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Giuseppe
(Joseph) SARTO, plus connu sous le nom de Pie X, naît en 1835 à Riese,
bourg de 4’500 habitants en Vénétie (Italie). Il est baptisé le
lendemain. Famille pauvre de 10 enfants dont 2 meurent en bas âge,
notamment le premier-né, un Giuseppe dont le second, notre Giuseppe,
héritera du prénom, si bien qu'il sera l'aîné de 8 enfants vivants, avec
6 sœurs et un frère. Son père est un modeste huissier municipal, sa
mère, couturière (quand sa famille lui en laisse le temps). Le curé, don
Fusarini, remarque la piété précoce de Joseph qui, par ailleurs, est le
premier de sa classe. Voyant son désir d'être prêtre, il l'aide pour ses
études secondaires. L'enfant poursuit donc sa scolarité de 1846 à 1850 à
la ville de Castelfranco distante de 7 kilomètres. Chaque matin, il s'y
rend à pieds avec un morceau de pain en poche pour son repas et il
revient le soir. Toujours premier, mais n'ayant pas assez d'argent pour
continuer ses études, il obtient une bourse du patriarche de Venise, lui
aussi originaire de Riese. Il peut donc entrer au séminaire de Padoue en
1850 où il restera 8 ans. La mort de son cher papa en 1852 l'empêcherait
de continuer ses études s'il n'était à nouveau aidé par don Fusarini,
ange consolateur, qui soutient également sa famille au bord de la
misère. Toujours aussi brillant dans ses études, il s'intéresse
spécialement au chant sacré et aux Pères de l'Eglise.
Il est
ordonné prêtre à la cathédrale de Castelfranco le 18 septembre 1858. Son
évêque ne le laisse pas poursuivre ses études théologiques comme il
l'aurait souhaité et le nomme vicaire à Tombolo. C'est un village qui
n'a pas bonne réputation. L'abbé Joseph y vit pauvrement aux côtés d'un
bon curé, en exerçant une grande charité envers les pauvres. Plus tard
il dira que ces années furent les meilleures de sa vie. En 1867, il est
nommé curé de Salzano. Ses sœurs viennent l'aider pour tenir la maison.
Non sans peine, car le jeune curé distribue aux pauvres tout ce qui lui
tombe sous la main. Le choléra de 1873 lui permet de donner toute la
mesure de son dévouement. En 1875, l'évêque de Trévise appelle près de
lui ce curé exceptionnel, le nomme chanoine, lui confie la chancellerie
de l'évêché et la direction spirituelle du séminaire. A la mort de
l'évêque, il est vicaire capitulaire (1879-1880). Dans ce rôle
habituellement de transition, il déploie une vaste activité. Son plus
grand souci est que le peuple soit instruit de la religion, les enfants,
catéchisés et préparés à la première communion.
En 1884
,il est nommé par Léon XIII qui l'a remarqué, évêque de Mantoue. "Il ne
manquait plus que ça!" s'écrit-il dans son humilité, mais le pape
maintient sa décision. Il reçoit la consécration épiscopale le 10 mars
1884. La première année, il ne fait qu'une ordination. Aussi
s'occupe-t-il particulièrement du séminaire, prenant lui-même en charge
les cours de morale et de chant. Les vocations augmentent. Le 12 juin
1893, il est créé cardinal et 3 jours plus tard il est nommé patriarche
de Venise. Mêmes protestations mais en vain. Comme pour Mantoue, il doit
attendre longtemps l'autorisation du gouvernement pour prendre en charge
son diocèse. Entre-temps, il a la douleur de perdre son admirable mère
(2 février 1894). L'acceptation du gouvernement arrive enfin: il a fallu
que le pape promette d'enlever l'Erythrée aux lazaristes français pour
la confier aux capucins italiens (!) Le 14 novembre 1894, le cardinal
Sarto fait une entrée triomphale à Venise. Dans sa Vénétie natale il se
sent chez lui. Il aime marcher le long de la lagune et parler aux gens.
Il encourage les ateliers donnant du travail aux pauvres. Il réorganise
son séminaire, anime les retraites de prêtres et leur impose des
conférences de formation; il combat dans le clergé un esprit
d'indiscipline qui lui fait dire que 30 curés au moins se considèrent
comme des évêques.
