qu'un coeur et qu'une âme; il exige l'indissolubilité et la fidélité dans
la donation réciproque définitive; et il s'ouvre sur la fécondité
.
En un mot, il s'agit bien des caractéristiques normales de tout amour conjugal
naturel, mais avec une signification nouvelle qui, non seulement les purifie et
les consolide, mais les élève au point d'en faire l'expression de valeurs
proprement chrétiennes
.
14. Selon le
dessein de Dieu, le mariage est le fondement de cette communauté plus large
qu'est la famille, puisque l'institution même du mariage et l'amour conjugal
sont ordonnés à la procréation et à l'éducation des enfants dans lesquels ils
trouvent leur couronnement
.
Dans sa réalité la plus
profonde, l'amour est essentiellement don, et l'amour conjugal, en amenant les
époux à la « connaissance » réciproque qui fait qu'ils sont « une seule chair »
ne s'achève pas dans le couple; il les rend en effet capables de la donation la
plus grande qui soit, par laquelle ils deviennent coopérateurs avec Dieu pour
donner la vie à une autre personne humaine. Ainsi les époux, tandis qu'ils se
donnent l'un à l'autre, donnent au-delà d'eux-mêmes un être réel, l'enfant,
reflet vivant de leur amour, signe permanent de l'unité conjugale et synthèse
vivante et indissociable de leur être de père et de mère.
En devenant parents, les
époux reçoivent de Dieu le don d'une nouvelle responsabilité. Leur amour
parental est appelé à devenir pour leurs enfants le signe visible de l'amour
même de Dieu, « d'ou vient toute paternité au ciel et sur la terre »
.
Il ne faut cependant pas
oublier que même dans les cas où la procréation est impossible, la vie conjugale
garde toute sa valeur. La stérilité physique peut en effet être pour le couple
l'occasion de rendre d'autres services importants à la vie de la personne
humaine, tels que l'adoption, les oeuvres variées d'éducation, l'aide à d'autres
familles, aux enfants pauvres ou handicapés.
15. Au sein du
mariage et de la famille se tisse un ensemble de relations interpersonnelles —
rapports entre conjoints, paternité — maternité, filiation, fraternité — à
travers lesquelles chaque personne est introduite dans la « famille humaine » et
dans la « famille de Dieu » qu'est l'Église.
Le mariage et la famille
chrétienne construisent l'Église. Dans la famille en effet, la personne humaine
n'est pas seulement engendrée et introduite progressivement, à travers
l'éducation, dans la communauté humaine, mais grâce à la régénération du baptême
et à l'éducation de la foi, elle est introduite également dans la famille de
Dieu qu'est l'Église.
La famille humaine,
désagrégée par le péché, est reconstituée dans son unité par la puissance
rédemptrice de la mort et de la résurrection du Christ
.
Le mariage chrétien, qui participe à l'efficacité salvifique de cet événement,
constitue le lieu naturel où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans
la grande famille de l'Église.
La mission, donnée au
commencement à l'homme et à la femme, de croître et de se multiplier atteint
ainsi toute sa vérité et sa pleine réalisation.
Et l'Église trouve dans
la famille, née du sacrement, son berceau et le lieu où elle peut accomplir sa
propre insertion dans les générations humaines, et celles-ci, réciproquement,
dans l'Église.
16. La
virginité et le célibat pour le Royaume de Dieu ne diminuent en rien la dignité
du mariage, au contraire ils la présupposent et la confirment. Le mariage et la
virginité sont les deux manières d'exprimer et de vivre l'unique mystère de
l'Alliance de Dieu avec son peuple. Là où il n'y a pas d'estime pour le mariage,
il ne peut pas y avoir non plus de virginité consacrée ; là où l'on ne considère
pas la sexualité humaine comme un grand don du Créateur, le fait d'y renoncer
pour le Royaume des cieux perd son sens.
Saint Jean Chrysostome
dit en effet très justement : « Dénigrer le mariage, c'est amoindrir du même
coup la gloire de la virginité ; en faire l'éloge, c'est rehausser l'admiration
qui est due à la virginité et en accroître l'éclat. Car enfin, ce qui ne paraît
un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, mais ce
qui est mieux encore que des biens incontestés est le bien par excellence »
.
Dans la virginité,
l'homme est en attente, même dans son corps, des noces eschatologiques du Christ
avec l’Église, et il se donne entièrement à l’Église dans l'espérance que le
Christ se donnera à elle dans la pleine vérité de la vie éternelle. Il anticipe
ainsi dans sa chair le monde nouveau de la résurrection à venir
.
Grâce à ce témoignage,
la virginité garde vivante dans l'Église la conscience du mystère du mariage et
elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement.
En rendant le cœur de
l'homme particulièrement libre
3pour qu'il brûle davantage de l'amour de Dieu et de tous les hommes »
,
la virginité atteste que le Royaume de Dieu et sa justice sont cette perle
précieuse que l'on doit préférer à toute autre valeur, si grande qu'elle soit,
et qu'il faut même rechercher comme l'unique valeur définitive. C'est pour cela,
en raison du lien tout à fait singulier de ce charisme avec le Royaume de Dieu,
que l’Église, tout au long de son histoire, a toujours défendu sa supériorité
par rapport à celui du mariage
.
Tout en ayant renoncé à
la fécondité physique, la personne vierge devient féconde spirituellement, père
et mère d'un grand nombre, coopérant à la réalisation de la famille suivant le
dessein de Dieu.
Les époux chrétiens ont
donc le droit d'attendre des personnes vierges le bon exemple et le témoignage
d'une fidélité à leur vocation jusqu'à la mort. De même que pour les époux la
fidélité peut devenir parfois difficile et exiger sacrifice, mortification et
oubli de soi, ainsi peut-il en être également pour les personnes vierges. Leur
fidélité, même dans l'épreuve, doit édifier celle des époux
.
Enfin, ces réflexions
sur la virginité peuvent éclairer et aider ceux qui, pour des raisons
indépendantes de leur volonté, n'ont pas pu se marier et ont accepté leur
situation en esprit de service.
17. Dans le
dessein du Dieu Créateur et Rédempteur, la famille découvre non seulement son
« identité », ce qu'elle « est », mais aussi sa « mission », ce qu'elle peut et
doit « faire ». Les devoirs que la famille est appelée par Dieu à remplir dans
l'histoire ont leur source dans son être propre et sont l'expression de son
développement dynamique et existentiel. Chaque famille découvre et trouve en
elle-même cet appel pressant, qui en même temps la définit dans sa dignité et sa
responsabilité : famille, « deviens » ce que tu « es » !
Remonter à l’« origine »
du geste créateur de Dieu devient alors une nécessité pour la famille si elle
veut se connaître et se réaliser selon la vérité profonde non seulement de son
être mais aussi au niveau de son action dans l'histoire. Et comme, selon le
dessein de Dieu, elle est constituée en tant que « communauté profonde de vie et
d'amour »
,
la famille a la mission de devenir toujours davantage ce qu'elle est,
c'est-à-dire communauté de vie et d'amour dans une tension qui trouvera son
achèvement — comme toute réalité créée et sauvée — dans le Royaume de Dieu. Dans
une perspective qui rejoint les racines mêmes de la réalité, il faut dire que,
en définitive, l'essence de la famille et ses devoirs sont définis par l'amour.
C'est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de
communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu
pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l’Église son Épouse.
Tout devoir particulier
de la famille est expression de la réalisation concrète de cette mission
fondamentale. Il est donc nécessaire de pénétrer plus profondément la singulière
richesse de la mission de la famille et d'en faire ressortir les éléments à la
fois multiples et un.
Dans cette optique, en
partant de l'amour et en s'y référant sans cesse, le récent Synode a mis en
lumière quatre devoirs principaux de la famille :
1) la
formation d'une communauté de personnes ;
2) le service
de la vie ;
3) la
participation au développement de la société ;
4) la
participation à la vie et à la mission de l’Église.
18. La
famille, fondée par amour et vivifiée par lui, est une communauté de personnes :
les époux, homme et femme, les parents et les enfants, la parenté. Son premier
devoir est de vivre fidèlement la réalité de la communion dans un effort
constant pour promouvoir une authentique communauté de personnes.
Le principe interne, la
force permanente et le but ultime d'un tel devoir, c'est l'amour : de même que
sans amour la famille n'est pas une communauté de personnes, ainsi, sans amour,
la famille ne peut vivre, grandir et se perfectionner en tant que communauté de
personnes. Ce que j'ai écrit dans l'encyclique Redemptor hominis trouve son
application originale et privilégiée d'abord dans la famille comme telle :
« L'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être
incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas la révélation de
l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et s'il
ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement »
.
L'amour entre l'homme et
la femme dans le mariage et en conséquence, de façon plus large, l'amour entre
les membres de la même famille — entre parents et enfants, entre frères et
soeurs, entre les proches et toute la parenté — sont animés et soutenus par un
dynamisme intérieur incessant, qui entraîne la famille vers une communion
toujours plus profonde et plus intense, fondement et principe de la communauté
conjugale et familiale.
19. La
première communion est celle qui s'établit et se développe entre les époux : en
raison du pacte d'amour conjugal, l'homme et la femme « ne sont plus deux mais
une seule chair »
et sont appelés à grandir sans cesse dans leur communion à travers la fidélité
quotidienne à la promesse du don mutuel total que comporte le mariage.
Cette communion
conjugale plonge ses racines dans la complémentarité naturelle qui existe entre
l'homme et la femme, et se nourrit grâce à la volonté personnelle des époux de
partager la totalité de leur projet de vie, ce qu'ils ont et ce qu'ils sont : en
cela, une telle communion est le fruit et le signe d'une exigence profondément
humaine. Mais dans le Christ Seigneur, Dieu prend cette exigence, il la
confirme, la purifie et l'élève, la menant à sa perfection par le sacrement de
mariage : l'Esprit Saint répandu au cours de la célébration sacramentelle remet
aux époux chrétiens le don d'une communion nouvelle, communion d'amour, image
vivante et réelle de l'unité tout à fait singulière qui fait de l’Église
l'indivisible Corps mystique du Christ.
Le don de l'Esprit est
règle de vie pour les époux chrétiens et il est en même temps souffle entraînant
afin que croisse chaque jour en eux une union sans cesse plus riche à tous les
niveaux — des corps, des caractères, des cœurs, des intelligences et des
volontés, des âmes
—, révélant ainsi à l’Église et au monde la nouvelle communion d'amour donnée
par la grâce du Christ.
La polygamie s'oppose
radicalement à une telle communion : elle nie en effet de façon directe le
dessein de Dieu tel qu'il nous a été révélé au commencement, elle est contraire
à l'égale dignité personnelle de la femme et de l'homme, lesquels dans le
mariage se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et
exclusif. Comme l'écrit le Concile Vatican II, « l'égale dignité personnelle
qu'il faut reconnaître à la femme et à l'homme dans l'amour plénier qu'ils se
portent l'un à l'autre fait clairement apparaître 1'unité du mariage, confirmée
par le Seigneur »
.
20. La communion
conjugale se caractérise non seulement par son unité, mais encore par son
indissolubilité : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non
moins que le bien des enfants, exigent l'entière fidélité des époux et
requièrent leur indissoluble unité »
.
C'est un devoir
fondamental pour l’Église d'affirmer encore et avec force — comme l'ont fait les
Pères du Synode — la doctrine de l'indissolubilité du mariage :: à ceux qui, de
nos jours, pensent qu'il est difficile, voire impossible, de se lier à quelqu'un
pour la vie, à ceux encore qui sont entraînés par une culture qui refuse
l'indissolubilité du mariage et qui méprise même ouvertement l'engagement des
époux à la fidélité, il faut redire l'annonce joyeuse du caractère définitif de
cet amour conjugal, qui trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force
.
Enracinée dans le don
plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants,
l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que
Dieu a manifesté dans sa Révélation : c'est Lui qui veut et qui donne
l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour
absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à
l'égard de son Église.
Le Christ renouvelle le
dessein primitif que le Créateur a inscrit dans le coeur de l'homme et de la
femme, et dans la célébration du sacrement du mariage il offre « un coeur
nouveau » : ainsi, non seulement les époux peuvent surmonter la « dureté du
cœur »
mais aussi et surtout ils peuvent partager l'amour plénier et définitif du
Christ, nouvelle et éternelle Alliance faite chair. De même que le Seigneur
Jésus est le « témoin fidèle »
,
le « oui » des promesses de Dieu
et donc la réalisation suprême de la fidélité inconditionnelle avec laquelle
Dieu aime son peuple, ainsi les époux chrétiens sont appelés à participer
réellement à l'indissolubilité irrévocable qui lie le Christ à l’Église, son
Épouse, qu'il aime jusqu'à la fin des temps
.
Le don du sacrement est
pour les époux chrétiens une vocation — en même temps qu'un commandement — à
rester fidèles pour toujours, par delà les épreuves et les difficultés, dans une
généreuse obéissance à la volonté du Seigneur : « Ce que Dieu a uni, l'homme ne
doit point le séparer »
.
De nos jours, témoigner
de la valeur inestimable de l'indissolubilité du mariage et de la fidélité
conjugale est, pour les époux chrétiens, un des devoirs les plus importants et
les plus pressants. C'est pourquoi, en union avec tous mes Frères qui ont
participé au Synode des Évêques, je loue et j'encourage tous les couples, et ils
sont nombreux, qui au milieu de grandes difficultés gardent et font grandir ce
bien qu'est l'indissolubilité : ils assument ainsi, d'une manière humble et
courageuse, la tâche qui leur a été donnée, d'être dans le monde un « signe » —
signe discret et précieux, parfois soumis à la tentation, mais toujours
renouvelé — de la fidélité inlassable de l'amour de Dieu et de Jésus-Christ pour
tous les hommes, pour tout homme. Et il faut aussi reconnaître le prix du
témoignage des époux abandonnés par leur conjoint qui, grâce à leur foi et à
leur espérance chrétiennes, n'ont pas contracté une nouvelle union : ils rendent
ainsi un authentique témoignage de fidélité dont le monde d'aujourd'hui a tant
besoin. C'est pourquoi les pasteurs et les fidèles de l’Église doivent les
encourager et les aider à persévérer dans ce sens.
21. La
communion conjugale constitue le fondement sur lequel s'édifie la communion plus
large de la famille, des parents et des enfants, des frères et des soeurs entre
eux, des parents proches et autres membres de la famille.
Une telle communion
s'enracine dans les liens naturels de la chair et du sang et se développe en
trouvant sa perfection proprement humaine par la mise en place et la maturation
des liens encore plus profonds et plus riches de l'esprit : l'amour qui anime
les rapports interpersonnels entre les différents membres de la famille est la
force intérieure qui donne forme et vie à la communion et à la communauté
familiales.
La famille chrétienne
est en outre appelée à faire l'expérience d'une communion nouvelle et originale
qui confirme l'expérience naturelle et humaine. En réalité la grâce de
Jésus-Christ, « l'aîné d'une multitude de frères »
,
est par sa nature et son dynamisme interne une « grâce de fraternité », comme
l'appelle saint Thomas d'Aquin
.
L'Esprit Saint répandu dans la célébration des sacrements est la source vivante
et l'aliment inépuisable de la communion surnaturelle qui relie les croyants au
Christ et les rassemble entre eux dans l'unité de l’Église de Dieu. La famille
chrétienne est une révélation et une réalisation spécifique de la communion
ecclésiale, c'est pourquoi elle peut et elle doit se dire « Église domestique »
.
Tous les membres de la
famille, chacun selon ses propres dons, ont la grâce et la responsabilité de
construire, jour après jour, la communion des personnes, en faisant de la
famille une « école d'humanité plus complète et plus riche »
.
Cela s'accomplit à travers les soins et l'amour donnés aux jeunes enfants, aux
malades, aux personnes âgées ; à travers les services réciproques de tous les
jours ; dans le partage des biens, des joies et des souffrances.
Pour construire une
telle communion, un élément est fondamental, celui de l'échange éducatif entre
parents et enfants
,
qui permet à chacun de donner et de recevoir. A travers l'amour, le respect,
l'obéissance à l'égard des parents, les enfants apportent leur part spécifique
et irremplaçable à l'édification d'une famille authentiquement humaine et
chrétienne
.
Cela leur sera plus facile si les parents exercent sans faiblesse leur autorité
comme un véritable « ministère », ou plutôt comme un service ordonné au bien
humain et chrétien des enfants et plus particulièrement destiné à leur faire
acquérir une liberté vraiment responsable, et si ces mêmes parents gardent une
conscience aiguë du « don » qu'ils reçoivent sans cesse de leurs enfants.
Seul un grand esprit de
sacrifice permet de sauvegarder et de perfectionner la communion familiale. Elle
exige en effet une ouverture généreuse et prompte de tous et de chacun à la
compréhension, à la tolérance, au pardon, à la réconciliation. Aucune famille
n'ignore combien l'égoïsme, les dissensions, les tensions, les conflits font
violence à la communion familiale et peuvent même parfois l'anéantir : c'est là
que trouvent leur origine les multiples et diverses formes de division dans la
vie familiale. Mais, en même temps, chaque famille est toujours invitée par le
Dieu de paix à faire l'expérience joyeuse et rénovatrice de la
« réconciliation », c'est-à-dire de la communion restaurée, de l'unité
retrouvée. En particulier la participation au sacrement de la réconciliation et
au banquet de l'unique Corps du Christ donne à la famille chrétienne la grâce
nécessaire, et la responsabilité correspondante, pour surmonter toutes les
divisions et marcher vers la pleine vérité de la communion voulue par Dieu,
répondant ainsi au très vif désir du Seigneur : « Que tous soient un »
.
22. En tant
qu'elle est, et qu'elle doit toujours devenir, une communion et une communauté
de personnes, la famille trouve dans l'amour le motif et le stimulant permanent
qui lui font accueillir, respecter et développer chacun de ses membres dans la
très haute dignité de personnes, c'est-à-dire d'images vivantes de Dieu. Comme
l'ont affirmé à juste titre les Pères du Synode, le critère moral de
l'authenticité des relations conjugales et familiales réside dans la promotion
de la dignité et de la vocation de chacune des personnes, qui trouvent leur
plénitude dans le don sincère d'elles-mêmes
.
Dans cette perspective,
le Synode a voulu accorder une attention privilégiée à la femme, à ses droits et
à son rôle dans la famille et dans la société. C'est dans cette même perspective
qu'il faut considérer également l'homme en tant qu'époux et père, l'enfant et
les personnes âgées.
Au sujet de la femme, il
faut noter avant tout sa dignité et sa responsabilité égales à celles de
l'homme : cette égalité trouve une forme singulière de réalisation dans le don
réciproque de soi entre les époux et dans le don d'eux-mêmes à leurs enfants ;
un tel don est propre au mariage et à la famille. Ce dont la raison humaine a
l'intuition et ce qu'elle reconnaît est révélé en plénitude par la Parole de
Dieu: l'histoire du salut, en effet, est un témoignage continuel et lumineux de
la dignité de la femme.
En créant l'être humain
« homme et femme »
,
Dieu donne la dignité personnelle d'une manière égale à l'homme et à la femme,
en les enrichissant des droits inaliénables et des responsabilités propres à la
personne humaine. Puis Dieu manifeste la dignité de la femme de la façon la plus
élevée possible en assumant Lui-même la chair de la Vierge Marie, que l’Église
honore comme la Mère de Dieu en l'appelant la nouvelle Ève et en la proposant
comme modèle de la femme rachetée. La délicate affection de Jésus envers les
femmes qu'il a appelées à le suivre et auxquelles il a offert son amitié, son
apparition le matin de Pâques à une femme avant de se montrer aux autres
disciples, la mission confiée aux femmes de porter la bonne nouvelle de la
Résurrection aux Apôtres, tout cela constitue des signes confirmant l'estime
spéciale du Seigneur Jésus envers la femme. L'Apôtre Paul dira: « Vous êtes tous
fils de Dieu, par la foi dans le Christ Jésus... ; il n'y a plus ni Juif ni
Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous
vous ne faites qu'un dans le Christ »
.
23. Sans
traiter ici le thème vaste et complexe des rapports entre la femme et la société
sous ses divers aspects, et en se limitant à quelques points essentiels, on ne
peut pas ne pas observer que dans le domaine plus spécifiquement familial une
tradition sociale et culturelle largement répandue a voulu réserver à la femme
le seul rôle d'épouse et de mère, sans lui ouvrir d'une manière adéquate l'accès
aux fonctions publiques, considérées généralement comme réservées à l'homme.
Il n'y a pas de doute
que l'égalité de dignité et de responsabilité entre l'homme et la femme justifie
pleinement l'accession de la femme aux fonctions publiques. Par ailleurs la
vraie promotion de la femme exige que soit clairement reconnue la valeur de son
rôle maternel et familial face â toutes les autres fonctions publiques et à
toutes les autres professions. Il est du reste nécessaire que ces fonctions et
ces professions soient étroitement liées entre elles si l'on veut que
l'évolution sociale et culturelle soit vraiment et pleinement humaine.
Cela s'obtiendra plus
facilement si, comme le Synode l'a souhaité, une « théologie du travail »
renouvelée arrive à mettre en lumière et à approfondir le sens du travail dans
la vie chrétienne, comme aussi à déterminer le lien fondamental qui existe entre
le travail et la famille, et donc la signification originale et irremplaçable du
travail à la maison et de l'éducation des enfants
.
C'est pourquoi l’Église peut et doit aider la société actuelle, en demandant
inlassablement que le travail de la femme à la maison soit reconnu et honoré par
tous dans sa valeur irremplaçable. Gela revêt une importance particulière en ce
qui concerne l'œuvre d'éducation ; en effet, la racine même d'une discrimination
éventuelle entre les divers travaux et les diverses professions est éliminée
s'il apparaît clairement que tous, dans tout domaine, s'engagent avec des droits
identiques et un sens identique de la responsabilité. Et ainsi l'image de Dieu
dans l'homme et dans la femme resplendira davantage.