Au
conclave qui suit la mort de Léon XIII (20 juillet 1903) c'est d'abord
le Cardinal Rampolla qui rassemble le plus de voix, mais dans un geste
anachronique, l'Autriche oppose son veto, ce qui révolte les cardinaux
(en fait, après la mort de Rampolla, on découvrira – dit-on – des
documents prouvant qu'il était un franc-maçon militant). Finalement, le
cardinal Sarto est élu le 4 août 1903. Plus que jamais, il se sent
incapable d'assumer cette responsabilité écrasante mais il finit par
accepter cette charge comme une croix. Il choisit le nom de Pie en se
référant aux saints pontifes "qui ont honoré ce nom par leurs vertus et
qui ont défendu l'Eglise avec force et douceur". Il fait preuve en effet
d'une grande fermeté car il réfléchit longuement avant d'agir mais,
comme le note son secrétaire d'état le cardinal Merry del Val, une fois
qu'il a vu clair et que sa décision est prise, il abat le poing sur son
bureau et dès lors rien ne saurait le faire changer; son blason ne
représente-t-il pas une ancre sur une mer agitée? Sa devise: "Omnia
instaurare in Christo": Tout restaurer dans le Christ (cf. Eph. 1,10).
Dès la première année, il veille à restaurer le chant sacré, notamment
en le simplifiant. Il dit: "Je veux que mes enfants prient sur de la
beauté." Le grégorien retrouve sa première place. De même, dès le début
de son pontificat, il entreprend de simplifier le Droit canon et le
dédale de ses lois séculaires. En 1905 le gouvernement anti-clérical
français confisque tous les biens de l'Eglise et interdit aux clercs,
religieux et religieuses d'enseigner et de soigner dans les hôpitaux.
Pie X refuse le compromis des "associations cultuelles" qui seraient
établies sans consultation préalable avec le Saint-Siège: douloureuse
décision à prendre pour le pape car il sait que ce refus prive l'Eglise
de toutes ressources matérielles. Néanmoins à la longue sa fermeté est
payante: en 1908 il pourra se féliciter que tous, des prélats aux
fidèles, ont "écouté la parole du Pape comme la parole même de Dieu." En
1907, il s'en prend au "modernisme" qui menace la foi à l'intérieur de
l'Eglise. Le saint-Office publie le décret "Lamentabili" concernant 65
propositions fausses sur l'inspiration et l'historicité des Livres
saints, etc. Puis la même année le pape fait une critique de cette
tendance dans l'encyclique "Pascendi". Le fondement du système
moderniste est une philosophie inavouée mais diffuse qui par son
agnosticisme annule toute démonstration à base rationnelle sous prétexte
d' "immanence vitale". En 1910 le décret "Quam singulari" oblige les
prêtres à proposer la communion (avec confession préalable) aux enfants
dès l'âge de raison : mesure "prophétique"! En 1911 il réforme et
simplifie le bréviaire devenu trop lourd, surtout pour les prêtres
chargés de ministère. Quant à la refonte définitive du droit canon, ce
travail énorme ne sera conclu qu'après la mort du Pontife par la
parution du nouveau Code (1917), mais tout le mérite en revient à Pie X.
Avec une
certitude de prophète, dès 1906, saint Pie X voit approcher les horreurs
de la Grande Guerre, où l'Europe de tradition chrétienne va se plonger
dans un combat fratricide. Malgré ses efforts, notamment auprès du
catholique empereur François-Joseph qui ne répond pas à une longue
lettre, la guerre éclate (août 1914). Il lui reste à peine un mois à
vivre. On l'entend qui implore: "Seigneur prenez ma misérable vie, mais
arrêtez le massacre de tous mes enfants." Il souffre spécialement à la
pensée que des prêtres s'affrontent sur le champ de bataille. Dans une
dernière tentative, il écrit une lettre aux catholiques du monde (2
août). Désormais, il apparaît aux yeux de tous comme figé par cette
épouvantable tragédie, laquelle, avec le poids de sa charge, finit par
avoir raison de sa robuste constitution. Il attrape une bronchite et
meurt le 19 août 1914.
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