Si le droit d'accéder
aux diverses fonctions publiques doit être reconnu aux femmes comme il l'est aux
hommes, la société doit pourtant se structurer d'une manière telle que les
épouses et les mères ne soient pas obligées concrètement à travailler hors du
foyer et que, même si elles se consacrent totalement à leurs familles, celles-ci
puissent vivre et se développer de façon convenable.
Il faut par ailleurs
dépasser la mentalité selon laquelle l'honneur de la femme vient davantage du
travail à l'extérieur que de l'activité familiale. Mais il faut pour cela que
les hommes estiment et aiment vraiment la femme en tout respect de sa dignité
personnelle, et que la société crée et développe des conditions adaptées pour le
travail à la maison.
L’Église, tout en
respectant la diversité de vocation entre l'homme et la femme, doit promouvoir
dans la mesure du possible leur égalité de droit et de dignité dans la vie
ecclésiale, et cela pour le bien de tous : de la famille, de la société et de
l’Église.
Il est évident toutefois
que tout cela signifie pour la femme, non pas le renoncement à sa féminité ni
l'imitation du caractère masculin, mais la plénitude de la véritable humanité
féminine telle qu'elle doit s'exprimer dans sa manière d'agir, que ce soit en
famille ou hors d'elle, sans oublier par ailleurs la variété des coutumes et des
cultures dans ce domaine.
24.
Malheureusement, le message chrétien sur la dignité de la femme est contredit
par la mentalité persistante qui considère l'être humain non comme une personne
mais comme une chose, comme un objet d'achat ou de vente, au service de
l'intérêt égoïste et du seul plaisir. La première victime d'une telle mentalité
est la femme.
Cette mentalité produit
des fruits très amers, comme le mépris de l'homme et de la femme, l'esclavage,
l'oppression des faibles, la pornographie, la prostitution — surtout quand elle
est organisée — et toutes les formes de discrimination que l'on trouve dans le
domaine de l'éducation, de la profession, de la rétribution du travail, etc.
En outre, aujourd'hui
encore, dans une grande partie de notre société subsistent de nombreuses formes
de discrimination avilissante qui atteignent et offensent gravement certaines
catégories particulières de femmes, comme par exemple les épouses sans enfants,
les veuves, les femmes séparées, les divorcées, les mères célibataires.
Ces discriminations, et
bien d'autres encore, ont été déplorées avec toute la force possible par les
Pères du Synode : je demande donc à tous de s'engager dans une action pastorale
spécifique plus vigoureuse et plus incisive afin qu'elles soient définitivement
éliminées et que l'on en arrive à une pleine estime de l'image de Dieu qui
resplendit en tout être humain sans aucune exception.
25. A
l'intérieur de la communion qu'est la communauté conjugale et familiale, l'homme
est appelé à vivre son don et son rôle d'époux et de père.
Il voit dans son épouse
l'accomplissement du dessein de Dieu : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul.
Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie »
;
et il fait sienne l'exclamation d'Adam, le premier époux : « Cette fois-ci,
voilà l'os de mes os et la chair de ma chair ! »
.
L'amour conjugal
authentique suppose et exige que l'homme ait un profond respect à l'égard de la
dignité de sa femme : « Tu n'es pas son maître — écrit saint Ambroise — mais son
mari ; elle t'a été donnée pour femme et non pour esclave... Rends-lui les
attentions qu'elle a pour toi et sois-lui reconnaissant de son amour ».
L'homme doit vivre avec son épouse « une forme toute spéciale d'amitié
personnelle »
.
Quant au chrétien, il est appelé à développer une attitude d'amour nouveau qui
manifeste envers sa femme la charité délicate et forte qu'a le Christ pour
l’Église
.
L'amour envers sa femme
devenue mère et l'amour envers ses enfants sont pour l'homme la route naturelle
menant à la compréhension et à la réalisation de sa paternité. Là surtout où les
conditions sociales et culturelles poussent facilement le père à se
désintéresser d'une certaine façon de sa famille, ou du moins à être moins
présent au travail d'éducation, il faut faire en sorte que l'on retrouve dans la
société la conviction que la place et le rôle du père dans et pour la famille
sont d'une importance unique et irremplaçable
.
Comme le montre l'expérience, l'absence du père provoque des déséquilibres
psychologiques et moraux ainsi que des difficultés notables dans les relations
familiales ; il en est de même, en sens inverse, pour la présence oppressive du
père, spécialement là où existe encore le phénomène que l'on a appelé le
« machisme », c'est-à-dire la supériorité abusive des prérogatives masculines
qui humilient la femme et empêchent le développement de saines relations
familiales.
En manifestant et en
revivant sur terre la paternité même de Dieu
,
l'homme est appelé à garantir le développement unitaire de tous les membres de
la famille. Pour accomplir cette tâche, il lui faudra une généreuse
responsabilité à l'égard de la vie conçue sous le coeur de la mère, un effort
d'éducation plus appliqué et partagé avec son épouse
,
un travail qui ne désagrège jamais la famille mais la renforce dans son union et
sa stabilité, un témoignage de vie chrétienne adulte qui introduise plus
efficacement les enfants dans l'expérience vivante du christ et de l’Église.
26. Au sein de
la famille, communauté de personnes, une attention très spéciale sera réservée à
l'enfant, de façon à développer une profonde estime pour sa dignité personnelle
comme aussi un grand respect pour ses droits que l'on doit servir généreusement.
Cela vaut pour tous les enfants, mais c'est d'autant plus important que l'enfant
est plus jeune, ayant besoin de tout, ou qu'il est malade, souffrant ou
handicapé.
En demandant et en
portant elle-même une attention à la fois tendre et forte pour tout enfant qui
vient au monde, l’Église accomplit une de ses missions fondamentales. Elle est
appelée, en effet, à faire connaître et à proposer à nouveau dans l'histoire
l'exemple et le commandement du Christ Seigneur qui a voulu placer l'enfant au
centre du Royaume de Dieu : « Laissez les petits enfants venir à moi, ne les
empêchez pas ; car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu »
.
Je reprends ici ce que j
'ai dit à l'Assemblée générale des Nations Unies le 2 octobre 1979 : « Je
désire... exprimer la joie que constituent pour chacun d'entre nous les enfants,
printemps de la vie, anticipation de l'histoire à venir de chacune des patries
terrestres. Aucun pays du monde, aucun système politique ne peut songer à son
propre avenir autrement qu'à travers l'image de ces nouvelles générations qui, à
la suite de leurs parents1 assumeront le patrimoine multiforme des valeurs, des
devoirs, des aspirations de la nation à laquelle elles appartiennent, en même
temps que le patrimoine de toute la famille humaine. La sollicitude pour
l'enfant, dès avant sa naissance, dès le premier moment de sa conception, et
ensuite au cours de son enfance et de son adolescence, est pour l'homme la
manière primordiale et fondamentale de vérifier sa relation à l'homme. Aussi,
que peut-on souhaiter de plus à chaque peuple et à toute l'humanité, à tous les
enfants du monde, sinon cet avenir meilleur où le respect des droits de l'homme
devienne une pleine réalité dans le cadre de l'An 2000 qui approche ? »
.
L'accueil, l'amour,
l'estime, le service multiple et unitaire — matériel, affectif, éducatif,
spirituel — envers tout enfant qui vient au monde devront toujours constituer
une note distinctive et imprescriptible des chrétiens, en particulier des
familles chrétiennes. Ainsi, tandis que les enfants pourront croître « en
sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes »
,
ils apporteront leur précieuse contribution à l'édification de la communauté
familiale et même à la sanctification des parents
.
27. Il y a des
cultures qui manifestent une vénération singulière et un grand amour pour les
personnes âgées : loin d'être bannie de la famille ou supportée comme un poids
inutile, la personne âgée reste insérée dans la vie familiale, continue à y
prendre une part active et responsable — tout en devant respecter l'autonomie de
la nouvelle famille — et surtout elle exerce la précieuse mission d'être témoin
du passé et source de sagesse pour les jeunes et pour l'avenir.
D'autres cultures, au
contraire, notamment à la suite d'un développement industriel et urbain
désordonné, ont conduit et continuent à conduire les personnes âgées à des
formes inacceptables de marginalité qui sont la source à la fois de souffrances
aiguës pour elles-mêmes et d'appauvrissement spirituel pour tant de familles.
Il est nécessaire que
l'action pastorale de l’Église stimule chacun à découvrir et à valoriser le rôle
des personnes âgées dans la communauté civile et ecclésiale, et en particulier
dans la famille. En réalité, « la vie des personnes âgées aide à clarifier
l'échelle des valeurs humaines ; elle montre la continuité des générations et
elle est une preuve merveilleuse de l'interdépendance du peuple de Dieu. Les
personnes âgées possèdent souvent le charisme de combler les fossés entre les
générations avant qu'ils ne soient creusés : combien d'enfants ont trouvé
compréhension et amour dans les yeux, les paroles et les caresses des personnes
âgées ! Et combien parmi celles-ci ont, avec empressement, souscrit à ces
paroles divines : “La couronne des grands-parents, c'est leurs
petits-enfants !” »
28. En créant
l'homme et la femme à son image et ressemblance, Dieu couronne et porte à sa
perfection l'oeuvre de ses mains : il les appelle à participer spécialement à
son amour et aussi à son pouvoir de Créateur et de Père, moyennant leur
coopération libre et responsable pour transmettre le don de la vie humaine :
« Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la
terre et soumettez-la ! »
C'est ainsi que le but
fondamental de la famille est le service de la vie, la réalisation, tout au long
de l'histoire, de la bénédiction de Dieu à l'origine, en transmettant l'image
divine d'homme à homme, dans l'acte de la génération
.
La fécondité est le
fruit et le signe de l'amour conjugal, le témoignage vivant de la pleine
donation réciproque des époux : « Dès lors, un amour conjugal vrai et bien
compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent,
sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux
disponibles pour coopérer courageusement à l'amour du Créateur et du Sauveur
qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille »
.
La fécondité de l'amour
conjugal ne se réduit pas à la seule procréation des enfants, même entendue en
son sens spécifiquement humain : elle s'élargit et s'enrichit de tous les fruits
de vie morale, spirituelle et surnaturelle que le père et la mère sont appelés à
donner à leurs enfants et, à travers eux, à l’Église et au monde.
29.
Précisément parce que l'amour des conjoints est une participation singulière au
mystère de la vie et de l'amour de Dieu lui-même, l’Église sait qu'elle a reçu
la mission spéciale de conserver et de protéger la haute dignité du mariage et
la grave responsabilité de la transmission de la vie humaine.
Ainsi, en continuité
avec la tradition vivante de la communauté ecclésiale tout au long de
l'histoire, le récent Concile Vatican II et le magistère de mon prédécesseur
Paul VI, exprimé surtout dans l'encyclique Humanæ vitæ, ont transmis à notre
époque une annonce vraiment prophétique, qui affirme et propose de nouveau avec
clarté la doctrine et la norme toujours anciennes et toujours nouvelles de
l’Église sur le mariage et sur la transmission de la vie.
C'est pourquoi, dans
leur dernière Assemblée, les Pères du Synode ont textuellement déclaré : « Le
Saint Synode, en union de foi avec le Successeur de Pierre, maintient fermement
ce qui est proposé au Concile Vatican II (cf. GS 50 ) et ensuite dans
l'encyclique Humanæ vitæ, et en particulier le fait que l'amour conjugal doit
être pleinement humain, exclusif et ouvert à une nouvelle vie
.
30. La
doctrine de l’Église est placée aujourd'hui dans une situation sociale et
culturelle qui la rend à la fois plus difficile à comprendre mais aussi plus
pressante et irremplaçable pour promouvoir le bien véritable de l'homme et de la
femme.
Car le progrès
scientifique et technique, que l'homme contemporain accroît continuellement en
dominant la nature, ne développe pas seulement l'espérance de créer une humanité
nouvelle et meilleure, mais aussi une angoisse toujours plus forte au sujet de
l'avenir. Certains se demandent si vivre est un bien, et s'il ne serait pas
préférable de ne pas être nés: ils se demandent donc s'il est permis d'appeler à
la vie d'autres hommes qui pourraient en venir à maudire leur existence dans un
monde cruel, dont les terreurs ne sont pas même prévisibles. Les uns pensent
être les uniques destinataires des avantages de la technique et en excluent les
autres, auxquels sont imposés des moyens contraceptifs ou des pratiques encore
pires. D'autres encore, emprisonnés dans une mentalité de consommation et ayant
l'unique préoccupation d'accroître continuellement les biens matériels,
finissent par ne plus comprendre et donc par refuser la richesse spirituelle
d'une nouvelle vie humaine. La raison ultime de telles mentalités est l'absence,
dans le coeur des hommes, de Dieu dont seul l'amour est plus fort que toutes les
peurs possibles du monde et peut les vaincre.
C'est ainsi qu'est né un
esprit contraire à la vie (anti-life mentality) qui apparaît dans beaucoup de
questions actuelles : que l'on pense, par exemple, à une certaine panique
dérivant des études faites par les écologistes et les futurologues sur la
démographie, qui parfois exagèrent le péril de la croissance démographique
pesant sur la qualité de la vie.
Mais l’Église croit
fermement que la vie humaine, même faible et souffrante, est toujours un
magnifique don du Dieu de bonté. Contre le pessimisme et l'égoïsme qui
obscurcissent le monde, l’Église prend parti pour la vie, et dans chaque vie
humaine elle sait découvrir la splendeur de ce « Oui », de cet « Amen » qu'est
le Christ
.
Au « non » qui envahit et attriste le monde, elle oppose ce « Oui » vivant,
défendant ainsi l'homme et le monde contre ceux qui menacent la vie et lui
portent atteinte.
L’Église est appelée à
manifester de nouveau à tous, par une conviction plus vive et plus ferme, sa
volonté de promouvoir la vie humaine par tous les moyens et de la défendre
contre toute menace, en quelque condition et à quelque stade de développement
qu'elle se trouve.
C'est pourquoi l’Église
condamne comme une grave offense à la dignité humaine et à la justice toutes les
activités des gouvernements ou des autres autorités publiques qui essaient de
limiter en quelque manière la liberté des conjoints dans leurs décisions
concernant les enfants. Par conséquent, toute violence exercée par des autorités
en faveur de la contraception, voire de la stérilisation ou de l'avortement
provoqué, est à condamner absolument et à rejeter avec force. En même temps, il
faut stigmatiser comme gravement injuste le fait que, dans les relations
internationales, l'aide économique accordée pour la promotion des peuples soit
conditionnée par des programmes de contraception, de stérilisation et
d'avortement provoqué
.
·
Pour que le dessein de Dieu se réalise toujours plus pleinement
31. L’Église
est assurément consciente aussi des problèmes multiples et complexes qui, dans
beaucoup de pays, pèsent aujourd'hui sur les époux dans leur tâche de
transmettre la vie de façon responsable. Elle reconnaît également le grave
problème de l'accroissement démographique, tel qu'il se présente en diverses
parties du monde, avec les implications morales qu'il comporte.
Elle estime, toutefois,
que considérer de manière approfondie tous les aspects de ces problèmes ne peut
que confirmer une nouvelle fois et plus fortement encore l'importance de la
doctrine authentique sur la régulation des naissances, présentée à nouveau par
le second Concile du Vatican et l'encyclique Humanæ vitæ.
C'est pourquoi, avec les
Pères du Synode, je me sens le devoir d'adresser aux théologiens un appel
pressant afin qu'unissant leurs forces pour collaborer avec le Magistère
hiérarchique, ils fassent leur possible pour mettre toujours mieux en lumière
les fondements bibliques, les motivations éthiques et les raisons personnalistes
qui sous-tendent cette doctrine. Il sera ainsi possible, dans le cadre d'un
exposé ordonné, de rendre la doctrine de l’Église concernant cet important
chapitre vraiment accessible à tous les hommes de bonne volonté, et d'en
favoriser la compréhension de façon toujours plus claire et plus approfondie :
de cette manière le dessein de Dieu pourra être réalisé toujours plus pleinement
pour le salut de l'homme et la gloire du Créateur.
A cet égard, l'effort
coordonné des théologiens, inspiré par une adhésion convaincue au Magistère qui
est l'unique guide authentique du peuple de Dieu, présente une urgence
particulière qui vient aussi du lien profond existant entre la doctrine
catholique sur ce point et la vision de l'homme proposée par l’Église ; des
doutes ou des erreurs dans le domaine conjugal ou familial entraînent un grave
obscurcissement de la vérité intégrale sur l'homme, qui se trouve déjà dans une
situation culturelle si souvent confuse et contradictoire. L'éclairage et
l'approfondissement que les théologiens sont appelés à apporter en
accomplissement de leur tâche spécifique sont d'une valeur incomparable et
constituent un service singulier, et combien méritoire, rendu à la famille et à
l'humanité.
32. Dans le
cadre d'une culture qui déforme gravement ou qui va jusqu'à perdre la
signification véritable de la sexualité humaine, en l'arrachant à sa référence
essentielle à la personne, l’Église découvre de façon urgente et irremplaçable
sa mission de présenter la sexualité comme valeur et engagement de toute la
personne, créée, homme et femme, à l'image de Dieu.
Dans cette perspective,
le Concile Vatican II a clairement affirmé que « lorsqu'il s'agit de mettre en
accord l'amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité
du comportement ne dépend pas de la seule sincérité de l'intention et de la
seule appréciation des motifs ; mais elle doit être déterminée selon des
critères objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses actes,
critères qui respectent, dans un contexte d'amour véritable, la signification
totale d'une donation réciproque et d'une procréation à la mesure de l'homme ;
chose impossible si la vertu de chasteté conjugale n'est pas pratiquée d'un cœur
loyal »
.
C'est en partant de la
« vision intégrale de l'homme et de sa vocation, non seulement naturelle et
terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle »
,
que Paul VI a affirmé que la doctrine de l’Église « est fondée sur le lien
indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative,
entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation »
.
Et il a conclu en réaffirmant qu'il y a lieu d'exclure, comme intrinsèquement
mauvaise, « toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans
son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se
proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation »
.
Lorsque les époux, en
recourant à la contraception, séparent ces deux significations que le Dieu
créateur a inscrites dans l'être de l'homme et de la femme comme dans le
dynamisme de leur communion sexuelle, ils se comportent en « arbitres » du
dessein de Dieu ; ils « manipulent » et avilissent la sexualité humaine et, avec
elle, leur propre personne et celle du conjoint en altérant la valeur de leur
donation « totale ». Ainsi, au langage qui exprime naturellement la donation
réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement
contradictoire, selon lequel il ne s'agit plus de se donner totalement à
l'autre ; il en découle non seulement le refus positif de l'ouverture à la vie,
mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l'amour conjugal, appelé
à être un don de la personne tout entière.
En revanche lorsque les
époux, en observant le recours à des périodes infécondes, respectent le lien
indissoluble entre les aspects d'union et de procréation de la sexualité
humaine, ils se comportent comme des « ministres » du dessein de Dieu et ils
usent de la sexualité en « usufruitiers », selon le dynamisme originel de la
donation « totale », sans manipulations ni altérations
.
A la lumière de
l'expérience de tant de couples et des données des diverses sciences humaines,
la réflexion théologique peut saisir — et elle est appelée à l'approfondir — la
différence anthropologique et en même temps morale existant entre la
contraception et le recours aux rythmes périodiques : il s'agit d'une différence
beaucoup plus importante et plus profonde qu'on ne le pense habituellement et
qui, en dernière analyse, implique deux conceptions de la personne et de la
sexualité humaine irréductibles l'une à l'autre. Le choix des rythmes naturels
comporte l'acceptation du temps de la personne, ici du cycle féminin, et aussi
l'acceptation du dialogue, du respect réciproque, de la responsabilité commune,
de la maîtrise de soi. Accueillir le temps et le dialogue signifie reconnaître
le caractère à la fois spirituel et corporel de la communion conjugale, et
également vivre l'amour personnel dans son exigence de fidélité. Dans ce
contexte, le couple expérimente le fait que la communion conjugale est enrichie
par les valeurs de tendresse et d'affectivité qui constituent la nature profonde
de la sexualité humaine, jusque dans sa dimension physique. Ainsi, la sexualité
est respectée et promue dans sa dimension vraiment et pleinement humaine, mais
n'est jamais « utilisée » comme un « objet » qui, dissolvant l'unité personnelle
de l'âme et du corps, atteint la création de Dieu dans les liens les plus
intimes unissant nature et personne.
33. C'est
aussi dans le domaine de la morale conjugale que l’Église est éducatrice et mère
et agit comme telle.
Éducatrice, elle ne se
lasse pas de proclamer la norme morale qui doit guider la transmission
responsable de la vie. L’Église n'est ni l'auteur ni l'arbitre d'une telle
norme. Par obéissance à la vérité qui est le Christ, dont l'image se reflète
dans la nature et dans la dignité de la personne humaine, l’Église interprète la
norme morale et la propose à tous les hommes de bonne volonté, sans en cacher
les exigences de radicalisme et de perfection.
En tant que mère,
l’Église se fait proche de tant de couples en difficulté sur ce point important
de la vie morale ; elle connaît bien leur situation, souvent très pénible et
parfois aggravée par des difficultés de tous genres, à la fois individuelles et
sociales. Elle sait que de nombreux conjoints rencontrent de telles difficultés
tant pour la pratique concrète que pour la compréhension des valeurs comprises
dans la norme morale.
C'est cependant la même
et unique Église qui est à la fois éducatrice et mère. Aussi ne cesse-t-elle de
faire entendre ses appels et ses encouragements à résoudre les difficultés
conjugales éventuelles sans jamais falsifier ni compromettre la vérité. Elle est
en effet convaincue qu'il ne saurait y avoir de vraie contradiction entre la loi
divine concernant la transmission de la vie et celle qui demande de favoriser le
véritable amour conjugal
.
C'est pourquoi la pédagogie concrète de l’Église doit toujours être liée à sa
doctrine et jamais séparée d'elle. Je le répète, avec la même conviction que mon
prédécesseur : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une
forme éminente de charité envers les âmes »
.
D'autre part, la vraie
pédagogie de l’Église ne révèle son réalisme et sa sagesse qu'en faisant des
efforts tenaces et courageux pour créer et soutenir toutes les conditions
humaines — psychologiques, morales et spirituelles — qui sont indispensables
pour comprendre et vivre la valeur et la norme morales.
Il n'y a pas de doute
que parmi ces conditions on doit mentionner la constance et la patience,
l'humilité et la force d'âme, la confiance filiale en Dieu et dans sa grâce, le
recours fréquent à la prière et aux sacrements de l'Eucharistie et de la
réconciliation
.
Ainsi rendus plus forts, les époux chrétiens pourront conserver vivante la
conscience de l'influence singulière que la grâce du sacrement de mariage exerce
sur tous les aspects concrets de leur vie conjugale, et donc sur leur sexualité.
Le don de l'Esprit Saint, accueilli par les époux, les aide à vivre leur
sexualité selon le dessein de Dieu et comme un signe de l'amour qui unit le
Christ à son Église en étant pour elle source de fécondité.
Mais, parmi les
conditions nécessaires, entre aussi la connaissance de la « corporéité » et de
ses rythmes de fécondité. En ce sens, il faut tout faire pour qu'une telle
connaissance soit rendue accessible à tous les conjoints, et d'abord aux jeunes,
moyennant une information et une éducation claires, données à temps et avec
sérieux, par des couples, des médecins et des experts. Cette connaissance doit
parvenir à l'éducation du contrôle de soi ; d'où la nécessité absolue de la
vertu de chasteté et d'une éducation permanente en ce sens. Selon la vision
chrétienne, la chasteté ne signifie absolument pas refus ou mésestime de la
sexualité humaine, mais plutôt une énergie spirituelle sachant défendre l'amour
des périls de l'égoïsme et de l'agressivité, en le conduisant vers sa pleine
réalisation.
Paul VI, avec une
intuition riche de sagesse et d'amour, n'a rien fait d'autre que de donner la
parole à l'expérience de tant de couples lorsqu'il a écrit dans son encyclique :
« La maîtrise de l'instinct par la raison et la libre volonté impose sans nul
doute une ascèse, pour que les manifestations affectives de la vie conjugale
soient dûment réglées, en particulier pour l'observance de la continence
périodique. Mais cette discipline, propre à la pureté des époux, bien loin de
nuire à l'amour conjugal, lui confère au contraire une plus haute valeur
humaine. Elle exige un effort continuel, mais grâce à son influence
bienfaisante, les conjoints développent intégralement leur personnalité, en
s'enrichissant de valeurs spirituelles : elle apporte à la vie familiale des
fruits de sérénité et de paix, et elle facilite la solution d'autres problèmes ;
elle favorise l'attention à l'autre conjoint, aide les époux à bannir l'égoïsme,
ennemi du véritable amour, et approfondit leur sens des responsabilités dans
l'accomplissement de leurs devoirs. Les parents acquièrent ainsi la capacité
d'une influence plus profonde et plus efficace pour l'éducation des enfants »
.
34. Il est
toujours d'une grande importance d'avoir une conception droite de l'ordre moral,
de ses valeurs et de ses normes ; et cela d'autant plus que les difficultés à
les respecter deviennent plus nombreuses et plus graves.
Puisque l'ordre moral
révèle et propose le dessein du Dieu créateur, il ne saurait être pour l'homme
ni impersonnel ni cause de mort. Au contraire, il répond aux exigences inscrites
au plus profond de l'homme créé par Dieu. Il est mis au service de sa pleine
humanité, avec l'amour délicat et exigeant par lequel Dieu lui-même inspire et
soutient toute créature et la guide vers son bonheur.
Mais l'homme, appelé à
vivre de façon responsable ce dessein de Dieu empreint de sagesse et d'amour,
est un être situé dans l'histoire. Jour après jour, il se construit par ses
choix nombreux et libres. Ainsi il connaît, aime et accomplit le bien moral en
suivant les étapes d'une croissance.
Les époux, dans la
sphère de leur vie morale, sont eux aussi appelés à cheminer sans se lasser,
soutenus par le désir sincère et agissant de mieux connaître les valeurs
garanties et promues par la loi divine, avec la volonté de les incarner de façon
droite et généreuse dans leurs choix concrets. Ils ne peuvent toutefois
considérer la loi comme un simple idéal à atteindre dans le futur, mais ils
doivent la regarder comme un commandement du Christ Seigneur leur enjoignant de
surmonter sérieusement les obstacles. « C'est pourquoi ce qu'on appelle la “loi
de gradualité” ou voie graduelle ne peut s'identifier à la “gradualité de la
loi”, comme s'il y avait, dans la loi divine, des degrés et des formes de
préceptes différents selon les personnes et les situations diverses. Tous les
époux sont appelés à la sainteté dans le mariage, selon la volonté de Dieu, et
cette vocation se réalise dans la mesure où la personne humaine est capable de
répondre au précepte divin, animée d'une confiance sereine en la grâce divine et
en sa propre volonté »
.
De même il appartient à la pédagogie de l’Église de faire en sorte que, avant
tout, les conjoints reconnaissent clairement la doctrine d'Humanae vitae comme
norme pour l'exercice de la sexualité et s'attachent sincèrement à établir les
conditions nécessaires à son observation.
Comme l'a relevé le
Synode, cette pédagogie embrasse toute la vie conjugale. Aussi le souci de
transmettre la vie doit-il s'intégrer dans la totalité de la mission de la vie
chrétienne, qui, sans la croix, ne peut parvenir à la résurrection. Dans ce
contexte, on comprend qu'il n'est pas possible de supprimer le sacrifice dans la
vie de la famille, mais qu'il faut au contraire l'accepter de bon coeur afin que
l'amour conjugal s'approfondisse et devienne source de joie intime.
Ce chemin commun à tous
exige une réflexion, une information et une éducation adéquates chez les
prêtres, les religieux et les laïcs engagés dans la pastorale de la famille. Ils
pourront ainsi aider les époux dans leur itinéraire humain et spirituel,
itinéraire comportant la conscience du péché, l'engagement sincère d'observer la
loi morale, le ministère de la réconciliation. Il convient encore d'avoir
présent à l'esprit que, dans l'intimité conjugale, sont impliquées les volontés
de deux personnes, mais qui sont appelées à se comporter et à penser en
harmonie : cela demande beaucoup de patience, de sympathie et de temps. Il est
d'une singulière importance que, dans ce domaine, règne l'unité des jugements
moraux et pastoraux des prêtres. Celle-ci doit être recherchée avec soin et
exister réellement pour que les fidèles ne souffrent pas de troubles de
conscience
.
Le cheminement des époux
sera facilité dans la mesure où, remplis d'estime pour la doctrine de l’Église
et de confiance en la grâce du Christ, aidés et accompagnés par les pasteurs
d'âmes et par la communauté ecclésiale tout entière, ils sauront découvrir et
expérimenter la valeur de libération et de promotion de l'amour authentique
qu'offre l’Évangile et que propose le commandement du Seigneur.
35. Devant le
problème d'une honnête régulation des naissances, la communauté ecclésiale doit
aujourd'hui s'efforcer de susciter des convictions et d'offrir une aide concrète
à ceux qui veulent vivre la paternité et la maternité de façon vraiment
responsable.
En ce domaine, l’Église
se réjouit des résultats auxquels sont parvenues les recherches scientifiques
pour une connaissance plus précise des rythmes de la fécondité féminine et elle
stimule un développement plus approfondi et plus décisif de telles études. Mais
en même temps elle se doit de solliciter avec une vigueur nouvelle la
responsabilité de tous ceux qui — médecins, spécialistes, conseillers conjugaux,
éducateurs, couples — peuvent aider efficacement les conjoints à vivre leur
amour dans le respect de la structure et des finalités de l'acte conjugal qui
l'exprime. Cela signifie des efforts plus étendus, plus décisifs et plus
systématiques pour faire connaître, estimer et appliquer les méthodes naturelles
de régulation de la fécondité
.
Un témoignage précieux
peut et doit être donné par les époux qui, grâce à l'effort de continence
périodique, sont parvenus à une responsabilité personnelle plus mûre devant
l'amour et la vie. Comme l'écrivait Paul VI : « C'est à eux que le Seigneur
confie la tâche de rendre visible aux hommes la sainteté et la douceur de la loi
qui unit l'amour mutuel des époux à leur coopération à l'amour de Dieu auteur de
la vie humaine »
.
2)
L'éducation
36. Le devoir
d'éducation a ses racines dans la vocation primordiale des époux à participer à
l'oeuvre créatrice de Dieu : en engendrant dans l'amour et par amour une
nouvelle personne possédant en soi la vocation à la croissance et au
développement, les parents assument par là même le devoir de l'aider
efficacement à vivre une vie pleinement humaine. Comme l'a rappelé le Concile
Vatican II : « Les parents, parce qu'ils ont donné la vie à leurs enfants, ont
la très grave obligation de les élever et, à ce titre, ils doivent être reconnus
comme leurs premiers et principaux éducateurs. Le rôle éducatif des parents est
d'une telle importance que, en cas de défaillance de leur part, il peut
difficilement être suppléé. C'est aux parents, en effet, de créer une atmosphère
familiale, animée par l'amour et le respect envers Dieu et les hommes, telle
qu'elle favorise l'éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants.
La famille est donc la première école des vertus sociales dont aucune société ne
peut se passer »
.
Le droit et le devoir
d'éducation sont pour les parents quelque chose d'essentiel, de par leur lien
avec la transmission de la vie ; quelque chose d'original et de primordial, par
rapport au devoir éducatif des autres, en raison du caractère unique du rapport
d'amour existant entre parents et enfants ; quelque chose d'irremplaçable et
d'inaliénable, qui ne peut donc être totalement délégué à d'autres ni usurpé par
d'autres.
Outre ces
caractéristiques, on ne peut oublier que l'élément le plus radical, de nature à
qualifier le devoir éducatif des parents, est l'amour paternel et maternel, qui
trouve dans l'oeuvre de l'éducation son accomplissement en complétant et en
perfectionnant pleinement leur service de la vie. De source qu'il était, l'amour
des parents devient ainsi l'âme et donc la norme qui inspirent et guident toute
l'action éducative concrète, en l'enrichissant des valeurs de douceur, de
constance, de bonté, de service, de désintéressement, d'esprit de sacrifice, qui
sont les fruits les plus précieux de l'amour.
37. Bien
qu'affrontés aux difficultés, souvent plus grandes aujourd'hui, de leur tâche
d'éducateurs, les parents doivent, avec confiance et courage, former leurs
enfants au sens des valeurs essentielles de la vie humaine. Les enfants doivent
grandir dans une juste liberté devant les biens matériels, en adoptant un style
de vie simple et austère, bien convaincus que « l'homme vaut plus par ce qu'il
est que par ce qu'il a »
.
Dans une société
ébranlée et désagrégée par des tensions et des conflits en raison du violent
affrontement entre les individualismes et les égoïsmes de toute sorte, les
enfants doivent acquérir le sens de la justice véritable — qui seule conduit au
respect de la dignité personnelle de chacun — et davantage encore le sens de
l'amour authentique, qui est fait d'attention sincère et de service désintéressé
à l'égard des autres, en particulier des plus pauvres et des plus nécessiteux.
La famille est la première école, l'école fondamentale de la vie sociale ; comme
communauté d'amour, elle trouve dans le don de soi la loi qui la guide et la
fait croître. Le don de soi qui anime les époux entre eux se présente comme le
modèle et la norme de celui qui doit se réaliser dans les rapports entre frères
et soeurs, et entre les diverses générations qui partagent la vie familiale. La
communion et la participation vécues chaque jour au foyer, dans les moments de
joie ou de difficulté, représentent la pédagogie la plus concrète et la plus
efficace en vue de l'insertion active, responsable et féconde des enfants dans
le cadre plus large de la société.
L'éducation de l'amour
comme don de soi constitue encore les prémisses indispensables pour les parents
appelés. à donner à leurs enfants une éducation sexuelle claire et délicate.
Devant une culture qui « banalise » en grande partie la sexualité humaine, en
l'interprétant et en la vivant de façon réductrice et appauvrie, en la reliant
uniquement au corps et au plaisir égoïste, le service éducatif des parents
visera fermement une culture sexuelle vraiment et pleinement axée sur la
personne : la sexualité, en effet, est une richesse de la personne tout entière
— corps, sentiments et âme — et manifeste sa signification intime en la portant
au don de soi dans l'amour.
L'éducation sexuelle —
droit et devoir fondamentaux des parents — doit toujours se réaliser sous leur
conduite attentive, tant à la maison que dans les centres d'éducation choisis et
contrôlés par eux. L’Église rappelle ainsi la loi de subsidiarité, que l'école
est tenue d'observer lorsqu'elle coopère à l'éducation sexuelle, en se plaçant
dans l'esprit qui anime les parents.
Dans ce contexte, il
n'est absolument pas question de renoncer à l'éducation de la chasteté, vertu
qui développe la maturité authentique de la personne, en la rendant capable de
respecter et de promouvoir la « signification nuptiale » du corps. Bien plus,
les parents chrétiens réserveront une attention et un soin particuliers à
discerner les signes de l'appel de Dieu pour l'éducation de la virginité comme
forme suprême du don de soi qui constitue le sens même de la sexualité humaine.
En raison des liens
étroits qui relient la dimension sexuelle de la personne aux valeurs éthiques,
le rôle de l'éducation est de conduire les enfants à la connaissance et à
l'estime des normes morales comme garantie nécessaire et précieuse d'une
croissance personnelle responsable dans la sexualité humaine.
C'est pour cela que
l’Église s'oppose fermement à une certaine forme d'information sexuelle ne
tenant aucun compte des principes moraux et si souvent diffusée aujourd'hui, qui
ne serait rien d'autre qu'une introduction à l'expérience du plaisir et
pousserait le jeune, parfois même à l'âge de l'innocence, à perdre la sérénité,
en ouvrant la voie au vice.
38. La mission
éducative, enracinée comme on l'a dit dans la participation à l'œuvre créatrice
de Dieu, trouve aussi sa source, pour les parents chrétiens, d'une manière
nouvelle et spécifique, dans le sacrement de mariage, qui les consacre à
l'éducation proprement chrétienne des enfants et les appelle donc à participer à
l'autorité et à l'amour mêmes de Dieu Père et du Christ Pasteur, tout comme à
l'amour maternel de l’Église. Il les enrichit des dons de sagesse, de conseil,
de force et de tous les autres dons du Saint-Esprit afin qu'ils puissent aider
leurs enfants dans leur croissance humaine et chrétienne.
Grâce au sacrement de
mariage, la mission éducative est élevée à la dignité et à la vocation d'un
« ministère » authentique de l’Église au service de l'édification de ses
membres. Ce ministère éducatif des parents chrétiens est si grand et si beau que
saint Thomas n'hésite pas à le comparer au ministère des prêtres ; « Certains
propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement
spirituel, et cela revient au sacrement de l'ordre; d'autres le font pour la vie
à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de
mariage, dans lequel l'homme et la femme s'unissent pour engendrer les enfants
et leur enseigner le culte de Dieu »
.
La conscience aiguë et
vigilante de la mission conférée par le sacrement de mariage aidera les parents
chrétiens à se consacrer au service éducatif des enfants avec une grande
sérénité, et en même temps avec le sens de leur responsabilité devant Dieu qui
les appelle et leur confie le soin d'édifier l’Église dans leurs enfants. Ainsi,
la famille des baptisés, assemblée en tant qu’Église domestique par la Parole et
par le sacrement, devient en même temps, comme l’Église dans son ensemble, mère
et éducatrice.
39. La mission
d'éducation exige des parents chrétiens qu'ils proposent aux enfants tout ce qui
est nécessaire pour la formation progressive de leur personnalité d'un point de
vue chrétien et ecclésial. Ils reprendront alors les orientations éducatives
rappelées plus haut, en ayant soin d'en montrer aux enfants la profonde
signification à laquelle sauront les mener la foi et aussi la charité de
Jésus-Christ. En outre, dans leur souci de fortifier dans l'âme des enfants le
don de la grâce divine, les parents chrétiens seront soutenus par la conscience
que le Seigneur leur confie la croissance d'un fils de Dieu, d'un frère du
Christ, d'un temple de l'Esprit Saint, d'un membre de l’Église.
Le Concile Vatican II
précise ainsi le contenu de l'éducation chrétienne : « Celle-ci ne vise pas
seulement à assurer la maturité (...) de la personne humaine, mais
principalement à ce que les baptisés, introduits pas à pas dans la connaissance
du mystère du salut, deviennent chaque jour plus conscients de ce don de la foi
qu'ils ont reçu, apprennent à adorer Dieu le Père en esprit et vérité
avant tout dans l'action liturgique, soient transformés de façon à mener leur
vie personnelle selon l'homme nouveau dans la justice et la sainteté de la
vérité
et qu'ainsi, constituant cet homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise
la plénitude du Christ Ep 4,13 , ils apportent leur contribution à la
croissance du Corps mystique. Qu'en outre, conscients de leur vocation, ils
prennent l'habitude aussi bien de rendre témoignage à l'espérance qui est en eux
que d'aider à la transformation chrétienne du monde »
.
Le Synode, pour sa part,
reprenant et développant l'enseignement du Concile dans ses grandes lignes, a
présenté la mission éducative de la famille chrétienne comme un vrai ministère,
grâce auquel l’Évangile est transmis et diffusé, a tel point que la vie
familiale dans son ensemble devient chemin de foi et en quelque sorte initiation
chrétienne et école de vie à la suite du Christ. Dans la famille consciente d'un
tel don, comme l'a écrit Paul VI, « tous les membres évangélisent et sont
évangélisés »
.
En vertu de ce ministère
d'éducation, les parents, à travers le témoignage de vie, sont les premiers
hérauts de l’Évangile auprès de leurs enfants. Bien plus, en priant avec eux, en
s'adonnant avec eux à la lecture de la Parole de Dieu et en les faisant pénétrer
dans l'intimité du Corps du Christ — eucharistique et ecclésial — par
l'initiation chrétienne, ils deviennent pleinement parents, en ce sens qu'ils
engendrent non seulement à la vie selon la chair mais aussi à celle qui, à
travers la renaissance dans l'Esprit, jaillit de la croix et de la résurrection
du Christ.
Afin de permettre aux
parents chrétiens d'accomplir comme il convient leur ministère éducatif, les
Pères du Synode ont souhaité que soit élaboré un texte adapté de catéchisme à
l'usage de la famille, clair, bref et accessible à tous. Les Conférences
épiscopales ont été chaleureusement invitées à travailler à l'élaboration de ce
catéchisme.
40. La famille
est la première communauté éducatrice, mais non pas la seule ni l'unique : la
dimension même de l'homme, communautaire, civile et ecclésiale, exige et suscite
une oeuvre plus vaste et plus complexe qui est le fruit de la collaboration bien
ordonnée des diverses instances éducatives. Toutes ces institutions sont
nécessaires, même si chacune peut et doit intervenir selon sa compétence et
apporter sa contribution propre
.
La tâche éducative de la
famille chrétienne occupe donc une place très importante dans la pastorale
d'ensemble : cela suppose une nouvelle forme de collaboration entre parents et
communautés chrétiennes, entre les divers groupes éducatifs et les pasteurs. Et
à cet égard, le renouveau de l'école catholique doit porter une attention
particulière tant aux parents d'élèves qu'à la formation d'une communauté
éducative parfaite.
Le droit des parents au
choix d'une éducation conforme à leur foi doit être absolument assuré.
L’Église et l’État ont
le devoir d'apporter aux familles l'assistance nécessaire afin qu'elles puissent
exercer comme il convient leurs tâches éducatives. Dans ce but, aussi bien
l’Église que l’État doivent créer et promouvoir les institutions et les
activités que les familles attendent à juste titre ; l'assistance devra être
telle qu'elle supplée aux insuffisances des familles. Et donc, tous ceux qui
dans la société sont à la tête des écoles ne doivent jamais oublier que les
parents ont été institués par Dieu lui-même premiers et principaux éducateurs de
leurs enfants, et que c'est là un droit absolument inaliénable.
Mais, corrélativement à
leur droit, les parents ont la grave obligation de faire tout ce qui est en leur
pouvoir pour entretenir des relations cordiales et constructives avec les
enseignants et les responsables des écoles.
Si dans les écoles on
enseigne des idéologies contraires à la foi chrétienne, la famille,
conjointement à d'autres familles — si possible par l'intermédiaire
d'associations familiales —, doit de toutes ses forces et avec sagesse aider les
jeunes à ne pas s'écarter de la foi. Dans de telles conditions, la famille a
besoin de recevoir des secours particuliers de la part des pasteurs d'âmes, et
ceux-ci ne peuvent oublier que les parents ont le droit inaliénable de confier
leurs enfants à la communauté ecclésiale.
41. L'amour
conjugal fécond s'exprime dans un service multiforme de la vie dont la
procréation et l'éducation sont les signes les plus visibles en même temps que
spécifiques et irremplaçables. Mais en réalité tout acte d'amour authentique
envers l'homme témoigne de la fécondité spirituelle de la famille et la
perfectionne, car il est obéissance au profond dynamisme intérieur de l'amour en
tant que don de soi-même aux autres.
Les conjoints qui font
l'expérience de la stérilité physique sauront d'une façon spéciale faire leur
cette perspective qui est si riche et si exigeante pour tous.
Les familles chrétiennes
qui, dans la foi, reconnaissent tous les hommes comme fils du même Père des
cieux, auront à coeur d'accueillir généreusement les enfants des autres
familles, leur apportant le soutien et l'amour dus aux membres de l'unique
famille des enfants de Dieu. Les parents chrétiens pourront ainsi faire rayonner
leur amour au-delà des liens de la chair et du sang, pour approfondir les liens
qui s'enracinent dans l'esprit et se développent dans l'aide concrète apportée
aux enfants d'autres familles qui vont jusqu'à manquer des choses de première
nécessité.
Les familles chrétiennes
sauront s'ouvrir à une plus grande disponibilité en faveur de l'adoption et de
la prise en charge des enfants privés de leurs parents ou abandonnés par eux.
Ces enfants, en retrouvant une chaude atmosphère familiale, peuvent alors faire
l'expérience de l'amour attentif et paternel de Dieu à travers le témoignage de
parents chrétiens et grandir ainsi dans la sérénité et la confiance dans la
vie ; la famille tout entière, de son côté, se trouve enrichie des valeurs
spirituelles contenues dans une fraternité élargie.
Une « créativité »
incessante doit caractériser la fécondité des familles : c'est là le fruit
merveilleux de l'Esprit de Dieu qui fait ouvrir tout grands les yeux du coeur
afin de découvrir les nécessités et les souffrances nouvelles de notre société,
et c'est lui qui donne la force de les assumer et de leur apporter la réponse
adéquate. Dans ce cadre se présente aux familles un champ d'action très vaste.
En effet, il est de nos jours un phénomène encore plus préoccupant que l'abandon
des enfants : c'est celui qui frappe cruellement les personnes âgées, les
malades, les personnes handicapées, les toxicomanes, les anciens détenus, etc.,
en les mettant en marge de la vie sociale et culturelle.
Alors les horizons de la
paternité et de la maternité des familles chrétiennes s'élargissent
considérablement : la fécondité spirituelle de leur amour est comme défiée par
de telles urgences, et bien d'autres encore, de notre temps. Avec les familles
et à travers elles, le Seigneur continue d'avoir « pitié » des foules.
42. Puisque
« le Créateur a fait de la communauté conjugale l'origine et le fondement de la
société humaine », la famille est devenue la « cellule première et vitale de la
société »
.
La famille a des liens
organiques et vitaux avec la société parce qu'elle en constitue le fondement et
qu'elle la sustente sans cesse en réalisant son service de la vie : c'est au
sein de la famille en effet que naissent les citoyens et dans la famille qu'ils
font le premier apprentissage des vertus sociales, qui sont pour la société
l'âme de sa vie et de son développement.
Ainsi donc, en raison de
sa nature et de sa vocation, la famille, loin de se replier sur elle-même,
s'ouvre aux autres familles et à la société, elle remplit son rôle social.
43.
L'expérience même de communion et de participation qui doit caractériser la vie
quotidienne de la famille constitue son apport essentiel et fondamental à la
société.
Les relations entre les
membres de la communauté familiale se développent sous l'inspiration et la
conduite de la loi de la « gratuité » qui, en respectant et en cultivant en tous
et en chacun le sens de la dignité personnelle comme source unique de valeur, se
transforme en accueil chaleureux, rencontre et dialogue, disponibilité
généreuse, service désintéressé, profonde solidarité.
Ainsi, la promotion
d'une authentique communion de personnes responsables dans la famille devient un
apprentissage fondamental et irremplaçable de vie sociale, un exemple et un
encouragement pour des relations communautaires élargies, caractérisées par le
respect, la justice, le sens du dialogue, l'amour.
De cette façon, comme
les Pères du Synode l'ont rappelé, la famille constitue le berceau et le moyen
le plus efficace pour humaniser et personnaliser la société : c'est elle qui
travaille d'une manière originale et profonde à la construction du monde,
rendant possible une vie vraiment humaine, particulièrement en conservant et en
transmettant les vertus et les « valeurs ». Comme le dit le Concile Vatican II,
la famille est le « lieu de rencontre de plusieurs générations qui s'aident
mutuellement à acquérir une sagesse plus étendue et à harmoniser les droits des
personnes avec les autres exigences de la vie sociale »
.
GS 52
C'est pourquoi, face à
une société qui risque d'être de plus en plus dépersonnalisante et anonyme, et
donc inhumaine et déshumanisante, avec les conséquences négatives de tant de
formes d « évasion » — telles que l'alcoolisme, la drogue ou même le terrorisme
—, la famille possède et irradie encore aujourd'hui des énergies extraordinaires
capables d'arracher l'homme à l'anonymat, de l'éveiller à la conscience de sa
dignité personnelle, de le revêtir d'une profonde humanité et de l'introduire
activement avec son unicité et sa singularité dans le tissu de la société.
44. Le rôle
social de la famille ne peut certainement pas se limiter a 1'oeuvre de la
procréation et de l'éducation, même s'il trouve en elles sa forme d'expression
première et irremplaçable.
Les familles, isolément
ou en associations, peuvent et doivent donc se consacrer à de nombreuses oeuvres
de service social, spécialement en faveur des pauvres et en tout cas des
personnes et des situations que les institutions de prévoyance et d'assistance
publiques ne réussissent pas à atteindre.
La contribution sociale
de la famille a son originalité qui gagnerait à être mieux connue et qu'il
faudrait promouvoir plus franchement, surtout au fur et à mesure que les enfants
grandissent, en suscitant le plus possible la participation de tous ses membres.
Il faut à cet égard
souligner l'importance toujours plus grande que revêt dans notre société
l'hospitalité sous toutes ses formes, en tenant simplement ouverte la porte de
sa maison et, mieux encore, de son cœur aux besoins de nos frères, ou en allant
jusqu'à s'engager concrètement pour assurer à chaque famille le logement dont
elle a besoin comme milieu naturel qui la protège et la fait grandir. Et
par-dessus tout la famil1e chrétienne est appelée à écouter la recommandation de
l'Apôtre : « Soyez avides de donner l'hospitalité »
,
et donc a pratiquer, à la suite du Christ et avec sa charité, l'accueil de nos
frères démunis : " Quiconque donnera à boire à l'un de ces petits rien qu'un
verre d'eau fraîche, en tant qu'il est un disciple, en vérité, je vous le dis,
il ne perdra pas sa récompense" Mt 10,42
Le rôle social de la
famille est appelé à s'exprimer aussi sous forme d'intervention politique : ce
sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les
institutions de l’État non seulement s'abstiennent de blesser les droits et les
devoirs de la famille, mais encore les soutiennent et les protègent
positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours
plus vive d'être les "protagonistes" de ce qu'on appelle "la politique
familiale" et qu'elles assument la responsabilité de transformer la société ;
dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu'elles se
sont contentées de constater avec indifférence. L'invitation du Concile Vatican
II à dépasser l'éthique individualiste concerne donc aussi la famille en tant
que telle. GS 30
·
La société au service de la famille
45. La
relation étroite entre famille et société exige d'une part l'ouverture et la
participation de la famille à la société et à son développement, mais d'autre
part elle impose à la société de ne jamais manquer à son devoir fondamental de
respecter et de promouvoir la famille.
Il est certain que la
famille et la société ont des rôles complémentaires dans la défense et la
promotion des biens communs à tous les hommes et à tout homme. Mais la société,
et plus précisément l’État, doivent reconnaître que la famille est une « société
jouissant d'un droit propre et primordial »
et ils ont donc la grave obligation, en ce qui concerne leurs relations avec la
famille, de s'en tenir au principe de subsidiarité.
En vertu de ce principe
l’État ne peut pas et ne doit pas enlever aux familles les tâches qu'elles
peuvent fort bien accomplir seules ou en s'associant librement à d'autres
familles ; mais il doit au contraire favoriser et susciter le plus possible les
initiatives responsables des familles. Les autorités publiques, convaincues du
fait que le bien de la famille est pour la communauté civile une valeur
indispensable à laquelle on ne saurait renoncer, doivent s'employer le plus
possible à procurer aux familles toute l'aide — économique, sociale, éducative,
politique, culturelle — dont elles ont besoin pour remplir de façon vraiment
humaine l'ensemble de leurs obligations.
46. L'action
réciproque de soutien et de progrès entre la famille et la société est un idéal
souvent contredit, et même gravement, par la réalité des faits où l'on constate
leur séparation, voire leur opposition.
En effet — comme l'a
continuellement fait remarquer le Synode —, la situation de très nombreuses
familles en divers pays est fort problématique, quand elle n'est pas franchement
mauvaise : les lois et les institutions méconnaissent, contre toute justice, les
droits inviolables de la famille et même de la personne humaine, et la société,
loin de se mettre au service de la famille, l'attaque violemment dans ses
valeurs et dans ses exigences fondamentales. Ainsi la famille, qui selon le
dessein de Dieu est la cellule de hase de la société, sujet de droits et de
devoirs antérieurs à ceux de l’État et de n 'importe quelle autre communauté, se
trouve être la victime de la société, des lenteurs et des retards de ses
interventions et plus encore de ses injustices flagrantes.
C'est pourquoi l’Église
prend ouvertement et avec vigueur la défense des droits de la famille contre les
usurpations intolérables de la société et de l’État. Pour leur part, les Pères
du Synode ont rappelé entre autres les droits suivants de la famille :
– le droit d'exister et de s'épanouir en tant que famille,
c'est-à-dire le droit pour tout homme, et en particulier pour les pauvres, de
fonder une famille et de l'entretenir par des moyens appropriés ;
– le droit d'exercer sa mission pour tout ce qui touche à la
transmission de la vie, et d'éduquer ses enfants ;
– le droit à l'intimité de la vie, aussi bien conjugale que
familiale ;
– le droit à la stabilité du lien conjugal et de
l'institution du mariage ;
– le droit de croire et de professer sa foi, et de la
répandre ;
– le droit d'éduquer ses enfants conformément à ses propres
traditions et à ses valeurs religieuses et culturelles, grâce aux instruments,
aux moyens et aux institutions nécessaires ;
– le droit de jouir de la sécurité physique, sociale,
politique, économique, surtout pour les pauvres et les malades ;
– le droit à un logement adapté à une vie familiale décente ;
– le droit d'expression et de représentation devant les
autorités publiques, économiques, sociales et culturelles, ainsi que devant les
organismes qui en dépendent, et cela directement ou au moyen d'associations ;
– le droit de créer des associations en lien avec d'autres
familles et institutions, afin d'accomplir sa mission comme il convient et avec
compétence ;
– le droit de protéger les mineurs, par le moyen
d'institutions et de lois appropriées, contre les drogues nuisibles, la
pornographie, l'alcoolisme, etc. ;
– le droit à des loisirs honnêtes qui favorisent en même
temps les valeurs familiales ;
– le droit des personnes âgées à vivre et à mourir
dignement ;
– le droit d'émigrer en tant que famille pour rechercher de
meilleures conditions de vie. (cf. 'Proposition' 42)
Le Saint-Siège,
accueillant la demande explicite du Synode, prendra soin d'approfondir ces
suggestions, en élaborant une « charte des droits de la famille » à proposer aux
milieux intéressés et aux Autorités concernées.
47. Le rôle
social propre à toute famille est aussi, à un titre nouveau et particulier,
celui de la famille chrétienne, fondée sur le sacrement de mariage. En assumant
la réalité humaine de l'amour conjugal dans toutes ses dimensions, le sacrement
rend les époux et les parents chrétiens capables de vivre leur vocation de laïcs
— et c'est leur responsabilité — et donc de « chercher le règne de Dieu
précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon
Dieu »
.
Le rôle social et
politique fait partie de la mission royale, mission de service, à laquelle les
époux chrétiens participent en vertu du sacrement de mariage, en recevant à la
fois un commandement auquel ils ne peuvent se soustraire et une grâce qui les
soutient et les entraîne.
C'est ainsi que la
famille chrétienne est appelée à donner devant tous le témoignage d'un
dévouement généreux et désintéressé face aux problèmes sociaux, en choisissant
en priorité les pauvres et les marginaux. Et c'est pourquoi, en cheminant à la
suite du Seigneur dans un amour spécial pour tous les pauvres, elle doit avoir
particulièrement à coeur ceux qui ont faim, ceux qui sont démunis, âgés, ceux
qui sont malades, drogués, sans famille.
48. Face à la
dimension mondiale qui de nos jours caractérise les différents problèmes
sociaux, la famille voit s'élargir de façon tout à fait nouvelle son rôle en ce
qui concerne le développement de la société : il s'agit aussi de coopérer à la
réalisation d'un nouvel ordre international, car c'est seulement à travers la
solidarité mondiale que l'on peut envisager et résoudre les énormes et
dramatiques problèmes de la justice dans le monde, de la liberté des peuples, de
la paix de l'humanité.
La communion spirituelle
des familles chrétiennes, enracinées dans la foi et l'espérance communes et
vivifiées par la charité, constitue une énergie intérieure d'où jaillissent, se
répandent et croissent justice, réconciliation, fraternité et paix entre les
hommes. En tant que « petite » Église, la famille chrétienne est appelée, à
l'image de la « grande » Église, à être un signe d'unité pour le monde et à
exercer dans ce sens son rôle prophétique, en témoignant du Royaume et de la
paix du Christ, vers lesquels le monde entier est en marche.
Cela, les familles
chrétiennes pourront le réaliser à travers leur service éducatif, c'est-à-dire
en offrant aux enfants un modèle de vie fondé sur les valeurs de vérité, de
liberté, de justice et d'amour, comme aussi en s'engageant de façon active et
responsable pour une croissance vraiment humaine de la société et de ses
institutions, ou encore en soutenant de diverses manières les associations qui
se consacrent essentiellement aux problèmes de l'ordre international.
49. Parmi les
tâches fondamentales de la famille chrétienne prend place celle que l'on peut
dire ecclésiale, celle qui met la famille au service de l'édification du Royaume
de Dieu dans l'histoire, moyennant la participation à la vie et à la mission de
l’Église.
Pour mieux comprendre ce
qui fonde, ce que comprend et ce qui caractérise une telle participation, il
faut étudier les liens multiples et profonds qui relient entre elles l’Église et
la famille chrétienne et qui font de cette dernière comme « une Église en
miniature » (Ecclesia domestica)
,
de telle sorte qu'elle soit, à sa façon, une image vivante et une représentation
historique du mystère même de l’Église.
C'est avant tout
l’Église Mère qui engendre, éduque, édifie la famille chrétienne, en mettant en
œuvre à son égard la mission de salut qu'elle a reçue de son Seigneur. En
annonçant la Parole de Dieu, l’Église révèle à la famille chrétienne sa
véritable identité, autrement dit ce qu'elle est et ce qu'elle doit être selon
le dessein du Seigneur. En célébrant les sacrements, l’Église enrichit et
fortifie la famille chrétienne avec la grâce du Christ, en vue de sa
sanctification pour la gloire du Père. En renouvelant la proclamation du
commandement nouveau de la charité, l’Église anime et guide la famille
chrétienne au service de l'amour, pour lui permettre d'imiter et de revivre
l'amour même de donation et de sacrifice que le Seigneur Jésus nourrit pour
l'humanité entière.
A son tour, la
famille chrétienne est insérée dans le mystère de l’Église au point de
participer, à sa façon, à la mission de salut qui lui est propre : les époux et
les parents chrétiens, en vertu du sacrement, « ont ainsi, en leur état de vie
et dans leur ordre, un don qui leur est propre au sein du peuple de Dieu »
.
Par conséquent, non seulement ils « reçoivent » l'amour du Christ en devenant
une communauté « sauvée », mais ils sont également appelés à « transmettre » à
leurs frères le même amour du Christ, en devenant ainsi une communauté « qui
sauve ». De la sorte, tout en étant fruit et signe de la fécondité surnaturelle
de l’Église, la famille chrétienne devient symbole, témoignage, participation de
la maternité de l’Église.
50. La famille
chrétienne est appelée à prendre une part active et responsable à la mission de
l’Église d'une façon propre et originale, en se mettant elle-même au service de
l’Église et de la société dans son être et dans son agir, en tant que communauté
intime de vie et d'amour.
Si la famille chrétienne
est une communauté dont les liens sont renouvelés par le Christ à travers la foi
et les sacrements, sa participation à la mission de l’Église doit se réaliser
d'une façon communautaire ; c'est donc ensemble que les époux en tant que
couple, les parents et les enfants en tant que famille, doivent vivre leur
service de l’Église et du monde. Ils doivent être, dans la foi, « un seul coeur
et une seule âme »
,
aussi bien dans l'esprit apostolique commun qui les anime qu'à travers la
collaboration qui les engage au service de la communauté ecclésiale et de la
communauté civile.
La famille chrétienne,
par ailleurs, édifie le Royaume de Dieu dans l'histoire à travers les réalités
quotidiennes qui concernent et qui caractérisent sa condition de vie : c'est dès
lors dans l'amour conjugal et familial — vécu dans sa richesse extraordinaire de
valeurs et avec ses exigences de totalité, d'unicité, de fidélité et de
fécondité
— que s'exprime et se réalise la participation de la famille chrétienne à la
mission prophétique, sacerdotale et royale de Jésus-Christ et de son Église.
L'amour et la vie constituent donc le point central de la mission salvifique de
la famille chrétienne dans l’Église et pour l’Église.
Le Concile Vatican II 1e
rappelle lorsqu'il écrit : « Les familles se communiqueront aussi avec
générosité leurs richesses spirituelles. Alors, la famille chrétienne, parce
qu'elle est issue d'un mariage, image et participation de l'alliance d'amour qui
unit le Christ et l’Église, manifestera à tous les hommes la présence vivante du
Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Église, tant par l'amour des
époux, leur fécondité généreuse, l'unité et la fidélité du foyer, que par la
coopération amicale de tous ses membres »
.
Ayant ainsi précisé ce qui fonde la participation de la famille chrétienne à la
mission ecclésiale, il importe maintenant de mettre en lumière ce qu'elle
comprend selon une référence triple, mais à vrai dire unique, à Jésus-Christ,
Prophète, Prêtre et Roi, en présentant la famille chrétienne comme
1) communauté
qui croit et qui évangélise ;
2) communauté
en dialogue avec Dieu ;
3) communauté
au service de l'homme.
51. Du fait
que la famille chrétienne participe à la vie et à la mission de l’Église qui se
tient dans une religieuse écoute de la Parole de Dieu et la proclame avec une
ferme confiance
,
elle vit son rôle prophétique en accueillant et en annonçant la Parole de Dieu ;
elle devient ainsi, chaque jour davantage, une communauté qui croit et qui
évangélise.
L'obéissance de la foi
est demandée également aux époux et aux parents chrétiens
:
ils sont appelés à accueillir la Parole du Seigneur qui leur révèle la
merveilleuse nouveauté — autrement dit la « bonne nouvelle » — de leur vie
conjugale et familiale rendue par le Christ sainte et sanctifiante. En effet,
c'est seulement dans la foi qu'ils peuvent découvrir et admirer dans une
gratitude joyeuse la dignité à laquelle Dieu a voulu élever le mariage et la
famille en en faisant le signe et le lieu de l'alliance d'amour entre Dieu et
les hommes, entre Jésus-Christ et l’Église son Épouse.
Déjà, la préparation au
mariage chrétien est qualifiée d'itinéraire de foi; elle se situe en effet comme
une occasion privilégiée permettant aux fiancés de redécouvrir et d'approfondir
la foi reçue au baptême et nourrie par l'éducation chrétienne. De cette façon,
ils reconnaissent et ils accueillent librement la vocation à vivre à la suite du
Christ et au service du Royaume de Dieu dans l'état même du mariage.
Le moment fondamental de
l'expression de la foi des époux en tant que tels est celui de la célébration du
sacrement de mariage qui, par sa nature profonde, est la proclamation, dans
l’Église, de la Bonne Nouvelle sur l'amour conjugal : il est Parole de Dieu qui
« révèle » et « accomplit » le projet plein de sagesse et d'amour que Dieu a sur
les époux, introduits dans la participation mystérieuse et réelle à l'amour même
de Dieu pour l'humanité. Si la célébration sacramentelle du mariage est en
elle-même proclamation de la Parole de Dieu, tous ceux qui sont, à des titres
divers, protagonistes et célébrants doivent en faire une « profession de foi »,
accomplie au sein de l’Église et avec l’Église, communauté de croyants.
Cette profession de foi
demande à être prolongée tout au long de la vie des époux et de la famille.
Dieu, en effet, qui a appelé les époux "au" mariage continue à les appeler
« dans » le mariage
.
Dans et à travers les faits, les problèmes, les difficultés, les événements de
1'existence de tous les jours, Dieu vient à eux en leur révélant et en leur
proposant les « exigences » concrètes de leur participation à l'amour du Christ
pour l’Église, en rapport avec la situation particulière — familiale, sociale et
ecclésiale — dans laquelle ils se trouvent.
La découverte du dessein
de Dieu et l'obéissance à ce dessein doivent se réaliser simultanément dans la
communauté conjugale et familiale, à travers l'expérience humaine de l'amour
vécu dans l'Esprit du Christ entre les époux comme entre les parents et les
enfants.
Pour cela, comme la
grande Église, la petite Église domestique a besoin d'être continuellement et
intensément évangélisée : d'où le devoir d'éducation permanente dans la foi.
52. Dans la
mesure où la famille chrétienne accueille l’Évangile et mûrit dans la foi, elle
devient une communauté qui évangélise. Écoutons à nouveau Paul VI : « ... la
famille, comme l’Église, se doit d'être un espace où l’Évangile est transmis et
d'où l’Évangile rayonne. Au sein donc d'une famille consciente de cette mission,
tous les membres de la famille évangélisent et sont évangélisés. Les parents non
seulement communiquent aux enfants l’Évangile mais peuvent recevoir d'eux ce
même Évangile profondément vécu. Et une telle famille se fait évangélisatrice de
beaucoup d'autres familles et du milieu dans lequel elle s'insère »
.
Comme l'a répété le
Synode en reprenant mon appel de Puebla, l'avenir de l'évangélisation dépend en
grande partie de l’Église domestique
.
Cette mission apostolique de la famille est enracinée dans le baptême et reçoit
de la grâce sacramentelle du mariage une nouvelle impulsion pour transmettre la
foi, pour sanctifier et transformer la société actuelle selon le dessein de
Dieu.
La famille chrétienne,
surtout aujourd'hui, est spécialement appelée à témoigner de l'alliance pascale
du Christ, grâce au rayonnement constant de la joie de l'amour et de la
certitude de l'espérance, dont elle doit rendre compte : « La famille chrétienne
proclame hautement à la fois les vertus actuelles du Royaume de Dieu et l'espoir
de la vie bienheureuse »
.
La nécessité absolue de
la catéchèse familiale émerge avec une force singulière dans des situations
déterminées, que l’Église enregistre malheureusement en divers endroits : « Là
où une législation antireligieuse prétend même empêcher l'éducation de la foi,
là où une incroyance diffuse ou bien un sécularisme envahissant rendent
pratiquement impossible une véritable croissance religieuse, cette sorte
d’Église qu'est le foyer reste l'unique milieu où enfants et jeunes peuvent
recevoir une authentique catéchèse »
.
53. Le
ministère d'évangélisation qui revient aux parents chrétiens est original et
irremplaçable. Il revêt les caractères distinctifs de la vie familiale, tissée,
comme elle devrait l'être, d'amour, de simplicité, d'engagement concret et de
témoignages quotidiens
.
La famille doit former
les enfants à la vie pour permettre à chacun d'accomplir en plénitude son devoir
selon la vocation qu'il a reçue de Dieu. En effet, la famille ouverte aux
valeurs transcendantes, au service joyeux du prochain, à l'accomplissement
généreux et fidèle de ses obligations et toujours consciente de sa participation
au mystère de la croix glorieuse du Christ, devient le premier et le meilleur
séminaire de la vocation a une vie consacrée au Royaume de Dieu.
Le ministère
d'évangélisation et de catéchèse qui incombe aux parents doit accompagner la vie
des enfants, y compris pendant leur adolescence et leur jeunesse, lorsque
ceux-ci, comme cela se produit souvent, contestent ou rejettent carrément la foi
chrétienne reçue dans les premières années de leur vie. De même que, dans
l’Église, le travail de l'évangélisation ne s'effectue jamais sans souffrance
pour l'apôtre, de même, dans la famille chrétienne, les parents doivent
affronter avec courage et grande sérénité d'âme les difficultés que leur
ministère d'évangélisation rencontre parfois auprès de leurs propres enfants.
On ne devra pas oublier
que le service accompli par les époux et par les parents chrétiens en faveur de
l’Évangile est essentiellement un service ecclésial, ou mieux rentre dans le
cadre de l’Église entière comme communauté évangélisée et évangélisante. En tant
qu'il est enraciné dans l'unique mission de l’Église et qu'il en dérive, et en
tant qu'ordonné à l'édification de l'unique Corps du Christ
,
le ministère d'évangélisation et de catéchèse de 1'Eglise domestique doit
demeurer en union étroite et s'harmoniser consciemment avec tous les autres
services d'évangélisation et de catéchèse existant et agissant dans la
communauté ecclésiale, soit diocésaine, soit paroissiale.
54.
L'universalité sans frontières est l'horizon spécifique de l'évangélisation
animée intérieurement par l'élan missionnaire. Elle est, en effet, la réponse à
la consigne explicite et non équivoque du Christ : « Allez dans le monde entier,
proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création »
.
La foi et la mission
évangélisatrice de la famille chrétienne possèdent, elles aussi, ce souffle
missionnaire catholique. Le sacrement de mariage, qui reprend et propose à
nouveau le devoir, déjà enraciné dans le baptême et dans la confirmation, de
défendre et de diffuser la foi
,
établit les époux et les parents chrétiens comme témoins du Christ « jusqu'aux
confins de la terre »
comme véritables « missionnaires » de l'amour et de la vie.
Une certaine forme
d'activité missionnaire peut être accomplie déjà à l'intérieur de la famille.
Cela se vérifie lorsque quelque membre de celle-ci n'a pas la foi ou n'est pas
cohérent avec elle dans sa pratique. Les autres membres de la famille doivent
alors lui donner un témoignage vécu de leur foi, apte à le stimuler et à le
soutenir dans son cheminement vers la pleine adhésion au Christ Sauveur
.
Animée par l'esprit
missionnaire déjà au-dedans d'elle-même, l’Église domestique est appelée à être
un signe lumineux de la présence du Christ et de son amour également pour « ceux
qui sont loin », pour les familles qui ne croient pas encore et même pour les
familles chrétiennes qui ne vivent plus en cohérence avec la foi reçue. L’Église
domestique est appelée « « par son exemple et par son témoignage » à éclairer
« ceux qui cherchent la vérité »
.
De même qu'à l'aube du
christianisme Aquila et Priscille se présentaient comme un couple missionnaire
ainsi aujourd'hui l’Église témoigne d'une continuelle nouveauté et d'une
incessante floraison, grâce à la présence d'époux et de familles chrétiennes
qui, au moins pendant un certain temps, vont dans les terres de mission pour
annoncer l’Évangile en servant l'homme avec l'amour de Jésus-Christ.
Les familles chrétiennes
apportent une contribution particulière à la cause missionnaire de l’Église en
cultivant les vocations missionnaires parmi leurs fils et leurs filles
et, plus généralement, par un travail d'éducation qui « prépare leurs enfants
dès leur jeune âge à découvrir l'amour de Dieu envers tous les hommes ».
55. L'annonce
de l’Évangile et son accueil dans la foi atteignent leur plénitude dans la
célébration sacramentelle. L’Église, communauté qui croit et qui évangélise, est
aussi un peuple sacerdotal, c'est-à-dire revêtu de la dignité du Christ
Souverain Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle et participant à son
pouvoir
.
La famille chrétienne
est, elle aussi, insérée dans l’Église, peuple sacerdotal. Par le sacrement de
mariage, dans lequel elle est enracinée et d'où elle tire sa subsistance, elle
est continuellement vivifiée par le Seigneur Jésus, appelée et engagée par Lui à
dialoguer avec Dieu par les moyens de la vie sacramentelle, de l'offrande de son
existence et de la prière.
Tel est le rôle
sacerdotal que la famille chrétienne peut et doit accomplir en union étroite
avec toute l’Église, à travers les réalités quotidiennes de la vie conjugale et
familiale ; de cette manière la famille chrétienne est appelée à se sanctifier
et à sanctifier la communauté ecclésiale et le monde.
56. Le
sacrement de mariage, qui reprend et spécifie la grâce sanctificatrice du
baptême, est bien une source spéciale et un moyen original de sanctification
pour les époux et pour la famille chrétienne. En vertu du mystère de la mort et
de la résurrection du Christ, à l'intérieur duquel le mariage chrétien fait
entrer à nouveau, l'amour conjugal est purifié et sanctifié : « Cet amour, par
un don spécial de sa grâce et de sa charité, le Seigneur a daigné le guérir, le
parfaire et l'élever »
.
Le don de Jésus-Christ
n'est pas épuisé dans la célébration du sacrement de mariage, mais il
accompagne les époux tout au long de leur existence. Le Concile Vatican II le
rappelle explicitement lorsqu'il dit que Jésus-Christ « continue de demeurer
(avec les époux), afin que, par leur don mutuel, (ils) puissent s'aimer dans une
fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l’Église et s'est livré pour
elle.... C'est pourquoi les époux chrétiens, pour accomplir dignement les
devoirs de leur état, sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial
; en accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce
sacrement, pénétrés de l'Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi,
d'espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection
personnelle et à leur sanctification mutuelle ; c'est ainsi qu'ensemble ils
contribuent à la glorification de Dieu »
.
La vocation universelle
à la sainteté s'adresse aussi aux époux et aux parents chrétiens : pour eux,
elle est spécifiée par la célébration du sacrement et traduite concrètement dans
la réalité propre de l'existence conjugale et familiale
.
C'est là que prennent naissance la grâce et l'exigence d'une authentique et
profonde spiritualité conjugale et familiale qui s'inspire des thèmes de la
création, de l'alliance, de la croix, de la résurrection et du signe
sacramentel, thèmes sur lesquels le Synode est revenu à maintes reprises.
Le mariage chrétien,
comme tous les sacrements « qui ont pour fin de sanctifier les hommes d'édifier
le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu »
,
est en lui-même un acte liturgique de glorification de Dieu dans le Christ Jésus
et dans l’Église. En le célébrant, les époux chrétiens proclament leur
reconnaissance envers Dieu pour le don sublime qui leur a été accordé de pouvoir
revivre dans leur existence conjugale et familiale l'amour même de Dieu pour les
hommes et du Seigneur Jésus pour l’Église, son Épouse.
Et de même que le don et
l'obligation de vivre chaque jour la sainteté reçue découlent pour les époux du
sacrement de mariage, de même la grâce et l'obligation morale de transformer
toute leur vie en un continuel sacrifice spirituel
découlent de ce même sacrement. C'est également aux époux et aux parents
chrétiens, en particulier dans le domaine des réalités terrestres et temporelles
qui caractérisent leur existence, que s'appliquent les paroles du Concile :
« C'est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout
à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d'adoration »
57. Le devoir
de sanctification qui incombe à la famille chrétienne a sa racine première dans
le baptême et sa plus grande expression dans l'Eucharistie à laquelle le mariage
chrétien est intimement lié. Le Concile Vatican I a voulu rappeler la relation
spéciale qui existe entre l'Eucharistie et le mariage en demandant que « le
mariage soit célébré ordinairement au cours de la messe »
:
il est absolument nécessaire de découvrir et d'approfondir cette relation, si on
veut comprendre et vivre intensément les grâces et les responsabilités du
mariage et de la famille chrétienne.
L'Eucharistie est la
source même du mariage chrétien. Le sacrifice eucharistique, en effet,
représente l'alliance d'amour entre le Christ et l’Église, en tant qu'elle a été
scellée par le sang de sa croix. C'est dans ce sacrifice de la nouvelle et
éternelle Alliance que les époux chrétiens trouvent la source jaillissante qui
modèle intérieurement et vivifie constamment leur alliance conjugale. En tant
que représentation du sacrifice d'amour du Christ pour l’Église, l'Eucharistie
est source de charité. Et dans le don eucharistique de la charité, la famille
chrétienne trouve le fondement et l'âme de sa « communion » et de sa
« mission » : le Pain eucharistique fait des différents membres de la communauté
familiale un seul corps, une manifestation et une participation à la vaste unité
de l’Église; d'autre part, la participation au Corps « livré » et au Sang
« versé » du Christ devient pour la famille chrétienne une source inépuisable de
dynamisme missionnaire et apostolique.
58. L'accueil
de l'appel évangélique à la conversion adressé à tous les chrétiens, parfois
infidèles à la « nouveauté » du baptême qui les a constitués « saints », est un
élément essentiel et permanent du devoir de sanctification incombant à la
famille chrétienne. La famille chrétienne elle-même n'est pas toujours cohérente
avec la loi de la grâce et de la sainteté baptismale, proclamée de nouveau par
le sacrement de mariage.
Le repentir et le pardon
mutuel au sein de la famille chrétienne, si importants dans la vie quotidienne,
trouvent leur moment sacramentel spécifique dans la pénitence chrétienne. Au
sujet des époux, Paul VI écrivait dans l'encyclique Humanæ vitæ : « Si le péché
avait encore prise sur eux, qu'ils ne se découragent pas, mais qu'ils recourent
avec une humble persévérance à la miséricorde de Dieu, qui est accordée en
abondance dans le sacrement de pénitence »
.
La célébration de ce
sacrement acquiert une signification particulière au plan de la vie familiale :
déjà, dans la foi, les époux et tous les membres de la famille découvrent que le
péché contredit l'alliance avec Dieu et aussi l'alliance entre époux et la
communion de la famille ; ils sont conduits maintenant à la rencontre de Dieu
« riche en miséricorde »
lequel, en accordant son amour plus puissant que le péché
,
reconstruit et perfectionne l'alliance conjugale et la communion familiale.
59. L’Église
prie pour la famille chrétienne et l'éduque à vivre en généreuse cohérence avec
le don et le rôle sacerdotaux, reçus du Christ, Souverain Prêtre. En réalité, le
sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour
les époux et pour la famille le fondement d'une vocation et d'une mission
sacerdotales par lesquelles leur existence quotidienne se transforme en un
« sacrifice spirituel agréable à Dieu par l'intermédiaire de Jésus-Christ »
:
c'est ce qui se produit, non seulement par la célébration de l'Eucharistie et
des autres sacrements et par l'offrande d'eux-mêmes à la gloire de Dieu, mais
aussi par la vie de prière, qui est dialogue priant avec le Père par
Jésus-Christ dans l'Esprit Saint.
La prière familiale a
ses caractéristiques. Elle est une prière faite en commun : mari et femme
ensemble, parents et enfants ensemble. La communion dans la prière est à la fois
un fruit et une exigence de cette communion qui est donnée par les sacrements de
baptême et de mariage. Aux membres de la famille chrétienne peuvent s'appliquer
de manière spéciale les paroles par lesquelles Jésus promet sa présence : « Je
vous le dis en vérité, si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix
pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux
cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au
milieu d'eux »
.
La prière familiale a
comme contenu original la vie même de la famille qui, à travers ses divers
épisodes, est interprétée comme une vocation venant de Dieu et réalisée comme
une réponse filiale à son appel : joies et peines, espoirs et tristesses,
naissances et anniversaires, commémoration du mariage des parents, départs,
absences et retours, choix importants et décisifs, la mort des êtres chers,
etc., sont des signes de la présence aimante de Dieu dans l'histoire de la
famille, et ces événements doivent aussi devenir un moment favorable d'action de
grâces, de supplication et d'abandon confiant de la famille entre les mains du
Père commun qui est aux cieux. D'autre part, la dignité et la responsabilité de
la famille chrétienne comme Église domestique ne peuvent être vécues qu'avec
l'aide continuelle de Dieu, qui lui sera immanquablement accordée si elle est
implorée dans la prière avec confiance et humilité.
60. Sur la
base de leur dignité et de leur mission, les parents chrétiens ont le devoir
spécifique d'éduquer leurs enfants à la prière, de les introduire à la
découverte progressive du mystère de Dieu et à l'entretien personnel avec lui :
« C'est surtout dans la famille chrétienne, riche des grâces et des exigences du
sacrement de mariage, que dès leur plus jeune âge les enfants doivent,
conformément à la foi reçue au baptême, apprendre à découvrir Dieu et à
l'honorer ainsi qu'à aimer le prochain »
.
L'exemple concret,
autrement dit le témoignage vivant des parents, est un élément fondamental et
irremplaçable de l'éducation à la prière : c'est seulement en priant avec leurs
enfants que le père et la mère, tandis qu'ils accomplissent leur sacerdoce
royal, pénètrent profondément le coeur de leurs enfants, en y laissant des
traces que les événements de la vie ne réussiront pas à effacer. Écoutons de
nouveau l'appel que le Pape Paul VI a adressé aux parents : « Mamans,
apprenez-vous à vos petits les prières du chrétien ? Les préparez-vous, en
collaboration avec les prêtres, aux sacrements du premier âge : la confession,
la communion, la confirmation ? Les habituez-vous, s'ils sont malades, à penser
aux souffrances du Christ, à invoquer l'aide de la Sainte Vierge et des saints ?
Récitez-vous avec eux le Rosaire en famille ? Et vous, les pères, savez-vous
prier avec vos enfants, avec toute la communauté familiale, au moins
quelquefois ? Votre exemple, accompagné de la droiture de votre pensée et de vos
actes, appuyé par quelques prières communes, vaut bien une leçon de vie. C'est
un acte de culte particulièrement méritoire. Vous apportez ainsi la paix entre
les murs de votre foyer : “Pax huic domui”. Ne l'oubliez pas, c'est ainsi que
vous construisez l’Église »
.
61. Entre la
prière de l’Église et celle de chacun des fidèles, il y a un rapport profond et
vital, comme l'a clairement réaffirmé le Concile Vatican II
.
Or, un but important de la prière de l’Église domestique est de constituer, pour
les enfants, une introduction naturelle à la prière liturgique de l’Église
entière, aussi bien dans le sens d'une préparation à la prière liturgique que
dans le sens d'une extension de celle-ci au domaine de la vie personnelle,
familiale et sociale. D'où la nécessité d'une participation progressive de tous
les membres de la famille chrétienne à l'Eucharistie, surtout le dimanche et les
jours de fête, et aux autres sacrements, en particulier ceux de l'initiation
chrétienne des enfants. Les directives conciliaires ont ouvert une nouvelle
possibilité à la famille chrétienne, qui a été comptée parmi les groupes
auxquels la récitation en commun de l'Office divin a été recommandée
.
La famille chrétienne aura également soin de célébrer, même à la maison et de
manière adaptée aux membres présents, les périodes et les fêtes liturgiques.
Pour préparer et
prolonger à la maison le culte célébré à l'église, la famille chrétienne recourt
à la prière privée, qui présente une grande variété de formes : cette variété,
tout en témoignant de l'extraordinaire richesse de la prière chrétienne animée
par l'Esprit Saint, répond aux diverses exigences et situations concrètes de
celui qui se tourne vers le Seigneur. Outre les prières du matin et du soir,
sont à conseiller expressément, conformément d'ailleurs aux indications des
Pères du Synode, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, la
préparation aux sacrements, la dévotion et la consécration au Coeur de Jésus,
les différentes formes de piété envers la Vierge Marie, la bénédiction de la
table, les pratiques de dévotion populaire.
Dans le respect de la
liberté des fils de Dieu, l’Église a proposé et continue de proposer aux fidèles
quelques pratiques de piété avec une insistance particulière. Parmi celles-ci,
il faut rappeler la récitation du chapelet : « Nous voudrions maintenant, en
continuité avec les intentions de nos prédécesseurs, recommander vivement la
récitation du Rosaire en famille... Il n'y a pas de doute que le chapelet de la
Vierge Marie doit être considéré comme une des plus excellentes et des plus
efficaces “prières en commun” que la famille chrétienne est invitée à réciter.
Nous aimons penser, en effet, et nous espérons vivement que si la rencontre
familiale devient un temps de prière, le Rosaire en est une expression fréquente
et appréciée ».
.
Ainsi, la vraie dévotion mariale, qui s'exprime dans des relations sincères avec
la Vierge et dans l'imitation de ses attitudes spirituelles, constitue un
instrument privilégié pour alimenter la communion d'amour de la famille et pour
développer la spiritualité conjugale et familiale. La Mère du Christ et de
l’Église est aussi, et de manière spéciale, la Mère des familles chrétiennes,
des Églises domestiques.
62. On ne
devra jamais oublier que la prière est une partie constitutive essentielle de la
vie chrétienne; cultivée dans sa totalité et comme une réalité centrale, elle
appartient même à notre « humanité » : elle est « l'expression première de la
vérité intérieure de l'homme, la condition première de l'authentique liberté de
l'esprit »
.
C'est pourquoi la prière
ne représente pas du tout une évasion des tâches quotidiennes, mais elle
constitue l'impulsion qui porte plus fortement la famille chrétienne à assumer
ses responsabilités de cellule première et fondamentale de la société humaine et
à s'en acquitter pleinement. En ce sens, la participation effective à la vie et
à la mission de l’Église dans le monde est proportionnelle à la fidélité et à
l'intensité de la prière par laquelle la famille chrétienne s'unit à la Vigne
féconde qu'est le Christ Seigneur
.
La fécondité
de la famille chrétienne au plan de son service spécifique de promotion humaine,
qui de soi ne peut pas ne pas contribuer à la transformation du monde, découle
aussi de l'union vitale avec le Christ, alimentée par la liturgie, par
l'offrande de soi-même et par la prière
.
63. L’Église,
peuple prophétique, sacerdotal et royal, a la mission d'orienter tous les hommes
vers l'accueil, dans la foi, de la Parole de Dieu, vers la célébration et la
proclamation de celle-ci dans les sacrements et dans la prière, et enfin vers sa
manifestation à travers les réalités concrètes de la vie conformément au don et
au commandement nouveau de l'amour.
La vie chrétienne trouve
sa loi, non dans un code écrit, mais dans l'action personnelle du Saint-Esprit
qui anime et guide le chrétien, c'est-à-dire dans « la loi de l'Esprit, qui
donne la vie dans le Christ Jésus »
:
« L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous fut
donné »
.
Cela vaut également pour
le couple et pour la famille chrétienne : leur guide et leur règle est l'Esprit
de Jésus, répandu dans les coeurs par la célébration du sacrement de mariage. En
continuité avec le baptême dans l'eau et dans l'Esprit, le mariage propose à
nouveau la loi évangélique de l'amour, et par le don de l'Esprit la grave plus
profondément dans le coeur des époux chrétiens : leur amour, purifié et sauvé,
est un fruit de l'Esprit qui agit dans le coeur des croyants et se manifeste en
même temps comme le commandement fondamental de la vie morale qui s'impose à
leur liberté responsable.
La famille chrétienne
est ainsi animée et guidée par la loi nouvelle de l'Esprit Saint, et elle est
appelée à vivre son « service » d'amour de Dieu et du prochain en étroite
communion avec l’Église, peuple royal. Comme le Christ exerce son pouvoir royal
en se mettant au service des hommes
,
de même le chrétien trouve le sens authentique de sa participation à la royauté
de son Seigneur en partageant l'esprit et l'attitude de service qui furent les
siens envers l'homme : « Ce pouvoir, il (le Christ) l'a communiqué à ses
disciples, pour qu'ils soient eux aussi établis dans la liberté royale, et que,
par le renoncement à eux-mêmes et par une vie sainte, ils vainquent en eux le
règne du péché
,
bien plus, pour que, servant le Christ également dans les autres, ils puissent,
dans l'humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu'au Roi dont il est
dit que le servir c'est régner. En effet, le Seigneur désire étendre son règne
également par les fidèles laïcs : règne de vérité et de vie, règne de sainteté
et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix ; dans ce règne, la création
elle-même sera délivrée de l'esclavage de la corruption pour connaître la
liberté glorieuse des fils de Dieu »
.
64. Animée et
soutenue par le commandement nouveau de l'amour, la famille chrétienne vit
l'accueil, le respect, le service de tout homme, considéré toujours dans sa
dignité de personne et de fils de Dieu.
Il doit en être ainsi,
tout d'abord à l'intérieur et au bénéfice du couple et de la famille, grâce à
l'engagement quotidien dans la promotion d'une authentique communauté de
personnes, fondée et alimentée par la communion des coeurs. Ensuite, ce
comportement doit se développer dans le cercle plus vaste de la communauté
ecclésiale, à l'intérieur de laquelle la famille chrétienne est insérée : grâce
à la charité de la famille, l’Église peut et doit assumer une dimension plus
familiale, en adoptant un style de relations plus humain et plus fraternel.
La charité dépasse
l'horizon des frères dans la foi, parce que « tout homme est mon frère » ; en
chaque homme, surtout s'il est pauvre, faible, souffrant et injustement traité,
la charité sait découvrir le visage du Christ et un frère à aimer et à servir.
Pour que le service de
l'homme soit vécu par la famille de manière évangélique, il faudra s'empresser
de mettre en oeuvre ce que dit le Concile Vatican II : « Pour que cet exercice
de la charité soit toujours au-dessus de toute critique et apparaisse comme tel,
il faut voir dans le prochain l'image de Dieu selon laquelle il a été créé et le
Christ notre Seigneur à qui est offert en réalité tout ce qui est donné au
pauvre »
.
La famille chrétienne,
tout en construisant l’Église dans la charité, se met au service de l'homme et
du monde, en réalisant vraiment la « promotion humaine » dont les différents
aspects ont été synthétisés dans le message du Synode aux familles ; « Une autre
tâche de la famille est celle de former des hommes à l'amour et de vivre l'amour
dans tous les rapports avec les autres, de manière que la famille ne se ferme
pas sur elle-même mais qu'elle demeure ouverte à la communauté, y étant poussée
par le sens de la justice et par le souci des autres, comme par le devoir de sa
propre responsabilité envers la société tout entière »
.
65. Comme
toute réalité vivante, la famille est appelée elle aussi à se développer et à
croître. Après la préparation des fiançailles et la célébration sacramentelle du
mariage, le couple commence son cheminement quotidien vers la mise en oeuvre
progressive des valeurs et des devoirs du mariage même.
A la lumière de la foi
et en vertu de l'espérance, la famille chrétienne participe elle aussi, en
communion avec l’Église, à l'expérience du pèlerinage terrestre vers la pleine
révélation et la réalisation du Royaume de Dieu.
Il y a donc lieu de
souligner une fois encore l'urgence de l'intervention pastorale de l’Église pour
soutenir la famille. Il est nécessaire de faire tous les efforts possibles pour
que la pastorale de la famille s'affermisse et se développe, en se consacrant à
un secteur vraiment prioritaire, avec la certitude que l'évangélisation, à
l'avenir, dépend en grande partie de l’Église domestique
.
La sollicitude pastorale
de l’Église ne se limitera pas seulement aux familles chrétiennes les plus
proches mais, en élargissant ses propres horizons à la mesure du Coeur du
Christ, elle se montrera encore plus active pour l'ensemble des familles en
général et pour celles, en particulier, qui se trouvent dans des situations
difficiles ou irrégulières. Pour toutes, l’Église aura une parole de vérité, de
bonté, de compréhension, d'espérance, de participation profonde à leurs
difficultés parfois dramatiques ; à toutes, elle offrira son aide désintéressée
afin qu'elles puissent se rapprocher du modèle de famille que le Créateur a
voulu dès le « commencement » et que le Christ a rénové par sa grâce
rédemptrice.
L'action pastorale de
l’Église doit être progressive en ce sens, entre autres, qu'elle doit suivre la
famille en l'accompagnant pas à pas dans les diverses étapes de sa formation et
de son développement.
66. De nos
jours, la préparation des jeunes au mariage et à la vie familiale est plus
nécessaire que jamais. Dans certains pays, ce sont encore les familles qui,
selon d'antiques usages, se réservent de transmettre aux jeunes les valeurs
concernant la vie matrimoniale et familiale, par un système progressif
d'éducation ou d'initiation. Mais les changements survenus au sein de presque
toutes les sociétés modernes exigent que non seulement la famille, mais aussi la
société et l’Église, soient engagées dans l'effort de préparation adéquate des
jeunes aux responsabilités de leur avenir. Beaucoup de phénomènes négatifs que
l'on déplore aujourd'hui dans la vie familiale viennent du fait que, dans les
nouvelles situations, les jeunes ont perdu de vue la juste hiérarchie des
valeurs et que, ne possédant plus de critères sûrs de comportement, ils ne
savent plus comment affronter et résoudre les nouvelles difficultés.
L'expérience enseigne pourtant que les jeunes bien préparés à la vie familiale
réussissent en général mieux que les autres.
Cela vaut encore plus
pour le mariage chrétien, dont l'influence s'étend sur la sainteté de tant
d'hommes et de femmes. C'est pourquoi l’Église doit promouvoir des programmes
meilleurs et plus intensifs de préparation au mariage, pour éliminer le plus
possible les difficultés dans lesquelles se débattent tant de couples, et plus
encore pour conduire positivement les mariages à la réussite et à la pleine
maturité.
La préparation au
mariage est à considérer et à réaliser comme un processus graduel et continu.
Elle comporte en effet trois principales étapes : préparation éloignée,
prochaine et immédiate.
La préparation éloignée
commence dès l'enfance, selon la sage pédagogie familiale qui vise à conduire
les enfants à se découvrir eux-mêmes comme doués d'une psychologie à la fois
riche et complexe, et d'une personnalité particulière, avec ses propres forces
et aussi ses faiblesses. C'est la période durant laquelle on inculque peu à peu
l'estime pour toute valeur humaine authentique, dans les rapports
interpersonnels comme dans les rapports sociaux, avec ce que cela comprend pour
la formation du caractère, pour la maîtrise de soi et l'usage correct de ses
propres inclinations, pour la manière de considérer et de rencontrer les
personnes de l'autre sexe, et ainsi de suite. En outre, spécialement pour les
chrétiens, est requise une solide formation spirituelle et catéchétique, qui
sache montrer dans le mariage une véritable vocation et mission, sans exclure la
possibilité du don total de soi à Dieu dans la vocation sacerdotale ou
religieuse.
Sur cette base
s'appuiera ensuite — et c'est là une oeuvre de longue haleine — la préparation
prochaine: à partir de l'âge opportun et avec une catéchèse adéquate, un peu
comme pour le cheminement catéchuménal, elle comporte une préparation plus
spécifique aux sacrements, comme si on les redécouvrait. Cette catéchèse rénovée
de tous ceux qui se préparent au mariage chrétien est tout à fait nécessaire,
afin que le sacrement soit célébré et vécu avec les dispositions morales et
spirituelles qui conviennent. La formation religieuse des fiancés devra être
complétée, au moment voulu et selon les diverses exigences concrètes, par une
préparation à la vie à deux : une telle préparation, en présentant le mariage
comme un rapport interpersonnel de l'homme et de la femme à développer de façon
continuelle, devra les encourager à approfondir les problèmes de la sexualité
conjugale et de la paternité responsable, avec les connaissances essentielles
qui leur sont connexes dans l'ordre biologique et médical, et les amener à se
familiariser avec de bonnes méthodes d'éducation des enfants, en favorisant
l'acquisition des éléments de base pour une conduite ordonnée de la famille
(travail stable, disponibilité financière suffisante, sage administration,
notion d'économie familiale, etc.).
Enfin, on ne devra pas
négliger la préparation à l'apostolat familial, à la fraternité et à la
collaboration avec les autres familles, à l'insertion active dans des groupes,
associations, mouvements et initiatives ayant pour finalité le bien humain et
chrétien de la famille.
La préparation immédiate
à la célébration du sacrement de mariage doit avoir lieu dans les derniers mois
et notamment dans les dernières semaines qui précèdent les noces de manière a
donner une nouvelle signification, un nouveau contenu et un nouvelle forme à ce
qu'on appelle l'enquête pré-matrimoniale requise par le droit canonique.
Nécessaire dans tous les cas, une telle préparation s'impose avec plus d'urgence
pour les fiancés qui présenteraient encore des déficiences et des difficultés en
matière de doctrine et de pratique chrétienne.
Parmi les éléments à
communiquer dans ce cheminement de foi, analogue au catéchuménat, il doit y
avoir aussi une connaissance approfondie du mystère du Christ et de l’Église, de
ce que signifient la grâce et la responsabilité inhérentes au mariage chrétien,
sans compter la préparation à prendre une part active et consciente aux rites de
la liturgie nuptiale.
La famille chrétienne et
toute la communauté ecclésiale doivent se sentir engagées dans les diverses
phases de la préparation au mariage, dont nous avons tracé seulement les grandes
lignes. Il est souhaitable que les Conférences épiscopales, étant intéressées
aux initiatives qui conviennent pour aider les futurs époux à être plus
conscients du sérieux de leur choix et les pasteurs d'âmes à s assurer qu'ils
ont les dispositions voulues, s'emploient à ce que soit promulgué un Directoire
pour la pastorale de la famille. Dans celui-ci, ils devront fixer, avant tout,
les éléments indispensables du contenu, de la durée et de la méthode des "cours
de préparation", en équilibrant entre eux les divers aspects — doctrinaux,
pédagogiques, légaux et médicaux — qui concernent le mariage, et en les
organisant de manière à permettre à ceux qui se préparent au mariage, non
seulement de bénéficier d'un approfondissement intellectuel, mais de se sentir
poussés à s'insérer de façon active dans la communauté ecclésiale.
Bien que le caractère
nécessaire et obligatoire de la préparation immédiate au mariage ne doive pas
être sous-estimé — cela arriverait si l'on en dispensait facilement —, une telle
préparation doit toujours être proposée et réalisée de manière que son omission
éventuelle ne constitue pas un empêchement a la célébration des noces.
67. Le mariage
chrétien requiert — telle est la norme — une célébration liturgique qui exprime
de façon sociale et communautaire la nature essentiellement ecclésiale et
sacramentelle du pacte conjugal entre les baptisés.
En tant que geste
sacramentel de sanctification, la célébration du mariage, insérée dans la
liturgie qui est le sommet de toute l'action de l’Église et la source de sa
force sanctificatrice, doit être par elle-même valide, digne et fructueuse. La
sollicitude pastorale trouve ici un vaste champ d'application si l'on veut
répondre pleinement aux exigences découlant de la nature du pacte conjugal élevé
au rang de sacrement, et aussi observer fidèlement la discipline de l’Église
pour tout ce qui regarde le libre consentement, les empêchements, la forme
canonique et le rite même de la célébration. Ce rite doit être simple et digne,
accompli selon les normes des Autorités compétentes de l’Église ; il revient
d'ailleurs à celles-ci — selon les circonstances concrètes de temps et de lieu
et en conformité avec les normes établies par le Siège Apostolique
— d'assumer éventuellement dans la célébration liturgique les éléments propres à
chaque culture susceptibles de mieux exprimer la profonde signification humaine
et religieuse du pacte conjugal, pourvu qu'ils ne contiennent rien qui s'écarte
de la foi et de la morale chrétiennes.
En tant que signe, la
célébration liturgique doit se dérouler de manière a constituer, même dans sa
réalité extérieure, une proclamation de la Parole de Dieu et une profession de
foi de la communauté des croyants. L'effort pastoral portera ici sur
l'utilisation intelligente et diligente de la « Liturgie de la Parole », et sur
l'éducation de la foi de ceux qui participent à la célébration et, en premier
lieu, des futurs époux.
En tant que geste
sacramentel de l’Église, la célébration liturgique du mariage doit engager la
communauté chrétienne, grâce à une participation pleine, active et responsable
de toutes les personnes présentes, chacune selon sa place et son rôle : les
époux, le prêtre, les témoins, les parents, les amis, les autres fidèles, bref
tous les membres d'une assemblée qui manifeste et vit le mystère du Christ et de
son Église.
Pour la célébration du
mariage chrétien dans le cadre des cultures ou des traditions ancestrales, il
faut suivre les principes énoncés ci-dessus.
68.
Précisément parce que, dans la célébration du mariage, une attention toute
spéciale doit être réservée aux dispositions morales et spirituelles des époux,
en particulier à leur foi, il faut aborder ici une difficulté qui n'est pas
rare, et que peuvent rencontrer les pasteurs de l’Église dans le contexte de
notre société sécularisée.
En effet, la foi de
celui qui demande à l’Église de bénir son mariage peut exister à des degrés
divers, et c'est le devoir fondamental des pasteurs de la faire redécouvrir, de
la nourrir et de l'amener à maturité. Mais ils doivent aussi comprendre les
raisons qui conseillent à l’Église d'admettre à la célébration même celui qui
est imparfaitement disposé.
Parmi tous les
sacrements, celui du mariage a ceci de spécifique d'être le sacrement d'une
réalité qui existe déjà dans l'ordre de la création, d'être le pacte conjugal
institué par le Créateur « au commencement ». Par conséquent, la décision de
l'homme et de la femme de s'épouser selon ce projet divin, autrement dit la
décision d'engager toute leur vie par leur consentement conjugal irrévocable
dans un amour indissoluble et dans une fidélité sans conditions, implique
réellement, même si ce n'est pas d'une manière pleinement consciente, une
attitude de profonde obéissance à la volonté de Dieu, qui ne peut exister sans
sa grâce. Ils sont donc déjà entrés dans un véritable cheminement de salut, que
la célébration du sacrement et sa préparation immédiate peuvent compléter et
porter à terme, étant donné la rectitude de leur intention.
Il est vrai, d'autre
part, que, en certains territoires, des motifs de caractère plus social
qu'authentiquement religieux poussent les fiancés à demander de se marier à
l'église. Cela n'est pas étonnant. Le mariage, en effet, n'est pas un événement
qui regarde seulement ceux qui se marient. Il est aussi, par sa nature même, un
fait social qui engage les époux devant la société. Et depuis toujours sa
célébration a été une fête qui unit familles et amis. Il va donc de soi que des
motifs sociaux entrent, en même temps que des motifs personnels, dans la demande
du mariage à l'église.
Cependant, il ne faut
pas oublier que ces fiancés, en vertu de leur baptême, sont déjà réellement
insérés dans l'Alliance nuptiale du Christ avec l’Église, qu'avec une intention
droite ils ont accueilli le projet de Dieu sur le mariage et que, par
conséquent, au moins implicitement, ils consentent à ce que l’Église entend
faire lorsqu'elle célèbre le mariage. Aussi, le seul fait que, dans leur
demande, il entre également des motifs de caractère social, ne justifie pas un
refus éventuel de la part des pasteurs. Du reste, comme l'a enseigné le Concile
Vatican II, les sacrements, grâce aux paroles et aux éléments du rite,
nourrissent et fortifient la foi
,
cette foi vers laquelle les fiancés sont déjà en chemin en vertu de la rectitude
de leur intention, que la grâce du Christ ne manque assurément pas de favoriser
et de soutenir.
Au-delà de toutes ces
considérations, vouloir établir, pour l'admission à la célébration ecclésiale du
mariage, d'autres critères qui concerneraient le degré de foi des fiancés,
comporte de graves risques : avant tout, celui de prononcer des jugements non
suffisamment fondés et discriminatoires ; le risque ensuite de soulever des
doutes sur la validité de mariages déjà célébrés, non sans grave dommage pour
les communautés chrétiennes, et de susciter de nouvelles inquiétudes
injustifiées dans la conscience des époux. On tomberait dans le danger de
contester ou de mettre en doute la sacramentalité de nombreux mariages de frères
qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, et cela en
contradiction avec la tradition ecclésiale.
Lorsque, au contraire,
malgré toutes les tentatives qu'on a pu faire, les fiancés manifestent leur
refus explicite et formel de ce que l’Église entend faire quand est célébré un
mariage de baptisés, le pasteur d'âmes ne peut les admettre à la célébration.
Même si c'est à contre coeur, il a le devoir de prendre acte de la situation et
de faire comprendre aux intéressés que, les choses tant ce qu'elles sont, ce
n'est pas l’Église, mais eux-mêmes qui empêchent la célébration que pourtant ils
demandent.
Encore une fois apparaît
dans toute son urgence la nécessité d'une évangélisation et d'une catéchèse
pré-matrimoniales et post-matrimoniales à mettre en oeuvre par toute la
communauté chrétienne, pour permettre à tout homme et à toute femme qui se
marient de célébrer le sacrement de mariage non seulement validement, mais
encore avec fruit.
69. La
sollicitude pastorale pour la famille régulièrement constituée signifie,
concrètement, l'engagement de toutes les instances de la communauté ecclésiale
locale pour aider le couple à découvrir et à vivre sa vocation et sa mission
nouvelles. Pour que la famille devienne toujours davantage une vraie communauté
d'amour, il est nécessaire que tous ses membres soient aidés et formés à leurs
responsabilités en face des nouveaux problèmes qui se présentent, au service
réciproque, à la participation à la vie de la famille.
Cela vaut surtout pour
les jeunes familles qui, se trouvant dans un contexte de nouvelles valeurs et de
nouvelles responsabilités, sont plus exposées, spécialement dans les premières
années du mariage, à d'éventuelles difficultés, comme celles qui proviennent de
l'adaptation à la vie en commun ou de la naissance des enfants. Les jeunes époux
sauront accueillir cordialement et utiliser intelligemment l'aide discrète,
délicate et généreuse d'autres couples qui vivent déjà depuis un certain temps
l'expérience du mariage et de la famille. Ainsi, au sein de la communauté
ecclésiale — grande famille formée de familles chrétiennes — se réalisera un
échange mutuel, fait de présence et d'entraide, entre toutes les familles,
chacune mettant au service des autres son expérience humaine, comme aussi les
dons de la foi et de la grâce. Animée par un véritable esprit apostolique, cette
entraide de famille à famille constituera l'un des moyens les plus simples, les
plus efficaces et à la porté de tous pour répandre de proche en proche les
valeurs chrétiennes qui sont le point de départ et le point d'aboutissement de
toute charge pastorale. De cette façon, les jeunes familles ne se borneront pas
à recevoir, mais à leur tour, grâce à cette aide, elles deviendront, par leur
témoignage de vie et leur contribution active, une source d'enrichissement pour
les autres familles qui sont fondées depuis un certain temps.
Dans l'action pastorale
vis-à-vis des jeunes familles, l’Église devra aussi s'appliquer spécialement à
les éduquer à vivre l'amour conjugal de façon responsable, en rapport avec ses
exigences de communion et de service de la vie, et de même leur apprendre à
concilier l'intimité de la vie de foyer avec la tâche généreuse qui incombe à
tous d'édifier l’Église et la société humaine. Lorsque, avec la venue des
enfants, le couple devient une famille au sens plénier et spécifique du terme,
l’Église sera encore proche des parents pour leur permettre d'accueillir leurs
enfants et de les aimer comme un don reçu du Seigneur de la vie, en assumant
avec joie la fatigue de les servir dans leur croissance humaine et chrétienne.
L'action pastorale est
toujours l'expression dynamique de la réalité de l’Église engagée dans sa
mission de salut. La pastorale familiale, forme particulière et spécifique de la
pastorale, trouve elle aussi dans l’Église le principe de son action et son
protagoniste responsable, à travers ses structures et ses membres actifs.
70. Communauté
à la fois sauvée et salvatrice, l’Église doit être considérée ici dans sa double
dimension universelle et particulière. Celle-ci s'exprime et se réalise dans la
communauté diocésaine, divisée pour des raisons pastorales en communautés plus
petites parmi lesquelles la paroisse a une place à part, vu son importance
particulière.
La communion avec
l’Église universelle, loin de porter atteinte à la valeur et à l'originalité des
diverses Églises particulières, les garantit et les développe ; ces dernières
demeurent en effet les agents les plus immédiats et les plus efficaces pour
mettre en oeuvre la pastorale familiale. En ce sens, chaque Église locale et, en
termes plus particuliers, chaque communauté paroissiale doit prendre une plus
vive conscience de la grâce et de la responsabilité qu'elle reçoit du Seigneur
en vue de promouvoir la pastorale de la famille. Tout plan de pastorale
organique, à quelque niveau que ce soit, ne peut jamais omettre de prendre en
considération la pastorale de la famille.
C'est à la lumière d'une
telle responsabilité qu'il faut comprendre aussi l'importance d'une préparation
adéquate pour tous ceux qui seront plus spécifiquement engagés dans ce genre
d'apostolat. Les prêtres, les religieux et les religieuses, dès le temps de leur
formation, seront orientes et formés de manière progressive et adaptée à leurs
tâches respectives. Entre autres initiatives, il me plaît de souligner la
récente création à Rome, auprès de l'Université pontificale du Latran, d'un
Institut supérieur consacré à l'étude des problèmes de la famille. Dans certains
diocèses également des Instituts de ce genre ont été fondés ; les évêques
devront faire en sorte que le plus grand nombre possible de prêtres y
fréquentent des cours spécialisés, avant d'assumer des responsabilités
paroissiales. Ailleurs, des cours de formation sont périodiquement donnés par
les Instituts supérieurs d'études théologiques et pastorales. De telles
initiatives seront encouragées, soutenues, multipliées et évidemment ouvertes
aussi aux laïcs qui y apporteront leur concours professionnel pour aider la
famille (au plan de la médecine, du droit, de la psychologie, de la sociologie,
de l'éducation).
71. Mais
surtout on doit reconnaître la place singulière que tient en ce domaine la
mission des conjoints et des familles chrétiennes, en vertu de la grâce reçue
dans le sacrement. Une telle mission doit être mise au service de l'édification
de l’Église, de la construction du Royaume de Dieu dans l'histoire. Cela est
requis comme un acte d'obéissance docile au Christ Seigneur. C'est lui qui, en
effet, par le mariage des baptisés élevé au rang de sacrement, confère aux époux
chrétiens une mission particulière d'apôtres, en les envoyant comme ouvriers
dans sa vigne et, de façon toute spéciale, dans le champ de la famille.
Dans cette activité, les
époux chrétiens agissent en communion et en collaboration avec les autres
membres de l’Église qui oeuvrent aussi en faveur de la famille, en faisant
fructifier leurs dons et leurs ministères. Ils accompliront cet apostolat avant
tout au sein de leur propre famille, par le témoignage d'une vie vécue en
conformité avec la loi divine sous tous ses aspects, par la formation chrétienne
des enfants, par l'aide apportée à leur maturation dans la foi, par l'éducation
à la chasteté, par la préparation à la vie, par le soin accordé à les préserver
des dangers idéologiques et moraux dont souvent ils sont menacés, par leur
insertion progressive, avec responsabilité, dans la communauté ecclésiale et
dans la communauté civile, par l'assistance et les conseils dans le choix de
leur vocation, par l'aide mutuelle entre les membres de la famille pour leur
croissance commune au plan humain et chrétien, et ainsi de suite. Par ailleurs,
l'apostolat de la famille s'épanouira sous forme d'oeuvres de charité
spirituelle et matérielle envers les autres familles, spécialement envers celles
qui ont le plus besoin d'entraide et de soutien, envers les pauvres, les
malades, les personnes âgées, les handicapés, les orphelins, les veuves, les
époux abandonnés, les mères célibataires et celles qui, dans des situations
difficiles, sont tentées de se défaire du fruit de leur sein, etc.
72. Toujours
dans le cadre de l’Église, sujet responsable de la pastorale familiale, il faut
rappeler les divers regroupements de fidèles, dans lesquels se manifeste et se
vit dans une certaine mesure le mystère de l’Église du Christ. Il importe donc
de reconnaître et de valoriser les communautés ecclésiales, les groupes et les
nombreux mouvements engagés de diverse manière, à des titres variés et à
différents niveaux dans la pastorale familiale, en tenant compte pour chacun des
caractéristiques, de la finalité, de l'impact et des méthodes propres.
Pour ce motif, le Synode
a expressément reconnu l'apport utile de telles associations de spiritualité, de
formation et d'apostolat. Leur rôle sera de susciter chez les fidèles un sens
aigu de la solidarité, de favoriser une conduite de vie inspirée de l’Évangile
et de la foi de l’Église, de former les consciences selon les valeurs
chrétiennes et non d'après les critères de l'opinion publique, d'encourager les
œuvres de charité orientées vers l'entraide mutuelle et vers les autres avec un
esprit d'ouverture qui fasse des familles chrétiennes une véritable source de
lumière et un ferment sain pour les autres familles.
Il est également
désirable que, selon un sens très vif du bien commun, les familles chrétiennes
s'engagent activement, à tous les niveaux, dans d'autres associations non
ecclésiales. Certaines de ces associations se proposent la préservation, la
transmission et la sauvegarde des vraies valeurs éthiques et culturelles du
peuple auquel elles appartiennent, le développement de la personne humaine, la
protection médicale, juridique et sociale de la maternité et de l'enfance, la
juste promotion de la femme et la lutte contre tout ce qui blesse sa dignité,
l'accroissement de la solidarité mutuelle, la connaissance des problèmes liés à
la régulation responsable de la fécondité selon les méthodes naturelles
conformes à la dignité humaine et à la doctrine de l’Église. D'autres visent la
construction d'un monde plus équitable et plus humain, la promotion de lois
justes favorisant l'ordre social qui convient dans le plein respect de la
dignité et de toutes les libertés légitimes de l'individu et de la famille, au
niveau national comme au niveau international, la collaboration avec l'école et
avec les autres institutions qui complètent l'éducation des enfants, et ainsi de
suite.
En plus de la famille —
qui est l'objet, mais avant tout le sujet de la pastorale familiale —, il
convient de rappeler aussi les autres responsables principaux dans ce secteur
particulier.
73. Le premier
responsable de la pastorale familiale dans le diocèse est l'évêque. Comme père
et pasteur, il doit être particulièrement soucieux de ce secteur, sans aucun
doute prioritaire, de la pastorale. Il doit lui consacrer intérêt, sollicitude,
temps, personnel, ressources : mais par-dessus tout, il doit apporter un appui
personnel aux familles et à tous ceux qui, dans les diverses structures
diocésaines, l'assistent dans la pastorale de la famille. Il aura
particulièrement à coeur la volonté de faire en sorte que son diocèse soit
toujours davantage une véritable « famille diocésaine », modèle et source
d'espérance pour tant de familles qui en font partie. La création du Conseil
pontifical pour la Famille est à considérer dans ce contexte : il est fait pour
être un signe de l'importance que j'attribue à la pastorale de la famille dans
le monde, et en même temps un instrument efficace pour aider à la promouvoir à
tous les niveaux.
Les évêques sont aidés
en particulier par les prêtres dont la tâche — comme l'a expressément souligné
le Synode — constitue une partie essentielle du ministère de l’Église à l'égard
du mariage et de la famille. On doit dire la même chose des diacres auxquels
sera éventuellement confiée la charge de ce secteur pastoral.
Leur responsabilité
s'étend non seulement aux problèmes moraux et liturgiques, mais aussi aux
problèmes de caractère personnel et social. Ils doivent soutenir la famille dans
ses difficultés et ses souffrances, en se tenant aux côtés de ses membres, en
les aidant à voir leur vie à la lumière de l’Évangile. Il n'est pas superflu de
noter que, dans cette mission, exercée avec le discernement qui convient et un
véritable esprit apostolique, le ministre de l’Église puise un nouveau stimulant
et de nouvelles énergies pour sa propre vocation et pour l'exercice même de son
ministère.
Préparés à cet apostolat
en temps utile et de façon sérieuse, le prêtre et le diacre doivent se comporter
constamment, au regard des familles, comme des pères, des frères, des pasteurs
et des maîtres, en les aidant avec le secours de la grâce et en les éclairant
avec la lumière de la vérité. Leur enseignement et leurs conseils devront donc
être toujours en pleine consonance avec le Magistère authentique de l’Église, de
manière à aider le peuple de Dieu à se former un sens exact de la foi à
appliquer ensuite à la vie concrète. Cette fidélité au Magistère permettra aussi
aux prêtres de veiller avec grand soin à maintenir l'unité dans leurs façons de
juger, afin d'éviter aux fidèles des troubles de conscience.
Les pasteurs et les
laïcs participent dans l’Église à la mission prophétique du Christ : les laïcs,
en témoignant de la foi par la parole et par la vie chrétienne ; les pasteurs,
en discernant dans ce témoignage ce qui est expression de foi authentique et ce
qui correspond moins à la lumière de la foi ; la famille, en tant que communauté
chrétienne, grâce à sa participation spéciale et à son témoignage de foi. Ainsi
s'établit un dialogue entre les pasteurs et les familles. Les théologiens et les
experts des problèmes familiaux peuvent favoriser grandement ce dialogue, en
exposant exactement le contenu du Magistère de l’Église et celui de l'expérience
de la vie de famille. En ce sens, l'enseignement du Magistère se comprend mieux
et le chemin vers son développement progressif devient plus facile. Il est
toutefois utile de rappeler que la norme prochaine et obligatoire dans la
doctrine de la foi — cela concerne aussi les problèmes de la famille —
appartient au Magistère hiérarchique. Des rapports clairs entre les théologiens,
les experts des problèmes familiaux et le Magistère aident passablement à
l'intelligence correcte de la foi et à la promotion d'un légitime pluralisme
dans les limites de cette foi.
74. La
contribution que les religieux et les religieuses, ainsi que les âmes consacrées
en général, peuvent apporter à l'apostolat de la famille trouve son expression
première, fondamentale et originale précisément dans leur consécration à Dieu :
grâce à celle-ci, « ils évoquent aux yeux de tous les fidèles cette admirable
union établie par Dieu et qui doit être pleinement manifestée dans le siècle
futur, par laquelle l’Église a le Christ comme unique époux »
;
cette consécration fait d'eux des témoins de la charité universelle qui, par la
chasteté embrassée pour le Royaume des cieux, les rend toujours plus disponibles
pour se consacrer généreusement au service de Dieu et aux oeuvres d'apostolat.
C'est dire la
possibilité qu'ont les religieux et les religieuses, les membres des Instituts
séculiers ou d'autres Instituts de perfection, à titre individuel ou associés,
d'apporter eux aussi aux familles un certain service, avec une particulière
sollicitude pour les enfants, surtout s'ils sont abandonnés, non désirés,
orphelins, pauvres ou handicapés ; et cela, en visitant les familles et en
prenant soin des malades ; en entretenant des rapports de respect et de charité
avec les familles incomplètes, en difficulté ou désunies ; en proposant
enseignement et conseils pour préparer les jeunes au mariage et aider les
couples dans le problème de la procréation vraiment responsable ; en ouvrant
leurs maisons à l'hospitalité avec simplicité et cordialité, afin que les
familles puissent y trouver le sens de Dieu, le goût de la prière et du
recueillement, l'exemple concret d'une vie vécue dans la charité et dans la joie
fraternelle convenant aux membres de la grande famille de Dieu.
Je voudrais ajouter,
pour les responsables des Instituts de vie consacrée, une exhortation plus
pressante à bien vouloir considérer - toujours dans le respect de l'essentiel de
leur charisme propre et originel - l'apostolat au service des familles comme une
de leurs tâches prioritaires, rendue plus urgente par la situation présente.
75. Une aide
sérieuse peut être apportée aux familles par les laïcs spécialisés (médecins,
hommes de loi, psychologues, assistants sociaux et assistantes sociales,
conseillers, etc.) : soit individuellement, soit engagés en diverses
associations ou initiatives, ils prêtent leur concours pour les éclairer, les
conseiller, les orienter, les soutenir. On peut bien leur appliquer les
exhortations que j'ai eu l'occasion d'adresser à la Confédération des
consulteurs familiaux d'inspiration chrétienne : Votre engagement mérite bien
d'être qualifié de « mission », tant sont nobles les fins que vous poursuivez et
si déterminants, pour le bien de la société et de la communauté chrétienne
elle-même, les résultats qui en découlent... Tout ce que vous parviendrez à
faire pour soutenir la famille est destiné à avoir une efficacité qui, débordant
ses propres limites, atteindra encore d'autres personnes et influencera la
société. L'avenir du monde et de l’Église passe par la famille »
.
76. Une parole
particulière doit être réservée à cette catégorie si importante dans la vie
moderne. On sait bien que les instruments de communication sociale « affectent,
profondément parfois, le psychisme des usagers, tant sous l'aspect affectif et
intellectuel que dans le domaine moral et même religieux », spécialement chez
les jeunes
.
Ils peuvent donc exercer une influence bénéfique sur la vie et sur les habitudes
de la famille comme sur l'éducation des enfants, mais en même temps il cachent
aussi « des pièges et des périls qu'on ne saurait négliger »
,
et ils pourraient devenir le véhicule — parfois habilement et systématiquement
manoeuvré, comme il arrive, hélas, en divers pays du monde — d'idéologies
destructrices ou de visions déformées de la vie, des familles, de la religion,
de la moralité, en ne respectant pas la vraie dignité et le destin de l'homme.
Le péril est d'autant
plus réel que « le style de vie, particulièrement au sein des nations
industrialisées, entraîne souvent les familles à se décharger de leur
responsabilité éducative. La facilité des occasions d'évasion (représentées à la
maison par la télévision et certaines publications) permet d'occuper le temps
libre et les activités des enfants et des jeunes »
D'où « le devoir... de protéger avec soin les jeunes des “agressions” qu'ils
subissent sous l'influence des mass media », en veillant à ce que l'usage de
ceux-ci dans la famille soit réglé avec sagesse. C'est ainsi également que la
famille devrait avoir à coeur de chercher, pour les enfants, d'autres
divertissements plus sains, plus utiles et plus formateurs, au point de vue
physique, moral et spirituel, « pour promouvoir et valoriser le temps libre des
jeunes et mieux orienter leurs énergies »
.
En outre, vu que les
instruments de communication sociale — comme d'ailleurs l'école et le milieu —
ont un impact souvent considérable sur la formation des enfants, les parents
doivent, en tant qu'usagers, prendre une part active dans l'utilisation modérée,
critique, vigilante et prudente de ces moyens, en déterminant leur part
d'influence sur leurs enfants, et dans l'intervention qui vise à « éduquer les
consciences à porter elles-mêmes des jugements sereins et objectifs, qui les
amèneront à accepter ou à refuser tels ou tels des programmes proposés ».
Les parents feront un
effort semblable pour chercher à avoir une influence sur le choix et la
préparation des programmes eux-mêmes, en prenant les initiatives qui conviennent
pour garder le contact avec les responsables des diverses instances de la
production et de la transmission, afin de s'assurer qu'on ne passe pas
abusivement sous silence les valeurs humaines fondamentales qui font partie du
véritable bien commun de la société, et à plus forte raison qu'on ne leur porte
pas expressément atteinte, mais qu'au contraire soient diffusés des programmes
aptes à présenter, dans leur juste lumière, les problèmes de la famille et leur
solution adéquate. A ce propos, mon prédécesseur Paul VI écrivait : « Les
producteurs doivent connaître et respecter les exigences de la famille. Et cela
suppose parfois chez eux un grand courage et toujours un très haut sens de
responsabilité. Ils doivent en effet s'interdire... tout ce qui peut blesser la
famille, dans son existence, sa stabilité, son équilibre, son bonheur ; car
toute atteinte aux valeurs fondamentales de la famille - qu'il s'agisse
d'érotisme ou de violence, d'apologie du divorce ou des attitudes antisociales
des jeunes — est une atteinte au vrai bien de l'homme »
.
Et moi-même, dans une
occasion analogue, je soulignais que les familles « doivent pouvoir compter
largement sur la bonne volonté, la droiture et le sens des responsabilités des
professionnels des mass media : éditeurs, écrivains, producteurs, directeurs,
dramaturges, informateurs, commentateurs et acteurs »
.
C'est pourquoi l’Église aussi a le devoir de continuer à consacrer tous les
efforts voulus à ces catégories de responsables, tout en encourageant et en
soutenant en même temps les catholiques qui se sentent appelés à s'engager dans
ces secteurs délicats et qui en ont les capacités.
77. Un
engagement pastoral faisant plus encore appel à la générosité, à l'intelligence
et à la prudence, selon l'exemple du Bon Pasteur, est nécessaire à l'égard des
familles qui, souvent indépendamment de leur propre volonté ou sous le coup
d'autres exigences de nature diverse, se trouvent devoir affronter des
situations objectivement difficiles.
A ce sujet, il est
nécessaire d'attirer spécialement l'attention sur quelques catégories
particulières qui ont davantage besoin non seulement d'assistance, mais d'une
action plus décisive sur l'opinion publique et surtout sur les structures
culturelles, économiques et juridiques, afin d'éliminer au maximum les causes
profondes de leurs difficultés.
Telles sont, par
exemple, les familles de ceux qui émigrent pour des raisons de travail : les
familles de ceux qui sont astreints à de longues absences comme par exemple les
militaires, les navigateurs, les voyageurs de toute sorte : les familles des
prisonniers, des réfugiés et des exilés ; les familles qui, dans les grandes
cités, vivent pratiquement en marge des autres ; celles qui n'ont pas de
maison ; celles qui sont incomplètes ou ne comportent que l'un des parents ; les
familles qui ont des enfants handicapés ou drogués ; les familles
d'alcooliques ; celles qui sont déracinées de leur milieu culturel et social ou
qui risquent de le perdre ; celles qui souffrent de discrimination pour des
motifs politiques ou pour d'autres raisons ; les familles divisées au plan
idéologique ; celles qui ne parviennent pas à avoir facilement un contact avec
la paroisse ; celles qui subissent la violence ou d'injustes traitements à cause
de leur foi ; celles qui sont composées d'époux encore mineurs ;; les personnes
âgées plus d'une fois contraintes à vivre dans la solitude et sans les moyens de
subsistance qu'il faudrait.
Les familles des
migrants, spécialement lorsqu'il s'agit d'ouvriers ou de paysans, doivent
pouvoir trouver partout dans l’Église une patrie qui soit leur. Il y a là un
devoir naturel pour l’Église, elle qui est signe d'unité dans la diversité. Les
migrants seront assistés autant que possible par des prêtres de leur rite, de
leur culture, de leur langue. Il appartient à l’Église de faire appel à la
conscience des citoyens et à tous ceux qui ont une autorité dans la vie sociale,
économique et politique, afin que les ouvriers trouvent du travail dans leur
propre région et dans leur patrie, qu'ils reçoivent un juste salaire, que les
familles soient le plus tôt possible réunies, qu'elles soient prises en
considération dans leur identité culturelle, qu'elles soient traitées à l'égal
des autres et que leurs enfants aient la possibilité de bénéficier d'une
formation professionnelle et d'exercer leur profession, comme aussi de posséder
la terre nécessaire à leur travail et à leur subsistance.
Un problème difficile
est celui des familles divisées au plan idéologique. Ces cas requièrent une
préoccupation pastorale particulière. Il faut avant tout maintenir, avec la
discrétion voulue, un contact personnel avec de telles familles. Les croyants
doivent être fortifiés dans la foi et soutenus dans leur vie chrétienne. Même si
la partie fidèle au catholicisme ne peut céder, il est nécessaire que soit
toujours maintenu vivant le dialogue avec l'autre partie. Il importe de
multiplier les manifestations d'amour et de respect, dans la ferme espérance de
maintenir fortement l'unité. Cela dépend beaucoup aussi des rapports entre les
parents et leurs enfants. Les idéologies étrangères à la foi peuvent du reste
stimuler les membres croyants de la famille à croître dans la foi et dans le
témoignage de leur amour.
D'autres moments
difficiles où la famille a besoin de l'aide de la communauté ecclésiale et de
ses pasteurs peuvent être : l'adolescence des enfants, agitée, contestataire et
parfois même tumultueuse ; leur mariage, qui les sépare de leur famille
d'origine ; l'incompréhension ou le manque d'amour de la part des personnes les
plus chères ; le fait d'être abandonné par son conjoint ou de le perdre, ce qui
ouvre la porte à la douloureuse expérience du veuvage ; la mort d'un membre de
la famille qui mutile et transforme en profondeur le noyau originel de la
famille.
De même, l’Église ne
peut négliger l'étape de la vieillesse, avec tout ce qu'elle comporte de positif
et de négatif : approfondissement possible de l'amour conjugal toujours plus
purifié et qui bénéficie de la longue fidélité ininterrompue ; disponibilité à
mettre au service des autres, sous une forme nouvelle, la bonté et la sagesse
accumulées et les énergies qui demeurent ; mais aussi solitude pesante, plus
souvent psychologique et affective que physique, à cause de l'éventuel abandon
ou d'une insuffisante attention de la part des enfants ou des membres de la
parenté ; souffrance provenant de la maladie, du déclin progressif des forces,
de l'humiliation de devoir dépendre des autres, de l'amertume de se sentir
peut-être à charge à ceux qui sont chers, de l'approche des derniers moments de
la vie. Voilà les occasions dans lesquelles — comme l'ont suggéré les Pères du
Synode — on peut plus facilement faire comprendre et faire vivre les aspects
élevés de la spiritualité du mariage et de la famille, qui trouvent leur
inspiration dans la valeur de la croix et de la résurrection du Christ, source
de sanctification et de profonde joie dans la vie quotidienne, dans la
perspective des grandes réalités eschatologiques de la vie éternelle.
Dans toutes ces
situations, on n'omettra jamais la prière, source de lumière et de force en même
temps qu'aliment de l'espérance chrétienne.
78. Le nombre
croissant de mariages entre catholiques et autres baptisés requiert par ailleurs
une attention pastorale particulière à la lumière des orientations et des normes
contenues dans les plus récents documents du Saint-Siège et dans ceux que les
Conférences épiscopales ont élaborés, pour en permettre l'application concrète
dans les diverses situations.
Les couples qui vivent
l'expérience d'un mariage mixte présentent des exigences particulières qu'on
peut réduire à trois catégories principales.
Avant tout, il faut
avoir présent à l'esprit les devoirs de la partie catholique qui découlent de la
foi, pour tout ce qui concerne le libre exercice de celle-ci et l'obligation qui
s'ensuit de pourvoir, selon ses propres forces, à ce que les enfants soient
baptisés et éduqués dans la foi catholique.
Il faut tenir compte des
difficultés particulières inhérentes aux rapports entre mari et femme pour tout
ce qui regarde le respect de la liberté religieuse : celle-ci peut être violée
soit par des pressions indues pour obtenir le changement des convictions
religieuses du conjoint, soit par des obstacles qui seraient mis à la libre
manifestation de ces convictions dans la pratique : religieuse.
En ce qui concerne la
forme liturgique et Canonique du mariage, les Ordinaires peuvent faire largement
usage de leurs facilités selon les diverses nécessités.
En traitant de ces
exigences spéciales, il faut tenir compte des Points suivants :
– dans la préparation qui convient à ce type de
mariage, on doit accomplir tout effort raisonnable pour bien faire comprendre la
doctrine catholique sur les qualités et les exigences du mariage, comme aussi
pour s'assurer que n'existeront pas à l'avenir les pressions et les obstacles
dont on vient de parler ;
– il est de la plus grande importance que, avec
l'appui de sa communauté, la partie catholique soit fortifiée dans sa foi et
positivement aidée à en acquérir une compréhension plus mûre et à mieux la
pratiquer, de manière à devenir un vrai témoin crédible au sein de la famille, à
travers la vie et la qualité de l'amour manifesté a l'autre conjoint et aux
enfants.
Les mariages entre
catholiques et autres baptisés présentent, tout en ayant une physionomie
particulière, de nombreux éléments qu'il est bon de valoriser et de développer,
soit pour leur valeur intrinsèque, soit pour la contribution qu'ils peuvent
apporter au mouvement oecuménique. Cela se vérifie en particulier lorsque les
deux époux sont fidèles à leurs engagements religieux. Le baptême commun et le
dynamisme de la grâce fournissent aux époux, dans ces mariages, le fondement et
la motivation qui les portent à exprimer leur unité dans la sphère des valeurs
morales et spirituelles.
Dans ce but, et aussi
pour mettre en évidence l'importance œcuménique d'un tel mariage mixte, vécu
pleinement dans la foi des deux conjoints chrétiens, on recherchera, même si
cela ne s'avère pas toujours facile, une cordiale collaboration entre le
ministre catholique et le ministre non catholique, dès le moment de la
préparation au mariage et des noces.
Quant à la participation
du conjoint non catholique à la communion eucharistique, on suivra les normes
établies par le Secrétariat pour l'unité des chrétiens
.
En diverses parties du
monde, on enregistre un nombre croissant de mariages entre catholiques et non
baptisés. Dans nombre d'entre eux, le conjoint non baptisé professe une autre
religion et ses convictions doivent être traitées avec respect, selon les
principes de la déclaration Nostra ætate du Concile œcuménique Vatican II
sur les relations avec les religions non chrétiennes. Mais dans beaucoup
d'autres cas, particulièrement dans les sociétés sécularisées, la personne non
baptisée ne professe aucune religion. Pour ces mariages, il est nécessaire que
les Conférences épiscopales et les différents évêques prennent des mesures
pastorales adéquates, visant à garantir la défense de la foi du conjoint
catholique et la sauvegarde de son libre exercice, surtout quant à son devoir de
faire ce qui est en son pouvoir pour que les enfants soient baptisés et éduqués
de manière catholique. Le conjoint catholique doit être également soutenu de
toute façon dans son effort pour donner, à l'intérieur de la famille chrétienne,
un témoignage authentique de foi et de vie catholiques.
79. Dans le
soin qu'il a mis à protéger la famille dans toutes ses dimensions — et pas
seulement la dimension religieuse —, le Synode des Évêques n'a pas manqué de
prendre attentivement en considération quelques-unes des situations qui sont
irrégulières au plan religieux et souvent même au plan civil et qui, dans les
changements rapides affectant aujourd'hui les cultures, sont en train, hélas, de
se répandre même parmi les catholiques, avec un sérieux dommage pour
l'institution familiale et pour la société dont elle constitue la cellule
fondamentale.
80. Une
première situation irrégulière consiste dans ce que l'on appelle « le mariage à
l'essai », que beaucoup aujourd'hui voudraient justifier en lui attribuant une
certaine valeur. Qu'il soit inacceptable, la raison humaine le laisse déjà
entendre par elle-même, en montrant combien il est peu convaincant de parler
d'un « essai » quand il s'agit de personnes humaines, dont la dignité exige
qu'elles soient toujours et seulement le terme de l'amour de donation sans
aucune limite, de temps ou autre.
Pour sa part, l’Église
ne peut admettre ce type d'union pour des motifs supplémentaires et originaux
découlant de la foi. D'un côté, en effet, le don du corps dans le rapport sexuel
est le symbole réel de la donation de toute la personne ; une telle donation,
d'ailleurs, dans le dessein actuel de Dieu, ne peut se réaliser dans sa pleine
vérité sans le concours de l'amour de charité donné par le Christ. Et d'un autre
côté, le mariage entre deux baptisés est le symbole réel de l'union du Christ
avec l’Église, union qui n'est pas temporaire ou « à l'essai », mais
éternellement fidèle ; entre deux baptisés, il ne peut donc exister qu'un
mariage indissoluble.
Une telle situation ne
peut normalement être surmontée si la personne humaine n'a pas été éduquée
depuis son enfance, avec l'aide de la grâce du Christ et sans crainte, à dominer
la concupiscence naissante et à instaurer avec les autres des rapports d'amour
véritable. Cela ne s'obtient pas sans une vraie formation à l'amour authentique
et à l'usage correct de la sexualité, capable d'introduire la personne humaine
selon toutes ses dimensions, et donc aussi son corps, dans la plénitude du
mystère du Christ.
Il sera très utile
d'enquêter sur les causes de ce phénomène, même dans son aspect psychologique et
sociologique, pour arriver à trouver une thérapie adéquate.
81. Il s'agit
d'unions qui n'ont aucun lien institutionnel publiquement reconnu, ni civil, ni
religieux. Ce phénomène, toujours plus fréquent, ne peut pas ne pas attirer
l'attention des pasteurs d'âmes, d'autant plus qu'il provient d'éléments bien
divers et qu'en agissant sur eux il sera peut-être possible d'en limiter les
conséquences.
Certains, en effet, se
considèrent comme contraints à cet état par des situations difficiles d'ordre
économique, culturel et religieux, dans la mesure où, en contractant un mariage
régulier, ils seraient exposés à un dommage, à la perte d'avantages économiques,
à des discriminations, etc. Chez d'autres, on rencontre une attitude de mépris,
de contestation ou de rejet de la société, de l'institution familiale, de
l'ordre socio-politique, ou encore la seule recherche du plaisir. D'autres,
enfin, y sont poussés par l'ignorance et la pauvreté extrêmes, parfois aussi par
des conditions de vie dues à des situations de véritable injustice, ou encore
par une certaine immaturité psychologique qui les rend hésitants et leur fait
craindre de contracter un lien stable et définitif. En certains pays, les
coutumes traditionnelles prévoient le mariage proprement dit seulement après une
période de cohabitation et après la naissance du premier enfant.
Chacun de ces éléments
pose à l’Église des problèmes pastoraux ardus, à cause des graves conséquences
qui en découlent, soit au plan religieux et moral (perte du sens religieux du
mariage, conçu à la lumière de l'Alliance de Dieu avec son peuple ; privation de
la grâce du sacrement ; grave scandale), soit même au plan social (destruction
du concept de la famille ; affaiblissement du sens de la fidélité, même envers
la société ; traumatismes psychologiques possibles chez les enfants ;
affirmation de l'égoïsme).
Les pasteurs et la
communauté ecclésiale s'appliqueront à bien connaître de telles situations et
leurs causes concrètes, cas par cas ; ils auront à cœur d'approcher avec
discrétion et respect ceux qui vivent ainsi ensemble ; de s'employer à les
éclairer patiemment, à les reprendre avec charité, à leur donner un témoignage
familial chrétien, autrement dit tout ce qui peut les acheminer vers la
régularisation de leur situation. Par-dessus tout cependant, on fera une oeuvre
de prévention, en cultivant le sens de la fidélité dans toute l'éducation morale
et religieuse des jeunes, en les instruisant sur les conditions et les
structures qui favorisent cette fidélité sans laquelle il n'y a pas de vraie
liberté, en les aidant à mûrir spirituellement, en leur faisant comprendre la
riche réalité humaine et surnaturelle du mariage-sacrement.
Le peuple de Dieu
interviendra aussi auprès des autorités publiques afin que celles-ci, résistant
à ces tendances qui désagrègent la société elle-même et sont dommageables pour
la dignité, la sécurité et le bien-être des divers citoyens, s'emploient à
éviter que l'opinion publique ne soit entraînée à sous-estimer l'importance
institutionnelle du mariage et de la famille. Et parce que, dans beaucoup de
régions, à cause de l'extrême pauvreté découlant de structures économiques et
sociales injustes et inadaptées, les jeunes ne sont pas dans des conditions leur
permettant de se marier comme il convient, il faut souhaiter que la société et
les autorités publiques favorisent le mariage légitime grâce à une série
d'interventions sociales et politiques de nature à garantir le salaire familial,
à prendre des mesures permettant une habitation apte à la vie familiale, à créer
des possibilité adéquates de travail et de vie.
82. Le cas de
catholiques qui, pour des motifs idéologiques ou pour des raisons pratiques,
préfèrent contracter un mariage civil, refusant ou repoussant à plus tard la
célébration du mariage religieux, devient de plus en plus fréquent. On ne peut
considérer que leur situation soit semblable à celle de ceux qui vivent ensemble
sans aucun lien, car il y a au moins un certain engagement dans un état de vie
précis et probablement stable, même si, souvent, la perspective d'un éventuel
divorce n'est pas étrangère à cette décision. En demandant, de la part de
l’État, la reconnaissance publique d'un tel lien, ces couples montrent qu'ils
sont prêts à en assumer aussi les obligations en même temps que les avantages.
Malgré cela, l’Église ne peut pas non plus accepter cette situation.
L'action pastorale
tendra à faire admettre la nécessaire cohérence entre le choix de vie et la foi
que l'on professe, et elle s'efforcera de faire tout ce qui est possible pour
amener ces personnes à régulariser leur situation selon les principes chrétiens.
Tout en faisant preuve à leur égard d'une grande charité et en les amenant à
participer à la vie des diverses communautés, les pasteurs de l’Église ne
pourront malheureusement pas les admettre aux sacrements.
83. Divers
motifs, tels l'incompréhension réciproque, l'incapacité de s'ouvrir à des
relations interpersonnelles, etc., peuvent amener à une brisure douloureuse,
souvent irréparable, du mariage valide. Il est évident que l'on ne peut
envisager la séparation que comme un remède extrême après que l'on ait vainement
tenté tout ce qui était raisonnablement possible pour l'éviter.
La solitude et d'autres
difficultés encore sont souvent le lot du conjoint séparé, surtout s'il est
innocent. Dans ce cas, il revient à la communauté ecclésiale de le soutenir plus
que jamais, de lui apporter estime, solidarité, compréhension et aide concrète
afin qu'il puisse rester fidèle même dans la situation difficile qui est la
sienne ; de l'aider à cultiver le pardon qu'exige l'amour chrétien et à rester
disponible à une éventuelle reprise de la vie conjugale antérieure.
Le cas du conjoint qui a
été contraint au divorce est semblable lorsque, bien conscient de
l'indissolubilité du lien du mariage valide, il ne se laisse pas entraîner dans
une nouvelle union, et s'emploie uniquement à remplir ses devoirs familiaux et
ses responsabilités de chrétien. Alors, son témoignage de fidélité et de
cohérence chrétienne est d'une valeur toute particulière pour le monde et pour
l’Église ; celle-ci doit plus que jamais lui apporter une aide pleine de
sollicitude affectueuse, sans qu'il y ait aucun obstacle à son admission aux
sacrements.
84.
L'expérience quotidienne montre, malheureusement, que ceux qui ont recours au
divorce envisagent presque toujours de passer à une nouvelle union, évidemment
sans cérémonie religieuse catholique. Et comme il s'agit là d'un fléau qui,
comme les autres, s'attaque de plus en plus largement aux milieux catholiques
eux-mêmes, il faut d'urgence affronter ce problème avec la plus grande
sollicitude. Les Pères du Synode l'ont expressément étudié. L’Église, en effet,
instituée pour mener au salut tous les hommes, et en particulier les baptisés,
ne peut pas abandonner à eux-mêmes ceux qui — déjà unis dans les liens du
sacrement de mariage — ont voulu passer à d'autres noces. Elle doit donc
s'efforcer, sans se lasser, de mettre à leur disposition les moyens de salut qui
sont les siens.
Les pasteurs doivent
savoir que, par amour de la vérité, ils ont l'obligation de bien discerner les
diverses situations. Il y a en effet une différence entre ceux qui se sont
efforcés avec sincérité de sauver un premier mariage et ont été injustement
abandonnés, et ceux qui par une faute grave ont détruit un mariage canoniquement
valide. Il y a enfin le cas de ceux qui ont contracté une seconde union en vue
de l'éducation de leurs enfants, et qui ont parfois, en conscience, la
certitude. subjective que le mariage précédent, irrémédiablement détruit,
n'avait jamais été valide.
Avec le Synode,
j'exhorte chaleureusement les pasteurs et la communauté des fidèles dans son
ensemble à aider les divorcés remariés. Avec une grande charité, tous feront en
sorte qu'ils ne se sentent pas séparés de l’Église, car ils peuvent et même ils
doivent, comme baptisés, participer à sa vie. On les invitera à écouter la
Parole de Dieu, a assister au Sacrifice de la messe, à persévérer dans la
prière, a apporter leur contribution aux oeuvres de charité et aux initiatives
de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi
chrétienne, à cultiver l'esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin
d'implorer, jour après jour, la grâce de Dieu. Que l’Église prie pour eux,
qu'elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse, et
qu'ainsi elle les maintienne dans la foi et l'espérance !
L’Église, cependant,
réaffirme sa discipline, fondée sur l’Écriture Sainte, selon laquelle elle ne
peut admettre à la communion eucharistique les divorcés remariés. Ils se sont
rendus eux-mêmes incapables d'y être admis car leur état et leur condition de
vie est en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et
l’Église, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'Eucharistie. Il
y a par ailleurs un autre motif pastoral particulier : si l'on admettait ces
personnes à l'Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et
comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l'indissolubilité du
mariage.
La réconciliation par le
sacrement de pénitence — qui ouvrirait la voie au sacrement de l'Eucharistie —
ne peut être accordée qu'à ceux qui se sont repentis d'avoir violé le signe de
l'Alliance et de la fidélité au Christ, et sont sincèrement disposés à une forme
de vie qui ne soit plus en contradiction avec l'indissolubilité du mariage. Cela
implique concrètement que, lorsque l'homme et la femme ne trouvent pas, pour de
graves motifs — par l'exemple l'éducation des enfants remplir l'obligation de la
séparation, « ils prennent l'engagement de vivre en complète continence,
c'est-à-dire en s'abstenant des actes réservés aux époux »
De la même manière, le
respect dû au sacrement de mariage, aux conjoints eux-mêmes et à leurs proches,
et aussi à la communauté des fidèles, interdit à tous les pasteurs, pour quelque
motif ou sous quelque prétexte que ce soit, même d'ordre pastoral, de célébrer,
en faveur de divorcés qui se remarient, des cérémonies d'aucune sorte. Elles
donneraient en effet l'impression d'une célébration sacramentelle de nouvelles
noces valides, et induiraient donc en erreur à propos de l'indissolubilité du
manage contracté validement.
En agissant ainsi,
l’Église professe sa propre fidélité au Christ et à sa vérité ; et en même temps
elle se penche avec un coeur maternel vers ses enfants, en particulier vers ceux
qui, sans faute de leur part, ont été abandonnés par leur conjoint légitime.
Et avec une ferme
confiance, elle croit que même ceux qui se sont éloignés du commandement du
Seigneur et continuent de vivre dans cet état pourront obtenir de Dieu la grâce
de la conversion et du salut, s'ils persévèrent dans la première la pénitence et
la charité.
85. Je désire
encore ajouter quelques mots en faveur d'une catégorie de personnes que je
considère, à cause des conditions concrètes dans lesquelles elles doivent vivre
— et souvent sans l'avoir voulu —, particulièrement proches du Cœur du Christ et
qui méritent donc affection et sollicitude empressée de l’Église et notamment
des pasteurs.
Il existe en effet dans
le monde un grand nombre de personnes qui malheureusement ne peuvent en aucune
façon se référer à ce que l'on pourrait définir une famille au sens propre. De
larges portions de l'humanité vivent dans des conditions d'extrême pauvreté, où
la promiscuité, le manque de logement, les relations instables et irrégulières,
le défaut complet de culture ne permettent pas, dans la pratique, de pouvoir
parler de famille. D'autres personnes, pour des raisons diverses, sont restées
seules au monde. Pourtant « la bonne nouvelle de la famille » s'adresse aussi à
elles.
En ce qui concerne ceux
qui vivent dans une pauvreté extrême, j'ai déjà parlé de la nécessité urgente de
travailler avec courage afin de trouver des solutions, même au niveau politique,
qui permettent de les aider à surmonter cette condition inhumaine de
prostration. C'est un devoir qui revient, de façon solidaire, à toute la
société, mais d'une manière spéciale aux autorités en raison de leur charge et
donc de leur responsabilité, comme aux familles, qui doivent faire preuve d'une
grande compréhension et d'une volonté d'entraide.
A ceux qui n'ont pas de
famille naturelle, il faut ouvrir davantage encore les portes de la grande
famille qu'est l’Église, laquelle prend un visage concret dans la famille
diocésaine et paroissiale, dans les communautés ecclésiales de base ou dans les
mouvements d'apostolat. Personne n'est sans famille en ce monde : l’Église est
la maison et la famille de tous, en particulier de ceux qui « peinent et ploient
sous le fardeau »
.
86. Vers vous,
époux, vous, pères et mères de famille ; vers vous, jeunes gens et jeunes
filles, qui êtes l'avenir et l'espérance de l’Église et du monde et qui serez, à
l'aube du troisième millénaire, le noyau actif et vital de la famille ;
vers vous, vénérables et
chers Frères dans l'épiscopat et le sacerdoce, chers fils et filles religieux et
religieuses, et vous, âmes consacrées au Seigneur, qui êtes les témoins devant
les époux de la réalité ultime de l'amour de Dieu ; vers vous tous,
hommes au jugement droit, qui à un titre ou un autre vous préoccupez du sort de
la famille, je me tourne avec une ardente sollicitude en achevant cette
exhortation apostolique.
Il est donc
indispensable et urgent que tout homme de bonne volonté s'emploie de toutes ses
forces à sauvegarder et à promouvoir les valeurs et les exigences de la famille.
Je me sens poussé à
demander à ce sujet un effort particulier aux fils de l’Église. Dans la foi, ils
ont une pleine connaissance du merveilleux dessein de Dieu, ils ont donc une
raison de plus de prendre à cœur la réalité de la famille, dans ce temps
d'épreuve et de grâce qui est le nôtre.
Ils doivent aimer la
famille de façon particulière. C'est là une consigne concrète et exigeante.
Aimer la famille
signifie savoir en estime les valeurs et les possibilités, en cherchant toujours
à les promouvoir. Aimer la famille signifie reconnaître les dangers et les maux
qui la menacent afin de pouvoir les surmonter. Aimer la famille signifie faire
en sorte de lui assurer un milieu qui soit favorable à son développement. Et
c'est encore une forme éminente de l'amour que de redonner à la famille
chrétienne d'aujourd'hui, souvent tentée de se décourager ou angoissée par les
difficultés croissantes, des raisons de croire en elle-même, dans ses richesses
de nature et de grâce, dans la mission que Dieu lui a confiée. « Oui, il faut
que les familles d'aujourd'hui se ressaisissent ! Il faut qu'elles suivent le
Christ ! »
.
Les chrétiens ont en
outre le devoir d'annoncer avec joie et conviction la « bonne nouvelle » sur la
famille, laquelle a absolument besoin d'écouter encore et sans cesse et de
comprendre toujours plus profondément les paroles authentiques qui lui révèlent
son identité, ses ressources intérieures, l'importance de sa mission dans la
cité des hommes et dans celle de Dieu.
L’Église connaît la
route qui conduira la famille au coeur de sa vérité profonde. Cette route, que
l’Église a apprise à l'école du Christ et à celle de l'histoire interprétée à la
lumière de l'Esprit Saint, elle ne l'impose pas, mais elle ressent en elle-même
une exigence imprescriptible de la proposer à tous, sans crainte, et même avec
une confiance et une espérance très grandes, tout en sachant que la « bonne
nouvelle » comporte aussi le langage de la croix. Or c'est à travers la croix
que la famille peut atteindre la plénitude de son être et la perfection de son
amour.
Je désire enfin inviter
tous les chrétiens à collaborer, avec cordialité et courage, avec tous les
hommes de bonne volonté qui exercent leurs responsabilités au service de la
famille. Ceux qui se dépensent pour son bien, au sein de l’Église, en son nom et
sous sa conduite, qu'il s'agisse de groupes ou d'individus, de mouvements ou
d'associations, trouvent souvent auprès d'eux des personnes ou diverses
institutions qui oeuvrent pour le même idéal. Dans la fidélité aux valeurs de
l’Évangile et de l'homme, et dans le respect d'un légitime pluralisme
d'initiatives, cette collaboration pourra être favorable à une promotion plus
rapide et plus totale de la famille.
En conclusion de ce
message pastoral qui veut attirer l'attention de tous sur les tâches, lourdes
mais passionnantes, de la famille chrétienne, je désire invoquer maintenant la
protection de la sainte Famille de Nazareth.
En elle, par un
mystérieux dessein de Dieu, le Fils de Dieu a vécu caché durant de longues
années. Elle est donc le prototype et l'exemple de toutes les familles
chrétiennes. Regardons cette Famille, unique au monde, elle qui a vécu de façon
anonyme et silencieuse dans un petit bourg de Palestine, elle qui a été éprouvée
par la pauvreté, par la persécution, par l'exil, elle qui a glorifié Dieu d'une
manière incomparablement élevée et pure: elle ne manquera pas d'assister les
familles chrétiennes, et même toutes les familles du monde, dans la fidélité à
leurs devoirs quotidiens, dans la façon de supporter les inquiétudes et les
tribulations de la vie, dans l'ouverture généreuse aux besoins des autres, dans
l'accomplissement joyeux du plan de Dieu sur elles.
Que saint Joseph,
« homme juste », travailleur infatigable, gardien absolument intègre de ce qui
lui avait été confié, garde ces familles, les protège, les éclaire toujours !
Que la Vierge Marie, qui
est Mère de l’Église, soit également la Mère de l« Église domestique » ! Que
grâce à son aide maternelle, toute famille chrétienne puisse devenir vraiment
une « petite Église » dans laquelle se reflète et revive le mystère de l’Église
du Christ ! Elle qui est la Servante du Seigneur, qu'elle soit l'exemple de
l'accueil humble et généreux de la volonté de Dieu ! Elle qui fut la Mère
douloureuse au pied de la croix, qu'elle soit là pour alléger les souffrances et
essuyer les larmes de ceux qui sont affligés par les difficultés de leurs
familles !
Et que le Christ
Seigneur, Roi de l'univers, Roi des familles, soit présent, comme à Cana, dans
tout foyer chrétien pour lui communiquer lumière, joie, sérénité, force. En ce
jour solennel consacré à sa Royauté, je lui demande que toute famille sache
apporter généreusement sa contribution originale à l'avènement de son Règne dans
le monde, « Règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice,
d'amour et de paix »
vers lequel l'histoire est en marche.
A Lui, à Marie, à
Joseph, je confie toute famille. Entre leurs mains et dans leur cœur, je dépose
cette exhortation : qu'ils vous la remettent eux-mêmes, vénérables Frères et
chers Fils, et qu'ils ouvrent vos cœurs à la lumière que l’Évangile rayonne sur
chaque famille !
A tous et à chacun, en
vous assurant de ma prière constante, j'accorde de grand cœur ma Bénédiction
Apostolique au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Donné à Rome près de
Saint-Pierre, le 22 novembre 1981, solennité du Christ, Roi de l'Univers, en la
quatrième année de mon pontificat.
Joannes Paulus pp. II.


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